Différences entre les versions de « -où, -ioù, -aou- »

De Arbres
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| (2) ||Ma bizier ||zo uz't ||dre forz gob'r || pikur'''io''' dè.|||||| ''Haut-cornouaillais (Riec)''
| (2) ||Ma bizier ||zo uz't ||dre forz gob'r || pikur'''io''' dè.|||||| ''Cornouaillais de l'Est (Riec)''
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||| [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> doigts|| [[zo|est]] usé || [[dre|par]] [[forzh|force]] [[ober|faire]] || piqures [[da|à]].[[pronom incorporé|eux]]  
||| [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> doigts|| [[zo|est]] usé || [[dre|par]] [[forzh|force]] [[ober|faire]] || piqures [[da|à]].[[pronom incorporé|eux]]  

Version du 13 juillet 2018 à 14:42

Le suffixe -où, -ioù ou -aou- est une marque répandue de pluriel.


(1) eur mell gwezenn glas-kaol he deliou.
un grand arbre.SG vert-chou son2 feuilles
'Un grand arbres aux feuilles vert-chou' Léonard (Cléder), Seite (1998:44)


Morphologie

variation dialectale

L'ALBB documente les variations dialectales de ces pluriels dans plusieurs cartes:

la carte 512 pour la traduction de 'paroisse(s)'.
la carte 537 pour la traduction de 'poid(s)'.


On peut noter le -eu du vannetais.


(1) I kreiz en di i oé tout gouleu alumet.
dans milieu le jour R était tout lumières allumé
'Toutes (les) lumières étaient allumées en plein jour.' Vannetais, An Diberder (2000:104)


(2) Ma bizier zo uz't dre forz gob'r pikurio dè. Cornouaillais de l'Est (Riec)
mon2 doigts est usé par force faire piqures à.eux
'Mes doigts sont usés à force d'être piqués.' Bouzec & al. (2017:386)


Dans la carte 98 de l'ALBB, on voit la répartition dialectale des suffixes -eier et -où comme pluriel de botez, 'chaussure'.


alternance -où/ioù

Selon Hingant (1868:9), l'alternance est purement phonologique. Les bases finissant en /a, e, i, p, b, k, g, t, d, j, ʃ, s, v/ prennent -où et les formes finissant en /o, y, X, z/ prennent -ioù.

Pour les mots finissant avec la consonne /n, f/ ou les liquides /l, r/, l'alternance semble découler de sa disponibilité comme consonne initiale de la syllabe (variation selon la longueur de la voyelle qui précède ou la présence d'une consonne avant la liquide).

embann(où), 'ban(s)'; penn(où), 'tête(s)', mais koanioù, 'souper(s); espernioù, 'épargne(s)'
barr(où), 'extrémité(s)'; koufr(où), 'coffre(s)'; gopr(où), 'salaire(s)', mais ster(ioù), 'rivière(s)'; amzer(ioù), 'temps'; foar(ioù), 'foire(s)'
poell, 'arrêt(s)'; gwall, 'faute(s)', mais brezelioù, 'guerre(s)', ibilioù, 'cheville(s)' et avec un l mouillé fuzuilhoù, 'fusil(s)'
skilf(où), 'griffe(s)'; korf(où), 'corp(s)', mais stalafioù, 'volet(s)'; 'koefioù, 'coiffe(s)'


Les noms dérivés en -ach, -aj, -ad, -adeg, -adenn, -iri/-eri/-euri, prennent donc la forme -où du suffixe.

Les noms dérivés en -adur ou -egezh prennent donc la forme -ioù du suffixe.


On trouve cependant des contre-exemples: parrezioù, 'paroisses' (carte 512 de l'ALBB), matelaioù, 'matelas' (Le Juch, Hor Yezh 1983:25).


alternance -où/-aoù-

Lorsque le suffixe -où porte l'accent de mot, il est réalisé en -aoù- (typiquement en KLT lorsqu'un suffixe unique le suit, ce qui le place en situation pénultième, par exemple dans les finales en -aoua, -aouad, -aoueg, -aouenn, -aouer, -aouezh, -aouig, -aouiñ.

  • pilh, 'chiffons' > pilhaouer, 'chiffonnier'

On trouve cependant aussi le morphème -aou- hors accent. Ce phénomène est la trace de la dérivation morphologique, où l'accent de mot s'est déplacé à chaque étape.


On trouve aussi des paires minimales où le choix de -où vs. -aoù, c'est-à-dire avec et sans accent de mot, n'est pas lié à une suffixation ultérieure mais à une lecture différente. Goyat (2012:122) note à Plozevet :

/a'dow/, hadaou, 'semences de différentes espèces'
/'a:du/, hadou ou /'a:ʒu/, hajou, 'semences de la même espèce'


finale en -choù

Les mots finissant par /t/ au singulier peuvent, suivant les dialectes, subir une palatalisation créant une finale en -choù, ou tchoù.


(5) evid dont da bourmen war an aotchoù.
pour venir pour1 promener sur le côtes
'pour venir se promener sur les côtes' Léon (Plouzane), Briant-Cadiou(1998:6)

Sémantique

-où vs. -eier

 Ternes (1970:199):
 "Alors que la forme  /-uwi:r /  [ = standard -eier] désigne la collectivité d'un grand nombre de choses sans les spécifier, la forme  /-ew /  souligne plutôt l'individualité dans la pluralité des choses."


Dans les cas des entités allant par deux (membres du corps humain) ou par quatre (pieds d'animaux ou pieds de table), le pluriel en /-ew / (standard -où) dénote l'ensemble prototypique unique comprenant ces unités (les quatre pieds d'une table, ou les trois pieds d'un tabouret). Le pluriel en /-uwi:r / ( standard -eier) obtient un jombre dépassant l'ensemble prototypique (cinq pieds de plusieurs meubles).


'résultat de'

Le suffixe pluriel ne dénote pas toujours une pluralité des entités dénotées par la base. En (1), la base gourlañv dénote l'étale de haute mer, et sa pluralisation en ioù dénote ici ce que l'étale de haute mer laisse sur la plage: le goémon d'épave.


(1) evit ramañs ar gourlañioù...
pour ramasser le haut-1.flux.PL
'pour ramasser le goémon d'épave...' Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:18)

Diachronie

Le Brigant (1779:27), à Tréguier, prononçait /o/ ce suffixe.

Horizons comparatifs

Le pluriel en -où est sensiblement plus répandu en breton que ne l'est son cognat gallois.

 Humphreys (1990:133)
 "Watkins (1961:154) estimated that -(i)au (NE, C, SW -(i)e, NW, SE -(i)a) accounts for 40-45% of Welsh plurals. Its Breton cognate -ou (with its variants, diphthongal still in the eastern and southeastern third of its territory) appears to be distinctly more dominant everywhere and accounts for 70% of Bothoa plurals, including /m a:bəw/ 'sons'."

A ne pas confondre

Il existe aussi un suffixe -où qui est un suffixe nominal (Ankoù). Il est aussi prononcé -aou sous l'accent, mais il n'a pas d'allomorphe en -ioù.