Différences entre les versions de « -ell »

De Arbres
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== Diachronie ==


Le suffixe ''‑ell'' est basé sur le latin ''‑ellus'' m., ''‑ella'' f., ''‑ellum'' n., c’est-à-dire sur des suffixes auxquels sont attachés différents genres. Ce suffixe est cependant massivement de genre féminin dans toutes les langues brittoniques ([[Irslinger (2014)|Irslinger 2014]]:85).
== Diachronie et horizons comparatifs ==


Les noms français dérivés des noms latins du même suffixe sont de forme ''-elle'' et ont pu ensuite être [[empruntés]] par le breton directement sous cette forme.
Le suffixe ''‑ell'' est basé sur le latin ''‑ĕllus'' m., ''‑ĕlla'' f., ''‑ĕllum'' n., c’est-à-dire sur des suffixes auxquels sont attachés différents genres. Ce suffixe est cependant massivement de genre féminin dans toutes les langues brittoniques ([[Irslinger (2014)|Irslinger 2014]]:85).  


Le suffixe ''-elle'' du gallo (''pen'''elle''''' 'labeur, misère, peine', ''bin'''elle''''' 'corbeille en paille, paneton', [[Auffray (2007)|Auffray 2007]]:intro) peut être une autre source d'emprunt.
[[Deshayes (2003)|Deshayes (2003]]:40) met le suffixe ''-ell'' breton en relation avec le suffixe ''-ell'' gallois.  


== Horizons comparatifs ==
Le français comme le gallo ont pu soutenir ou alimenter ce préfixe par des [[emprunts]] au diminutif moyen français ''-elle'' f. (au masculin ''-el'' au cas régime sg., et ''-eaus'', ''-iaus'' au cas régime pluriel). [[Bonnard & Régnier (1989)|Bonnard & Régnier (1989]]:25) donnent, pour l'ancien français, ''agnelle'', ''prunelle'', ''nacelle''... Le suffixe ''-elle'' du gallo peut être une autre source d'emprunt, avec ''pen'''elle''''' 'labeur, misère, peine', ''bin'''elle''''' 'corbeille en paille, paneton' ([[Auffray (2007)|Auffray 2007]]:intro).
 
[[Deshayes (2003)|Deshayes (2003]]:40) met ce suffixe en relation avec le suffixe ''-ell'' gallois.  




== A ne pas confondre ==
== A ne pas confondre ==


[[Press (1986)|Press (1986]]:61) pointe que les noms finissant en ''–ell'' non-dérivés (''ur sell'', masc., ‘un regard’) ne relèvent pas du suffixe ''-ell''. Selon lui, les noms [[empruntés]] (''ur c’hastell'', ‘un château’) non plus, mais il ne fournit pas d'argument à l'appui.
[[Press (1986)|Press (1986]]:61) pointe que les noms finissant en ''–ell'' non-dérivés (''ur sell'', masc., 'un regard') ne relèvent pas du suffixe ''-ell''. Selon lui, les noms [[empruntés]] (''ur c’hastell'' 'un château') non plus, mais il ne fournit pas d'argument à l'appui.


Il existe aussi en breton un autre suffixe nominal réalisé en ''[[-el, -ol]]''. L'opposition  entre les substantifs nominaux ''-ell'' et ''[[-el]]'' tient dans la longueur de la voyelle (''brezh'''ell''''', 'maquereau' vs. ''brez'''el''''', 'guerre').
Il existe aussi en breton un autre suffixe nominal réalisé en ''[[-el, -ol]]''. L'opposition  entre les substantifs nominaux ''-ell'' et ''[[-el]]'' tient dans la longueur de la voyelle (''brezh'''ell''''' 'maquereau' vs. ''brez'''el''''' 'guerre').


Une finale en ''-ellat'' peut relever soit d'un suffixe ''[[-ellat]]'' [[itératif]], soit d'une verbalisation en ''[[-at]]'' d'un nom d'instrument en ''-ell'' (''pigell'', 'pioche' > ''pigellat'', ''pigellein'', 'piocher', [[Le Bayon (1878)|Le Bayon 1878]]:21).
Une finale en ''-ellat'' peut relever soit d'un suffixe ''[[-ellat]]'' [[itératif]], soit d'une verbalisation en ''[[-at]]'' d'un nom d'instrument en ''-ell'' (''pigell'' 'pioche' > ''pigellat'', ''pigellein'' 'piocher', [[Le Bayon (1878)|Le Bayon 1878]]:21).





Version du 16 juin 2018 à 20:01

Le suffixe -ell forme des noms concrets: noms d'outils, d'instruments et au-delà.


(1) Em lakaet em eus da sevel un tammig lojell...
se1 mis R.1SG a à1 construire un morceau.petit abri
'Je me suis mis à construire un petit abri...' Vannetais, Herrieu (1994:84)


Kervella (1947:§834) donne treinell, skudell, skubell, c'hoarïell, kibell, skabell, brañskell, gwaskell, kanastell, sugell, spanell, rañvell, kribell.

Trépos (2001:76) donne kammell, 'bâton courbe, crosse'; rozell, 'rouable', pigell, 'houe'.

Favereau (1997:§159) donne dornell, 'poignée', fichell, 'fiche (fourche)', fourchell, 'fourche', kammellig, 'crosse', skudell, 'écuelle', ridell, 'sas', 'rozell, 'racloir', goell, 'levain', poell, 'lien'

Goyat (2012:322) donne: /'ka:vɛl/, ['kaɛl], kavell, 'berceau'; /'kutɛl/, koutell, 'couteau'; /'mi:nɛl/, minel, 'boucle de fer' (sur /mi:n/, min, 'museau, groin'); /'rastɛl/, rastell, 'rateau'; /'ro:zɛl/, rozell, 'rouable (pour étaler la pâte à crêpes)'; /sky:dɛl/, [skɥɛl], skudell, 'écuelle'


Morphologie

allomorphe en -al

Martin (1929:175) donne la forme cornouaillaise (Scaër, Guiscriff, Gourin) kerrial, 'brouette'.


exocentricité

Le suffixe -ell obtient toujours un nom, quel que soit la catégorie de sa racine. Il sélectionne des racines nominales, mais aussi adjectivales.

Kervella (1947:§834) donne treuzell, kaerell, beskell, brizhell.


genre

Kervella (1947:§834) considère que les mots en -ell sont féminins.


(2) An tad a daol an avalou flastret er waskell Léon, Seite & Stéphan (1957:19)
le père R1 jette le pommes écrasé dans.le 1presse
'Le père jette les pommes écrasées danns la presse.'


Les noms en -ell résultant d'un emprunt d'un mot français en -eau, -eaux créent parfois des exceptions. Parmi ces emprunts au français, les finales en eau, eaux obtiennent -el, ou -ell (Bordeaux > Bourdel, mangonneau > bañgounell, guideau > kidell, drapeau > drapell, Mordiern 1939:13). Certains de ces emprunts obtiennent des noms masculins. Kervella (1947:§834) relève porc'hell, kastell, kabell et porrastell, qui tous résultent d'emprunts à des mots d'ancien français (maintenant en -eau en français moderne). Certains de ces emprunts obtiennent des noms féminins, ce qui coincide avec le genre du suffixe -ell du breton (3).


(3) he mantell dano. Léon, Seite & Stéphan (1957:123)
son2 manteau 1épais
'son épais manteau'


Kervella (1947:§834) note aussi comme masculins les noms troell 'liseron, volubilis' et goell 'levain' dans leur sens collectif.

nombre

Kervella (1947:§834) note des pluriels réguliers en -où, et les pluriels internes kontilli, mantilli, kestilli.


productivité

Goyat (2012:322) note que les bases du suffixe /-ɛl/ ne sont que très rarement attestées.


composition

On trouve le suffixe -ell dans les finales de noms féminins en -adell.

Sémantique

Kervella (1947:§834) note que -ell a souvent un sens diminutif, ou approximatif. Il cite logell, runell, roc'hell, krugell, rodell.


-ell vs. -enn

Kervella (1947:§834) oppose kammell et kammenn, le suffixe -enn étant considéré plus concret.


-ell vs. -ikell

(1) dornell, 'poignée', Favereau (1997:§159)

dornikell, 'manivelle', Favereau (1997:§178)


Selon Martin (1929:175), à la forme léonarde karrigel correspond la forme vannetaise karrikel, et la forme cornouaillaise (Scaër, Guiscriff, Gourin) kerrial.


noms d'outils mais aussi au-delà

Le suffixe -ell excède parfois le sens de nom d'outil. C'est le cas dans les mots qui finissent maintenant en -eau en français: gwastell 'gâteau' ou mantell 'manteau' (Kervella 1947:§834). Dans kontell, on reconnaît la racine de 'coutellerie'. Favereau (1997:§159) donne aussi porc'hell 'pourceau', kastell 'château', kavell 'berceau'.


(1) Hag eñ, ker buan, mont ha sankañ e gontell...
et lui si vite aller ha planter son couteau
'Et lui, aussi vite, de planter son couteau.'
Standard, Kervella (1995:§276)


Il existe aussi des noms en -ell dont la sémantique excède largement les noms d'outils comme troell 'liseron, volubilis' et goell 'levain', (Kervella 1947:§834), fozell 'fosse', lojell 'abri' ou même des noms d'animés comme kaerellig 'belette' relevé dans Goyat (2012:322).


(2) Karget eo ar fozelloù get ar glav en deus kouezhet a-c’houde dec’h.
chargé est le fossés avec le pluie 3SG a tombé depuis hier
'La pluie qui est tombée depuis hier a rempli les fossés.' Haut-vannetais, Louis (2015:106)


(3) Em lakaet em eus da sevel un tammig lojell...
se mis R.1SG a à construire un morceau.petit abri
'Je me suis mis à construire un petit abri...' Vannetais, Herrieu (1994:84)


Certains noms de maladies finissent aussi en -ell.


(4) Ar ruzell zo gantañ.
le rougeole R est avec.lui
'Il a la rougeole.' Léon, (Cléder), Fave (1998:60)


(5) A-benn neuze e oa ar sorohell warni.
quand alors R est le râle sur.elle
'A ce moment là, le râle était déjà sur elle (elle râlait).' Trégorrois, Gros (1996:258)


Diachronie et horizons comparatifs

Le suffixe ‑ell est basé sur le latin ‑ĕllus m., ‑ĕlla f., ‑ĕllum n., c’est-à-dire sur des suffixes auxquels sont attachés différents genres. Ce suffixe est cependant massivement de genre féminin dans toutes les langues brittoniques (Irslinger 2014:85).

Deshayes (2003:40) met le suffixe -ell breton en relation avec le suffixe -ell gallois.

Le français comme le gallo ont pu soutenir ou alimenter ce préfixe par des emprunts au diminutif moyen français -elle f. (au masculin -el au cas régime sg., et -eaus, -iaus au cas régime pluriel). Bonnard & Régnier (1989:25) donnent, pour l'ancien français, agnelle, prunelle, nacelle... Le suffixe -elle du gallo peut être une autre source d'emprunt, avec penelle 'labeur, misère, peine', binelle 'corbeille en paille, paneton' (Auffray 2007:intro).


A ne pas confondre

Press (1986:61) pointe que les noms finissant en –ell non-dérivés (ur sell, masc., 'un regard') ne relèvent pas du suffixe -ell. Selon lui, les noms empruntés (ur c’hastell 'un château') non plus, mais il ne fournit pas d'argument à l'appui.

Il existe aussi en breton un autre suffixe nominal réalisé en -el, -ol. L'opposition entre les substantifs nominaux -ell et -el tient dans la longueur de la voyelle (brezhell 'maquereau' vs. brezel 'guerre').

Une finale en -ellat peut relever soit d'un suffixe -ellat itératif, soit d'une verbalisation en -at d'un nom d'instrument en -ell (pigell 'pioche' > pigellat, pigellein 'piocher', Le Bayon 1878:21).


Bibliographie