Déictiques et cadre énonciatif

De Arbres

Les éléments déictiques sont calculés à partir du cadre d'énonciation.

Le cadre d'énonciation comprend quatre paramètres: le locuteur, l'interlocuteur, le temps et l'espace de l'énonciation. Chaque nouvelle phrase a un nouveau cadre d'énonciation.

En (1), les deux marques d'accord sont déictiques car elles réfèrent à l'interlocuteur de A (emaout) et au locuteur B (emaon). Les adverbes déictiques spatiaux amañ et aze sont aussi déictiques car on ne peut calculer leur référence qu'en calculant à partir de la location du locuteur. Dans le dialogue entre A et B, le même point dans l'espace est modérément éloigné de A (aze) et coïncide exactement avec B (amañ).


(1) A : Aze 'maout? B  : Ya ! Amañ/*aze emaon!
es Ouais ici/*là suis
- Tu es là ? - Ouais ! J'suis là!' Madeg (2013:7)


Les déictiques sont tous les éléments qui ne peuvent pas être compris, calculés, sans être informé de leur cadre d'énonciation. s'opposent aux éléments anaphoriques dont la référence est indépendante du cadre d'énonciation. Ils sont, eux, éclairés par le co-texte. Ce sont typiquement les pronoms de troisième personne. Ils s'opposent aussi aux expressions référentielles, qui sont intrinsèquement liées à leur référent dans le monde, comme les noms propres.


Inventaire

Les éléments déictiques sont:

warlene, 'l'année passée'; bremañ, 'maintenant'; hiziv, 'aujourd'hui'; fenoz, 'ce soir'; warc'hoazh, 'demain'...
statiques: amañ 'là', aze 'ici', ahont 'là-bas'
dynamiques: alemañ 'de là', aleze 'd'ici', alehont 'de là-bas'
a-gleiz 'à gauche', a-zehou 'à droite'
  • le présent d’énonciation (et les temps calculés à partir du temps d’énonciation)
  • les appellatifs comme mammig, merc'h, paotr que l'on n'utilise qu'au vocatif
  • les adjectifs évaluatifs ou émotifs, dont l'expérienceur est le locuteur ou l'interlocuteur.


Syntaxe

Certains verbes de mouvement favorisent l'usage de déictiques (partir), mais ce n'est pas systématique (L'Italie l'ennuyait, elle voulait en partir).


Stylistique

usage déictique d'expression référentielles

Les noms propres ou les groupes nominaux lexicaux comme ar plac'h, ar paotr ne sont pas canoniquement déictiques: ce sont des expressions référentielles; elles réfèrent donc de façon indépendante. Cependant, certaines tournures stylistiques les rendent déictiques en forçant une lecture 1SG.


(1) Ha fatiket ar plah!
et évanoui le fille
'Et voilà la fille (et me voilà) évanouie!'
Trégorrois, Gros (1984:161)


 Gros (1984:160):
 "Le trégorrois parlé, toujours facétieux, aime à remplacer Je ou Moi par un prénom qui évoquait autrefois une personne simplette et cela, pour se moquer de sa propre sottise ou de quelque mésaventure personnelle."


En (2), il est remarquable que la locutrice n'a pas à s'appeler réellement Jenovefa. Il ne peut cependant s'agir d'un garçon.


(2) Ha Jenovefa da harmad evel eun inosantez!
et Geneviève de1 pleurer comme un sotte
'Et Geneviève (moi) de pleurer comme une sotte!'
Trégorrois, Gros (1984:161)


(2) Ha Fañch war e benn er mor!
et François sur son1 tête dans.le mer
'Et voilà François (et me voilà) précipité dans la mer!'
Trégorrois, Gros (1984:160)


Terminologie

Dans l'histoire de la stylistique et de la linguistique, les déictiques ont aussi été appelés embrayeurs (Jakobson) ou indices, indicateurs (Benveniste). Il a existé une confusion terminologique entre les démonstratifs et les déictiques, les deux termes étant parfois utilisés comme synonymes. Les démonstratifs ne sont cependant pas déictiques en soi, ils ont des usages déictiques prototypiques (Sell, ar sae-se faote dezhañ kaout) mais aussi des usages anaphoriques Anavezet poa Anna. Hounnezh a ouie kanañ).