Ad-, as-, az-
Le préfixe ad-, as- ou az- marque la répétition (unique) d'une action ou d'une entité. Ce morphème est productif.
(1) | Pa | adtaol | eun den da gousket | e chom diwezad. | |||
quand1 | re.jette | un homme à1 dormir | R reste tard | ||||
'Quand on recommence à dormir (après être resté longtemps réveillé), | |||||||
on reste tard au lit.' | Gros (1970b:§'adteurel') |
(2) kouez, 'chute' > adkouez, 'rechute', Trépos (2001:§121)
- devezh, 'journée' > addevezh, 'jour supplémentaire', Favereau (1997:§193)
- gwech, 'fois' > adwech, 'coup à refaire aux boules', Favereau (1997:§193)
Le Roux (1915:90) relève en trégorrois advot 'ballottage' et advragou 'caleçons'. Deshayes (2003:'planedenn') donne adplanedenn 'satellite'.
Morphologie
allomorphes
Kervella (1947:§874) traite ad-, as- et az- comme les formes d'un même morphème. Selon Deshayes (2003:36), le préfixe az- est le préfixe ad- qui aurait subi une lénition.
D'autres auteurs classent ad- et az-/as- comme distincts. Merser (2009:482) note seulement que les préfixes ad- et az-, as- sont synonymes.
Certains mots existent avec deux formes concurrentes du préfixe sans que leur sens soit impacté.
(3) 'œuf factice': azdov / addov, (Kervella 1947:§874)
- 'casse-croûte du matin': azzijun / addijuni, Deshayes (2003:'dijuni')
- 'redemander, demander de nouveau': azgoulenn (Kervella 1947:§874) et adhoulenn (Merser 2009:482)
- 'repas après souper, réveillon': azkoan (Kervella 1947:§874) et adkoan (Merser 2009)
La forme en as/az est moins productive que ad-. Selon Deshayes (2003:36), la forme en as/az n'était même quasiment plus productive avant d'être revivifiée dans des néologismes. Il relève cependant la forme azejun 'casse-croûte du matin' dès 1919.
Deshayes (2003:36) : "D’un emploi fort rare, il a été repris par Emile Ernault, puis par François Vallée pour créer de nouveaux mots. Ce préfixe se renforce en as- devant les consonnes /f, k, p, s, t/, d’où la variante as- en [orthographe] peurunvan et en interdialectal."
(4) sac'h 'sac' > assac'h 'bourse à part, argent ramassé en cachette', Vallée (1931)
Le Gall (1957:'azhori'), à l'Hôpital-Camfrout, donne asfoar, asfoenn, askoania, astiñva.
sandhi
Le préfixe ad- peut subir un sandhi devant une consonne non-voisée:
(5) | ['ato] | ['atonnt] | |
addov | addont | ||
'œuf factice' | 'revenir' | Kervella (1947:§874) |
(6) | ober > | adober; | deski > | atteski; | kemer > | atkemer | |
'faire' | 'refaire' ; | 'apprendre' | 'réapprendre' ; | 'prendre' | 'reprendre' | Merser (2009) |
mutations
Le préfixe ad- provoque une lénition sur les initiales /g, gw, b, m/ (Kervella 1947:§874, Chalm 2008:w-217, Merser 2009:482).
(7) goulenn, 'demander' > adc’houlenn, 'redemander'
- gwelet, 'voir' > adwelet, 'revoir'
- bevañ, 'vivre' > advevañ, 'revivre'
- merenn, 'repas de midi' > adverenn, 'collation'
as- provoque les mutations par adoucissement devant /gw, b, m/ (Kervella 1947:§874).
Le Gall (1957) donne à l'Hôpital-Camfrout azhori 're-former un abcès', sur gori 'former un abcès', alors que Kervella (1947:§874) donne azgoulenn.
Chalm (2008:w-217) considère que ni as- ni az- ne provoquent de mutation.
productivité et variation dialectale
Gros (1984:369) considère que le suffixe ad- est productif en breton trégorrois.
Selon Gerven (2014), le préfixe ad-, s’il est répandu sur les verbes en Trégor et Haute-Cornouaille, ne l’est pas en breton de l’Ouest qui utiliserait plutôt l’adverbe en-dro 'de retour'. Goyat (2012:333) ne donne que la forme as-, avec /as'toma/, astomma 'réchauffer'. On relève azvan chez Jakez Riou, dans un texte d'étude de manuel scolaire.
(1) | Ar marhadour | a hejas e benn | hag a reas | an azvan | da bellaad. | Jakez Riou, Cornouaille (Lothey) , Seite & Stéphan (1957:119) | |
le marchand | R secoua son1 tête | et R fit | le re1.mine | de 1 loin.t.er | |||
'Le marchand secoua la tête et refit mine de s'éloigner.' |
La présence du suffixe ad- en haut-cornouaillais demanderait à être documentée, car Bouzec & al. 2017:17) rapporte que ce suffixe n'est ni utilisé ni compris en haut-cornouaillais, où "il n'existe qu'à l'état de trace dans halein (adlein) par exemple ou dans 'n dro adar' (en-dro adarre)". A la place, c'est en-dro qui est utilisé.
dérivation
Selon Kervella (1947:§879,880), le préfixe das- est un composé des morphèmes de- et as-, az-.
Syntaxe
Le préfixe ad- apparaît avec des racines verbales (adober) comme nominales (adkoan).
Kervella (1947:§882) donne les verbes adlivañ, adkregiñ, adsevel, astinvañ, astommañ, et les noms adti, advab, adyezh, azginivelezh
Ce préfixe apparaît dans les noms géographiques tels que Adkaokaz, Adliban, Adatlas (Kervella 1947:§874).
Horizons comparatifs
Selon Even (1978:35), le breton ad- descend du gaulois ate-, qui correspond au vieux breton at- et à l'irlandais aith-. Le sens aurait d'abord été celui d'intensification, puis celui de répétition.
Deshayes (2003:36) : "ad- indique la répétition et présente la même valeur que le français re-. D’un emploi peu fréquent jusqu’au début du XX°, il a servi à créer un certain nombre de verbes. Ce préfixe, qui correspond au gallois ad-, procède du vieux breton at-, attesté dans quelques mots avec l’idée de renouvellement ou de retour. Il répond également au vieil irlandais aith- et au gaulois ate-, ati-."
Sémantique
Avec les prédicats, le préfixe dénote la répétition du procès ou de l’état.
La forme advezv signifie selon Favereau (1997:§230) 'soûl (à nouveau), qui ne désoûle pas'.
(1) | ‘M-eus aon | out mezo ! | – Ya, advezo ! | |||||
‘je.crois | es saoûl | -oui sfx1saoûl | ||||||
'Je crois que tu es saoûl ! Oui, re-saoûl ! (ce n’est pas la première fois).' | Trégorrois, Gros (1984:371) |
Avec les noms, le préfixe force le doublement du référent. Il dénote alors la seconde entité obtenue. Gros (1984:370-1) donne:
- an adhoro : 'la seconde traite, lait qui vient après ar vegenn'
- an adfoenn : 'la seconde coupe de foin', 'le regain'
- addijuni : 'second déjeuner'
- adkoan : 'second souper'
- e adgroñj : 'son double-menton'
as-/az- vs. ad-
Kervella (1947:§874) note que la langue moderne tend à assigner aux formes az- et as- des nuances plus fortes qu'à sa variante ad-.
- pediñ, 'prier' > aspediñ, 'prier fort et souvent', Kervella (1947:§874)
- azrodelleg, 'bouclé, fort ou à nouveau', Favereau (1993)
Cet effet d'intensification est possiblement dû au fait que la forme az est préférée dans les coordinations:
- pediñ hag aspediñ,
- moulañ hag asvoulañ,
- lennet hag aslennet, Kervella (1947:§874)
Bibliographie
- Yann Gerven. 2014. 'ar rakgerioù: 're-' galleg, ad- brezhoneg', Yezhadur!, Alioù fur evit ar vrezhonegerien diasur, Keit Vimp Bev, 153-154.
- édition de: Gerven, Yann. 2014. 'Ar rakgerioù : re- galleg, ad- brezhoneg', Ya, [10/01/2014], texte.