X di-X

De Arbres

La reduplication a-perfective X di-X est une opération morphologique de reduplication autour du morphème di-.

Cette opération est productive en breton. Elle a l'effet sémantique de supprimer la borne de fin d'un prédicat verbal ou adjectival.

En (1), le premier verbe lojañ signifie '(se) loger'. Le morphème di- qui peut s'y préfixer donne son contraire: 'déménager'. Les deux verbes accolés donnent une structure de reduplication a-perfective: en (1), l'effet sémantique est la suppression de la borne de fin de l'action: la famille emménage et déménage et emménage et déménage dans un mouvement de va-et-vient sans fin.


(1) Lojañ-dilojañ a reas ar familh, ken na reas.
loger-di.loger R fit le famille autant ne1 fit
'La famille déménagea sans fin.'
Standard, Denez (1993:33)


Vallée (1980:XXV) donne:

tremen-distremen, 'passer et repasser (qui passe et repasse en sens contraire)'
kemm-digemm, 'changer à tous moments (et qui change; changement)'
lenn-dilenn, 'lire et relire'

Helias (1986:14) donne lammad - dilamad, 'sauter - ressauter'.


Morphologie

mutation

Helias (1986:14) pointe que ce préfixe ne déclenche pas de mutation.


Distribution

Il existe de multiples exemples de cette construction dans Gros (1984:82-84).


Verbe-di-Verbe

La construction reduplicative [V-di.V] du verbe est productive avec différents verbes. Elle existe aussi bien avec un verbe tensé, participe ou infinitif.


(1) Brallet-divrallet e oa war azezenn a-dreñv karr e dud.
branlé-di.branlé R était.3SG sur siège arrière voiture son1 parents
'Il était secoué de tous côtés sur le siège arrière de la voiture de ses parents.'
Standard, Dupuy (2007:26)


(2) ... ken e koeñve-digoeñve toennoù al lestr mein.
tant.que R enfl.ait-di.enfl.ait toit.s le vaisseau pierre
'tant que les toits du vaisseau de pierre respiraient (se mettaient à s'enfler et se désenfler).'
Standard, Dupuy (2007:25)


(3) hejañ-dihejañ, bountañ-divountañ (Favereau 1993)

chetañ-dichetañ: trimbaler, chetet ha dichetet (Poher, Favereau 1993)
toullañ-didoullañ, (An Here 1995)

Adjectif-di-Adjectif

kemm-digemm: "interchangeable, très changeant" (Favereau 1993)
klañv-diglañv (An Here 1995)


reduplication autour d'une coordination

La présence de la coordination ha ne semble pas changer la sémantique de la construction.


verbe et di-verbe

(1) Treiñ ha distreiñ a ra ar paotr dindan e zilhad-gwele.
tourner et -tourner R fait le garçon sous son1 linge-lit
'Le garçon se tourne et se retourne dans ses draps.'
Standard, Drezen (1990:12)


(2) kaset ha digaset 'être trainé', Gros (1984:58)

treiñ ha distreiñ (An Here 1995)
taoler ha distaoler: "taolet ha distaolet d'an eil soñj d'egile"


Adjectif et di-Adjectif

L'adjectif peut être un déverbal, il peut ne pas muter, et il peut recevoir un modificateur perfectif ("-tout"):


(3) Goude e vezont bloñset ha dibloñset tout evel-just.
après R sont tapé et /di-tapé/ tout bien.sur
'Après, ils sont meurtris bien sûr.'
Léonard, Mellouet & Pennec (2004:152).


Sémantique

La reduplication autour du préfixe di- obtient une lecture itérative et a-perfective sur le verbe.


 An Here 1995: 
 "Troiennoù a vez geriet ganto un ober pe ur stad a c'hoarvez en-dro a bennadoù stank." 


 Gros (1984:374): "ce préfixe [di-] sert à former des locutions à deux termes: 
 le positif et son contraire, exprimant la répétition ou la continuation d'une action ou d'un état: 
 
 ruillet ha diruillet, /roul.é et roul.é/, 'balloté'
 trei ha distrei, 'continuer à tourner et à virer'... "
 
 Gros (1984:82): "Le préfixe di- placé devant un verbe en forme un second de sens contraire 
 La réunion de ces deux verbes marque un aller et retour, une tournée parachevée, une action répétée ou continue.
 
 Comparer le français: il a son dit et son dédit, des tours et des détours, rouler et dérouler"


Le préfixe di- a d'habitude un sens privatif.

Dans les structures reduplicatives en X di-X, l'effet sémantique obtenu n'est cependant pas privatif: il force une lecture itérative ou de non complétion.

Le rôle sémantique du préfixe di- dans la construction x (ha) di-X n'est donc pas l'application d'un degré zéro sur le prédicat verbal, mais l'application d'un degré zéro sur sa borne de fin. Si on considère que dans ces constructions, le préfixe di- applique le degré zéro sur la borne de fin de l'action exprimée par un verbe, ou le degré de seuil qualitatif d'un état, on obtient exactement l'effet progressif désiré.

Dans cette mesure, le préfixe di- dans les structures reduplicatives n'est pas spécialisé pour cette structure et emprunte à un préfixe indépendamment présent dans la langue.