Subordonnées complétives

De Arbres
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Une subordonnée complétive est une proposition qui est sélectionnée comme l'argument d'un nom, d'un verbe, ou d'une préposition. En (1), la complétive e tesk ar pezh a gar est l'objet du verbe lavarout de la matrice. Cette complétive pourrait aussi être l'argument d'un nom (ar vrud e tesk ar pezh a gar 'la réputation qu'elle apprend ce qu'il veut').


(1) He mamm a lavar e tesk ar pez a gar.
son2 mère R1 d.it [ R4 apprend ce que R1 aime ]
'Sa mère dit qu'elle apprend tout ce qu'elle veut.'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:43)


Inventaire

sélection

Une proposition complétive est sélectionnée par un verbe déclaratif, un verbe de perception, d'appréciation ou encore un nom. Cela signifie qu'une complétive n'est jamais une phrase matrice. Elle est toujours sélectionnée par un autre élément.


(2) Ar vugale e garche ez afe ar vaouez kuit.
le 1enfant.s R1 aimerait [CP R+C irait le 1femme parti ]
'Les enfants veulent que la femme parte.'
Léonard (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


Par définition, une proposition complétive n'est pas optionnelle puisqu'elle est un argument. Elle peut être remplacée par un pronom.


complétive objet, complétive sujet

Une proposition complétive peut être l'argument sujet ou l'argument objet du verbe de la matrice.

Les complétives objet sont les plus courantes. En (2), la complétive ec'h on klañv est l'objet du verbe gouzout 'savoir'.


(3) Ne oar ket ec'h on klanv.
ne1 sait pas [CP R+C,4 suis malade ]
'Il ne sait pas que je suis malade.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:203)


En (4), la complétive e vijes lazhet est sélectionnée comme sujet de la copule équative eo. Ce sujet ne pourrait pas être à l'initiale de la phrase (* E vijes lazhet a zo... ).


(4) Ar muiañ aon am-oa eo e vijes lahet.
le le.plus peur R.1SG avait est [ R serais tu.é ]
'Ce que je craignais le plus c'est que tu sois tué.'
Trégorrois, Gros (1984:126)


complément d'un nom

Les noms comme espoir, envie, rumeur, regret, etc. peuvent prendre une complétive descriptive.


(5) Tout an dud o deus keuz Alain e neus lennet an dra-se.
tout le 1gens 3PL a regret [ Alain R a l.u le 1chose- ]
'Tout le monde regrette que Alain ait lu ce truc.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


Le nom et sa complétive peuvent apparaître séparés.


(6) Keuz am eus mand eo ret da ma mab monet.
regret R.1SG a [ que4,+C est nécessaire à1 mon2 fils aller ]
'J'ai du regret que mon fils doive partir.'
Haut-vannetais, Louis (2015:110)


(7) Ar vugale o deus c'hoant ez afe ar vaouez kuit.
le 1enfant.s 3PL a envie R+C irait le 1femme parti
'Les enfants veulent que la femme parte.'
Léonard (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


complétives infinitives

Les propositions sélectionnées par d'autres propositions peuvent être des domaines syntaxiques qui ne comprennent pas de projection tensée, comme les petites propositions.

Favereau (1997:§596) relève la possibilité de complétives infinitives. Il donne un exemple avec un sujet vide PRO (Laret 'n'eus din [ goulenn ] 'Il m'a dit de demander').


les compléments de verbes ECM

Les verbes à assignation exceptionnelle de cas (ECM) comme klevout 'entendre' ou gwelout 'voir' assignent le cas prototypique de l'objet au sujet de leur infinitive objet. Favereau (1997:§592) classe aussi ces domaines propositionnels dans les complétives.

Dans ces structures, le sujet réalisé de la complétive précède toujours son prédicat. La motivation pour le mouvement du sujet de la complétive est la récupération du cas de l'objet distribué par le verbe de la matrice.


(8) Pell ' oa ' glevemp 'nezhoñ ' hediñ ar wazh.
loin R1 était R1 entendions [ P.lui à4 long.er le 1ruisseau ]
'Il y avait longtemps que nous l'entendions longer le ruisseau.'
Breton central (Poher), Favereau (1997:§592)


complétives tensées

La proposition complétive peut être un domaine tensé, c'est-à-dire comprendre un verbe conjugué.


(9) Hag, er mare-se, an tad a lavaras ur wech c'hoazh e oa ret gortoz ur pennadig.
et dans.le moment- le père R1 dit un 1fois encore [ R4 était nécessaire attendre un moment.DIM ]
'Et, encore une fois, à ce moment-là, le père dit qu'il fallait attendre un petit peu.'
Standard, Riou (1957:15)

les complémenteurs des complétives

Les complémenteurs déclaratifs qui peuvent introduire une complétive sont :

- le complémenteur vide suivi du rannig e4.
- le complémenteur ma après les verbes déclaratifs exprimant une volonté, une demande (goulenn, 'demander'; gourc'henmenn, '(re)commander') ou dans les structures causatives (positives)
- le complémenteur négatif na, ne
- un mot interrogatif en pe-
et, selon les dialectes:
- le complémenteur la(r)
- le complémenteur déclaratif penaos
- le complémenteur en restreint à certaine variétés de vannetais


complémenteur vide

(1) Ar plac'hig vian a neus lavaret ar vugale o deus ket gwelet ar vaouez.
le fill.ette 1petit R 3.a d.it [ C le 1enfant.s 3PL a pas v.u le 1femme ]
'La fillette a dit que les enfants n'ont pas vu la femme.'
Léonard (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


Lorsque le premier élément prononcé de la complétive est un rannig, c'est le rannig e, ce qui suggère qu'il est précédé par un élément non-nominal (le verbe ou un complémenteur vide).


(2) Heñ a lavaras e(z) oa kouezet en dour.
lui R1 d.it [ R4 était tomb.é en.le eau ]
'Il dit qu'il était tombé dans l'eau.'
Trépos (1968:168)
cité dans King (1982:86)

ma

On trouve le complémenteur ma(r), conformément à son étymologie le liant au nom mar 'doute', dans les enchâssées épistémiques.


(3) Goulennit ma teuio.
demandez [ que4 viendra ]
'Demandez qu'il vienne.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:203)


(4) Gra ma tisko e gentel.
fais [ que4 apprendra son1 leçon ]
'Fais en sorte qu'il apprenne sa leçon.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:203)

ne

La négation ne peut prendre la place e, mais aussi la place de ma4 (Le Clerc 1986:200).


(5) Gra ne gollo ket da vab e amzer.
fais [ ne1 perdra pas ton1 fils son1 temps ]
'Fais en sorte que ton fils ne perde pas son temps.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:200)


la(r), penaos 'que'

Dans les dialectes avec un complémenteur déclaratif réalisé comme la(r) ou penaos 'que', celui-ci apparaît.


(6) Komañset e oan da gaoud esperañs lar e oan barreg ...
commenc.é R étais de1 avoir espérance [ que R étais capable ]
'J'avais commencé à caresser l'espérance que j'allais m'en tirer... '
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:89)


  • Barz an toull-ze e oa ar vrud [ lar e vije eur wrah koz oh ober krampouezh 'barz eur girin ].
'Dans ce trou, on disait qu'une vieille faisait des crêpes au four'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:93)
  • Dre ar bourk e rede ar brud penôs lestr Kola Fanch ar Guez a oa bet kollet.
'La nouvelle courait dans le bourg que le navire de Kola Fanch ar Guez avait été perdu.'
Bas-Trégorrois, Al Lay (1925:17)
  • Dre ar bourk e rede ar brud penaos lestr Kola a oa bet kollet.
'La nouvelle courait dans le bourg que le navire de Kola Fanch ar Guez avait été perdu.'
Prat, Brendan Corre (12/2017)

mot interrogatifs en pe-

(7) Gouvezit ervad petra oh oh ober.
sachez bien [ quoi êtes à+C,4 faire ]
'Réfléchissez bien à ce que vous êtes en train de faire.'
Trégorrois, Gros (1984:234)


(8) Ni ' wele bemdez peseurt hon doa c'hoariet en hon dervezh, diouzh an noz.
nous R1 voyait chaque.jour quoi R.1PL avait jou.é en notre journ.ée à le nuit
'On voyait tous les soirs ce qu'on avait joué durant la journée.'
Léonard (Landeda), Ambroise Rouzig, Ya 443 [06/11/2013]

Syntaxe interne

la place du sujet postverbal

COP-Pred-S

L'ordre des mots en complétive pour le breton standard est plutôt copule-Pred-S.


(1) Krediñ a ran ez eo kerik an tamm kig-se.
croire R1 fais R+C,4 est cher.DIM le morceau viande-
'Je crois que ce morceau de viande est un peu cher.'
Standard Kervella (1947:§774)


(2) Gouzout a ra ez eo echu e boanioù.
savoir R1 fait R+C,4 est fini son1 peine.s
'Il sait que ses peines sont finies.'
Standard Kervella (1947:§774)


Dans certains cas, il n'y a pas d'alternatives. En (3), où que l'on mette l'expérienceur deoc'h, le sujet ne peut pas précéder le prédicat ret (* Me soñj eo (deoc'h) kaout hec'h asant ret (deoc'h) da gentañ).


(3) Me ' soñj eo ret d'eoc'h kaout hec'h asant da genta.
moi R1 pense est obligé à vous avoir son accord pour1 premier
'Je pense qu'il vous faut son accord avant toute chose.'
Standard 1927, Gwalarn 12:36


COP-S-Pred

A l'intérieur d'une complétive, le sujet peut se trouver devant le prédicat.


(4) Esperañ ' raomp marteze ' c'hello an traou gwellaat.
espérer R1 faisons peut-être R4 pourra le choses améliorer
'Nous espérons que peut-être les choses pourront s'améliorer.'
Arrée, Favereau (1997:§592)


En (5), on s'attendrait pour un ordre standard sujet-prédicat Me 'soñj eo laouen ar plac'h 'Je pense que la fille est contente', mais l'ordre est inversé.


(5) Me soñj eo ar plac'h laouen.
moi R1 pense est le fille content
'Je pense que la fille est contente.'
Jeune adulte, Quimper, Kennard (2018b)


En (6), on voit que la lourdeur prosodique joue aussi dans l'ordre favorisé en standard.


(6) ... du-hont n'eus den a soñj eo ar yezhoù rannvro un harz d'ar Republik.
côté.là-bas ne1 est personne R1 pense est le langue.s part1.pays un arrêt à1 le République
'Personne là-bas ne pense que les langues régionales s'opposent à la République.'
Standard, Bremañ 410:9

la place du verbe, à l'initiale ou second

En contraste avec les matrices, les complétives peuvent être à verbe initial, en standard comme dans tous les dialectes. C'est même l'ordre des mots le plus représenté pour les complétives.


(1) ... raktal ma welan eo koeñvet unan eus va saout...
de.suite que4 vois [ est gonfl.é un de mon2 vaches ]
'...dès que je vois qu'une de mes vaches est gonflée... '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:120)


Les complétives ne sont pas restreintes à l'ordre à verbe initial dans tous les dialectes. Avec une proposition dont la tête est une copule, M-L. B. à Plougerneau préfère même l'ordre SVO déclenchant la copule zo, mais elle accepte aussi comme grammaticales toutes sortes de permutations avec le sujet post-verbal et la copule eo associée. L'antéposition du prédicat obtient un ordre de mots à verbe second enchâssé.


(2) Pep kruadur zonch e vamm a zo an hini gwella.
chaque enfant R1 pense son1 mère R1 est le celle mieux
'Tout petit garçon pense que sa (propre) mère est la meilleure.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


(3) Pep kruadur zonch (an hini gwella) eo (an hini gwella) e vamm (an hini gwella).
chaque enfant R1 pense le celle mieux est le celle mieux son1 mère le celle mieux
'Tout petit garçon pense que sa (propre) mère est la meilleure.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


SVO

L'Académie bretonne (1922:153) note et réprouve dès le début du XXe "la tendance, en Léon surtout, à substituer à la construction […], verbe en tête : (me a wel) e vezo brao an amzer, la construction […], sujet en tête : (me a wel) an amzer a vezo brao." Il existe en breton moderne des complétives avec un sujet initial. Pour une vision détaillée de la variation, se reporter à l'article 'ordres T2 en enchâssées'.


La résistance au sujet en tête est réelle en haut-cornouaillais moderne. À Scaër/Bannalec, l'exemple montre que même un pronom focalisé ne peut pas apparaître devant le verbe tensé.

(1) Ka kred start ' ra din 'brom { emañ-eoñ / * eoñ eo } a sell ouzh ma c'hoen.
car croire ferme R fait à.moi maintenant est-lui / * lui est R1 regarde à mon2 crème
'Car je crois fermement maintenant que c'est lui qui en a après ma crème.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


D'autres dialectes montrent des zones d'optionalité.


(2) Gouzout a rin sur ... e kano Yann / Yann a gano.
savoir R1 ferai sur R4 chantera Yann / Yann R1 chantera
'Je saurai avec certitude que Yann chantera.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b)


(3) C'hwi gav deoc'h an douar 'zo o krenañ dinian an ti.
vous 1trouve à.vous le terre est à4 trembler sous le maison
'Vous sentez la terre trembler sous le bâtiment.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (04/2016)

(*) OV

Il y a variation dialectale dans la possibilité d'antéposer un objet en début de complétive. Le breton standard n'a pas cette possibilité.


(4) Me a gred patatez kentoc'h e planto Simone er bloavezh-mañ egist he amezog.
moi R1 crois patates plutôt R4 plantera Simone en.le ann.ée-ci comme son2 voisin
'Je crois que Simone plantera des patates cette année comme son voisin.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b)


Comparez (5) avec le grammatical Lavaret zo bet d'ar skolidi e prenfont al levrioù.


(5) * Lavaret zo bet d'ar skolidi al levrioù a brenfont.
d.it est été à le écol.iers le livre.s R1 achèteront
'Il a été dit aux étudiants que les livres, ils achèteront.'
Trégorrois, Stephens (1982:245)


(*) PPV

(5) Jack e neus sonchet gad e jochonou ez afe beteg an daol hep kouezhañ.
Jack 3SG a pens.é avec son1 chausson.s R4 irait jusqu'à le 1table sans tomber
'Jack a cru qu'avec les chaussons, il allait marcher jusqu'à la table sans tomber.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


(6) C'hwi laro doñ (* da beo) e pasein (da beo) diwetoc'h.
vous dira à.lui pour1 payer R passerai pour1 payer tard.plus
'Tu lui diras que je passerai payer plus tard.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


Adverbes

(7) Me a gred (er bloavezh-mañ) Simone (er bloavezh-mañ) a lakeio plantañ patatez.
moi R1 crois le ann.ée-ci Simone le ann.ée-ci R1 mettra planter patates
'Je crois que cette année, Simone fera planter des patates.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b)


(8) Me jouch disul an imbisil-se a fardo kig-ha-farz gant soja espress.
moi R1 pense dimanche le imbécile- R1 cuisinera kig-ha-farz avec soja exprès
'Je pense que cet imbécile fera exprès de cuisiner un kig ha farz au soja dimanche.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (05/2016)


En (9), l'adverbe est situé en initiale d'enchâssée. La portée de marteze 'peut-être' est sur la complétive, et non sur la matrice.


(9) Esperañ ' raomp marteze 'c'hello an traou gwellaat.
espérer R1 faisons peut-être R4 pourra le choses améliorer
'Nous espérons que peut-être les choses pourront s'améliorer.'
Arrée, Favereau (1997:§592)


V2 obligatoire

mouvement wh interne

Certaines complétives ont un ordre à verbe second obligatoire: celles qui ont été dérivées avec un mouvement interrogatif.


(1) Me n'ouzon ket dam 'betra oa an dra-se.
moi ne1 sais pas [ à.cause quoi était le 1chose- ]
'Moi je ne sais pas à cause de quoi [c'était].'
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:13)


La structure de l'exemple en (2) est rare car l'objet interrogatif petra 'quoi' est suivi du sujet, avant que n'arrive le verbe tensé.


(2) / nõ vi gut pra wa hãõ l'ha:é /
N'on ket evit gouzout petra ' oa ' lare. Graphie standard
ne1 suis pas pour savoir quoi R était lui R1 disait
'Je ne sais pas ce qu'il disait.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:128)


stratégies de dernier recours pour V2

Les complétives intégrées entièrement à la structure, ne pas peuvent supporter l'antéposition d'un participe. Si la complétive débute par une tête verbale de participe, une pause prosodique importante est requise pour A.M. à Lesneven.


(1) Me a gred (//?)* plantet neus Simone patatez er bloavezh-mañ egist he amezog.
moi R1 crois plant.é a Simone patates en.le ann.ée-ci comme son2 voisin
'Je crois que Simone a planté des patates cette année comme son voisin.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (05/2016)


L'antéposition est possible à Plougerneau.


(2) Den ne lavar james { ar babig / laeret } e neus ( laeret ) an asiedoù kaer.
personne ne1 d.it jamais le bébé / vol.é 3SG a vol.é le assiette.s beau
'Personne ne dit jamais {qu'il/que le bébé} a volé les belles assiettes.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)

mode

Les complétives se rencontrent au mode indicatif, et aux deux conditionnels.

Syntaxe externe

périphérie droite

La complétive objet se comporte comme un objet prosodiquement lourd, et se trouve facilement après une rupture prosodique en périphérie droite de la phrase. En (1), la présence de l'adjoint temporel motive la dislocation à droite.


(1) Lavaret he deus Anna pa oa savet, e oa brav an amzer.
d.it 3SGF a Anna quand1 était lev.é R était beau le temps
'Anna a dit, quand elle s'est levée, que le temps était beau.'
Trégorrois, Stephens (1982:53)


pas d'antéposition de complétives

Favereau (1997:§572) note que les complétives sont des subordonnées qui ne peuvent pas précéder leur matrice. C'est globalement vrai pour les complétives commençant par e ou ma, mais pas pour celles qui commencent par un mot interrogatif en pe- (Pelec'h oa bet, n'ouzon ket _ .).

Cela est dû au fait que les complétives en e ou ma commencent avec un complémenteur vide (comme la(r) dans les dialectes centraux, mais sans réalisation morphologique). Les complémenteurs vides, comme en anglais, sont en effet interdits à l'initiale de phrase :

  • (* He would resign form that horrible job,) I told you long ago (he would resign form that horrible job).
  • (That he would resign form that horrible job,) I told you long ago (that he would resign form that horrible job).


(1) Gouzout a reen e vije bet kaset an traoù ganeoc'h.
savoir R faisais R serait eu envoy.é le choses avec.vous
'Je savais que vous auriez tout emporté.'
Trégorrois (Bulien), Stephens (1982:40)


  • * E vije bet kaset an traoù ganeoc'h e ouien __ .
'Je savais que vous auriez tout emporté.'
Trégorrois (Bulien), Stephens (1982:40)


(2) Krediñ a ra da Fanch e vo ur bern tud er foar.
croire R fait à Fañch R1 sera un tas gens en.le foire
'Fañch croit qu'il y aura plein de monde au marché.'
Trégorrois (Bulien), Stephens (1982:151)


  • * E vo ur bern tud er foar e kred da Fanch _ .
'Fañch croit qu'il y aura plein de monde au marché.'
Trégorrois (Bulien), Stephens (1982:151)


(3) Lavarout a ra Anna e vez sentet ouzh ar skolaer.
dire R fait Anna R est obé.i à le écol.eur
'Anna dit que le maître d'école est obéi.'
Trégorrois (Bulien), Stephens (1982:177)


  • * E vez sentet ouzh ar skolaer e lavar Anna _ .
'Anna dit que le maître d'école est obéi.'
Trégorrois (Bulien), Stephens (1982:177)


même antéposé dans une structure en evit

Ce n'est pas ici l'initiale absolue de phrase qui est en cause, mais l'initiale de proposition. On peut le voir en enchâssant la proposition dans une circonstancielle de cause.

Stephens (1982:51) contraste le ma(r) 'si' des protases des conditionnelles qui est licite en initiale après evit avec une complétive en e qui ne l'est pas.


(4) Evit ma ra glav n'aimp ket er-maezh.
car si fa.it pluie ne1 allons pas dehors
'(parce que) quand it pleut on ne sort pas'
Trégorrois, Stephens (1982:51)


La phrase en (5) ne peut pas avoir sa complétive antéposée, même si ce complémenteur evit de cause précède l'ensemble.


(5) Gouzout a rez e vez tamallet tout d'ar beorien.
savoir R1 fais R4 est reproch.é tout à le 1pauvre.s
'Tu sais que tout est reproché aux pauvres.'
Trégorrois, Stephens (1982:51)


(6) * Evit e vez tamallet tout d'ar beorien e ouzez.
car R4 est reproch.é tout à le 1pauvre.s R4 sais
'(parce que) tu sais que tout est reproché aux pauvres'
Trégorrois, Stephens (1982:51)

exception

Il existe de rares exceptions. La structure ci-dessous montre la complétive du nom keuz 'regret'. La phrase est grammaticale pour la locutrice mais ne se trouve pas en corpus spontané. Elle serait agrammaticale en breton standard.


(7) E neus lennet Alain an dra-se, tout an dud neus keuz _.
R a l.u Alain le 1chose- tout le 1gens a regret <>
'Tout le monde regrette que Alain ait lu ce truc.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


Sémantiquement, les complétives ne sont pas interdites de focalisation. Toute notion contrastive aide à l'antéposition. Étonnamment, le contraste n'est pas précisément entre la complétive et une autre possibilité dans un ensemble d'alternatives, mais entre la phrase matrice qui comprend la complétive et une autre proposition indépendante, réalisée ou non. La réalisation d'un résomptif est optionnelle sauf avec prévenu (* j'en avais prévenu... ).

  • Que ce voyage est dangereux, il (le) sait bien _ , mais il n'a pas le choix.
  • Que les choses se passent au mieux, on (le) souhaite _ , mais on n'y peut pas grand-chose.
  • Que les marcheurs arriveront tard, j'avais prévenu tout le monde ! (mais personne ne m'écoute)
  • Quand il tondra les moutons, je ne peux pas te (le) dire _ , mais ce sera fait pour juin.


Des structures résistent, selon le verbe de la matrice:

  • (* Que le litre a été mis sur notre compte) si je m'aperçois (que le litre a été mis sur notre compte), ça va barder.


ellipses

Dans les structures à ellipse du IP, la complétive peut être antéposée.


(1) Habaskaet en deus an amzer; ar brezel ne lâran ket.
clément.é R a le temps le guerre ne1 dis pas
'Le temps est devenu plus clément, la guerre je ne dis pas.'
Vannetais, Herrieu (1994:143)

Horizons comparatifs et théoriques

structure des complétives

Arsenijević (2009) propose que les complétives sont un cas particulier de relative, avec un site de relativisation en haut de leur structure qui spécifie leur force illocutoire. Cependant, comme noté dans Haegeman (2012:284), postuler le mouvement d'un opérateur dans toutes les complétives prédirait qu'aucun mouvement interne d'un autre syntagme n'est jamais possible car cela créerait un effet d'intervention. Cette prédiction n'est pas correcte pour toutes les complétives.


propriétés des verbes de la matrice

Il existe de nombreux travaux de grammaire générative qui proposent que les complétives de verbes factifs contiennent un opérateur nul dans leur périphérie gauche (Haegeman 2012:chap 6 & refs.), et sont en fait des relatives cachées. Les complétives ont souvent des complémenteurs de type wh- (que en français, pu en grec...).


(1) Thimame pu dhjavaze poli.
souviens.je que lit.il beaucoup
'Je me souviens qu'il lisait beaucoup.'
Grec moderne, Roussou (2010:590)
citée dans Haegeman (2012:269)


(2) O fititis pu sinandises ine filos mu.
le étudiant que rencontras.tu est ami à.moi
'L'étudiant que tu as rencontré est mon ami.'
Grec moderne, Roussou (2010:591)
citée dans Haegeman (2012:269)


En breton, le seul complémenteur de complétive avec une morphologie en pe- est le penaos déclaratif du breton central, mais les relatives ne peuvent pas débuter par ce penaos. Elles débutent par hag a ou par un complémenteur nul suivi du rannig a. En (3) en breton, un verbe non-factif comme lavarout et un verbe factif comme gouzout autorisent tous deux également un mouvement du prédicat devant le verbe tensé de leur complétive.


(3) Er bourk, an dud a lavare/ouie alkolik e oa.
en.le bourg le 1gens R1 disait/savait alcoolique R était
'Dans le bourg, on disait/savait qu'il était alcoolique.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)

Terminologie

Kervella (1947) utilise le terme breton islavarenn diskuliañ et, puisqu'une complétive est l'objet direct de sa phrase matrice, islavarenn anv et islavarenn-tra. On trouve aussi islavarenn dra.

Press (1986:236) traduit islavarenn-anv par l'anglais noun clause, qu'il donne p.25 comme équivalent au terme anglais explicative.

En anglais, on trouve le terme complement clause ou clausal complement.


Bibliographie

  • Favereau, F. 1997. Grammaire du breton contemporain. Morlaix: Skol Vreizh, §592-602.

horizons théoriques

  • Arsenijević, Boban. 2009. 'Clausal complementation as relativization', Lingua 119: 39–50.
  • Hooper, Joan, & Sandra Thompson. 1973. 'On the applicability of root transformations', Linguistic Inquiry 4, 465–497.