Différences entre les versions de « -ad, -iad »
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Version du 29 septembre 2017 à 09:04
Le suffixe -ad ou -iad est très productif. Dans son emploi prototypique, il marque le contenu du référent du nom avec lequel il apparaît.
(1) | 'Neus ket | debret | 'met | 'r begad. | |||
ne a pas | mangé | seulement | un bouch.ée | ||||
'Il n'a mangé qu'une bouchée.' | Riec, Bouzeg (1986:I) |
Il dénote des noms concrets, mais a aussi des usages plus abstraits, et forme des noms d'évènements, ou des noms d'agent comme les habitant.e.s d'un pays.
Morphologie
-ad, -iad
Le morphème -ad peut se trouver sous la forme -iad.
(1) | Ur porzhiad | mat a vugale | zo. | Léon, Madeg (2013:8) | |
un cour.-ée | bien de1 enfants | y.a | |||
'La cour est pleine d’enfants.' |
(2) | Teir loaiad | bemdez | he-doa | da gemered. | Léon (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:25) | |
trois cuillère.-ée | chaque.jour | 3SGF-avait | à1 prendre ___ | |||
'Elle devait (en) prendre trois cuillèrées par jour.' |
genre
Le suffixe -ad, -iad est endocentrique: il obtient un nom de même genre que la racine sur laquelle il s'affixe (Kervella 1947:§830, Press 1986:63, Goyat 2012:315).
(3) | Ze, | evelkent, | a oa | eur galonad | dezi da gaoud. | |
ça | tout.de.même | R1 était | un1 coeur.-ée | à.elle à1 avoir | ||
'C'était tout de même un crève-coeur pour elle.' | Trégorrois, Gros (1989:'kalon') |
(4) | en eun torkad | |||
dans un troupeau.sfx | Le Bozec (1933:82) | |||
'en un troupeau' |
nombre
Le suffixe -ad prend un pluriel syntaxique en -où (Mouladuriou Hor Yezh 1993:221) sauf s'il qualifie les habitants d'un lieu: Breizhad donne Breizhiz au pluriel.
variation vannetaise ?
Falc'hun & Fleuriot (1978-79:4B) citent comme pluriel vannetais le suffixe -ad, mais n'ajoutent pas d'évidence grammaticale. Ils citent ruskad, 'ruche', kerdad, 'corde (de bois)' et feskad, 'faisceau'.
Le Bayon (1878:12) considère aussi que le suffixe -ad est une marque de féminin pluriel. La confusion vient plausiblement du fait qu'à ce suffixe -ad sur nom collectif peut être substituée une finale en -ennoù, effectivement féminin pluriel.
(5) | ur bern burbu | 'un tas de pustules' | > burbu est un nom collectif | Standard, mentionné dans Menard & Kadored (2001) |
burbuen | 'pustule' | singulatif en -enn sur nom collectif | Vannetais, mentionné dans Le Bayon (1878:12) | |
burbuennoù | 'pustules' | pluriel en -où sur singulatif en -enn sur nom collectif | Standard, mentionné dans Menard & Kadored (2001) | |
burbuad | 'pustules d'un membre' | Vannetais, mentionné dans Le Bayon (1878:12) |
Le suffixe -ad, même s'il peut effectivement dénoter des entités plurielles dans le monde, transforme un nom syntaxiquement pluriel comme un nom collectif en un nom syntaxiquement singulier. Le suffixe -ad n'obtient pas non plus de genre féminin (ur vurbuen, 'une pustule' mais er burbuad, 'les pustules d'un membre', Le Bayon 1878:12).
composition
Les noms collectifs peuvent être suffixés en -ad. On obtient alors comme dénotation le contenu sémantiquement pluriel d'un ensemble singulier.
Le suffixe -ad peut sélectionner des bases verbales, pour former des noms d'action. Il est alors obligatoirement suivi des suffixes -enn (finale -adenn d'une action individuelle) ou -eg (finale -adeg d'une action collective).
Le suffixe -ad peut être trouvé sur une base nominale elle-même composée:
(6) | ...evit ma vefe | lakaet e renk | an ofisourien | ur | Breizh-atav-ad | eus e seurt. | |
... pour que serait | mis dans rang | le offic.iers | un | Bretagne-toujours-ad | de son1 sorte | ||
'... pour qu'un nationaliste breton de son acabit soit nommé officier.' | Denez (1993:24) |
(7) | korventenn vras | an | daou-ugent-ad-où | ||||
tempête.F1 grande | le | 2-20-ad-PL | |||||
'la grande tempête des années quarante.' | Denez (1993:24) |
-ennad, -adenn
Le suffixe -ad, -iad peut précèder ou suivre le suffixe singulatif -enn.
(8) | Aze a zo sardin? | - Ya, ul livadenn. | |||||
là R y.a sardine | oui un couleur.contenant.singulatif | ||||||
'Y-a-t-il de la sardine là? - Oui, une mince couche (très peu).' | Gros (1970b:§'livadenn') |
(9) | ur1 werennad | |||
un verre.sfx | Favereau 1997:§141) | |||
'un verre plein' |
Sémantique
marque du contenu
productivité
Le suffixe -ad marque le contenu de manière très productive.
(1) | Ne oa ken | un hanter | ilizad. | |||
ne1 était que | un moitié | église.sfx | ||||
'L'église n'était qu'à moitié remplie.’ | Léon, Madeg (2013:8) |
(2) | Ur bonedad | kistin | zo deuet gantañ. | |||
un bonnet.sfx | châtaignes | est venu avec.lui | ||||
'Il a ramené plein son bonnet de châtaignes.' | Léon, Madeg (2013:8) |
Trépos (2001:75) donne tiad, 'maisonnée'; bozad, 'poignée (les deux mains réunies)'; dornad, 'poignée (une main fermée)', loaiad, 'cuillerée'.
sémantique
Le contenu peut être imagé (le contenu d'un gilet).
(3) | Tapet | ur jiletennad | gantañ. | |||||
attrapé | un gilet-ad | avec.lui | ||||||
'Il a pris une cuite (plein le gilet).' | Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:II) |
Sur un nom collectif, -ad marque un ensemble singulier d'entité plurielles.
(4) | kibrien | 'un chevron' | kibriad | 'les chevrons d'un toit' | kibrieu | 'des chevrons' | |
gourien | 'une racine' | gouriad | 'les racines d'un arbre' | gourienneu | 'des racines' | ||
kerlen | 'un cercle' | kerlad | 'les cercles d'un fût' | kerleu | 'des cercles' | ||
Vannetais, Le Bayon (1878:17) |
Après le préfixe privatif di-, ce même ensemble peut être obtenu sans le suffixe -ad (gourien, 'racine' > dihouriennein, 'déraciner', Vannetais, Le Bayon (1878:9).
alternatives à la suffixation, banne
Le nom banne, 'verre (de)' ne comprend pas le suffixe -ad de façon transparente. Il est équivalent de gwerennad.
(5) | Darev eo | da vanne kafe | da glouaraat. | |
mûr est | ton1 verre café | pour1 tiéd.ir | Gourmelon (2014:40) | |
'Ton café va être tiède.' |
marque de longueur
Kervella (1947:§830) note que le suffixe -ad peut dénoter une mesure de longueur plutôt que de contenu (kammad, troatad).
Cependant, l'absence de lénition dans ces cas lui fait suggérer une dérivation en -hed, 'longueur' (troad - hed). Goyat (2012:320) analyse similairement /'møtad/, meutad en /pouce+longueur/, '25 mm' et /'trwatad/, troatad en /pied+longueur/, '32 cm'.
(6) | Monet a rae | a bihan fourchad. | |||||
aller R faisait | à petit pas.long | ||||||
'Il allait à petits pas.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:45) |
(7) | Ur meudad | lagoud-jistr | |||||
un pouce-ad | distillé-cidre | ||||||
'Un pouce, un doigt d'eau de vie.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:36) |
nom abstrait
Le contenant peut être un nom abstrait, comme dans le cas de koulzad, 'temps, moment'.
(8) | Ne oa ket | kalz a veajourien, | daoust ma | oa kroget | koulzad | an touristañ. | |
ne était pas | beaucoup de voyageurs, | bien que | était commencé | période-ad | le tourisme | ||
'Il n'y avait pas beaucoup de voyageurs, bien que la haute saison eût commencé.' | Beyer (2009:6) |
maladie
Le suffixe -ad apparaît dans des noms de maladies (Kervella 1947:§830, Chalm 2008:W-213). La base réfère au membre atteint.
(1) fri, 'nez' > friad
- 'mal au nez, rhinite, cuite'
(2) | Hennez e-neus | tapet eur gouzougad. | |||||
celui.ci R-a | attrapé un cou.sfx | ||||||
'Celui-là a attrapé mal au cou.' | Trégorrois, Gros (1984:347) |
(3) | Pebez | kalonad | d'eur vamm! | |||||
quel | cœur.ée | à un1 mère | ||||||
'Quel crève-cœur pour une mère!' | Trégorrois, Gros (1984:432) |
coup
Le suffixe -ad apparaît dans des noms de coups (Kervella 1947:§830, Chalm 2008:W-213). La base dénote alors le membre atteint ou l'outil utilisé pour frapper.
(4) | eur vazad | eur skouarnad | |||||
un bâton.sfx | un oreille.sfx | ||||||
'un coup de bâton', 'un coup sur l'oreille (une gifle)' | Trégorrois, Gros (1984:347) |
(5) | paka | eul leurennad | |||||
attraper | un sol.ée | ||||||
'tomber de tout son poids sur le sol, faire une chute violente.' | L'Hôpital-Camfrout, Le Gall (1957:'leurennad') |
noms d'agent
Le suffixe -ad, iad forme aussi la dérivation pour des noms d'agent.
(6) | Pep | dén | a zo | gaouiad. | ||
chaque | homme | R est | mensonge.eur | |||
'Tout homme est menteur.' | Vallée (1926:34) |
Trépos (2001:77) donne tremeniad, 'passant' et reuziad, 'malheureux'.
Chalm (2008:W-213) donne lore, 'laurier' > loread, 'lauréat'.
Ces noms d'agent ont une dérivation nominale classique: les marques du féminin sont -adez, -iadez. Les marques du pluriel sont en -idi.
habitants
La dérivation en -ad, -iad est utilisée pour dénoter l'habitant.e d'un pays (Brest, brestad, 'brestois'; brestadez, 'brestoise'). Le pluriel est alors irrégulier au masculin, avec le suffixe -iz: brestiz (masc. PL).
Vallée (1980:XVII) donne meneziad, 'montagnard', 'eneziad, 'insulaire', Sant-Briegad, 'Briochin'.
Selon Gros (1984:347), "le suffixe -ad marquant l'habitant n'est plus très vivant en Trégor. On y connaît encore Tregeriad, 'Trégorrois', Leoniad, 'Léonard', Kernevad, 'Cornouaillais', ces deux derniers devenant souvent au pluriel Leoniarded et Kernevarded, au lieu des pluriels réguliers Leoniz et Kerneviz."
Ce suffixe est prononcé /-aez, -aes / à Groix au singulier, et /-i:z/ au pluriel (Ternes 1970:205).
porteurs de théorie
Vallée (1980:XVII) pointe que le suffixe -ad, -iad peut être employé au sens de "disciple de, membre associé, partisan". Il donne (Sant-)Francezad, 'disciple de Saint-François, franciscain', douead, 'théiste', platonad, 'platonicien'.
-er, -our vs. -ad, -iad
Le Roux (1915:67), Vallée (1931:XVII), Kervella (1947:§831) notent que la différence sémantique entre le suffixe -er, -our et le suffixe -ad, -iad "distingue les sens actif et passif".
(7) | kaner | 'chanteur' | vs. | kaniad | 'chantre' | Le Roux (1915:67) |
donezoner, donezonour | 'donateur' | vs. | donezoniad | 'donataire' | Vallée (1931:XVII) | |
dilezer, dilezour | 'cédant' | vs. | dileziad | 'cessionnaire' | Vallée (1931:XVII) | |
prizonier | 'personne qui fait de la prison' | vs. | prizoniad | 'personne détenue, incarcérée' | Kervella (1947:§831) |
-ant vs. -iad
Le Roux (1915:82) note une concurrence entre les suffixes -ant et -iad dans 'externe', diavaezand (Jaffrennou 1914) et diaveziad (Le Gon.).
évènement
Kervella (1947:§830) signale des formations de noms d'évènements en -ad sur une racine verbale. Il donne berad (diverradenn), dlead, krogad.
Par extension, on trouve le suffixe -ad sur des noms dénotant des actions collectives. Kervella (1947:§830) donne gwiad', ruskad, kregad, kerlad.
durée: -vezh, -iad, -vezhiad
Le suffixe -iad peut parfois se retrouver en conccurrence avec le suffixe plus productif et largement répandu -vezh (Helias 1986:13). Il s'agit alors de ce qui est produit ou dû dans une durée de temps. On peut trouver, logiquement, la finale -vezhiad, mais aussi seulement -iad.
(1) | Pa goumañsemp | deviñ bezhin, | e veze great | ur sizhuniad deviñ bezhin! | ||
quand1 commencions | brûler goemon | R était fait | un semain.-ée brûler goemon | |||
'Quand nous commencions à brûler, nous le faisions pendant une semaine complète.' | ||||||
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:43) |
(2) | … rak | daou vloavezhiad | a ranke | dezhañ. | Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:22) | |
car | deux1 an.ée | R devait | à.lui | |||
'...parce qu’il lui devait deux années (de loyer).' |
Diachronie
Deshayes (2003:39) distingue:
- le suffixe -ad marquant les noms d'agent, qui correspond au cornique -as
- le suffixe -ad marquant la notion de contenu, de durée, qui correspond au gallois -aid, -ad.
Horizons comparatifs
Le suffixe -ad, -iad correspond assez bien sémantiquement au suffixe français -ée, sur le modèle de maison > maisonnée. Cependant, cette suffixation est beaucoup plus productive en breton qu'elle ne l'est en français. En français par exemple, on ne pourrait pas prendre la racine du mot 'peuple' et rajouter son contenant -ée, pour donner *'une peuplée'.
(1) | N'heller ket dastum | rac'h parlant un den | ha nebeutoc'h c'hoazh | ur boblañsad tud. |
ne peut.IMP pas rassembler | tout parlé un homme | et peu.plus encore | un peupl.-ée gens | |
'On ne peut pas collecter tout le parlé de quelqu'un, et encore moins celui d'une population.' | ||||
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:7) |
A ne pas confondre
Le suffixe -ach, -aj semble avoir un allomorphe en -ad- (au moins en Léon devant un pluriel).
(2) | an defotadou | beb sizun: | sukr, holen, kafe… | Léon (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:13) | |
le pfx.faut.N.PL | chaque semaine | sucre, sel, café | |||
'les produits de nécessité hebdomadaires : sucre, sel, café…' |
Il existe en breton trois suffixes -at: un suffixe -at qui a servi à former des adjectifs comme hegarat, 'aimable' et dereat, 'convenable', un suffixe -at exclamatif sur les adjectifs, et un autre qui est un suffixe verbal de l'infinitif comme dans labourat 'travailler'.
Terminologie
Les noms d'habitant.e.s d'un pays sont désignés en breton par l'epression anv broiz.