Tre-, tar-, ter-, tres-

De Arbres
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Le morphème tre- est un préfixe au sens assez flou. Selon Deshayes (2003:38), il vient du vieux breton tre 'à travers'.


(1) chal 'inquiétude', => trechal 'ennui, gêne, alarme'

kas 'haine' => tregas 'tracas, inquiétude', Merser (2009)


(2) ant 'creux, sillon fait par la charrue, raie, rayure'

=> treant 'harpon de pêche', treanti 'harponner, transpercer', Merser (2009)


Kervella (1947:§876) donne: trevell, treveriañ, tregoad...

Kervella (1947:§886) donne: trelatiñ, tredan, trelonk, treskav, tremor (tramor), tregerniñ, trec'hwezañ, trealañ, trebarzhiñ, tremen.


Morphologie

accentuation

L'accentuation en KLT tombe sur l'avant-dernière syllabe et montre avec les bisyllabiques que le préfixe tre- peut prendre l'accentuation de mot (TREsell, Kervella 1947:§887).


mutations

Kervella (1947:§886) note que la mutation est le plus souvent faite, avec les exceptions de tremor, tremen, trebarzhiñ.


allomorphes

On trouve à ce préfixe les formes tar-, ter-, tres-, et probablement aussi gar-, et tour-.


tar-

Le préfixe tar- peut signifier clairement une trajectoire non-droite.


(1) Taol pled e tarlonkfes !
jette intérêt R4 pfx.avaler
'Prends garde d'avaler de travers.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'lonka')


(2) tarlonka 'avaler de travers', Merser (2009)

(3) tarlonkad 'avoir des haut-le-cœur', Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012)


On note aussi les alternances tre-/tar- devant la racine nominale c'hwezh 'souffle'.

(4) tarc'hwezh, trec'hwezh 'dyspnée, manque de souffle'

tarc'hwezhiñ, trec'hwezhiñ 'manquer de souffle', Favereau (1993)

(5) tarhweza, 'hésiter', Léonard, Merser (2009)


gar-

Plourin (2000:82) donne garlonker 'gosier' et garlonkañ 'avaler d'un trait, engloutir'. Il ne s'agit pas ici du préfixe atténuateur gar-, qui est distinct. Cet allomorphe gar- est soutenu par la racine de mot expressif d'ancien français garg- 'gorge' (cf. gargate 'gosier, gorge', "d'origine expressive avec finale obscure", Deshayes 2003:'gargadenn, gargouilh').

ter-, tres-

Le Bayon (1878:16) donne trénoz, ternoz, 'lendemain, au-delà de la nuit', et tresplek de tre pluek 'traversin' ou treskizein de tré kiz 'ouvrir un passage à l'eau, drainer'.

tour-

On trouve également tarlonkañ et tourlonkañ 'avaler de travers', ce qui induit que le préfixe tour- ne serait pas indépendant.

Sémantique

Selon Le Bayon (1878:16), ce préfixe "indique tout ce qui tient à l'idée de passage, les deux termes, le temps, le moyen, le sujet, le trajet, les traces du passage d'un point à un autre".

Il donne trémen 'aller au delà, passer', trelon̄kein 'avaler de travers'.


tre- vs. ar-

Kervella (1947:§876) note que beaucoup de racines préfixées par tre- ont aussi une préfixation en ar-. Il cite: arvell, arveriañ, argoad, argas...


tre- vs. tar-

Le morphème tre- est parfois en concurrence avec le morphème tar-.


(3) trec'hwezh, tarc'hwezh 'dyspnée, manque de souffle'

trec'hwezhiñ, tarc'hwezhiñ 'manquer de souffle', Favereau (1993)

Horizons comparatifs

Deshayes (2003:38) compare tre- à l'ancien français tres- issu du latin trans-.

Le breton et vieux breton tre- correspondent au gallois try-.


Selon Kervella (1947:§886), trevell 'travail, besogne' est formé sur la racine /mell/, qui aurait ensuite été influencé par la forme du français travail. Selon Favereau (1993:'trevel'), la forme ancienne est travell, avec une variante en streuvell.


À ne pas confondre

Il existe deux autres préfixes pouvant être réalisés en /tar/-: le préfixe diminutif a-perfectif dar-, dor-, tar-, tor- (darlammat > 'palpiter', Favereau 1993) et tar(v)- 'taureau, mâle' grammaticalisé en préfixe dans targazh 'matou'.

Il existe un autre préfixe pouvant être réalisé en /gar/-: l'atténuateur gar-.