Anaphores et cataphores

De Arbres

Une anaphore est une expression qui n'a pas de référence indépendante. L'anaphore co-réfère donc avec un antécédent qui se trouve dans la même proposition, dans la même phrase ou même ailleurs dans le discours (Per, il danse tous les mardis).


Une cataphore est une anaphore qui précède cet "antécédent" (Autant qu'il le veuille, Per ne danse pas le jeudi.). En (1), le pronom incorporé dans la préposition anezh est une anaphore. Elle co-référe avec deux cataphores qui l'annoncent: le sujet non-prononcé de la temporelle et le possessif e 'son'.


(1) Tra ma oa er gêr, e oa deuet e vreur da welet anezh.
tant que4 était P.e.le 1foyer R était venu son1 frère à1 voir P.lui
'Tant qu'il était à la maison, son frère était venu le voir.' Helias (1986), Merser (2009:'tra ma')


Les anaphores sont assujetties dans toutes les langues humaines aux conditions du liage (Condition A, Condition B, Condition C du liage).


Catégories et anaphores

On parle d' expression anaphorique de manière large car des catégories grammaticales très différentes peuvent montrer des propriétés anaphoriques. La plupart des anaphores sont des pronoms, mais des groupes nominaux peuvent avoir les mêmes propriétés (l'imbécile, la coquette...).


anaphores pronominales

Les pronoms réfléchis, les pronoms objets proclitiques ou les déterminants possessifs sont des anaphores pronominales.


groupes nominaux anaphoriques

Il existe aussi en breton des des syntagmes nominaux qui ont des propriétés anaphoriques. Un humain peut par exemple trouver une référence non-pronominale dans al loen 'l'animal', an abostol 'l'apôtre', etc.

Des syntagmes nominaux anaphoriques particuliers contiennent un pronom, comme dans laouen an tamm anezhañ.


adverbes anaphoriques

Une classe d'adverbes, les adverbes anaphoriques spatiaux, sont anaphoriques en ce qu'ils ont besoin d'un antécédent (spatial) pour référer.

Ces adverbes anaphoriques spatiaux se retrouvent dans des expressions anaphoriques qui débordent le domaine spatial (kement-se, mod-se, an-dra-se...).


temps anaphorique

Le temps, lui aussi, peut être anaphorique quand ce n'est pas la morphologie flexionnelle qui permet l'ancrage temporel, mais le calcul par rapport à un antécédent qui est lui temporellement ancré.

Un exemple prototypique en breton est celui des infinitives narratives.

Cataphore

Une cataphore est un pronom anaphorique ou une expression anaphorique dont l'expression co-référente est située linéairement après elle.


(1) Diskouez a ra hex zad karout Monax.
montrer R1 fait son1 père aimer Mona
'Sonx père a l'air d'aimer Monax.' Standard, Hendrick (1990:137)


(2) Hex zad a ziskouez karout Monax.
son1 père R1 montre aimer Mona
'Sonx père a l'air d'aimer Monax.' Standard, Hendrick (1990:137)


condition C du liage

Les cataphores sont filtrées par la condition C du liage. Hendrick (1990:124) pointe par exemple que contrairement aux cas de cataphores autorisés, le pronom vide sujet en (3) est en relation structurale de c-commande du nom propre Mona. En conséquence, suivant la condition C du liage, ce pronom sujet ne peut pas être interprété comme coréférent à Mona, sous peine d'agrammaticalité de la phrase.


(3) * Lavaret he deus [e]x [ e oar Monax ar respont ].
dit 3SGF a R4 sait Mona le réponse
'Elle a dit que Mona connaît la réponse', Standard, Hendrick (1990:124)


la restriction de Hendrick (1990)

Hendrick (1990:125) pointe une autre restriction sur les cataphores que la condition C.

En (2) comme en (3), l'ordre des mots est VSO, verbe-sujet-objet. Le sujet pronominal ne peut pas précéder le nom propre objet Yann. Le sujet nom propre peut précéder l'objet pronominal. La condition C du liage ne filtre pas la donnée en (2).


(2) * Dec'h e wele ex dad Yannx
hier R4 voyait son1 père Yann
'Sonx père voyait Yannx hier.' Standard, Hendrick (1990:125)
(3) Dec'h e wele Yannx ex dad.
hier R4 voyait Yann son1 père
'Yannx voyait sonx1 père hier.' Standard, Hendrick (1990:125)


De même, dans les temps composés:

(4) Gwelet he deus Mona x he x zad.

'Mona a vu son père.', Standard, Hendrick (1990:125)

(5) * Gwelet en deus he x zad Monax .

'Son père a vu Mona.'


Mais la présence du participe entre le sujet et l'objet change leur relation.


(6) Dec'h en deus hex zad gwelet Monax
hier 3SGM a son2 père vu Mona
'Sonx père a vu Monax hier.' Standard, Hendrick (1990:137)


(7) N'o deus ket hex c'hoarezed gwelet Monax
ne'3PL a pas son2 soeurs vu Mona
'Sesx soeurs n'ont pas vu Monax.' Standard, Hendrick (1990:137)


Hendrick (1990:131) met en rapport ces faits avec la restriction sur la cataphore en anglais, pointée par Solan (1983):

  • * I spoke with him x about Johnx 's wife
  • I spoke with Johnx 's wife about himx .


la restriction de Louis (2015)

Louis (2015:220) note une asymmétrie dans les relations anaphoriques autorisées dans les expressions kaout droug et ober droug. Ces faits mêlent probablement structure informationnelle, expressions figées et relations anaphoriques.

Avec kaout droug, le sujet expérienceur peut être réalisé par un pronom ou un nom propre en matrices, mais pas par un nom propre en enchâssée.


(1) Eñ/Yann en deus droug d’e vrec’h.
il/Yann 3SGM a a mal à1'son1 bras
'Il/Yann a mal au bras.' Haut-vannetais, Louis (2015:220)


(2) ? Mari a gav geti en deus Yann droug d’e vrec’h.
Marie R1 trouve avec.elle 3SGM a Yann mal à1'son1 bras
'Marie a l’impression que Yann a mal au bras.' Haut-vannetais, Louis (2015:220)


A l'opposé, avec ober droug, l'expérienceur qui n'est pas le sujet ne peut pas être réalisé comme un nom propre en matrice, alors qu'il le peut en enchâssée. La cataphore semble donc interdite en (3), alors qu'elle est possible en enchâssée en (4).


(3) E vrec’h 'ra droug dezhoñ/?? da Yann.
son1 bras R fait mal à.lui/ à1 Yann
'Son bras lui fait mal.' Haut-vannetais, Louis (2015:220)


(4) Mari a gav geti e ra droug e vrec’h da Yann.
Marie R1 trouve avec.elle R fait mal son1 bras à1 Yann
'Marie a l’impression que Yann a mal au bras.' Haut-vannetais, Louis (2015:220)


la restriction sur les SVO

Dans les ordres Sujet-Verbe-Objet, avec ou sans la négation, on observe une restriction supplémentaire sur les cataphores que la condition C.


(1) Hez,* x zad en deus gwelet Monax
son2 père 3SGM a vu Mona
'Sonz,* x père a vu Monax.' Standard, Hendrick (1990:147)


(2) Hez,* x c'hoarezed ne welont ket Monax
son soeurs ne1 voient pas Mona
'Sesz,* x soeurs ne voient pas Monax.' Standard, Hendrick (1990:147)


Hendrick (1990:147) relève la proposition de Bresnan & Kanerva (1989:32-34) que les topiques présentationnels ne peuvent pas contenir de pronoms coréférentiels, et propose que les ordres SVO ci-dessus sont de tels topiques présentationnels. Cependant, selon la structure articulée de la périphérie gauche en breton, on devrait pouvoir aussi trouver en zone prétensée d'autres sortes de topiques et différents focus, surtout devant la négation, ce qui prédirait alors ces phrases grammaticales.

à ne pas confondre

Une anaphore peut aussi référer avec un élément présent en contexte, ou réalisé par un geste.


(1) Kement-se n'eo ket debriñ mes krignat an hani eo.
autant- ne'est pas manger mais grignoter le celui est
'Cela n'est pas manger mais grignoter.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:57)


Il ne s'agit alors pas d'une cataphore, qui précède le syntagme nominal avec lequel elle coréfère.


Bibliographie

  • Bresnan, J., & Kanerva, J. 1989. 'Locative inversion in Chichewa: A case study of factorization in grammar', Linguistic Inquiry 20, 1-50.
  • Fossard, Marion & Marie-José Béguelin (éds). 2014. Nouvelles perspectives sur l'anaphore, Points de vue linguistique, psycholinguistique et acquisitionnel, Sciences pour la communication. Vol. 111.
  • Heim, Irene. 1990. 'E-type pronouns and donkey anaphora', Linguistics and Philosophy 13 (2): 137-177.
  • Radford, A. 1997. Syntax, a Minimalist introduction, Cambridge University Press.
  • Solan, Larry. 1983. Pronominal Reference: Child Language and the Theory of Grammar, Dordrecht: Reidel Publishing Company.
  • Zribi-Hertz, Anne. 1996. L'anaphore et les pronoms. Une introduction à la syntaxe générative, coll. Sens et structures, Presses Universitaires du Septentrion, Lille.