Construction du faux sujet

De Arbres

La construction dite du faux sujet est une structure qui débute par un groupe nominal qui ressemble au sujet sous certains aspects syntaxiques, mais n'est pas le sujet de la phrase.


(1) Hamon a oa sant Alar gant war ar c'hleuz en noz (...)
Hamon R était Saint Alar avec.lui sur le5 talus dans.le nuit
'Hamon était sur le talus la nuit avec Saint Eloi à ses côtés.' Léon (Laneviec), Mellouet & Pennec (2004:57).


Cette structure est caractérisée formellement par un syntagme nominal 'pivot' en zone préverbale qui co-réfère avec un élément pronominal dans le reste de la phrase. Elle est étudiée dans Woolford (1991) et Jouitteau (2005), et particulièrement dans Hendrick (1988), Urien (1989a), et Rezac (2011, 2013).


Propriétés syntaxiques

le syntagme pivot

Selon Gourmelon (2014:98), le syntagme pivot est le plus souvent animé. On trouve cependant de nombreux exemples où le pivot est un inanimé.


modification et cas

Le syntagme pivot est toujours au cas direct. Il peut être modifié.


(3) Al labourer douar, a-benn ma vez hanter-kant vloaz, a vez friket e gorf gand al labour.
le travaill.eur terre, quand que4 est moitié-cent1 an R est brisé son1 corps avec le travail
'Le cultivateur, quand il arrive à cinquante ans, a le corps brisé par le travail.'
Trégorrois, Gros (1984:53).


différences avec un sujet

Rezac (2013) note qu'à la différence du sujet canonique d'un verbe transitif, le pivot ne déclenche pas l'auxiliaire kaout 'avoir', et ne force pas la forme emphatique des réfléchis (condition A).


distribution: préverbal ou postverbal

haut en périphérie gauche

Le pivot de la construction du faux sujet peut être relativement haut dans la zone préverbale. En (1), le pivot est en position de topique suspendu. Il est séparé du rannig par une pause prosodique et une proposition circonstancielle.


(1) Me, [ evel m'am bez evet un dakenn win ], e lamm ar gwad dioustu em fenn.
Moi, comme que R.1SG ai bu un goutte vin, R saute le sang tout.de.suite dans.mon2 tête
'Moi, dès que je bois une goutte de vin, le sang me saute tout de suite à la tête.'
Trégorrois, Gros (1984:55).


en enchâssée

Il se rencontre aussi assez bas pour être en enchâssées, ici après le complémenteur déclaratif penaos (Rezac 2013).


  • Pa welas ar jeant kement-se, e voe anat dezhañ penaos e enebour a oa a-du gant unan bennak galloudus-bras...
'Quand le géant vit cela, il lui devint clair que son ennemi avait un allié très puissant'
Trégorrois (Plouaret), An Uhel (1984:127), cité dans Rezac (2013)
  • Ar pez a zo diarvar eo penaos ar c'haz du a zo e vicher dizolei ar c'huziadennou.
'Ce qui ne fait pas de doute est que le chat noir a pour tâche de découvrir les cachettes.'
Léon (St Thégonnec), Kerrien (2000:40), cité dans Rezac (2013)


postverbal dans les structures actives

Le pivot est souvent préverbal, mais peut aussi être postverbal.


(1) Ma oa unan bennak diaes e spered, me oa hennezh. Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:118)
si4 était un quelconque difficile son1 esprit moi était celui.ci
'Si quiconque était tourmenté, c'était moi.'


(2) Emañ ar vugale en-dro dezañ mall ganto gweled ar Mabig bïan... Léon, Seite & Stéphan (1957:55)
est le1 enfants autour de.lui hâte avec.eux voir le fils.DIM petit
'Les enfants autour d'elle (la crèche) ont hâte de voir le petit Jésus.'


(3) Mar deus tud hag a zo inouus, [...], ez eus lod all
si y.a gens que R est ennuyeux R y.a partie autre
eur blijadur tremen ganto eun eur pe ziou.
un1 plaisir passer avec.eux un heure ou deux
'S'il y a des gens qui sont ennuyeux, il y en a d'autres avec qui c'est un plaisir que de passer une heure ou deux.'
Abeozen (1943:110).


Hendrick (1988:84), suivi de Woolford (1991:524), notent que le pivot des constructions du faux sujet ne peut pas être postverbal dans les structures passives.


(4) Yann a zo bet sentet out gant ar vugale.
Yann R1 est été obéi à.lui avec le 1enfants
'Yann a été obéi des enfants.' Hendrick (1988:84)


(5) Sentet a zo bet (* Yann) out gant ar vugale.
obéi R1 est été à.lui avec le 1enfants
'Yann a été obéi des enfants.' Hendrick (1988:84)


A travers les dialectes, et les structures, il existe d'autres restrictions à découvrir.


(6) Daouchte (Anna) a yoa (* Anna) foug en enni o fichañ al loa pe daouchte hureet am eus?
est-ce Anna R était Anna fierté dans dans.elle à4 brandir le cuillière ou est-ce rêvé R.1SG a
'Est-ce que Anna a fièrement brandi la cuillière ou est-ce que je l'avais inventé?'
Léon (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)

le pronom co-référent

inventaire des pronoms

L'élément co-référent doit absolument être de type pronominal. Comme le note Urien (1989a:211), l'élément co-référent ne peut jamais être ni un déterminant, ni un démonstratif (ar plac'h-se, houmañ). Le pronom co-référent peut être un déterminant possessif, un pronom objet ou le pronom objet incorporé d'une préposition.


(1) Honnezh a zo vif an dro anezhi.
celle.là R est vif le 1tour P.elle
'Elle a la riposte prompte.' Trégorrois, Gros (Gros (1970:'tro'.6)


(2) Ar roué a deue mall d’ezan da sklerijenna e letern ha da ziskouez e c’hoant.
le roi R1 venait impatience à.lui de1 éclairer son1 lanterne et de1 montrer son1 envie
'Le roi piaffait d'éclairer sa lanterne et d'exprimer son désir.'
Krog (1924), cité dans Ar C’hog (1983:10)


pronoms vides

Le pronom co-référent peut être un pronom vide exactement dans les mêmes restrictions qu'ailleurs dans la langue. Dans le cas des prépositions de type e-barzh, 'dedans', son pronom anaphorique objet peut ne pas être prononcé.


(3) Plad Sant Alar, e poent ma veze bouchoù bihan hennezh, a veze traoù e-barzh _
plat Saint Eloi dans moment que4 était poulains petit celui.ci, R1 était choses dedans
'A l'époque des poulains, le plat de saint Eloi, il était bien garni.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:58).


(4) Va dourn kleï 'di va stamm ganeoñ e-bard _.
mon main gauche est mon tricot avec.moi dans _
'Mon tricot se trouve dans ma main gauche.' Sein, Kersulec (2016:26)


Urien (1989:211) propose (5) comme un exemple d'objet vide en construction du faux sujet. Cependant, la possibilité de pronom vide objet d'un verbe reste une question car la langue autorise indépendamment l'ellipse de l'objet, et le mouvement focal de celui-ci.


(5) Evit ar re-mañ a rankomp da gas _ d'ar bed all.
pour le ceux-ci R devons de1 envoyer ø à le monde autre
'Puisque nous devons envoyer ceux-ci dans l'autre monde.'
Breton du Léon, Inizan (1977:205) EMG., cité dans Urien (1989:211)


Le pronom co-référent peut aussi être le pronom vide PRO sujet d'une infinitive, comme dans la causative en (6).


(6) Eur brezoneg hag a vije dipituz [ lezel [ _ da vond [ da hesk ]]].
un bretonx que R1 serait dommage laisser PROx à1 aller à1 tari
'Un breton qu’il serait dommage de laisser tarir.' Naig Rozmor, introduction de Ar Vastardez, par Lagadec


pronom sujet lui-même?

Selon Urien (1989:211), le pronom co-référent peut aussi être un pronom sujet incorporé à l'accord verbal. Cependant, dans les cas où le pivot coréfère avec un morphème d'accord verbal, ce pivot doit être très éloigné du pronom co-référent.


(7) Toud ar rehier ... a lavarfed ez int bet savet gwechall...
tous le rochers ... R dirait.IMP R sont été dressés autrefois
'Tous les rochers ... on dirait qu'ils ont été dressés autrefois.'
Léon (Guiclan), Miossec (1978:55), cité dans Urien (1989:211)


Il est plus probable qu'il s'agisse d'un fait de résomption associé à un topique. Si c'est bien le cas, alors la construction du faux sujet ne peut pas utiliser de pronom sujet comme pronom co-référent. Cela n'explique pas les cas comme en (4), où l'accord est optionnel.


(4) Bevañ a reomp ur poent hag ar vugale a hoar/e houezont en em zervicha gwelloc'h it o zud gant an ordinateur.
vivre R1 faisons un temps que le1 enfants R1 sait/savent se1 servir mieux que leur2 parents avec le ordinateur
'Nous vivons un temps où les enfants savent plus des ordinateurs que leurs parents.'
Léon (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


distribution

Un seul syntagme nominal 'faux sujet' peut coréférer avec plusieurs pronoms.


(1) Youenn, ma ne oa ket pounner samm ar bloavezhiou war e chouk,
Youenn C ne était pas lourd poids le années sur son1 cou/dos
na pounner bec’h ar rebechou war e goustians,
ni lourd charge le reproches sur son1 conscience
ne oa ket kennebeut kalz pounneroc’h pouez an aour en e yalc’h louedet.
ne était pas non.plus beaucoup lourd.plus poids le or dans son1 bourse grise
'Le dos de Youenn n'était pas écrasé sous le poids des années, ni sa conscience sous le poids des reproches, ni non plus beaucoup sa bourse grise sous le poids de l'or.'
Crocq (1924), cité dans Ar C’hog (1983:10)


La construction du faux-sujet est compatible avec la dislocation à gauche du sujet.


(3) Me, [ ma daoulagad ] am-eus poan enno.
moi mon2 2-œil R.1SG a mal dans.eux
'Moi, j'ai mal aux yeux.' Trégorrois, (Gros 1984:137)


La dislocation à gauche du faux sujet est aussi possible, apparemment sans interférence.


(4) An dostenn-ze, honnez a zo peg he hrohenn ouz he hein.
le avare- celle.là R est collé son2 peau à son2 dos
'Cette avare-là, celle-là a la peau collée au dos.' Trégorrois, (Gros 1984:137)

distance pivot-pronom

La distance entre le pivot et son pronom coréférent peut être considérable. Dans la structure passive en (1), le verbe lexical et le sujet interviennent entre le pivot et son pronom coréférent.


(1) Mona a zo bet lennet ul lizher dezhi gant Yannig.
Mona R1 est été lu un livre à.elle avec Yannig
'Mona, il lui a été lu une lettre par Yannick.' Hendrick (1988)


En (2), c'est le prédicat qui intervient entre les deux.


(2) Te a zo bet re hir da fri, dalc’hmat.
toi R est été trop long ton1 nez toujours
'Tu as toujours été trop curieux.' Standard, Drezen (1990:75)


Le pronom anaphorique peut être situé au loin, enfoncé dans deux niveaux d'enchâssement (Rezac 2013:357).


(2) Emaoc'h o tanzen sammañ war ho chouk ur bec'h [ CP a c'hallfe bezañ [ CP ne vefec'h ket evit]].
êtes.vous à4 préparer charger sur votre3 cou un charge R1 pourrait être ne seriez pas P.lui
'Vous vous préparez à vous mettre sur le dos une charge qu'il se peut que vous ne puissiez pas assumer.'
Standard, Dupuy (2007:23).


  • Ar ganevedenn, [...], a deu en eun taol-kont [ kement liou a zo warni ] da veza flamm kenañ.
'Chaque couleur de l'arc-en-ciel resplendit d'un coup.', Léon (Guiclan), Miossec (1987), cité dans Rezac (2013)


le verbe

Rezac (2013) relève des structures intransitives, des passifs impersonnels, des inaccusatifs, des structures prédicatives équatives (ar yezh a zo anezhi ur bed), mais aussi des verbes transitifs.


(1) Va hoar-gaer Margrid he-doa he c'hoar dimezet gand eul labourer er porz... Plouzane, Briant-Cadiou (1998:189)
mon2 soeur-1beau Marguerite avait mon2 soeur marié avec un travailleur dans.le port
'La soeur de ma belle-soeur Marguerite avait marié un docker...'


La construction dite du faux sujet supporte aisément la mise au passif.


(2) Honnez n'eo ket roet he zeod dezi da lipad mogeriou.
celle.ci ne'est pas donné son2 langue à.elle pour1 lécher murs
'Sa langue ne lui a pas été donnée pour lécher les murs (mais bien pour bavarder).' Trégorrois, Gros, (1984:152)

la proposition

La proposition qui modifie le pivot peut être un domaine CP, matrice ou enchâssée, ou bien une petite proposition.


Structure informationnelle

Selon Ar Merser (2009:546), le pivot est, dans ces constructions, "mis en relief". Selon Gourmelon (2014:98), les pivots animés portent l'information nouvelle de la phrase.


expressions idiomatiques

La construction du faux sujet est communément utilisée dans les expressions idiomatiques:


(4) Honnez a zo peg ar hrohen ouz he hein.
celle.ci R est collé le peau P son2 dos
litt. 'Elle a la peau collée au dos.' > 'Elle est avare.'
Le Berre & Le Dû (1999:55)


(5) Homañ a zo dir war he bizaj.
celle.là R est acier sur son2 visage
litt. 'Elle a de l'acier sur le visage.' > 'Elle est effrontée, elle a toute les audaces.'
Le Berre & Le Dû (1999:56)


pas toujours des topiques

quantifieurs en pivot

Le 'pivot' peut être un quantifieur, ce qui exclut qu'il soit dans ces phrases un topique (Rezac 2013:357).


(4) Da Sadorn, poent lein maread zo echu o sizhun ganto
à1 samedi temps déjeuner beaucoup (R1) est fini leur2 semaine avec.eux
'Le samedi, à midi, beaucoup ont fini leur semaine.' Léon, Mellouet & Pennec (2004:182).


(5) Holl e oa buket o daoulagad ouzh Yann [...].
tous R4 était pointé leur2 yeux sur Yann
'Le regard de tous était pointé sur Yann [...].' Standard, Dupuy (2007:32).


  • rak nep piv bennak a lazhe ur bleiz a veze roet dezhañ un tamm arc'hant.
'car il était donné quelque argent à qui tuait un loup.', Ar Gow (1955), cité dans Rezac (2013)


Variation dialectale

La construction du faux sujet est représentée dans tous les dialectes. Voir, entre autres, Guillevic & Le Goff (1986:138) en vannetais, Le Clerc (1986:63,fn1) en trégorrois, Fave (1998:48-52) en Léonard.


(1) Ma zud a zo noz a pa zegouezhont.
mon2 gens R est nuit quand1 arrivent
'Il fait nuit quand mes hommes arrivent.' Vannetais, Herrieu (1974:112)


(2) Hounne 'di an tan en he reor.
celle.ci est le feu dans son1 cul
'Celle-là a le feu aux fesses.' Sein, Kersulec (2016:26)


Cependant, les dialectes (et les locuteurs!) varient dans leur utilisation de cette structure, ainsi que dans le rannig qui y est utilisé.


rannig associé

Selon, la très prescriptive Académie bretonne (1922:290), le rannig a est "préférable dans la construction à deux sujets", ce qui laisse entrevoir une variation réelle.

Selon Fave (1998:51), le rannig a1 est toujours utilisé dans la construction du faux sujet en Léon, sauf pour les deux premières personnes des verbes beza 'être', et mont 'aller'. Miossec (1980:70), lui, utilise le rannig a1 même à la première personne plurielle de la copule eo.


(1) Ar gambr a 'z om resevet enni a zo eur gambr vihan.
le1 chambre R 'z sommes reçu dans.elle R est un 1chambre 1petite
'La chambre dans laquelle nous sommes reçus est petite.' Léon, Miossec (1980:70)


En bas-vannetais, c'est le rannig a1 qui est utilisé (sous sa forme /ǝ/1).


(2) [ ənani zi fɛrm jəst etaldaɲ ]
an hini zo e ferm just etaldin
le celui (R) est son1 ferme juste à.face.à.moi
'Celui dont la ferme est juste à côté de moi.'
Bas-vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:106)


Fave (1998) signale des constructions du faux sujet avec eo, donc plausiblement le rannig e4 en Trégor. C'est vérifié à Perros-Guirrec.


(3) Bara debret eo diaes e baieañ. Trégorrois (Perros-Guirrec), Konan (2017:'bara')
pain mangé est difficile le1 payer
'Il est dur de payer ce qui a déjà été consommé.'


Pour le trégorrois Le Roux (1957), il y a alternance:


 «SO est la forme est la forme relative employée quand le sujet précède… 
 Parfois par une sorte d’attraction cette forme est employée dans les cas où on attendrait EZ EO, comme si le mot qui précède était sujet». 


On trouve aussi des constructions du faux sujet avec eo ou ez eus dans Drezen (langue standard).


(4) Te a zo re domm da vro.
toi est trop1 chaud ton1 pays
'Ton pays est trop chaud.' Standard, Drezen (1932:6)


Mais:

(5) Va bro-me eo ho Kastilha Gozh ur gouelec’h krin ha kras en he c’heñver.
mon2 pays-moi est votre3 Castille Vieille un désert aride et desséché à son2 encontre
'Mon pays à moi, votre Vieille Castille est un désert aride et desséché à côté.'
Standard, Drezen (1990:30)


(6) E c’hourlanchenn ez eus ur vouilhenn enni.
son1 gosier R y.a un bourbier dans.elle
'Il a un bourbier dans le gosier.' Standard, Drezen (1990:68)


Kervella donne un exemple avec le rannig e, ce qui est contraire à l'usage de Fave en Léon.


(7) ar vro e savas e di enni. Standard, Kervella (1947:§810)
le 1pays R4 éleva son1 maison dans.elle
'Le pays où il a construit sa maison.'


Le cornouaillais Trépos note une alternance des rannigs dans la construction du faux sujet.

 Trépos (2001:§427)
 «Dans certaines phrases commençant par un nom ou un pronom auquel se rapporte une préposition conjuguée, la particule verbale e est souvent remplacée par la particule verbale a. Ce sont les phrases à double sujet».


restriction de personne en vannetais

En vannetais, la construction du faux sujet est restreinte à la troisième personne.

 Guillevic & Le Goff (1986:138) : "Dans le dialecte de Vannes, on évite de commencer cette forme de phrase par un pronom personnel et de dire, par exemple: 
 
 me zou milén mem bléu /1SG est jaune mon2 chevelure/, 'J'ai les cheveux blonds'
 hui e zou mal d'oh monet, /2PL R est urgent à.vous aller/, 'Vous avez hâte d'y aller'
 
 Cette restriction est d'ailleurs difficile à justifier."


Cette restriction n'est pas présente en vannetais du XV°.


Analyse

Hendrick (1988) place le pivot en SpecTP.

Urien (1989a), Jouitteau (2005) et Rezac (2013) considèrent que le pronom co-référent est un résomptif et non le résultat d'un mouvement A-barre.

Jouitteau (2005) a proposé que le pivot est généré en position de topique SpecTop dans la périphérie gauche, cependant, Rezac a amplement démontré que la lecture du pivot excède la lecture de topique.


Diachronie

Le système casuel breton ne marque pas de cas morphologique sur les noms. Forcer un topique à coréférer avec un pronom est une stratégie de désambiguisation des rôles syntaxiques.

Dès 1499, le voyageur allemand Arnold von Harff récolte cette structure à Nantes.


(1) me vel tin paia.
moi (R)1 plait à.moi payer
'Je veux payer.' Moyen breton vannetais, Gl.AvH, cité dans Guyonvarc'h (1984:18)


Horizons comparatifs

Pour le domaine celtique, Rezac (2013) mentionne une construction similaire en irlandais étudiés dans McCloskey & Sells (1988), Ó Baoill & Maki (2007).

Dans le domaine roman, certaines constructions en français familier se rapprochent de ce qui est observé en breton. En (1), l'absence de pause prosodique suggère un topique simple plutôt qu'un topique suspendu, repris anaphoriquement par le pronom en. Le sujet est le pronom je. En (2), le pronom fort moi a une lecture contrastive de focus.

(1) (Je peux te dire que) les gateaux j'en ai pas vu la couleur!

(2) Moi t'as fait mon deuil, en fait.

En (3), le topique indéfini un mec lie l'objet pronominal contrastif lui. Le sujet est tu. (4) montre que le sujet peut aussi être un groupe nominal lié par son propre topique.

(3) Un mec tu vas pas le croire lui plutôt que son patron.

(4) Un mec la meuf elle va pas le croire lui plutôt que son patron.

Rezac (c.p.) pointe qu'en français cependant, la structure est différente car il s'agit toujours d'un topique, alors qu'en breton le pivot a toutes les propriétés d'une position A, comme un sujet. Si c'était aussi le cas en français, on pourrait avoir un quantifieur */? Personne la meuf elle va le croire sur parole, ou, avec un verbe ECM, * Le mec espère Jeanne le croire sur parole.


Rezac (2013) donne des exemples de structures similaires au breton en arabe, japonais et hébreu en citant Doron & Heycock (1999) et (2010). En (5) et (6), on voit qu'en japonais ou arabe, le marquage casuel nominatif peut être doublé, ce qui n'est pas reproduisible en breton qui n'a pas de marquage casuel.


(5) Mami ga/wa Ken ga kirai da.
Mami NOM/TOP Ken NOM dé.aime COP (adj. nominal)
'Mami n'aime pas Ken.' Japonais, Shibatani (2000:1999)


(6) hind-un ’aT-Tulla:b-u yuqa:bilu-una-ha.
hind.NOM le-étudiants(M)-NOM rencontre.3M-PL-her
'Hind, les étudiants la rencontrent. ' Arabe, Doron & Heycock (1999)

A ne pas confondre

La construction du faux sujet est une structure où le pivot en début de phrase c-commande son pronom anaphorique coréférent plus bas dans la structure.

L'inverse existe aussi, avec un pronom cataphorique possessif qui co-réfère avec un groupe nominal lexical qu'il ne c-commande pas. En (2), il ne s'agit pas d'une construction du faux sujet, car o fenn est réellement le sujet de cette phrase passive. La pause prosodique avant l'incise pourrait ici suggérer que o fenn est en position de topique suspendu.


(2) O fenn, a glevan lavared, a vez ingalet d'ar vugale nevez-hanet.
leur2 tête R1 entends dire R1 est arrangé à'le 1enfants nouveau2-né.
'J'entends dire qu'on modèle leur tête aux nouveaux-nés.' Trégorrois, Gros (1989:'ingali')


La phrase en (3), elle, n'est pas une structure du faux sujet, car aucun pronom ne co-réfère avec le "pivot".


(3) [CONTEXTE: A: - "Amañ er vro e oa sañset unan hag a lakae muioc'h a ludu evit ar re all..."
Ici, dans le coin, il y avait un gars, je crois, qui mettait plus d'engrais que les autres...]
B: - Un tiegezh a oa cheñchet tud e-barzh _ ...
un maison.née R était changé gens dedans
'Une ferme avait changé de locataire.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:92).


Terminologie

Cette structure est connue sous différents noms. Le Clerc (1986:63,fn1) l'appelle un complément anticipé. Urien (1989) l'appelle la relation médiate. Pour Fave (1998:48-52), c'est un complément redoublé (en breton, renadenn adveneget). Gros (1984:136) appelle ces structures anaphores. Pour Plourin (1998:298), ce sont des structures à groupe nominal défini initial anaphorique. Pour Favereau (1997:§587), ce sont des structures intégrées. Pour Trépos (2001:§427, §576, etc.) et pour Ar Merser (2009:546), ce sont des phrases à double sujet.

En syntaxe formelle, Jouitteau (2005/2010) et Rezac (2009) appellent cette structure la construction du faux sujet, en anglais, wrong subject construction. Rezac (2013) utilise le terme construction du double sujet, ou en anglais le terme broad subject, opposé à narrow subject.


Bibliographie

Description de la variation dialectale

  • German, G. 2007. 'Language Shift, Diglossia and Dialectal Variation in Western Brittany:the Case of Southern Cornouaille', The Celtic languages in contact : Papers from the workshop within the framework of the XIII International Congress of Celtic Studies, Bonn, July 2007, Hildegard L. C. Tristram (ed.), Postdam. pdf.
  • Le Clerc, Louis. 1986 [1906, 1911], Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier, 3ième édition, Ar Skol Vrezoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).
  • Plourin, J.-Y. 1998. 'La phrase bretonne comprenant le verbe ETRE au présent de l’indicatif. Conflits de topicalisation', La Bretagne Linguistique 11:281-300.


Ouvrages théoriques

  • Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici.
  • Rezac, M. 2013. 'The Breton double subject construction', Ali Tifrit (éd.), Phonologie, Morphologie, Syntaxe Mélanges offerts à Jean-Pierre Angoujard, PUR, 355-379. - version 2009 avant édition: pdf
  • Rezac, M. 2011. Rezac, M. 2011. ‘Building and interpreting a nonthematic A-position: A-resumption in English and Breton’, Alain Rouveret (ed.), Resumptive pronouns at the interfaces, Language faculty and beyond, Benjamins. 241-286. (pdf de la version 2008)
  • Urien, J-Y. 1989a. La trame d'une langue, le Breton: Présentation d'une théorie de la syntaxe et application, Lesneven: Mouladurioù Hor Yezh.
  • Urien, J-Y. 1989b. 'Le verbe "bezañ" et la relation médiate', Klask 1: 101-128.


horizons comparatifs

  • Doron, Edit, & Caroline Heycock. 2010. 'In support of broad subjects in Hebrew', Lingua 120: 1764-1776.
  • Doron, Edit, & Caroline Heycock. 1999. 'Filling and licensing multiple specifiers', David Adger, Susan Pintzuk, Bernadette Plunkett & George Tsoulas (éds.), Specifiers: Minimalist approaches, Oxford: Oxford University Press, 69-89.
  • McCloskey, James, & Peter Sells. 1988. 'Control and A-chains in Modern Irish', Natural Language and Linguistic Theory 6: 143-189.
  • Ó Baoill, Dónall, and Hideki Maki. 2007. 'A Paradox in Interaction of A and A' Chain Formation in Modern Irish', présentation orale, Fifth Celtic Linguistic Conference (CLC5), Plas Gregynog, September 7-9.
  • Shibatani, Masayoshi. 2000. 'Non-canonical Constructions in Japanese', Departmental Bulletin Paper, Kobe Papers in Linguistics, 2:181-218, pdf.