Différences entre les versions de « Adjectifs antéposés au nom »

De Arbres
(→‎accentuation : avant-dernière = pénultième)
Ligne 18 : Ligne 18 :
=== accentuation ===
=== accentuation ===


Selon [[Hemon (1995)|Hemon (1995]]:§281), les adjectifs prénominaux fonctionnent comme des [[préfixes]] selon les règles de l'[[accentuation]]. Il donne:
Selon [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76) et [[Hemon (1975)|Hemon (1975]]:§281), les adjectifs prénominaux fonctionnent comme des [[préfixes]] selon les règles de l'[[accentuation]]. En [[KLT]], où l'accent tombe régulièrement sur l'avant-dernière syllabe, l'adjectif antéposé et son nom semblent former un même composé. Cela est vérifié pour tous les monosyllabiques.


:''ur gwir vab'', 'un vrai fils', <font color=green>[yr''''gwi:r'''va:p]</font color=green>


{| class="prettytable"
| (1) || ''ur GWIR vab''|| 'un vrai fils'|| <font color=green>[yr'gwi:rva:p]</font color=green>|| [[Hemon (1995)|Hemon (1995]]:§281)
|-
| || ''ur GWIR vab''|| 'un vrai fils'|| <font color=green>[ür 'gwi : rvab]</font color=green>|| [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k)
|-
| ||''ur GWALL zen''|| 'un mauvais homme'|| <font color=green>[ür 'gwalze<sup>n</sup>n]</font color=green>|| [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k)
|-
| || ''ur C'HOZH ti''|| 'une maison délâbrée'|| <font color=green>[ur ' ''c''ôsti]</font color=green>|| [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§513)
|}


Il est possible que ce ne soit vrai que pour les monosyllabiques.


Les [[fractions]] ''kard'', 'quart' et ''hanter'', 'moitié' ont le même comportement accentuel malgré que le second soit bisyllabique (''un hanTER tro'', 'un [[hanter|demi]] tour').


(3) <font color=green>[ar ˌpokɛz 'po:tr]</font color=green>, ''ar paour-kêz paotr'', 'le pauvre garçon', ''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:194)


{| class="prettytable"
| (2) ||  ''un hanTER torzh''|| 'une demi miche'|| <font color=green>[ü<sup>n</sup>n a<sup>n</sup>n'tértörz]</font color=green>|| [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k)
|-
| || ''eun hanTER-torz''|| 'une [[hanter|demi]] miche'|||| ''Léon (Cleder)'', [[Fave (1998)|Fave 1998]]:116)
|-
| || ''en hanTER ti''|| 'dans la moitié de la maison'|||| ''Léon (Cleder)'', [[Fave (1998)|Fave 1998]]:116)
|-
| || ''hanTER-tamm'' || 'un [[hanter|demi]]-morceau|||| ''Léon (Cleder)'', [[Fave (1998)|Fave 1998]]:116)
|-
| || ''hanTER noz''|| || <font color=green>[(h)a<sup>n</sup>n'térnoz]</font color=green>||[[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k)
|-
| ||''ur C'HARD lev''|| 'un quart de lieue'|| <font color=green>[ür ' ''c''ardlêw]</font color=green>|| [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k)
|}


En [[KLT]], où l'accent tombe régulièrement sur l'avant-dernière syllabe, l'adjectif de mesure et le nom qu'il quantifie semblent former un même composé.
:un hanTER tro
:un [[hanter|demi]] tour


C'est aussi le cas avec un [[Les adjectifs numéraux cardinaux|adjectif cardinal]], dont l'[[article]] [[indéfini]] ''un, ul, ur'', ainsi que du [[numéral ordinal]] ''eil'', 'second' ([[Kervella (1947)|Kervella 1947]]:§76,a).


(2) ''hanTER-tamm, hanTER-kant, eun hanTER-torz, en hanTER ti''
: 'un [[hanter|demi]]-morceau, [[hanter|demi]]-cent (>50), une [[hanter|demi]] miche, dans la [[hanter|moitié]] de la maison'...  ''Léon (Cleder)'', [[Fave (1998)|Fave 1998]]:116)


{| class="prettytable"
| (3) ||  ''hanTER-kant''|| '[[hanter|demi]]-cent', 50|| || ''Léon (Cleder)'', [[Fave (1998)|Fave 1998]]:116)
|-
| || ''un hanTER kant''|| || <font color=green>[ü<sup>n</sup>n (h)a<sup>n</sup>n'térka<sup>n</sup>nt]</font color=green>||[[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k)
|}


C'est aussi le cas avec un [[Les adjectifs numéraux cardinaux|adjectif cardinal]].
 
[[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k) oppose ''un hanter kant'', <font color=green>[ü<sup>n</sup>n (h)a<sup>n</sup>n'térka<sup>n</sup>nt]</font color=green> et ''hanter-kant'' <font color=green>[(h)a<sup>n</sup>nter 'ka<sup>n</sup>nt]</font color=green>, aisi que ''hanter noz'', <font color=green>[(h)a<sup>n</sup>n'térnoz]</font color=green> et ''hanternoz'', <font color=green>['ha<sup>n</sup>nter 'no:z]</font color=green>.
 
 
L'adjectif antéposé ''paour-kaezh'', 'pauvre (cher)', lui, est accentué comme une unité accentuelle indépendante. [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:§76,k) note aussi une indépendance accentuelle des noms ''[[pikol]]'', ''[[pezh]]'' et ''[[mell]]''.
 
 
{| class="prettytable"
| (4) || ''ar PaOur-kêz PaOtr''|| 'le pauvre garçon'||<font color=green>[ar ˌpokɛz 'po:tr]</font color=green>||''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:194)
|}


=== mutation ===
=== mutation ===

Version du 13 août 2016 à 11:13

Dans une période antérieure de la langue, les adjectifs étaient tous largement distribués en position prénominale (cf. entre autres, Fave 1998:115-6). En breton moderne, cependant, seuls quelques adjectifs prénominaux subsistent.

Les adjectifs que l'on trouve antéposés au nom sont:

 les adjectifs numéraux cardinaux
 les adjectifs évaluatifs comme kaezh, paour-kaezh
 les adjectifs de mesure comme hanter et les quantifieurs holl et nep
 leurs équivalents préfixés: hanter-, holl- et nep-
 les adjectifs adjectifs monosyllabiques ou bisyllabiques devenus préfixes: 
 arall-, berr-, bihan-, bras-, brizh-, dister-, dreist-, drouk-, fall-/fals-, gouez-, gwen-, heñvel-, hir-, izel-, kamm-, kozh-, krak-, krenn-, lastez-, nevez-, pell-, pounner-, reizh-, skañv-, tomm-, uhel-.


Morphologie

Dans tous les dialectes, un adjectif péjoratif comme paour-kaezh, /pauvre-cher/, 'pauvre', peut se placer devant le nom (cf. carte 511 de l'ALBB).


accentuation

Selon Kervella (1947:§76) et Hemon (1975:§281), les adjectifs prénominaux fonctionnent comme des préfixes selon les règles de l'accentuation. En KLT, où l'accent tombe régulièrement sur l'avant-dernière syllabe, l'adjectif antéposé et son nom semblent former un même composé. Cela est vérifié pour tous les monosyllabiques.


(1) ur GWIR vab 'un vrai fils' [yr'gwi:rva:p] Hemon (1995:§281)
ur GWIR vab 'un vrai fils' [ür 'gwi : rvab] Kervella (1947:§76,k)
ur GWALL zen 'un mauvais homme' [ür 'gwalzenn] Kervella (1947:§76,k)
ur C'HOZH ti 'une maison délâbrée' [ur ' côsti] Kervella (1947:§513)


Les fractions kard, 'quart' et hanter, 'moitié' ont le même comportement accentuel malgré que le second soit bisyllabique (un hanTER tro, 'un demi tour').


(2) un hanTER torzh 'une demi miche' nn ann'tértörz] Kervella (1947:§76,k)
eun hanTER-torz 'une demi miche' Léon (Cleder), Fave 1998:116)
en hanTER ti 'dans la moitié de la maison' Léon (Cleder), Fave 1998:116)
hanTER-tamm 'un demi-morceau Léon (Cleder), Fave 1998:116)
hanTER noz [(h)ann'térnoz] Kervella (1947:§76,k)
ur C'HARD lev 'un quart de lieue' [ür ' cardlêw] Kervella (1947:§76,k)


C'est aussi le cas avec un adjectif cardinal, dont l'article indéfini un, ul, ur, ainsi que du numéral ordinal eil, 'second' (Kervella 1947:§76,a).


(3) hanTER-kant 'demi-cent', 50 Léon (Cleder), Fave 1998:116)
un hanTER kant nn (h)ann'térkannt] Kervella (1947:§76,k)


Kervella (1947:§76,k) oppose un hanter kant, nn (h)ann'térkannt] et hanter-kant [(h)annter 'kannt], aisi que hanter noz, [(h)ann'térnoz] et hanternoz, ['hannter 'no:z].


L'adjectif antéposé paour-kaezh, 'pauvre (cher)', lui, est accentué comme une unité accentuelle indépendante. Kervella (1947:§76,k) note aussi une indépendance accentuelle des noms pikol, pezh et mell.


(4) ar PaOur-kêz PaOtr 'le pauvre garçon' [ar ˌpokɛz 'po:tr] Plozévet, Goyat (2012:194)

mutation

Les adjectifs prénominaux subissent eux-mêmes la lénition liée au genre du nom.


(1) Ema o turlutad aze gand eur goz souflez
est à4 bricoler avec un 1vieux soufflet
'Il est là en train de bricoler (perdre son temps, s'amuser) avec un vieux soufflet.' Trégorrois, Gros (1984:484)


Selon Le Bayon (1878:11), la lénition s'applique aussi sur tout nom qui suit l'adjectif.


Syntaxe

les numéraux cardinaux

Les adjectifs numéraux cardinaux sont toujours placés devant le nom.


les adjectifs au comparatif de supériorité

(6) Kalz tanavo'h bezhin int.
beaucoup épais.plus algues sont
'Ce sont des algues beaucoup plus épaisses' Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:25)

les adjectifs de mesure

Les adjectifs de mesure sont toujours placés devant le nom.


(1) E pad pell amzer e veze kontet kement-mañ: ar vro-se zo paour.
pendant long temps R4 était conté ceci le 1pays-ci est pauvre
'On racontait ceci depuis longtemps: ce pays était pauvre.'
Standard, Menard & Kadored (2001kement-mañ)


(2) Ul labour àr hir dermen an hani eo.
un travail sur long terme le celui est
'C'est un travail sur le long terme, de longue haleine.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:59)


les adjectifs évaluatifs

(2) [ar ˌpokɛz 'po:tr]

ar paour-kêz paotr
'le pauvre garçon', Plozévet, Goyat (2012:194)


(3) kaih voès, er gaih vam

'pauvre femme, la pauvre mère', Vannetais, Le Bayon (1878:11)


(4) ul lastez mezh

'une vilaine honte' Standard, Favereau (1997:§238)
un 'as'ez karr
'une vulgaire charette', Trégor, Favereau (1997:§238)

(5) En em gavout a reas en ul lastez kêrig vihan.

'Il se retrouva dans un vilain petit bourg.', Standard, Menard & Kadored (2001:'lastez')


Certains adjectifs prénominaux, comme kozh- ou brizh-, ont un sens nettement péjoratif, mais cela pourrait être dû au processus de grammaticalisation en préfixe.

morphème libre ou préfixe?

Une question ardue est celle de l'identité syntaxique des adjectifs qui apparaissent antéposés à un nom. S'agit-il de morphèmes liés où de préfixes?

cas clairs de préfixes

Il est certain qu'il existe des adjectifs monosyllabiques ou bisyllabiques devenus préfixes. Les morphèmes berr-, hir- ou holl- en (1) précèdent une racine /pad/ qui n'existe pas en isolation.

(1) berr, 'court' + /pad/ 'durée' => berrbad, 'durée éphémère'

hir, 'long' + /pad/ 'durée' => hirbad, 'de longue durée'
holl, 'tout' + /pad/ 'durée' => hollbad, 'éternel'


Un adjectif comme brizh n'a pas d'emploi adverbial. Si on trouve brizh(-) devant un verbe, alors il s'agit du préfixe brizh-.

(2) brizh marellañ, 'bigarrer vaguement', Favereau en ligne


Sur ce site, sont recensés les préfixes adjectivaux suivants:

 arall-, berr-, bihan-, bras-, brizh-, dister-, dreist-, drouk-, fall-/fals-, gouez-, gwen-, heñvel-, hir-, kamm-, kozh-, krak-, krenn-, izel-, nevez-, pell-, pounner-, reizh-, skañv-, tomm-, uhel-.

plausibles duos

Il est plausible qu'un adjectif donné puisse être ou antéposé au nom comme morphème libre, ou également grammaticalisé comme préfixe. Le Dû (2012:45) distingue en trégorrois deux prononciations distinctes pour l'adjectif kozh devant un nom: l'intensifieur /koz/ et l'adjectif non-péjoratif prénominal /kóz/.


Dans le cas de hanter, 'demi/semi', il est plausible qu'il ne s'agit pas d'un composé morphologique quand il ne provoque pas de mutation, et qu'il s'agisse du préfixe hanter- quand il provoque une lénition sur le mot qui le suit.

Sémantique

modificateurs de degré ou de quantité

Sémantiquement, les adjectifs prénominaux ont en commun de modifier la quantité ou le degré de propriété du nom qui les suit.

Les adjectifs prénominaux semblent être uniformément des modificateurs de degré. Certains, comme hanter-, 'moitié', sont des mesures quantifiables. D'autres, comme kozh-, brizh-, etc. ne sont pas quantifiables. Ils minorisent le degré des propriétés du nom ('du à.peine-breton', 'une presque-maison', 'une mi-réussite').


quantification post-nominale

Si la généralisation semble être que les adjectifs qui ont diachroniquement résisté en position pré-nominale sont les adjectifs de quantification ou de mesure, cela ne signifie pas pour autant que la quantification soit réservée à la zone prénominale.

Un adverbe comme e-leizh peut par exemple quantifier sur un nom qu'il suit.


(3) Dour e-leizh a oa kouezhet e-pad ar goañvezh-se.
eau beaucoup R y.avait tombé pendant le hiver-ci
'Il avait beaucoup plu cet hiver-là.' Standard, Kervella (1995:§500)


variation dialectale

En vannetais, certains adjectifs prénominaux ne sont pas des modificateurs de degré.


(2) Boneur vat deoc'h, ma c'heiz tud!.
chance1 bon P.vous mon2 cher gens
'Bonne chance à vous, mes chers amis!' Vannetais, Ar Meliner (2009:107)

A ne pas confondre

tout adjectif après ken

Des adjectifs qualificatifs comme bras, 'grand', sont canoniquement post-nominaux. C'est uniquement s'ils sont modifiés par l'adverbe de quantité ken, qu'on peut les trouver en zone prénominale.


(4) Biskoazh n'he doa Naig gwelet ken bras bag.
jamais ne 3SGF avait Naig vu tellement grand bateau
'Naig n'avait jamais vu d'aussi grand bateau.'
Bijer (2007:392), cité dans Rezac (2009)


Les adjectifs comme bras ne sont pas à proprement parler des adjectifs prénominaux: ils ne peuvent pas être antéposés seuls au nom (* ur bras bag).

les noms pezh, espes, mell et pikol

Les quatre noms pezh, 'morceau'; espes, 'espèce (de)', et mell, pikol, 'énorme'; et leurs dérivés mellad, monumental et pezhiad, (contenu d’un gros morceau) sont souvent cités comme des exemples d'adjectifs prénominaux. Cependant, comme souligné par Kervella (1995:§512) repris par Trépos (2001:§228), il s'agit non pas d'adjectifs mais de noms, comme le montrent leurs marques de pluriel typiquement nominales:

pezhioù, mell, pikolioù, pezhiad, mellad


(2) Mell glavennoù dibaot en em flastras war groc’hen ar paotr yaouank evel drajoù
grosses gouttes isolé se1 écrasa sur1 peau le gars jeune comme dragées
'De grosses gouttes isolées s'écrasèrent sur la peau du jeune homme comme des dragées.'
Y. Drezen, cité dans Kervella (1995:§512)


Terminologie

Le terme adjectif antéposé correspond au breton anv-gwan raklakaet.