Truez

De Arbres

Le nom truez dénote la 'pitié'.


(1) Anez am oa true, vijen ket deut aman.
sans R.1SG avait pitié serais pas ven.u ici
'Si je n'avais eu pitié, je ne serais pas venu ici.'
Breton central (Kergrist-Moëlou), Le Garrec (1901:64)


Morphologie

variation dialectale

La carte 592 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de '(Ayez) pitié'.


dérivation

L'adjectif truezek 'pitoyable, qui évoque de la pitié' est construit avec le suffixe adjectival -ek.


(2) Ur gér truhek é Karnasen-man.
un 1 village pitoy.ant est Karnasen.ci
'Ce Karnasen est un VILLAGE MISERABLE.'
Vannetais, Jaffré (1986:16)
cité dans Schapansky (1996:101)


L'adjectif 'sans pitié, qui n'a pas de pitié' se construit avec le préfixe privatif di-.


(3) Méd ni pa welem kement-se, a veze didruez ouz ar filouter...
mais nous quand1 voyions autant-ça R1 était sans1.pitié à le filout.eur
'Mais nous quand on voyait cela, on était sans pitié pour le filou ...'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:107)

genre

C'est un nom féminin.


(4) Un druez e vefe d'ur gumun evel homañ ...
un 1pitié R4 serait à un 1commune comme celle-ci
'Ce serait une pitié pour une commune comme celle-ci....'
Léonard/standard, Drezen (1947:18)

Syntaxe

ouzh

(1) Truez am-eus outañ.
pitié R.1SG a à.lui
'J'ai de la pitié pour lui.'
Ar Merser (2009:'inspirer')


Sémantique

alternatives

Comme en français, le mot trugarez 'merci' fait concurrence à truez 'pitié' (cf. sans pitié, sans merci).


(2) N'am euz foeltr tamm ezom dimeuz e drugarez.
ne1 1SG a foutre morceau besoin de son1 merci
'Je n'ai pas le moindre besoin de sa pitié.'
Haute-Cornouaille (Kergrist-Moëlou), Le Garrec (1901:57)

sellout a druez, 'prendre en pitié'

(3) Sellit a drue eus eun den reuzeudik, c'houi pere a zo yac'h ha divac'hagn.
regardez en1 pitié de un personne malheureux vous quel.ceux R est sain et valide
'Prenez en pitié le malheureux, vous qui êtes valide et en bonne santé.'
Bas-Trégorrois, Al Lay (1925:37)

Diachronie et horizons comparatifs

Matasović (2009) postule un adjectif proto-celtique * trowgo- 'désolé, triste', donnant le nom propre gaulois Trouceti-marus, le vieil irlandais trúag, tróg, le vieux gallois et le moyen gallois tru, le cornique tru.

Deshayes (2003:'tru') propose un celtique commun * tro(u)go-, donnant le gaulois trougo- 'malheureux', le vieil irlandais trùag 'malheureux', le gallois tru 'misérable, malheureux, pitoyable', le cornique tru 'hélas' et truan 'misérable, pauvre, malheureux'.

En vieux breton, Deshayes (2003) donne la forme truu (v.1050). Evans & Fleuriot (1985) relèvent tru et trued, qu'ils traduisent par 'pitié, humanité'.

Deshayes (2003) relève au début du XVI° tru, réalisant le nom 'hère' et l'adjectif 'misérable'. En breton moderne, la forme tru a disparu, au profit de truez 'pitié'. On la voit encore dans le nom dérivé trugarez 'merci'.


Matasović (2009) postule le gaulois * trūg-ant-, * trowgant- de même racine avec une forme verbale au participe présent, ensuite emprunté par le français truand 'mendiant'. Troude (1886:5-7) avait comparé l'adjectif breton truant 'digne de pitié' et le provençal truant 'mendiant', et proposé qu'il s'agissait d'un des rares emprunts au breton. Il s'agit en fait d'un emprunt celtique par le gaulois * trūganto 'mendiant, vagabond' (CNRTL), qui donne l'ancien provençal truan 'celui qui vagabonde, qui mendie', l'espagnol truhán 'bateleur', ou le portuguais truão 'bateleur').