Différences entre les versions de « Accentuation »

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L''''accentuation''' est un pôle important d'information [[prosodique]].
L''''accentuation''' est un pôle important d'information [[prosodique]]. L'accent est une unité phonologique supra-segmentale: il ne peut pas être prononcé en isolation, sans la présence d'au moins un phonème segmental.


L''''accentuation de phrase''' joue un rôle important dans la [[structure informationnelle]] d'une phrase. La langue bretonne a aussi une '''accentuation de mot''', un système d''''accentuation tonique'''. L'accent tonique est une unité phonologique supra-segmentale: il ne peut pas être prononcé en isolation, sans la présence d'au moins un phonème segmental.


L''''accentuation de phrase''' joue un rôle important dans la [[structure informationnelle]] d'une phrase. La langue bretonne a aussi une '''accentuation de mot''', un système d''''accentuation tonique'''.


Cette page rassemble des notes un peu éparses, et ne donne pas une vue d'ensemble correcte des variations de l'accentuation dans les dialectes du breton. Se reporter en bibliographie pour des études plus exhaustives.
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Selon [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:128-9), l'accentuation de phrase est liée à la [[structure informationnelle]].
Selon [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:128-9), l'accentuation de phrase est liée à la [[structure informationnelle]]. Il dégage des différences d'accentuation de phrase suivant l'emplacement d'un élément focalisé.


   [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:128-9):
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== Accentuation de mot ==
== Accentuation de mot ==


=== mots composés ===
=== relatif à la fin de mot ===
 
==== flexion, dérivation ====
 
En breton, la [[flexion]] ou la [[dérivation]], en ajoutant ou soustrayant des syllabes au domaine du mot, change d'autant la place de l'accent de mot.
 


Hemon (1995[[Hemon (1995:§274-275)|:§274-275]]) note que dans les [[mots composés]] mettant côte-à-côte deux mots portant l'accent, c'est celui du premier qui s'efface ou s'amuise.
=== mots simples ===


Le système accentuel dans le domaine du mot est sujet à de conséquentes variations dialectales, la ligne de fracture la plus aisément repérable étant celle qui oppose d'une part les parlers du Sud-Est ([[vannetais]] et guérandais) d'avec les autres ([[KLT]] et [[breton standard]]). On le voit dans la [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-506.jpg carte 506] de l'[[ALBB]], pour le trisyllabique ''[[oferenn]]'' 'messe'. Le [[KLT]] accentue sur l'avant-dernière syllabe, quand le vannetais accentue sur la dernière. A Caudan en vannetais, la syllabe accentuée est l'initiale.


==== adverbes déictiques spatiaux ====


Les [[Les adverbes déictiques spatiaux|adverbes déictiques spaciaux]] -''mañ'', -''se'' et -''hont'' dérogent à cette règle car c'est leur accent qui disparaît en cas d'adjacence.
  [[Falc'hun (1947)|Falc'hun (1947]]:9):
"La conclusion la plus nette qui se dégage de [l']étude de l'aspect géographique de l'accentuation bretonne, c'est la dualité originelle des dialectes bretons, caractérisés par une accentuation différente. L'un des dialectes, accentué sur la dernière syllabe, était en usage sur la côte méridionale, jusqu'à l'Odet ou la baie d'Audierne, et l'autre, accentué sur l'avant-dernière syllabe, sur les côtes occidentale et septentrionale. Entre les monts d'Arrée et les Montagnes Noires, leurs limites naturelles à l'intérieur, les deux dialectes se mélangeaient, autour de Carhaix, avec une prédominance du breton du nord. Grâce au réseau de voies romaines qui avait son centre à Carhaix, ce breton intermédiaire se répandit rapidement vers Quimper et Tréguier, moins vite vers Hennebont et Saint-Pol-de-Léon. Il propagea au nord certains traits du breton du sud, mais plus souvent au sud, bien que moins profondément, certains traits du breton du nord."


Par exemple, ''an dra-mañ'', ''kement-se'', ''mintin-mañ''... sont accentués sur la base.


==== dérivation de l'accentuation antépénultième ====


=== flexion, dérivation ===
Selon [[Falc'hun (1947)|Falc'hun (1947]]:4) qui étudie l'accentuation à partir des cartes de l'[[ALBB]], l'accentuation pénultième prototypique du dialecte vannetais a "jadis largement débordé le diocèse de Vannes, mais [est] en régression devant une poussée exercée de Carhaix en direction de Concarneau et Corlay en Cornouaille [...], d'Hennebont au pays de Vannes [...]."


En breton, la [[flexion]] ou la [[dérivation]], en ajoutant ou soustrayant des syllabes au domaine du mot, change d'autant la place de l'accent de mot.


 
Pour Falc'hun, l'accentuation à l'initiale des trisyllabiques (antépénultième) est un sous-produit de l'accentuation sur la finale:
==== horizons comparatifs ====


En français, le système d'accentuation tonique de mot est virtuellement inexistant. Le français est isolé dans ce cas parmi les langues romanes.
  [[Falc'hun (1947)|Falc'hun (1947]]:4):
  "l'accentuation antépénultième n'est en breton qu'une variante de l'accentuation sur la finale; elle provient du développement d'un accent secondaire qui, coïncidant avec un léger accent d'intensité initiale, arrive facilement à supplanter l'accent principal:
  <u>( ' )</u> __ <u> ' </u> donne <u> ' </u> __ <u>( ' )</u> , d'où <u> ' </u> <u>( )</u> __ et <u> ' </u>  __ , comme en latin ''valide'' > ''valde''. De ''hoer'' ou ''hwer'' 'soeur' (c. [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-331.jpg 331] de l'[[ALBB]]) le pluriel vannetais est ''hwerezét'' ou ''hwerzét'', mais le bas vannetais connaît aussi ''hwérezet'' et sa variante ''hwérzet'', formes usitées, en dehors du pays de Vannes, de Concarneau à Paimpol. On reconnaîtra donc une accentuation de type vannetais aux mots accentués sur l'antépénultième en dehors du pays de Vannes."


En Occitan du Couserans, l'accent tonique de mot tombe, comme la plupart du temps en breton standard, sur l'avant dernière syllabe ([[Ensergueix (2012)|Ensergueix 2012]]:21).
C'est ainsi par exemple que Falc'hun comprend la situation du Goëlo oriental décrite par Le Clerc.


  [[Le Clerc (1911)|Le Clerc (1911]]:231-232):
  "l'accent tonique n'est pas toujours sur l'avant-dernière syllabe; quelquefois, les mots de deux syllabes ont la dernière accentuée; très souvent, dans les mots de trois syllabes, c'est la première qui porte l'accent."
  "En Goélo, on n'a pas besoin de redoubler devant un suffixe la liquide finale précédée d'un e muet, l'avant-dernière syllabe n'ayant pas à porter l'accent; en trécorrois, on dira ''pedenno'', en accentuant fortement ''den'', comme on dira ''kanello'' 'bobines', avec l'accent sur ''nel''; au contraire, ''kanelaou'', forme du Goélo oriental, a deux accents, l'un sur ''ka'' et l'autre sur ''laou''."


=== variation dialectale ===


Le système accentuel dans le domaine du mot est sujet à de conséquentes variations dialectales, la ligne de fracture la plus aisément repérable étant celle qui oppose d'une part les parlers du Sud-Est (vannetais et guérandais) d'avec les autres ([[KLT]] et [[Breton standard]]).
Les trisyllabiques sont signalés à accentuation initiale en région de Quimperlé ([[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. 2017]]:501). Cependant, cela ne correspond pas à de multiples exemples donnés par ces auteurs (cf. 'KemPERle', [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. 2017]]:475, ''disec'hiñ'' 's'assécher', <font color=green>[di'zeXen]</font color=green>).


  [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:501):
  "La tendance à placer l'accent tonique sur l'initiale quand un mot est de trois syllabes est aussi perceptible dans les formes conjuguées. A Moëlan et Riec tout du moins. Par exemple: ''labouremp'' '[nous] travaillions'. ''labourèm'' ['la:burɛm]."


==== vannetais ====


   [[Le Pipec (2000)|Le Pipec (2000]]:88), sur le vannetais de Malguénac:
   [[Le Pipec (2000)|Le Pipec (2000]]:88), sur le vannetais de Malguénac:
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   - Un accent libre, celui appelé ici ''longueur secondaire'', touchant n'importe quelle syllabe.
   - Un accent libre, celui appelé ici ''longueur secondaire'', touchant n'importe quelle syllabe.
    
    
   Le rôle distinctif de la longueur vocalique principale, ainsi que l'autonomie de la longueur secondaire oblige à reconnaître à la durée vocalique un rôle phonologique, et donc à la retenir comme trait pertinent (longueur paradigmatique). Le système se sépare donc nettement en cela des parlers du nord-ouest, pour lesquels la longueur est contingente puisque conditionnée par l'accentuation  
   Le rôle distinctif de la longueur vocalique principale, ainsi que l'autonomie de la longueur secondaire oblige à reconnaître à la durée vocalique un rôle phonologique, et donc à la retenir comme trait pertinent (longueur paradigmatique). Le système se sépare donc nettement en cela des parlers du nord-ouest, pour lesquels la longueur est contingente puisque conditionnée par l'accentuation et par le contexte phonémique de la syllabe (longueur syntagmatique). En revanche, on relèvera des traits communs avec les parlers de la zone à accentuation initiale ou antépénultième."
  et par le contexte phonémique de la syllabe (longueur syntagmatique). En revanche, on relèvera des traits communs avec les parlers de la zone à accentuation initiale ou antépénultième.




   [[Mathelier (2017)|Mathelier (2017]]:369), sur le breton guérandais, et les langues en [[contact]]:
   [[Mathelier (2017)|Mathelier (2017]]:369), sur le breton guérandais, et les langues en [[contact]]:
    
    
   "le parler mitaw (ensemble des parlers gallos du nord de la Loire-Atlantique situé[s] entre la Loire, L'Erdre et la Vilaine) accentue lui aussi très fortement sur la dernière syllabe. [...] Par rapport au vannetais, le guérandais accentue très lourdement la dernière syllabe, comme c'est aussi le cas dans les parlers mitaw. Ce phénomène reste encore marqué dans la façon d'accentuer le français dans notre région."  
   "le parler mitaw (ensemble des parlers gallos du nord de la Loire-Atlantique situé[s] entre la Loire, L'Erdre et la Vilaine) accentue lui aussi très fortement sur la dernière syllabe. [...] Par rapport au vannetais, le guérandais accentue très lourdement la dernière syllabe, comme c'est aussi le cas dans les parlers mitaw. Ce phénomène reste encore marqué dans la façon d'accentuer le français dans notre région."
 


==== cornouaillais de l'Est ====
==== cornouaillais de l'Est ====


La frontière n'est cependant pas une ligne imperméable, et l'influence vannetaise se fait sentir sur le bord vannetais du [[KLT]].
La frontière n'est pas une ligne imperméable, et l'influence vannetaise se fait sentir sur le bord vannetais du [[KLT]].


   [[German (2007)|German (2007]]:158):
   [[German (2007)|German (2007]]:158):
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Les trisyllabiques sont signalés à accentuation initiale en région de Quimperlé ([[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. 2017]]:501). Cependant, cela ne correspond pas à de multiples exemples donnés par ces auteurs (cf. 'KemPERle', [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. 2017]]:475, ''disec'hiñ'' 's'assécher', <font color=green>[di'zeXen]</font color=green>).
==== variation idiolectale ====
 
  [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:501):
  "La tendance à placer l'accent tonique sur l'initiale quand un mot est de trois syllabes est aussi perceptible dans les formes conjuguées. A Moëlan et Riec tout du moins. Par exemple: ''labouremp'' '[nous] travaillions'. ''labourèm'' ['la:burɛm]."
 
=== variation idiolectale ===


[[McKenna (1976-8)|McKenna (1976-8:]]73) note que certaines accentuations semblent optionnelles et idiolectales. Il rapporte même le cas du locuteur de (1) qui a pour habitude de dire une phrase et de la répéter en changeant uniquement l'accentuation du dernier mot.
[[McKenna (1976-8)|McKenna (1976-8:]]73) note que certaines accentuations semblent optionnelles et idiolectales. Il rapporte même le cas du locuteur de (1) qui a pour habitude de dire une phrase et de la répéter en changeant uniquement l'accentuation du dernier mot.
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| ||colspan="4" | 'Ce matin, je me suis levé(e) tôt.'  
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=== mots composés ===
Hemon (1995[[Hemon (1995:§274-275)|:§274-275]]) note que dans les [[mots composés]] mettant côte-à-côte deux mots portant l'accent, c'est celui du premier qui s'efface ou s'amuise.
La [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-574.jpg carte 574] de l'[[ALBB]] montre que le nom composé ''[[tad]]-[[kozh]]'' 'grand-père' est [[accentué]] sur la dernière syllabe.
==== adverbes déictiques spatiaux ====
Les [[Les adverbes déictiques spatiaux|adverbes déictiques spaciaux]] -''mañ'', -''se'' et -''hont'' dérogent à cette règle car c'est leur accent qui disparaît en cas d'adjacence.
Par exemple, ''an dra-mañ'', ''kement-se'', ''mintin-mañ''... sont accentués sur la base.
 
==== horizons comparatifs ====
En français, le système d'accentuation tonique de mot est virtuellement inexistant. Le français est isolé dans ce cas parmi les langues romanes.
En Occitan du Couserans, l'accent tonique de mot tombe, comme la plupart du temps en breton standard, sur l'avant dernière syllabe ([[Ensergueix (2012)|Ensergueix 2012]]:21).




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   [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:127):
   [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:127):
   Quand il s’achève par un monosyllabe, le groupe est accentué sur ce monosyllabe, sauf s’il est précédé de l’[[art|article]] [[indéfini]], d’un numéral monosyllabique, de l’[[interrogatif]] ''[[pet|ped]]'' 'combien', de l’[[exclamatif]] ''[[pegen]]'' 'comme', des adverbes ''[[re]]'' 'trop', ''[[ken]] 'aussi' et ''[[gwall]] 'très, ou des pronoms ''[[hini]]'' et ''[[hini|re]]'', quand ils sont précédés d’un [[possessif]] ; c’est alors, à nouveau, l’avant-dernière syllabe du groupe qui est accentuée.
   "Quand il s’achève par un monosyllabe, le groupe est accentué sur ce monosyllabe, sauf s’il est précédé de l’[[art|article]] [[indéfini]], d’un numéral monosyllabique, de l’[[interrogatif]] ''[[pet|ped]]'' 'combien', de l’[[exclamatif]] ''[[pegen]]'' 'comme', des adverbes ''[[re]]'' 'trop', ''[[ken]] 'aussi' et ''[[gwall]] 'très, ou des pronoms ''[[hini]]'' et ''[[hini|re]]'', quand ils sont précédés d’un [[possessif]] ; c’est alors, à nouveau, l’avant-dernière syllabe du groupe qui est accentuée."


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
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=== breton ===
=== breton ===


* Falc’hun, F. 1972. 'De la durée vocalique sous l’accent dans le breton de Saint-Pol-de-Léon', H. Pilch & J. Thurow, Indo-Celtica: Gedächtnisschrift für Alf Sommerfelt, Hueber, Munich.  
* Falc’hun, F. 1972. 'De la durée vocalique sous l’accent dans le breton de Saint-Pol-de-Léon', H. Pilch & J. Thurow (éds.), ''Indo-Celtica: Gedächtnisschrift für Alf Sommerfelt'', Hueber, Munich.  
 
* [[Falc'hun (1947)|Falc'hun F. 1947]]. 'L'accentuation du breton', ''[[Annales de Bretagne]]'' 54:1, 1-11. [https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1947_num_54_1_1845 texte].
 
* Favereau, F. 1997. 'Overaccomodation, motherese, et déplacement de l’accent en breton scolaire', Teod-Teanga-Tafod 3 ( ?).  
* Favereau, F. 1997. 'Overaccomodation, motherese, et déplacement de l’accent en breton scolaire', Teod-Teanga-Tafod 3 ( ?).  
* [[Le Gall (1903)|Le Gall, J. 1903]]. 'Quelques recherches sur l'accent, le timbre et la quantité des voyelles dans le dialecte breton de Botsorhel', ''[[Annales de Bretagne]]'' 19:2, 249-266, [https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1903_num_19_2_1179 texte].
* [[McKenna (1981)|McKenna, Malachy. 1981]]. 'Initial stress in the Breton of Guémené-sur-Scorff (Bas-Vannetais)', ''[[Celtica]]'' 14:62-63.
* [[McKenna (1981)|McKenna, Malachy. 1981]]. 'Initial stress in the Breton of Guémené-sur-Scorff (Bas-Vannetais)', ''[[Celtica]]'' 14:62-63.
* [[Madeg (2010)|Madeg, M. 2010]]. ''Traité de prononciation du breton du Nord Ouest'', Emgleo Breiz.
* [[Madeg (2010)|Madeg, M. 2010]]. ''Traité de prononciation du breton du Nord Ouest'', Emgleo Breiz.
* Pilch, Herbert. 1986. 'L'accentuation de la langue bretonne', ''[[La Bretagne Linguistique]]'' 2, CRBC.
* Pilch, Herbert. 1986. 'L'accentuation de la langue bretonne', ''[[La Bretagne Linguistique]]'' 2, CRBC.
* [[Le Pipec (2004b)|Pipec (le), E. 2004b]]. Les schémas accentuels en breton du sud-est, Mémoire de DEA, Rennes : U.H.B.   
* [[Le Pipec (2004b)|Pipec (le), E. 2004b]]. Les schémas accentuels en breton du sud-est, Mémoire de DEA, Rennes : U.H.B.   
* [[Le Pipec (2000)|Pipec (le), E. 2000]]. 'Le breton de Malguénac, Quelques aspects', Hor Yezh (éd.).  
* [[Le Pipec (2000)|Pipec (le), E. 2000]]. 'Le breton de Malguénac, Quelques aspects', Hor Yezh (éd.).  
* [[Plourin (1985)|Plourin, Jean-Yves. 1985]]. 'L'accentuation en Haute-Cornouaille et en Bas-Vannetais', ''[[La Bretagne Linguistique]]'' 1, CRBC.
* [[Plourin (1985)|Plourin, Jean-Yves. 1985]]. 'L'accentuation en Haute-Cornouaille et en Bas-Vannetais', ''[[La Bretagne Linguistique]]'' 1, CRBC.
* [[Quiggin (1909-1910)|Quiggin, E. C. 1909-1910]]. 'A Case of Stress Shifting in the Dialect of Tréguier', ''[[ZCP|Zeitschrift für Celtische Philologie]]'' 7, 354-356.


=== littérature théorique ===
=== littérature théorique ===

Version du 14 septembre 2020 à 12:09

L'accentuation est un pôle important d'information prosodique. L'accent est une unité phonologique supra-segmentale: il ne peut pas être prononcé en isolation, sans la présence d'au moins un phonème segmental.


L'accentuation de phrase joue un rôle important dans la structure informationnelle d'une phrase. La langue bretonne a aussi une accentuation de mot, un système d'accentuation tonique.

Cette page rassemble pour l'instant des notes un peu éparses, et ne donne pas une vue d'ensemble correcte des variations de l'accentuation dans les dialectes du breton. Se reporter en bibliographie pour des études plus exhaustives.


Accentuation de phrase

Gros note l'importance de l'accentuation, même s'il ne dégage pas les effets produits par l'accentuation elle-même des effets pragmatiques induits par une structure informationnelle particulière.

 Gros (1984:138)
 Soit la phrase da beleh ez?, avec l'accent tonique à sa place normale sur ez. Elle signifie tout simplement 'Où vas-tu?' (question banale). Mais prononcez-la: Da beleh ez?, en accentuant très fortement la syllabe be et en mettant l'accent secondaire sur ez, le sens est changé. La question est maintenant chargée d'affectivité. Elle dénote chez le sujet parlant un sentiment de désapprobation, d'impatience ou de colère que la phrase écrite est incapable de rendre. De même dans l'exemple Deui ket amañ?. Si on le prononce lentement sur un ton neutre, égal, avec l'accent principal sur deu, c'est une interrogation purement intellectuelle: 'Ne viendras-tu pas ici?' Mais si on prononce Deui ket amañ? rapidement, en accentuant plus fortement le 'a' de amañ que la syllabe deu, il ne s'agit plus d'une question, mais d'un ordre formulé avec impatience et correspondant au français 'Veux-tu venir ici!'


Selon Goyat (2012:128-9), l'accentuation de phrase est liée à la structure informationnelle. Il dégage des différences d'accentuation de phrase suivant l'emplacement d'un élément focalisé.

 Goyat (2012:128-9):
 L’accent de phrase nous semble lié à la structure informationnelle. L’unité de la structure informationnelle est le groupe de souffle, encore appelé unité d’intonation. La structure informationnelle dépend de la place de l’accent de groupe dans cette unité. En breton, cet accent est souvent placé dans le segment initial, qui est alors le segment focalisé.
 Exemple : 
 /'ɡɥi:n nef ke ˌmorse/ 
 Gwin n’ev ket morse. 
 'Du vin, il n’en boit jamais.'
 
 L’accent de groupe est aussi souvent placé dans le segment final, et c’est alors le segment focalisé.
 Exemple : 
 /pøs ki:nˌɡul ɡa 'pɛ:r/ 
 N’ho-peus ken goulenn gand Per. 
 'Vous n’avez / tu n’as qu’à demander à Pierre.'
 
 Mais ce n’est bien sûr pas nécessairement la dernière syllabe du groupe qui porte l’accent :
 Exemple : 
 /me ɡav ˌma:d ãn a'va:lu se/ 
 Me a gav mad an avalou-se. 
 'J’aime bien ces pommes.'
 
 Tout se passe donc, dans la conscience du sujet parlant, comme si la fin de phrase était prévue. La place du dernier accent de groupe détermine celle des accents situés en amont dans la phrase. C’est un peu comme si le locuteur procédait inconsciemment à un compte à rebours. L’accent de groupe est plus rarement placé dans les segments intermédiaires ; du moins dans les phrases, en général courtes, de la conversation courante.


Accentuation de mot

relatif à la fin de mot

flexion, dérivation

En breton, la flexion ou la dérivation, en ajoutant ou soustrayant des syllabes au domaine du mot, change d'autant la place de l'accent de mot.


mots simples

Le système accentuel dans le domaine du mot est sujet à de conséquentes variations dialectales, la ligne de fracture la plus aisément repérable étant celle qui oppose d'une part les parlers du Sud-Est (vannetais et guérandais) d'avec les autres (KLT et breton standard). On le voit dans la carte 506 de l'ALBB, pour le trisyllabique oferenn 'messe'. Le KLT accentue sur l'avant-dernière syllabe, quand le vannetais accentue sur la dernière. A Caudan en vannetais, la syllabe accentuée est l'initiale.


 Falc'hun (1947:9):
"La conclusion la plus nette qui se dégage de [l']étude de l'aspect géographique de l'accentuation bretonne, c'est la dualité originelle des dialectes bretons, caractérisés par une accentuation différente. L'un des dialectes, accentué sur la dernière syllabe, était en usage sur la côte méridionale, jusqu'à l'Odet ou la baie d'Audierne, et l'autre, accentué sur l'avant-dernière syllabe, sur les côtes occidentale et septentrionale. Entre les monts d'Arrée et les Montagnes Noires, leurs limites naturelles à l'intérieur, les deux dialectes se mélangeaient, autour de Carhaix, avec une prédominance du breton du nord. Grâce au réseau de voies romaines qui avait son centre à Carhaix, ce breton intermédiaire se répandit rapidement vers Quimper et Tréguier, moins vite vers Hennebont et Saint-Pol-de-Léon. Il propagea au nord certains traits du breton du sud, mais plus souvent au sud, bien que moins profondément, certains traits du breton du nord."


dérivation de l'accentuation antépénultième

Selon Falc'hun (1947:4) qui étudie l'accentuation à partir des cartes de l'ALBB, l'accentuation pénultième prototypique du dialecte vannetais a "jadis largement débordé le diocèse de Vannes, mais [est] en régression devant une poussée exercée de Carhaix en direction de Concarneau et Corlay en Cornouaille [...], d'Hennebont au pays de Vannes [...]."


Pour Falc'hun, l'accentuation à l'initiale des trisyllabiques (antépénultième) est un sous-produit de l'accentuation sur la finale:

 Falc'hun (1947:4): 
 "l'accentuation antépénultième n'est en breton qu'une variante de l'accentuation sur la finale; elle provient du développement d'un accent secondaire qui, coïncidant avec un léger accent d'intensité initiale, arrive facilement à supplanter l'accent principal:
 ( ' ) __  '  donne  '  __ ( ' ) , d'où  '  ( ) __ et  '   __ , comme en latin valide > valde. De hoer ou hwer 'soeur' (c. 331 de l'ALBB) le pluriel vannetais est hwerezét ou hwerzét, mais le bas vannetais connaît aussi hwérezet et sa variante hwérzet, formes usitées, en dehors du pays de Vannes, de Concarneau à Paimpol. On reconnaîtra donc une accentuation de type vannetais aux mots accentués sur l'antépénultième en dehors du pays de Vannes."

C'est ainsi par exemple que Falc'hun comprend la situation du Goëlo oriental décrite par Le Clerc.

 Le Clerc (1911:231-232):
 "l'accent tonique n'est pas toujours sur l'avant-dernière syllabe; quelquefois, les mots de deux syllabes ont la dernière accentuée; très souvent, dans les mots de trois syllabes, c'est la première qui porte l'accent." 
 "En Goélo, on n'a pas besoin de redoubler devant un suffixe la liquide finale précédée d'un e muet, l'avant-dernière syllabe n'ayant pas à porter l'accent; en trécorrois, on dira pedenno, en accentuant fortement den, comme on dira kanello 'bobines', avec l'accent sur nel; au contraire, kanelaou, forme du Goélo oriental, a deux accents, l'un sur ka et l'autre sur laou."


Les trisyllabiques sont signalés à accentuation initiale en région de Quimperlé (Bouzec & al. 2017:501). Cependant, cela ne correspond pas à de multiples exemples donnés par ces auteurs (cf. 'KemPERle', Bouzec & al. 2017:475, disec'hiñ 's'assécher', [di'zeXen]).

 Bouzec & al. (2017:501):
 "La tendance à placer l'accent tonique sur l'initiale quand un mot est de trois syllabes est aussi perceptible dans les formes conjuguées. A Moëlan et Riec tout du moins. Par exemple: labouremp '[nous] travaillions'. labourèm ['la:burɛm]."


 Le Pipec (2000:88), sur le vannetais de Malguénac:
 
 "On a donc un système très différent et beaucoup plus complexe que celui du breton retenu comme standard. La principale originalité du système considéré est d'articuler deux accents indépendamment l'un par rapport à l'autre:
 - Un accent fixe, frappant régulièrement la dernière syllabe, constitué d'une longueur et d'une intensité principales, relayée dans les mots de plus de deux syllabes par une intensité secondaire sur la syllabe initiale.
 - Un accent libre, celui appelé ici longueur secondaire, touchant n'importe quelle syllabe.
 
 Le rôle distinctif de la longueur vocalique principale, ainsi que l'autonomie de la longueur secondaire oblige à reconnaître à la durée vocalique un rôle phonologique, et donc à la retenir comme trait pertinent (longueur paradigmatique). Le système se sépare donc nettement en cela des parlers du nord-ouest, pour lesquels la longueur est contingente puisque conditionnée par l'accentuation et par le contexte phonémique de la syllabe (longueur syntagmatique). En revanche, on relèvera des traits communs avec les parlers de la zone à accentuation initiale ou antépénultième."


 Mathelier (2017:369), sur le breton guérandais, et les langues en contact:
 
 "le parler mitaw (ensemble des parlers gallos du nord de la Loire-Atlantique situé[s] entre la Loire, L'Erdre et la Vilaine) accentue lui aussi très fortement sur la dernière syllabe. [...] Par rapport au vannetais, le guérandais accentue très lourdement la dernière syllabe, comme c'est aussi le cas dans les parlers mitaw. Ce phénomène reste encore marqué dans la façon d'accentuer le français dans notre région."


cornouaillais de l'Est

La frontière n'est pas une ligne imperméable, et l'influence vannetaise se fait sentir sur le bord vannetais du KLT.

 German (2007:158):
 "To the west of Bannalec, the tonic accent normally also falls on the penultimate syllable: gantañ ['gã˘to] 'with-him', ganti ['gati] 'with-her', ganto ['gata] 'with-them', etc., but as one approaches Quimperlé, there are numerous examples which have the stress on the final syllables, as in vannetais: gantañ [ga'tõ] 'with-him', ganti [ga'ti] 'with-her', ganto [ga'tE] 'with them', etc. In disyllabic words, there are a number of doublets where, depending on the speaker and area, stress can fall on either syllable laket ['lakət] (also [lak]) versus lakaet [la'kẹt] 'placed', gouezet ['gwi˘ət] versus [gu'jẹt] 'knew', etc."


variation idiolectale

McKenna (1976-8:73) note que certaines accentuations semblent optionnelles et idiolectales. Il rapporte même le cas du locuteur de (1) qui a pour habitude de dire une phrase et de la répéter en changeant uniquement l'accentuation du dernier mot.


(1) ['mῖntimɑ həwon 'zavét é'kurs / 'é-kurs ]
Mitin-ma eh on sauet ekours. Guéméné-sur-Scorff, McKenna (1976-8:74)
matin- R4 suis levé en.temps
'Ce matin, je me suis levé(e) tôt.'


mots composés

Hemon (1995:§274-275) note que dans les mots composés mettant côte-à-côte deux mots portant l'accent, c'est celui du premier qui s'efface ou s'amuise. La carte 574 de l'ALBB montre que le nom composé tad-kozh 'grand-père' est accentué sur la dernière syllabe.


adverbes déictiques spatiaux

Les adverbes déictiques spaciaux -mañ, -se et -hont dérogent à cette règle car c'est leur accent qui disparaît en cas d'adjacence.

Par exemple, an dra-mañ, kement-se, mintin-mañ... sont accentués sur la base.


horizons comparatifs

En français, le système d'accentuation tonique de mot est virtuellement inexistant. Le français est isolé dans ce cas parmi les langues romanes.

En Occitan du Couserans, l'accent tonique de mot tombe, comme la plupart du temps en breton standard, sur l'avant dernière syllabe (Ensergueix 2012:21).


Accentuation de groupe de mots

 Goyat (2012:127):
 "Quand il s’achève par un monosyllabe, le groupe est accentué sur ce monosyllabe, sauf s’il est précédé de l’article indéfini, d’un numéral monosyllabique, de l’interrogatif ped 'combien', de l’exclamatif pegen 'comme', des adverbes re 'trop', ken 'aussi' et gwall 'très, ou des pronoms hini et re, quand ils sont précédés d’un possessif ; c’est alors, à nouveau, l’avant-dernière syllabe du groupe qui est accentuée."
(1) ['on ti] eun ti 'une maison'
[ãn 'tri den] an tri den 'les trois hommes'
[ãn 'dri den] an dri den 'le troisième homme'
[ãn 'ɛjl vɛrh] an eil verh 'la deuxième fille'
['ped den] Ped den ? 'Combien d’hommes ?'
['pet ti] Ped ti ? 'Combien de maisons ?'
[pe'ɡɛn zod ] Pegen zod ! 'Comme (c’est) stupide !'
['re vɛr] re verr 'trop court'
['ken dus] ken dous 'aussi doux'
['ɡwal vad ] gwall vad 'très bon' (dans des phrases négatives)
[ma 'hwi me] ma hini-me 'le mien'
[ ma 're me] ma re-me 'les miens ou les miennes' Plozévet, Goyat (2012:127)

Terminologie

En anglais, le terme pour 'accent tonique' est stress.

En breton, le terme est taol-mouezh.


Bibliographie

breton

  • Falc’hun, F. 1972. 'De la durée vocalique sous l’accent dans le breton de Saint-Pol-de-Léon', H. Pilch & J. Thurow (éds.), Indo-Celtica: Gedächtnisschrift für Alf Sommerfelt, Hueber, Munich.
  • Favereau, F. 1997. 'Overaccomodation, motherese, et déplacement de l’accent en breton scolaire', Teod-Teanga-Tafod 3 ( ?).
  • Madeg, M. 2010. Traité de prononciation du breton du Nord Ouest, Emgleo Breiz.
  • Pipec (le), E. 2004b. Les schémas accentuels en breton du sud-est, Mémoire de DEA, Rennes : U.H.B.

littérature théorique

  • Vergnaud, Jean-Roger & María Luisa Zubizarreta. 2005. 'Phrasal stress and Syntax', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell Companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol III, chap.49.