Différences entre les versions de « Construction transitive explétive; Bez' préverbal »
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(b) ''bezout'' [J.]:8; | (b) ''bezout'' [J.]:8; | ||
(c) ''bezouet'' [NG.]586. | (c) ''bezouet'' [NG.]586. | ||
Aujourd'hui, on trouve les formes en ''bout'' en Vannetais et Cornouailles, et les formes en '' | Aujourd'hui, on trouve les formes en ''bout'' en Vannetais et Cornouailles, et les formes en ''bezañ'' en Léon et Trégor. | ||
La réalisation morphologique de la particule préverbale varie actuellement de dialecte en dialecte, avec la réalisation de l'infinitif du verbe 'être' | La réalisation morphologique de la particule préverbale varie actuellement de dialecte en dialecte, avec la réalisation de l'infinitif du verbe 'être' ([Le Gonidec (1838:86)]). | ||
En breton central, la forme de l'infinitif est ''bi'' [[Wmffre (1998:46)]]. | |||
En vannetais, on trouve la forme ''bezout'' (Loth 1886, 'Le mystère des trois rois', ''Revue Celtique VII'':319). | En vannetais, on trouve la forme ''bezout'' (Loth 1886, 'Le mystère des trois rois', ''Revue Celtique VII'':319). | ||
Version du 17 mars 2009 à 20:14
Cette fiche documente les occurrences de l'infinitif du verbe 'être' (ou de sa forme abrégée) devant un verbe fléchi.
- Dans quel contexte cette particule induit-elle un effet sémantique particulier?
- Y-a-t-il des dialectes où cette particule produit obligatoirement un effet de verum focus du type 'Le fait est que...'?
- Peut-elle être sémantiquement vide?
- Est-elle restreinte à certaines configurations de discours?
- Est-elle restreinte à certains environnements syntaxiques (présence du verbe 'être' en verbe lexical, présence de la particule aspectuelle 'bet', etc...)
Morphologie et variation dialectale
Les formes de l'infinitif du verbe 'être' se sont différenciées très tôt dans la langue:
Hemon (2000:198) "Ce qui semble être la forme la plus vieille de l'infinitif est bout [Nl.]n.2, [BD.]:4524, [NG.] 230, [MG.] :363, [EST.] :26, but [MKRN]:107, [NG.]:878. En vieux breton on trouve bot (et but dans gudbut 'gouzout'), voir [DGVB.]:88, 184. D'autre formes sont apparues sans doute plus tard: (a) bezaff [Nl.] n.4; beza [Nl.] n.13, [IN.]:30, [EMG.]:20; bea [GJ.]12; besan [BD.]:729; pean [BD.]:1099 (b) bezout [J.]:8; (c) bezouet [NG.]586. Aujourd'hui, on trouve les formes en bout en Vannetais et Cornouailles, et les formes en bezañ en Léon et Trégor.
La réalisation morphologique de la particule préverbale varie actuellement de dialecte en dialecte, avec la réalisation de l'infinitif du verbe 'être' ([Le Gonidec (1838:86)]).
En breton central, la forme de l'infinitif est bi Wmffre (1998:46). En vannetais, on trouve la forme bezout (Loth 1886, 'Le mystère des trois rois', Revue Celtique VII:319).
Relevés
Doublant le verbe 'être' et 'avoir'
Le Gléau (1973:45) dit de Bez qu'on "le trouve partout avec les formes verbales de l'indicatif et du conditionnel de bezañ [, être'] et endevout [,'avoir']."
(1) | Bez ez eus | ur c'hategori tud | ha n'ouzon ket | pe o deus nosion eus un dra bennak | pe d'o deus ket |
Bez R E | det catégorie gens | C NEG sais.1SG NEG | ou 3PL ont notion P det chose quelconque | ou NEG? 3PL ont pas | |
'Il y a une catégorie de personnes, je (ne) sais pas si ils ont une notion de quoi que ce soit.' | |||||
Blaz an douar, p.18 |
(2) | Bez' omp | digemeret | en eur zal vraz spontuz. | ||
Bez sommes | acceuillis | dans une salle grande terrible | |||
'Nous sommes acceuillis dans une salle terriblement grande.' | |||||
Bez' he-deus | da vihanna, | tri-ugent metr hed ha tregont metr lehed. | |||
Bez R.3SGF a | P moins | trois-vingt mètre long et trente mètre large | |||
'(En effet) Elle fait au moins 60m de long et 30 de large.' | |||||
Yves Miossec, Dreist ar mor bras, p.7 |
Cette surreprésentation statistique de l'infinitif (réduit) de 'être' devant les verbes dont 'être' est la racine pourrait découler (au moins en partie) de cas de redoublement du verbe 'être' (bez 'e vez... sur le mode de Gouzout a ouzon).
Devant d'autres verbes
verbes semi-auxiliaires
(5) | Bez’ e c'helle | an anv-verb, | evel an holl anvioù-kadarn, | beza rener pe renadenn [...] | |
bez R [pouvait] | le nom-verbe | comme det tous noms-fort, | être sujet ou complément | ||
'Le nom verbal pouvait, comme tous les noms, être sujet ou complément.' | |||||
Fleuriot (2001:20) |
(6) | Ha Bez’e ouie | ma zad | kontañ ivez | doare ar brezelioù a save (...) etre ar broioù hag an dud. | |
et bez R savait.3SG | mon père | conter aussi | manière les guerres R montait entre DET pays et DET gens | ||
'Et mon père savait raconter aussi la façon dont les guerres naissaient entre les pays et les gens.' | |||||
cornouaillais, Yann Bijer, Avel gornôg p. 137 |
verbes lexicaux
Grégoire de Rostrenen (1795) présente cinq alternatives pur conjuguer un verbe en breton, l'une d'elle, la 'quatrième conjugaison', étant par insertion de Bez préverbal (Beza ez rañ un ty, [Bez-R-fais.1SG-une-maison], 'Je bâtis une maison' p.97). Il illustre un paradigme entier avec le verbe 'aimer' (Beza ez carañ, [Bez-R-aime.1SG], 'Je t'aime' p.179).
René Le Gléau, Pierre Trépos, Fañch Elies Abeozen, Visant Fave et Yann Bijer citent des phrases avec Bez d'emphase devant des verbes lexicaux.
(6) | Bez’ e kaver c’hoaz tier-soul e Breizh. | ||||
bez R [on trouve] encore chaumières en Bretagne | |||||
'On trouve encore des chaumières en Bretagne.' | |||||
Trépos (2001:440) |
(7) | Bez’ e c'hounezas | ur gaer a vrud ha karantez. | |||
bez R gagna | une belle de renommée et amour | ||||
'(le fait est qu') elle gagna affection et renommée.' | |||||
Fañch Elies Abeozen(1991:45) |
(8) | Bez’ e prenis | eul leor | d'am breur | deh. | |
bez R achetai | un livre | à mon frère | hier | ||
'J'ai acheté un livre hier à mon frère.' | |||||
Fave (1998:51) |
(9) | Gwir e oa. | Bez’e | weled | an ti gwenn. | |
Vrai R était | bez R | voyait.IMP | la maison blanche | ||
'C'était vrai. On voyait la maison blanche.' | |||||
Hemon, An tri boulomig kalon aour:27, cité par Le Gléau (1973:45) |
- Favereau (1997:§443) donne comme licites à Plougastell (citant Y. Gerven comme source), et en Poher: Bez e welez, 'tu vois', et bez' e lennan an anoñsoù ivez [bez R lis.1SG det annonces aussi, 'je lis les annonces aussi'].
Cependant, les données de Plougastell rapportées par Favereau semblent porter à question (cf. discussion sur forum kervarker).
En enchâssées
Bez se trouve en enchâssées:
(x) | Lavar din | ha | bez’ e teui. | ||
dis à.1SG | si | bez R viendra | |||
'Dis-moi s'il viendra.' | |||||
Trépos (2001:322) |
(x) | N'ouzon ket | ha | bez’ e vo kreñv a-walh ar jadenn. | ||
NEG sais NEG | si | bez R sera fort assez la chaine | |||
'Je ne sais pas si la chaine sera assez forte.' | |||||
Trépos (2001:322) |
(6) | Me va-unan | ne | ouien | ket ha | bez’ e oa ac’hanon. |
1SG reflex | NEG | savais.1SG | NEG si | bez R cop.3SG P.1SG | |
'Moi même je ne savais pas si c'était moi.' | |||||
Hemon,Mari-Vorgan p.64, cité par René Le Gléau (1973:75) |
Impact sémantique
Le Gléau (1973:45), Trépos (2001:440), Gros (1984:110), Favereau (1997:§443) notent tous ce qui semble un 'verum focus' sur le verbe lorsqu'il est précédé de bez.
(3) | Bez’ez | eus tud | hag a zo | mat da stagañ | |
bez R | [il y a] gens | C R est | bon pour lier | ||
'Il y a (vraiment) des gens qui sont fous à lier.' | |||||
Jules Gros (1984:110) |
(4) | - Ha gwir eo klañv ? | - Ya, | bez ez | eo ! | |
Q vrai est malade | Oui, | bez R | est | ||
'- Est-il vrai qu’il soit malade ?' | '- Oui, il l’est réellement.' | ||||
Jules Gros (1984:110) |
(6) | Bez’ | e vo pesked | da goan. | ||
bez | R sera poissons | pour souper | |||
'Il y aura du poisson à souper.' | |||||
Trépos (2001:440) |
Cependant, il est des cas où le 'verum focus' est difficilement postulable, par exemple dans le cas des questions.
(7) | Bez’ | zo | ur wenodenn all? | ||
bez | est | DET sentier autre | |||
'Il y a un autre sentier?' | |||||
Kavell ar Bodhisattva, Jonathan 4, p.33. |
Variations dialectales
dans la restriction à certains verbes
Les dialectes varient suivant les verbes avec lesquels on trouve Bez.
- Gros (1984:110) note que le Bez’ d’insistance est restreint en Trégorrois à trois verbes tensés: les verbes bezañ, 'être', kaoud, 'avoir' et gouzout, 'savoir'.
La question de la variation dialectale dans la possibilité d'avoir recours à bez est posée depuis longtemps par Steve Hewitt (p.c. 2003). Une discussion intéressante existe à ce sujet sur le forum de kervarker.org. Steve Hewitt propose de tester la généralisation que bez préverbal est restreint dans tous les dialectes aux co-occurences avec 'être', 'avoir' et, "à l'ouest du Trégor", aux auxiliaires modaux (rankoud, galloud, dleoud...).
Au vu des données ci-dessus, puisque Bez devant un verbe lexical semble solidement attesté, on peut aménager la généralisation en proposant un continuum allant du Trégor ('être', 'avoir' et peut-être 'savoir'), puis, allant vers l'ouest, une acceptation des modaux pour finalement cerner les zones ou Bez peut-être pré-lexical.
Pour tester l'aire géographique de cette généralisation, se pose alors la question de ce qui est (et n'est pas) un auxiliaire modal:
- gouzout, 'savoir', cité par Jules Gros en fait-il partie?
- rankout, 'devoir', est cité par Hewitt comme n'étant pas licite en trégorrois avec Bez'. Ce verbe n'est-il pas un modal en trégorrois? Quelle évidence pourrions-nous trouver pour supporter cette hypothèse?
- kavout, cité par Trépos, a-t-il une valeur modale en cornouaillais qu'il n'aurait pas éventuellement dans d'autres dialectes? Quelle évidence pourrions-nous trouver pour supporter cette hypothèse?
- quand un dialecte n'a pas la possibilité d'avoir recours à bez pour un 'verum focus', quelle stratégie est employée?
Etant donné que le breton littéraire a Bez pré-lexical, il est aussi possible que la variation ne soit pas intrinsèquement géographique, mais la marque d'un niveau de langue.
Il y a une ressemblance certaine entre les verbes qui tolèrent Bez, et ceux qui peuvent se dédoubler pour remplir la zone préverbale. De dialecte en dialecte, se pourrait-il que les verbes devant lesquels on trouve bez soient les mêmes que ceux qui peuvent se prendre eux-même comme auxiliaires?
Rannig associé
Le rannig associé à Bez/Bout varie selon les dialectes.
Pour Trépos (2001:440) et Gros (1984:110), c'est le rannig e qui est associé à Bez, ainsi que la mutation mixte qu'il déclenche sur le verbe.
On trouve cependant cet explétif parfois associé au rannig a.
En vannetais, Guillevic et le Goff (1986:56) notent une alternance entre Bout e zou avaleu et Bout es avaleu ('Il y a des pommes'). Ces tournures diffèrent entre autres par le rannig employé.
Bibliographie
- Fave, V. 1998. Notennou yezadur, Emgleo Breiz: Brest.
- Favereau, F. 1997. Grammaire du breton contemporain. Morlaix: Skol Vreizh.
- Grégoire de Rostrenen, 1795. Grammaire française-celtique ou française-bretonne, An III; nouvelle édition, Alain Le Fournier, Brest.
- Gros, Jules 1984. Le trésor du breton parlé III. Le style populaire. Brest: Emgleo Breiz - Brud Nevez.
- Le Gléau, R. 1973. Syntaxe du breton moderne: 1710-1972, Editions La Baule.
- Le Gonidec, J-F., 1807, [reed. 1838], Grammaire celto-bretonne, ed. H. Delloye, Paris.
- Guillevic, A.; Le Goff, P. 1986 [1902 Vannes, Lafolye]. Grammaire Bretonne du Dialecte de Vannes. Brest: Ar Skol Vrezhoneg- Emgleo Breiz.
- Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.
- Wmffre, I. 1998. Central Breton. [= Languages of the World Materials 152] Unterschleißheim: Lincom Europa.
Bibliographie des corpus
- Fañch Elies-Abeozen 1991. traduction du Mabinogion, Mouladurioù Hor Yezh.
- Miossec, Y. 1984, Dreist ar mor bras, Brud Nevez.
- Mellouet, P. & A. Pennec, Blaz an douar, le goût de la terre, Blaz an douar (ed.), Dastum Bro Leon - avec CD audio.
- Hemon 1962, 'Mari-Vorgan', Al Liamm.