-où, -ioù, -aou-
Le suffixe -où, -ioù ou -aou- est une marque répandue de pluriel.
(1) | eur mell gwezenn | glas-kaol | he deliou. | |||
un grand arbre | vert-chou | son feuilles | ||||
'Un grand arbres aux feuilles vert-chou' | Léonard (Cléder), | Seite (1998:44) |
Morphologie
variation dialectale
L'ALBB documente les variations dialectales de ces pluriels dans plusieurs cartes:
On peut noter le -eu du vannetais.
(1) | I kreiz en di | i oé tout | gouleu alumet. | |||
dans milieu le jour | R était tout | lumières allumé | ||||
'Toutes (les) lumières étaient allumées en plein jour.' | Vannetais, An Diberder (2000:104) |
Dans la carte 98 de l'ALBB, on voit la répartition dialectale des suffixes -eier et -où comme pluriel de botez, 'chaussure'.
alternance -où/ioù'
Selon Hingant (1868:9), l'alternance est purement phonologique. Les bases finissant en /a, e, i, p, b, k, g, t, d, j, ʃ, s, v/ prennent -où et les formes finissant en /o, y, X, z/ prennent -ioù.
Pour les mots finissant avec la consonne /n, f/ ou les liquides /l, r/, l'alternance semble découler de sa disponibilité comme consonne initiale de la syllabe (variation selon la longueur de la voyelle qui précède ou la présence d'une consonne avant la liquide).
- embann(où), 'ban(s)'; penn(où), 'tête(s)', mais koanioù, 'souper(s); espernioù, 'épargne(s)'
- barr(où), 'extrémité(s)'; koufr(où), 'coffre(s)'; gopr(où), 'salaire(s)', mais ster(ioù), 'rivière(s)'; amzer(ioù), 'temps'; foar(ioù), 'foire(s)'
- poelloù, 'arrêt(s)'; gwalloù, 'faute(s)', mais brezelioù, 'guerre(s)', ibilioù, 'cheville(s)' et avec un l mouillé fuzuilhoù, 'fusil(s)'
- skilf(où), 'griffe(s)'; korf(où), 'corp(s)', mais stalafioù, 'volet(s)'; 'koefioù, 'coiffe(s)'
Les noms dérivés en -ach, -aj, -ad, -adeg, -adenn, -iri/-eri/-euri, prennent donc la forme -où du suffixe.
Les noms dérivés en -adur ou -egezh prennent donc la forme -ioù du suffixe.
On trouve cependant des contre-exemples: parrezioù, 'paroisses' (carte 512 de l'ALBB), matelaioù, 'matelas' (Le Juch, Hor Yezh 1983:25).
alternance -où/-aoù-
Lorsque le suffixe -où porte l'accent de mot, il est réalisé en -aoù- (typiquement en KLT lorsqu'un suffixe unique le suit, ce qui le place en situation pénultième, par exemple dans les finales en -aoua, -aouad, -aoueg, -aouenn, -aouer, -aouezh, -aouig, -aouiñ.
- pilhoù, 'chiffons' > pilhaouer, 'chiffonnier'
On trouve cependant aussi le morphème -aou- hors accent. Ce phénomène est la trace de la dérivation morphologique, où l'accent de mot s'est déplacé à chaque étape.
- pilhaouerien, 'chiffonn-ier-s', Le Juch, Hor Yezh (1983:25)
On trouve aussi des paires minimales où le choix de -où vs. -aoù, c'est-à-dire avec et sans accent de mot, n'est pas lié à une suffixation ultérieure mais à une lecture différente.
Goyat (2012:122) note à Plozevet :
- /a'dow/, hadaou, 'semences de différentes espèces'
- /'a:du/, hadou ou /'a:ʒu/, hajou, 'semences de la même espèce'
Sémantique
-où vs. -eier
Ternes (1970:201): "Alors que la forme /-uwi:r / [ = standard -eier] désigne la collectivité d'un grand nombre de choses sans les spécifier, la forme /-ew / souligne plutôt l'individualité dans la pluralité des choses."
Diachronie
Le Brigant (1779:27), à Tréguier, prononçait /o/ ce suffixe.
Horizons comparatifs
Le pluriel en -où est sensiblement plus répandu en breton que ne l'est son cognat gallois.
Humphreys (1990:133) "Watkins (1961:154) estimated that -(i)au (NE, C, SW -(i)e, NW, SE -(i)a) accounts for 40-45% of Welsh plurals. Its Breton cognate -ou (with its variants, diphthongal still in the eastern and southeastern third of its territory) appears to be distinctly more dominant everywhere and accounts for 70% of Bothoa plurals, including /m a:bəw/ 'sons'."
A ne pas confondre
Il existe aussi un suffixe -où qui est un suffixe nominal (Ankoù). Il est aussi prononcé -aou sous l'accent, mais il n'a pas d'allomorphe en -ioù.