Différences entre les versions de « Épistémicité »

De Arbres
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|(1)||''''M-eus aon''' || ez eer ||da vale?!
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| || [[meus aon|je.crois]] || [[R]] [[mont|va]].[[IMP]]|| [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> [[bale|marcher]]
| || [[meus aon|ai.peur]] || [[R]] [[mont|va]].[[IMP]]|| [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> [[bale|marcher]]
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|||colspan="4" | 'Je crois qu'on va se promener (que vous allez vous promener).'|||| ''Trégorrois'', [[Gros (1984)|Gros (1984]]:159)
|||colspan="4" | 'Je crois qu'on va se promener (que vous allez vous promener).'|||| ''Trégorrois'', [[Gros (1984)|Gros (1984]]:159)

Version du 5 juin 2020 à 14:15

La valeur épistémique d'une phrase dépend de la croyance du locuteur dans la véracité de son propos. Un marqueur épistémique est tout élément qui renseigne sur la confiance du locuteur dans le contenu de son propre énoncé.

En (1), le contexte est que quelqu'un a demandé à voir quelqu'un d'absent. Le locuteur répond en localisant la personne attendue, mais il modère sa confiance dans le contenu de son énoncé avec le modal dleout qui signifie qi'il n'est est pas sur à 100%.


(1) [gleˑs ke be ʁe bɛl]
(Eñ a) gles ket bezañ re bell.
lui (R)1 doit pas être trop1 loin
'Il doit pas être trop loin.' Cornouaille (Briec), Noyer (2019:240)


Inventaire

Il existe en breton différents marqueurs épistémiques.


modaux

modaux épistémiques

Une manière évidente de marquer l'épistémicité est par le biais modal, avec des modaux et des constructions modales qui dénotent une gradadation de probabilité comme certains emplois de dleout et rankout 'devoir', ou Me 'bari 'Je parie (que)'.


(1) Ha sur ir menér men e telé bout tud.
et surement dans.le manoir ci R doit être gens
'Et il devait certainement y avoir des gens dans ce manoir.'
Vannetais, An Diberder (2000:104)


(2) Ar frer rener eta a rankas bezañ klevet un diaoul a dra diwar va fenn... Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:75)
le frère directeur donc R1 dut être entendu un diable de1 chose de.sur mon2 tête
'Le frère supérieur a dû entendre une diable de chose sur mon compte...'


(3) Bai ma-oñ hon' da jéto. Cornouaillais de l'est maritime
Me a bari emañ o vont da jetañ. Equivalent standardisé
moi R1 parie est(-lui) à4 aller pour1 vomir
'Je parie qu'il va vomir.' Bouzec & al. (2017:431)


(4) [ baj ən ˈdeiːnse ni e, me goˈmɐːlɛs nøs bet oen akˈsiːdn gɐ i oto ˈde᷉ ɔ]
Bai an den-se an hini eo, ma gomalez (e) neus bet un aksidant gant e oto dezhañ. Cornouaille, (Briec), Noyer (2019:244)
1parie le homme-ci le celui est mon2 camarade (R) a eu un accident avec son1 auto à.lui
'Il y a des chances que cet homme soit celui avec la voiture duquel mon amie a eu un accident.'


lecture épistémique sur modal non-spécialisé

Il est possible d'obtenir des lectures épistémiques avec des modaux qui marquent la possibilité contingente, comme gallout 'pouvoir ' (C'hell bezañ ! 'Ca se peut!'). Même les modaux les plus déontiques comme faotañ 'falloir' ou ret 'obligé' peuvent avoir une lecture épistémique avec un contexte qui la pousse (devant un panneau de 7mx7m: Faot a ra dezhi bezañ bet gwelet ar skritell memestra!, Ret eo dezhiñ... Dav eo dezhi...).

Cependant, le même effet n'est pas possible avec les modaux volitifs, comme fellout, plijout 'plaire' ou mennout 'vouloir'.


Constructions adjectivales

On trouve aussi des adjectifs dénotant la capacité et qui ont une lecture épistémique, avec le locuteur qui induit une part d'inconnu pour lui dans la résolution.


(1) Kapad eo houmañ da goue(z)o.
capable est celle.là de1 tomber
'Celle-ci était susceptible de tomber' Breton central, Favereau (1984:357)


(2) Gouest eo houmañ da goue(z)o.
capable est celle.là de1 tomber
'Celle-ci était susceptible de tomber' Breton central, Favereau (1984:357)


(3) [bliʃ ke dɪŋ mɔ᷉ n banˈɛ᷉ ʃu bɛn ve ʁøz amɔs, poˈgɐʁ ˈbʁɑ᷉ ku ve gwɛs de ˈgweo] Cornouaille (Briec), Noyer (2019:251)
(Ne) blij ket din mont e-barzh an hentoù benn (e) vez reuz a mod-se, peogwir brankoù (a) vez gouest da gouezhañ.
ne1 plaît pas à.moi aller dans le routes quand4 est charivari de comme-ça car branches est capable de1 tomber
'Je n'aime pas être sur les routes quand c'est tellement agité, parce que des branches pourraient tomber.'

Constructions adverbiales

De multiples adverbes de probabilité induisent un doute quant à la confiance du locuteur dans la véracité de son énoncé.

moarvat, feteiz, kredapl, mitio, meus aon 'sans doute', emichañs 'j'espère', marteze 'peut-être'


D'autres réalisent des marqueurs de cette confiance.

a-dra-sur, sur, sur avat!, douetus 'sûrement'


distribution

Les adverbes épistémiques sont des adverbes de proposition. Ils peuvent apparaître assez haut dans la structure. Ils ont une portée sémantique sur toute la phrase.


(1) 'M-eus aon ez eer da vale?!
ai.peur R va.IMP à1 marcher
'Je crois qu'on va se promener (que vous allez vous promener).' Trégorrois, Gros (1984:159)


Les adverbes épistémiques comme marteze 'peut-être' peuvent apparaître au dessus de la négation, provoquant des ordres V3.


(2) Marteze ivez n'he doa ket klasket Matriona kalz war o lerc'h.
peut-être aussi ne 3SGF avait pas cherché Matriona beaucoup sur leur2 suite
'Peut-être aussi que Matriona n'avait pas beaucoup cherché à les trouver.'
Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, Ar Barzhig (1976:34)


Un adverbe épistémiques comme marteze 'peut-être' peut séparer abalamour de sa préposition da (une modification agrammaticale en français aussi bas dans la structure).


(3) …hogen abalamour muioc’h c’hoaz marteze d’an istoriou burzudus, skrijus pe fentus a veze warno da lenn !
mais à.cause plus encore peut-être de'le histoires merveilleux terrifiant ou drôle R1 était sur.eux à1 lire
'… Mais peut-être plus encore à cause des histoires merveilleuses, terrifiantes ou drôles qu’on y trouvait à lire.'
Cornouaille (Pleyben), Ar Go (1950:5)

Verbes de paraître

Les verbes et les constructions de paraître comme les verbes à montée hañval, seblantout 'sembler', ou la construction kaout an aer da 'avoir l'air de' peuvent être considérés comme ayant une lecture épistémique en ce qu'ils induisent la possibilité, même infime, que les apparences soient démenties par les faits.


A ne pas confondre

Les marqueurs épistémiques sont parfois confondus avec les marqueurs d'évidentialité, qui concernent, eux, le marquage de la source de l'information (a-berzh-vat 'de source sure').

Sont à la fois évidentiels et épistémiques les marqueurs qui prennent le locuteur lui-même comme source, si celui-ci montre aussi une grande confiance dans la véracité de son énoncé, comme avec sur avat! 'ça oui!' ou meus aon 'je pense'.

Bibliographie

  • Bergqvist, Henrik. 2017. 'The role of 'perspective' in epistemic marking', Lingua 186–187, 5-20.
  • Cornillie, Bert. 2009. 'Evidentiality and epistemic modality: On the close relationship between two different categories', Functions of language 16 (1): 44–62.
  • Heritage, John. 2012. 'Epistemics in action: Action formation and territories of knowledge', Research on language & social interaction 45 (1), 1–29.