Déterminants possessifs

De Arbres

Ce qu'on appelle communément des pronoms possessifs en breton n'en sont pas: ils ne remplacent jamais le nom. Ce sont en fait des déterminants possessifs, que l'on trouve devant le nom comme les articles.

Les déterminants possessifs apparaissent en breton devant le nom, ou le pronom anaphorique hini / re


ma hini vras, 'ma grande'
ma hini, 'la mienne'
ma merc'h, 'ma fille'


Morphologie

Les déterminants possessifs ne portent pas l'accent et Le Gléau (1973:17) les appelle les 'pronoms simples atones'.

Syntaxe

Le déterminant possessif est situé directement devant le nom de l'entité possédée.

traits

Le déterminant possessif s'accorde en genre et en nombre avec les traits du possesseur (contra Hingant 1995:§60).

Il ne s'accorde pas avec les traits du possédé, ce qui est contraire au système français, mais semblable au système anglais:

sa tasse (à lui ou à elle), son chapeau (à lui ou à elle)
her mug 'son mug à elle' vs. his mug, 'son mug à lui'.


Il n'y a pas dans les paradigmes des déterminants possessifs de marque de l'impersonnel. Pour co-référer avec un impersonnel, c'est la marque 3SGM ou 2PL qui est choisie (Kervella 1995:§431).

Dans la construction réfléchie en unan, lorsque le pronom est impersonnel, à, l'endroit où apparaît normalement le déterminant possessif, c'est un article défini qui apparaît.


(2) Goulenn a reer ouzoc'h an-unan ha n'eo ket an anv-ze eun distresadur [...]
demande R fait.IMP P.IMP DET-1 C NEG est NEG DET nom-ci DET transformation
‘On se demande si ce nom n'est pas une transformation.’
léonard (Kleder), Seite (1998:88)


Leclerc (1986:135) souligne quelques tournures qui utilisent un pronoms possessif en français mais pas en breton (an nesan pour 'son prochain'). C'est encore l'article défini qui apparaît.


Il n'y a pas non plus dans le paradigme des déterminants possessifs de pronom marquant l'inanimé.


Contrairement aux structures similaires en français, un déterminant est possessif même lorsque le sujet de la phrase coréfère.


  • droug am eus d'am gar.
'J'ai mal à la jambe', tréguier, Leclerc (1986:135)
  • Pêr a ra e zod.
'Pierre fait le fou.', tréguier, Leclerc (1986:135)


focalisation

La focalisation d'un déterminant possessif est marquée par la présence d'un pronom écho:

(1) da1 di bras-te
2SG maison grande-2SG , standard, Kervella (1995:§432)


composition

Le déterminant possessif apparaît à l'intérieur du composé formant le réflexif.

On le trouve aussi dans différents composés, tel qu'en (2) et (3), ou dans des prépositions fléchies complexes.


(2) o-unan-penn e oant chomet eno.
POSS.3PL-1-tête R étaient restés y
'Ils/elles y étaient restés seul.e.s.'
standard, Kervella (1995:§436)


(3) hag int o-daou d'en herzel ag er Baradoez.
& 3PL POSS.3PL-deux P 3SG chasser P DET paradis
'... et ils le chassent (Mathurin) hors du paradis.'
vannetais, Ar Meliner (2009:175)


Sémantique

Le déterminant possessif peut référer au locuteur ou à l'interlocuteur, auquel cas il trouve son référent directement dans le contexte d'énonciation. Dans le cas des possessifs de troisième personne, le déterminant possessif coréfère avec un antécédent. En (1), le déterminant possessif est lié par un quantifieur. Sa référence est donc une variable (ci-dessous, pour chaque valeur de pep hini, le déterminant possessif prend cette même valeur).


(1) Pep hini e-neus e si.
chaque N 3SGM a POSS.3SGM défaut trégorrois, (Gros 1984:219)
'à chacun son défaut.'


Paradigme interdialectes

(1) 1SG ma2 / va2
2SG da1 / ha / te
3SGM e1 , hen, her, hel
3SGF he2, hec'h+V
1PL neu / hom / hon, hol, hor5, hoc'h+V
2PL ho3
3PL o2


homophonie?

A noter que la marque de genre de 3SG en breton est décelable dans :

(i) la mutation particulière provoquée sur le mot qui suit
la lénition notée '1', et la spirantisation notée '2'
(ii) le sandhi provoqué par une préposition gant ('avec') préposée
gant e vab : 'avec son fils (à lui)'
vs. gant he mhap: 'avec son fils (à elle)'


La marque de nombre entre 2PL et 3PL est, elle décelable avec le même sandhi, ou bien par la différence entre la mutation durcissante notée '3' et la spirantisation, notée '2'.

paradigmes dialectaux

L'ALBB fournit de nombreuses indications de la variation de réalisation des déterminants possessifs selon les dialectes.

 1SG: 
   carte 172: 'ma main' 
   carte 572: 'mon père'
   carte 573: 'à mon père' 
   carte 41: 'mon frère' 
 2SG: 
   carte 173: 'dans ta main' (avec des fluctuations de vouvoiements)
   carte 219: 'tes chèvres' (avec des fluctuations de vouvoiements)
 3SG:
   carte 174: 'sa main (à lui, à elle)'
   carte 324: 'le sien (à lui)', 'le sien (à elle)'
 1PL:
   carte 325: 'le nôtre'
   carte 584: 'notre maison'
 2PL
   carte 325: 'le vôtre' (voir aussi les vouvoiements de 2SG)
 3PL
   carte 325: 'le leur'
   carte 175: 'leurs mains'
 

Leon

(2) 1SG va
2SG da1
3SGM e1
3SGF he2
1PL hon, hol, hor5
2PL ho3
3PL o2


(3) Ma ne vefe ket bet va breur, em befe faoutet ho kokenn deoc'h ho-taou.
Si NEG était NEG été POSS.1SG frère R.1SG aurait fendu POSS.2PL cafetière à.2PL POSS.2PL 2
'Si ce n'avait pas été mon frère, je vous aurai fendu la cafetière à tous deux.'
Treger (Kaouenneg)/standard, ar Barzhig (1976:48)


Trégor

(1) 1SG ma2
2SG da1
3SGM e1
3SGF he2
1PL hom / hon
2PL ho3
3PL o2


Vannetais

(1) 1SG ma2, man, mam, mem
2SG da1 / ha / te
3SGM e1 , hen, her, hel
3SGF he2
1PL neu / hom / hon, hol, hor5
2PL ho3, hou
3PL o2


(1) mam boufam ha me
POSS.1SG femme & 1SG
'ma femme et moi.' vannetais, Ar Meliner (2009:178)


(2) 'Dait Marivonn, dait du-mañ, pandeogwir n'am doug ket mui man divhar betagoc'h-c'hwi.'
Venez Maryvonne, venez P-ici, puisque NEG 1SG porte NEG plus POSS.1SG 2.jambe jusqu'à.2PL-2PL
'Viens Maryvonne, viens ici puisque mes jambes ne me portent plus jusqu'à toi.'
vannetais, Ar Meliner (2009:113)


(3) me zou milén mem bléu
1SG est jaune ma chevelure
J'ai les cheveux blonds'.'
vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:138)


(z) Chetu petra en des laret hou mam
voici quoi 3SG.M a dit POSS.2PL mère
'Voici ce qu'a dit votre mère.' vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:90)

Proclitiques objets?

Les déterminants possessifs et les pronoms objet proclitiques sont souvent dits semblables (cf. Le Roux 1957:44, Kervella 1995:§430).

Il existe en fait des différences syntaxiques entre les deux paradigmes.


Terminologie

C'est sous le terme de 'pronoms possessifs' qu'ils sont référencés dans Trépos (2001:§220).

On les trouve sous le terme 'd'adjectifs possessifs' dans Hingant (1995:§60), Favereau (1997:§249) ou Chalm (2008) (anv-gwan perc'hennañ).