Ar-, al-
Le morphème ar- est très répandu. Sa forme al- l'est moins. Il préfixe les noms comme les verbes ou les adjectifs et a une sémantique peu spécialisée de type de voisinage, de proximité (devant, près, tenant à...).
(1) arvor 'rivage de la mer' (Trépos 2001:§121), 'littoral' (Favereau 1997:§194)
(2) argoad 'région boisée de l’intérieur' (Trépos 2001:§121), 'bocage' (Favereau 1997:§194)
Morphologie
allomorphe al-
La forme al- est un allomorphe. Le nom qui dénote le poignet est arzorn dans Trépos (2001:§121), alzorn à Perros-Guirrec (Konan 2017:34), et /'aldorn/ à Plozevet (Goyat 2012:333).
La forme hal- apparaît dans les préfixes de Bouzec & al. (2017:359), qui donnent arvrec'h 'avant-bras' sous la forme /'halvreX/. Pour 'poignet', Bouzec & al. (2017:360) donnent la forme /hal'dɔrn/.
accentuation
L’accentuation en KLT tombe sur l’avant-dernière syllabe et montre avec les bisyllabiques que le préfixe ar- peut prendre l’accentuation de mot (an ARvor, Kervella 1947:§887).
mutation
Le préfixe ar- provoque une lénition sur sa racine (Arvor, Argoat).
répartition dialectale
Favereau (1997:§230) considère que ar- est rare et d'une usage plutôt littéraire, "parfois revivifié par Vallée notamment". Il cite arwenn, 'blanchâtre'. Il est aussi possible que sa productivité soit inégale selon les dialectes.
Kervella (1947:§876) donne: arwenn, arc'hlas, arroud, argoll, arvar, arbenn, argad, arbrad, arwazh, arsav, arvell, argas, argilañ, ardraoñv, ardrec'h...
Gros (1984:369) donne arhlaz 'presque vert', arhleb 'humide'. Konan (2017) donne arc'houzougal 'tendre le cou', ardanav 'ni gros ni menu', argrediñ 'tergiverser, procrastiner', argred 'méfiance', arneuiñ 'moisir, se gâter', arroudenn 'sentier, passage' et arroudenn gof-gar 'marque de l'élastique de chaussette sur le mollet'.
Helias (1986:14) donne arhlas 'bleuâtre'.
Sémantique
Le préfixe ar- a une sémantique difficile à cerner, mais nettement différente suivant la catégorie de sa racine.
verbes
L'apport sémantique précis du préfixe est délicat à formaliser. En (1), la racine est le verbe sevel '(se) lever', de racine sav-. Le préfixe obtient 'arrêter'.
(1) | Ne arsav ket | neoazh ar Jermaned | a fardiñ bemnoz | er-maez ag o zoulloù. | |||
ne1 arrête pas | cependant le allemands | de1 charger chaque.nuit | dehors de leur2 trous | ||||
'Mais les allemands n'arrêtent pas de charger chaque nuit en dehors de leurs trous.' | Vannetais, Herrieu (1994:100) |
Devant un verbe, le préfixe ar- peut être un atténuateur ou un marqueur prospectif. La préposition war 'sur' aurait ici un effet similaire jusqu'à la mutation provoquée sur le verbe.
(2) | Bremañ eo | ardavet un tamm | ar glav. | |||
maintenant est | pfx1.tu un morceau | le pluie | ||||
'Maintenant, la pluie a diminué un peu.' | Trégorrois, Gros (1970b:'ardevel') |
adjectifs
Devant les adjectifs, le préfixe ar- correspond au suffixe français -âtre (noirâtre, jaunâtre)
ar- vs. -il, tre-, am-
Kervella (1947:§876) note que beaucoup de racines préfixées par ar- ont aussi une préfixation en tre-. Il cite: trevell, treveriañ, tregoad, tregas...
Il note aussi un parallèle avec le préfixe il-: ildraoñv, ildrec'h, ilbrad.
Le préfixe am- implique lui aussi l'idée de proximité (amzor 'entourage de porte').
ar- vs. dam-
Le préfixe ar- peut se retrouver en concurrence avec les préfixations en dam-, qui sont sémantiquement plus spécialisées dans l'approximation, comme l'adverbe dam.
Menard & Kadored (2001) donnent de telles équivalences dans les noms de couleurs, avec les synonymes damc'hell et arc'hell, damc'hlas et arc'hlas.
Diachronie
Gros (1984:369) considère que ce préfixe remonte au vieux breton et n'est plus productif en breton trégorrois (mais Konan 2017:32 en donne des exemples).
Selon Deshayes (2003:36), le préfixe ar- est déjà présent en brittonique sous la forme are-.
Le Brigant (1779:23) notait un préfixe de même sens sur les adjectifs, mais de forme ez-. Il donne ezvoen 'blanchâtre' et ezvélen 'un peu jaune ou jaunâtre'.
Horizons comparatifs
Selon Deshayes (2003:36), le préfixe ar- correspondrait au gallois ar- et à l’irlandais air-.
war-
Le Bayon (1878:16) considère que le premier sens de ar- est 'sur'. Il donne arhel 'archange' et arhul, arvul 'mulet'.
Kervella (1947:§876) rapproche aussi le préfixe ar- et la préposition war, prononcée ar en vannetais (cf. (w)arc'hoazh). Il note des expressions parallèles:
- en argoll vs. war goll
- en arvar vs. war var
- en argil vs. war gil
- ardraoñ a zo gantañ vs. war draoñv emañ
Deshayes (2003:'Ár') signale que la préposition war (ar, 1723), vient du vieux breton ar, qui comme le gaulois are admettait le sens de 'près de, devant'.
harz-
Selon Le Bayon (1878:16) les noms armor/arvor et argoed sont formés du préfixe arz-, de hoarz 'limite, frontière'. Il mentionne l'alternance arz-koet 'à la lisière, auprès des bois'.
Celà correspond au sens donné à Moëlan à arzeiz 'période d'accalmie entre deux jours de mauvais temps'.
(2) | 'ma ké mèd | eun arzè | noñ. | Cornouaillais de l'Est (Moëlan) | ||||
N' | emañ ket met | un arzè | anezhañ. | Équivalent standardisé | ||||
ne1 | est pas mais | un arrêt.temps | P.lui | |||||
'Ce n'est qu'une journée de beau temps transitoire.' | Bouzec & al. (2017:48) |