Différences entre les versions de « Système d'accord »

De Arbres
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On dit que deux mots ou expressions s'accordent si elles ont les mêmes valeurs pour leurs traits grammaticaux ([[personne]], [[genre]], [[nombre]]).  
Le '''système d'accord''' breton régit l'apparitioon des morphèmes d'accord entre le sujet et le verbe conjugué. L'élément immédiatement remarquable est un '''effet de complémentarité''' entre le morphème d'accord et la prononciation du sujet.  


Le '''système d'accord''' breton est intéressant car il montre un '''effet de complémentarité'''. La phrase en (1) montre deux propositions. Regardons d'abord la seconde: le [[sujet]] n'est pas réalisé morphologiquement de façon indépendante, et le verbe apparaît avec les traits 3PL, comme ce serait le cas en espagnol ou en italien. La morphologie verbale est alors un '''accord riche''', car sa morphologie révèle les traits du sujet. Dans la première proposition cependant, le [[sujet]] ''ar c'hezeg-ze'' 'ces chevaux' est 3PL mais son verbe est 3SG. La morphologie verbale est celle de l' '''accord gelé''': les traits du sujet réalisé pourraient varier sans que la morphologie de l'accord change ses traits 3SG.
La phrase en (1) montre deux [[propositions]]. Regardons d'abord la seconde: le [[sujet]] n'est pas réalisé morphologiquement de façon indépendante, et le verbe apparaît avec les traits de troisième personne pluriel (3PL). Comme ce serait le cas en espagnol ou en italien, la morphologie ver bale est un '''accord riche''': la morphologie de l'accord verbal réalise les traits du sujet. Dans la première proposition cependant, le [[sujet]] <u>''ar c'hezeg-ze''</u> 'ces chevaux' est 3PL mais son verbe est 3SG. La morphologie verbale est celle de l' '''accord gelé''': les traits du sujet réalisé pourraient varier sans que la morphologie de l'accord change ses traits 3SG.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(1)|| ''Ar c'hezeg-ze'' ||'''a zo''' hualet ||ha, || daoust da ||ze,|| e c'haloup'''ont'''.
|(1)|| <u>Ar c'hezeg-ze</u> || '''a''' || '''zo''' || hualet || ha, || daoust || da || ze, || e || c'haloup'''ont'''.
|-
|-
| || [[art|le]] chevaux-[[DEM|là]] ||[[R]] [[zo|est]].3SG entravé|| [[&|et]] || [[daoust|malgré]]   [[da|de]] || [[se|ça]]|| [[R]] galopent.3PL
||| [[an, al, ar|le]] <sup>[[5]]</sup>[[kezeg|chevaux]].[[DEM|là]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[zo|est]] || [[hualañ|entrav]].[[-et (Adj.)|é]] || [[&|et]] || [[daoust|malgré]] || [[da|de]]<sup>[[1]]</sup> || [[se|ça]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[galoupat|galopent]]
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|||colspan="4" | 'Ces chevaux-là sont entravés et, malgré cela, ils galopent.'|||||||| [[Le Bozec (1933)|Le Bozec (1933]]:48)
||| colspan="15" | 'Ces chevaux-là sont entravés et, malgré cela, ils galopent.'
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||||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Le Bozec (1933)|Le Bozec (1933]]:48)
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== Morphologie ==
== Morphologie ==


Les verbes bretons se conjuguent aux trois personnes (première, deuxième, troisième), au singulier comme au [[pluriel]]. La forme de l' '''accord gelé''' est toujours la forme 3SG. Ils se conjuguent aussi avec une personne supplémentaire: [[l'impersonnel]] ''-er''.
=== le paradigme d'accord en breton ===
 
On dit que deux mots ou expressions s'accordent si elles ont les mêmes valeurs pour leurs traits grammaticaux ([[personne]], [[genre]], [[nombre]]). En breton, l'accord se fait en [[personne]], et en [[nombre]], mais pas en [[genre]]. Les distinctions de genre autour de l'accord viennent toujours d'un rajout d'information apporté par un paradigme pronominal.
 
Les verbes bretons se conjuguent aux trois personnes (première, deuxième, troisième), au singulier comme au [[pluriel]]. Comme dans toutes les langues celtiques, ils se conjuguent aussi avec une personne supplémentaire, [[l'impersonnel]] ''-er'' qui n'a pas d'équivalent lexical.
 
 
{| class="prettytable"
|(2)|| Ne || vennont || ket || krediñ || e || c'hell'''er''' || bout || dishañval || doc'hte.
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[mennout|veulent]] || [[ket|pas]] || [[krediñ|croire]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[gallout|peut]].[[IMP|on]] || [[beza|être]] || [[di-, dis-|dé]].[[hañval|pareil]] || [[diouzh|de]].[[pronom incorporé|eux]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils ne peuvent croire que quiconque soit différent d'eux.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:249)
|}
 
 
Il s'agit bien dans le cas des verbes d'un système accord, et non de l'incorporation morphologique d'un pronom comme dans le paradigme des [[prépositions]]. L'absence de genre dans l'accord en est un des signes: les prépositions conservent le marquage genré d'un pronom incorporé, alors que l'accord efface cette distinction. Le conjoint gauche de la [[coordination]] dans l'objet d'une préposition peut s'incorporer, alors que le conjoint gauche de la coordination dans le sujet d'un verbe ne le peut pas ([[Jouitteau & Rezac (2006)|Jouitteau & Rezac 2006]]).




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(1)|| Ne vennont ket|| krediñ e c’hell'''er''' ||bout dishañval ||doc’hte.
|(3)|| Ful || ha || strak || a vije || bet || etrez'''''' || hag || ar Gastafiorenn !
|-
|-
| || [[ne]]<sup>[[1]]</sup> [[mennout|veulent]] [[ket|pas]]|| [[krediñ|croire]] [[R]]<sup>[[4]]</sup> [[gallout|peut]].[[IMP]] || [[beza|être]] [[di-|di]].fférent || [[diouzh|de]].[[pronom incorporé|eux]]
||| [[ful|étincelles]] || [[&|et]] || /[[onomatopée|strak]]/ || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[COP|serait]] || [[bet|été]] || [[etre|entre]].[[pronom incorporé|lui]] || [[&|et]] || [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[nom propre|Castafiore]]
|-
|-
|||colspan="4" | ' Ils ne peuvent croire que quiquonque/on soit différent d’eux .'|||| ||||||||''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:249)
||| colspan="15" | 'La Castafiore et lui, ça aurait fait des étincelles !'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Kervella (2001)|Kervella (2001]]:6)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(4)|| Chom || a || rae || etrez'''i''' || _ || hag || ar || gorrien.
|-
||| [[chom|rester]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|faisait]] || [[etre|entre]].[[pronom incorporé|elle]] || <font color=green>[</font color=green> || [[&|et]] || [[an, al, ar|le]] || <sup>[[1]]</sup>[[korr|nain]].[[-ien (PL.)|s]] <font color=green>]</font color=green>
|-
||| colspan="15" | 'Cela restait entre elle et les nains.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Jouitteau & Rezac (2006)|Jouitteau & Rezac (2006]]:x)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(5) [[*]] || Dec'h || ec'h || erru'''as''' || _ || hag || ar || gorrien.
|-
||| [[dec'h|hier]] || [[R]]<sup>[[+C]],[[4]]</sup> || [[arruout|arriva]] || <font color=green>[</font color=green> || [[&|et]] || [[an, al, ar|le]] || <sup>[[1]]</sup>[[korr|nain]].[[-ien (PL.)|s]] <font color=green>]</font color=green>
|-
||| colspan="15" | 'Elle et les nains arrivèrent hier.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Jouitteau & Rezac (2006)|Jouitteau & Rezac (2006]]:x)
|}
|}


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La morphologie verbale inclut aussi le [[temps]], le [[mode]] et l'[[aspect]]. En breton, seul l'élément [[tensé]], verbe [[lexical]] ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en [[personne]] et en [[nombre]] avec le [[sujet]].  
La morphologie verbale inclut aussi le [[temps]], le [[mode]] et l'[[aspect]]. En breton, seul l'élément [[tensé]], verbe [[lexical]] ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en [[personne]] et en [[nombre]] avec le [[sujet]].  


Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En français, le participe porte parfois des marques de [[genre]] et de [[nombre]] (''Les chaussettes sont repris'''ées''' ensemble''). En portugais, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple [[typologie de l'accord multiple|en ibibio, en kilega ou en swahili]], langues nigéro-congolaises).
Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En français, le [[participe]] porte parfois des marques de [[genre]] et de [[nombre]] (''Les chaussettes sont repris'''ées''' ensemble''). En portugais, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple [[typologie de l'accord multiple|en ibibio, en kilega ou en swahili]], langues nigéro-congolaises).
 
=== la forme de l'accord gelé ===
 
La forme de l' '''accord gelé''' est toujours la forme 3SG correspondante dans l'accord riche. cette correspondance reste parfaite à travers la variation dialectale des réalisations de troisième personne. En (1), le sujet 1PL ''ni'' est réalisé devant son verbe, qui porte, lui, la marque de la troisième personne (au futur, ''-o'').
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| ma || ne || zihunont || ket || ar || wech-man, || '''ni''' || || ouez'''o''' || petra || d'ober.
|-
||| [[ma|si]]<sup>[[4]]</sup> || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[dihuniñ|réveillent]] || [[ket|pas]] || [[an, al, ar|le]] || <sup>[[1]]</sup>[[gwech|fois]]-[[mañ|ci]] || [[pfi|nous]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[gouzout|saura]] || [[petra|quoi]] || [[da|de]] [[ober|faire]]
|-
||| colspan="15" | 'Si cette fois-ci ils ne se réveillent pas, nous saurons quoi faire.'
|-
||||||||||||||| colspan="15" | ''Léonard'', [[Perrot (1907)|Perrot (1907]]:33)
|}
 
 
On peut voir qu'il s'agit réellement d'un accord 3SG, plutôt qu'une absence d'accord. Les traits 3SG sont souvent réalisés au présent par un morphème vide, mais on voit des modifications de la [[racine]] sur certains verbes irréguliers, et dans certains dialectes un [[morphème]] de [[flexion]] ''-a'' apparaît.
En (2), le verbe 'savoir' montre ces deux phénomènes en même temps. D'une part, l'[[infinitif]] en ''gout'' montre une modification de [[racine]] en ''goui'' lorsqu'il est conjugué ([[McKenna (1978)|McKenna 1978]]:201). Le morphème ''-a'' est ajouté à cette racine. C'est à la fois la marque du 3SG et celle de l'accord pauvre ('''''me''' oui'''a''''', 'je sais', [[McKenna (1978)|McKenna 1978]]:201): en (2), le ''-a'' persisterait avec un [[sujet]] postverbal [[pluriel]] ''an dud'' 'les gens'.
 
 
{| class="prettytable"
|(2)|| ||<font color=green> /'''hwia''' ||<font color=green> tš ||<font color=green> ndeiŋ' ||<font color=green> kèr ||<font color=green> pïta ||<font color=green> reï ||<font color=green> namzir / </font color=green>
|-
||| || '''ouia''' || ket || <u>en den</u> || kaer || petra || e rei || an amzer.
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[gouzout|sait]] || [[ket|pas]] || [[IMP|on]] || [[kaer|bien]] || [[petra|quoi]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[ober|fera]] || [[an, al, ar|le]] [[amzer|temps]]
|-
||| colspan="15" | 'On ne sait pas très bien ce que le temps donnera.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Guémené-sur-Scorff'', [[McKenna (1978)|McKenna (1978]]:170)
|}
 
 
==== verbes à modification de leur racine ====
 
Le verbe ''[[gouzout]]'' 'savoir' est assez isolé dans cette modification de la racine, mais la modification est persistante à travers les spécificités dialectales.
 
 
{| class="prettytable"
|(3)|| <u>Ar re-se</u> || a || '''houie''' || penaos || edo || eat || kuit.
|-
||| [[an, al, ar|le]] [[hini|ceux]].[[DEM|ci]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[gouzout|savait]] || [[penaos|comment]] || [[edo|était]] || [[mont|all]].[[-et (Adj.)|é]] || [[kuit|parti]]
|-
||| colspan="15" | 'Eux savaient comment il était parti.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Léonard (Lesneven/Kerlouan)'', [[Y. M. (04/2016b)]]
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(4)|| <u>An nen</u> || ne || '''oar''' || ket || bepred.     
|-
||| [[IMP|le homme]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[gouzout|sait]] || [[ket|pas]] || [[bepred|toujours]]
|-
||| colspan="15" | 'On ne sait pas toujours.'
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Riec)'', Mona Bouzeg,  c.p. (01/2009)
|}
 
 
On pourrait chercher si des locuteurs ont pour 'pouvoir' un infinitif en ''[[gallout]]'' et un paradigme en ''gell-''.
 
==== négatif de l'impératif ====
 
Au négatif, l'[[impératif]] est associé au complémenteur ''[[na (IMP!)|na]]''. L'[[accord verbal]] peut alors n'être pas réalisé.
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| Na || '''ra''' || ket || darngofad || mar || kerez || paneogwir || zo || boued || frank.
|-
||| [[na (IMP!)|ne !]] || [[ober|fa]].[[-et (Adj.)|it]] || [[ket|pas]] || [[darn-|petit]].[[kof|ventr]].[[-ad|ée]] || [[ma(r)|si]] || [[karout|aimes]] || [[peogwir|puisque]] || [[zo|est]] || [[boued|nourriture]] || [[frank|plein]]
|-
||| colspan="15" | 'Ne va pas te priver, parce qu'il y a largement de quoi.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois (Perros-Guirec)'', [[Konan (2017)|Konan (2017]]:64)
|}
 
 
Il est difficile de deviner s'il s'agit d'une absence d'accord ou d'un accord gelé à la personne 3, car le verbe ''[[gouzout]]'' 'savoir' qui pourrait faire la différence ne s'utilise pas à l'impératif négatif.
 
==== dialectes en -''a'', -''ev'', -''ef'', ''-s'' au 3SG ====
 
Dans certains dialectes du Sud et jusqu'en breton central, une voyelle ou une consonne apparaissent régulièrement à la troisième personne du singulier au présent de l'[[indicatif]].
 
On relève une 3SG en ''-a'' à Malguénac ([[Le Pipec (2000)|Le Pipec 2000]]), à Groix ([[Ternes (1970)|Ternes 1970]]:252), à Riantec près de Lorient, dans le breton de Mona Bouzec à Riec, à Duault. [[Timm (1987a)|Timm (1987a]]:260,fn30) en relève de façon sporadique à Carhaix. En breton central, c'est un ''-f''. À Plozévet en Cornouaille du Sud, il s'agit d'un <font color=green>/-v/</font color=green> final ([[Goyat (2012)|Goyat 2012]]:277). À Briec et a Locronan, il s'agit d'un ''-s'' ([[Noyer (2019)|Noyer 2019]]:239, [[A-M. Louboutin (10/2021)]]).
 
 
{| class="prettytable"
|(1)||<font color=green> /xa ||<font color=green> ||<font color=green> gãz'''a''' ||<font color=green> nur ||<font color=green> ze:biɲ / </font color=green>
|-
||| <u>Int</u> || ' || gomz'''a''' || en ur || zebriñ. |||| ''Équivalent standardisé''
|-
||| [[pfi|eux]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[komz|parle]] || [[en ur|en]]<sup>[[1]]</sup> || [[debriñ|manger]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils parlent tout en mangeant.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Groix)'', [[Ternes (1970)|Ternes (1970]]:252)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(2)|| Ioñ || ' || bollû'''a''' || en || dud || ha || tout !
|-
||| [[pfi|lui]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || pollue.3SG || [[an, al, ar|le]] || [[tud|gens]] || [[&|et]] || [[tout]]
|-
||| colspan="15" | 'Il pollue les gens y compris !'
|-
||||| colspan="15" | ''Vannetais (Riantec)'', RJ.
|-
||||| colspan="15" | collecté par B. Allaire, [http://dico.parlant.breton.free.fr/Riantec/b-allaire-riantec-rj-0001-a-0068.html dico parlants 2018] 
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(3)||<font color=green>[ jãn ||<font color=green> ||<font color=green> zo ||<font color=green> ' ||<font color=green> bygœl ||<font color=green> a ||<font color=green> labuʁ'''a''' ||<font color=green> 'mat ||<font color=green> baʁ ||<font color=green> skol ]
|-
||| Yann || ' || zo || || bugel || a || labour'''a''' || mat || e-barzh ar || skol.
|-
||| [[nom propre|Yann]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[zo|est]] || [[un, ul, ur|un]] || [[bugel|enfant]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[labourat|travaille]] || [[mat|bien]] || [[e-barzh|dans]].[[an, al, ar|le]] || [[skol|école]]
|-
||| colspan="15" | 'Yann est un enfant qui travaille bien à l'école.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Breton central (Duault)'', [[Avezard-Roger (2004a)|Avezard-Roger (2004a]]:248)
|}
 


Notons en contraste le ''-a'' de l'impératif 2SG.


=== variation dialectale ===


==== -''a'' au 3SG ====
{| class="prettytable"
|(4)|| Lak'''a''' || ar || gwer || war || an || daol.
|-
||| [[lakaat|mets]] || [[an, al, ar|le]] || [[gwer|verres]] || [[war|sur]] || [[an, al, ar|le]] || [[taol (F.)|table]]
|-
||| colspan="15" | 'Mets les verres sur la table.'
|-
||||||||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Stephens (1982)|Stephens (1982]]:164) 
|}


La troisième personne du singulier au présent de l'[[indicatif]], qui est aussi la marque de l'accord pauvre, est souvent un [[morphème vide]]. Dans certains dialectes cependant, une voyelle ou une [[voisée]] apparaissent.
 
En breton central, les bases verbales finissant par une voyelle sont réalisées en -''ef''. On retrouve la même finale, mais voisée, à Plozevet.
 
 
{| class="prettytable"
|(5)|| ' || Bass'''ef''' || ket || kalz || a || dud.
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[paseal|passe]] || [[ket|pas]] || [[kalz|beaucoup]] || [[a|de]]<sup>[[1]]</sup> || [[tud|gens]]  
|-
||| colspan="15" | 'Il ne passe pas beaucoup de gens.'
|-
||||||||||||| colspan="15" | ''Breton central (Poullaouen)'', locuteur né vers 1910, [[Favereau (1984)|Favereau (1984]]:439)
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1) ||<font color=green> /xagãz'''a''' || <font color=green>nurze:biɲ / </font color=green>
|(6)||<font color=green>/ me ||<font color=green> ||<font color=green> go·z'''ef''' / ||<font color=green>/ ẉi ||<font color=green> val'''ef''' / ||<font color=green>/ h~̝ɛz ãn'''ef''' / ||||<font color=green>/ pe ||<font color=green> dɔst'''ef''' /
|-
|-
| || [[pfi|eux]].parle || [[en ur|en]]<sup>[[1]]</sup>. manger
||| [[pfi|moi]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[kozhaat|vieillit]] || [[pfi|vous]] [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[bale|marche]] || [[DEM|lui]] [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[anavezout|sait]] |||| [[pa|quand]]<sup>[[1]]</sup> || [[tostaat|approche]]
|-
|-
|||colspan="4" | 'Ils parlent tout en mangeant.' ||||''Groix'', [[Ternes (1970)|Ternes (1970]]:252)
||| colspan="15" | 'Je vieillis', 'Vous marchez', 'Il sait', 'quand il/elle approche'
|-
||||||||||||||| colspan="15" | ''Breton central'', [[Wmffre (1998)|Wmffre (1998]]:38)
|}
|}




   ''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:277):
   ''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:277):
   Les verbes à finales conjuguées vocaliques (/e/ est la plus fréquente, mais aussi /ɛ/, /i/ et /y/) voient un /-v/ final épenthétique s’ajouter à la 3e personne du singulier de l’[[indicatif]] présent [...]. Ce /-v/ final peut bien sûr se [[dévoiser]], conformément aux règles habituelles.
   Les verbes à finales conjuguées vocaliques (/e/ est la plus fréquente, mais aussi /ɛ/, /i/ et /y/) voient un /-v/ final épenthétique s'ajouter à la 3e personne du singulier de l'[[indicatif]] présent []. Ce /-v/ final peut bien sûr se [[dévoiser]], conformément aux règles habituelles.
   Exemples :
   Exemples :
   /ma va'le:'''v'''/, ''ma valev'', /'ba:le/, ''bale'', 's’il/elle marche'
   /ma va'le:'''v'''/, ''ma valev'', /'ba:le/, ''[[bale]]'', 's'il/elle marche'
   /pa ba'se:'''v'''/, ''pa basev'', /pa'sea/, ''pasea'', 'quand il/elle passe'
   /pa ba'se:'''v'''/, ''pa basev'', /pa'sea/, ''pasea'', 'quand il/elle passe'
   /ma ɡõti'ny'''v'''/, ''ma gontinuv'', /kõti'nɥi/, ''koñtinui'', 's’il/elle continue'
   /ma ɡõti'ny'''v'''/, ''ma gontinuv'', /kõti'nɥi/, ''koñtinui'', 's'il/elle continue'
 
 
  Cornouaille (Briec), [[Noyer (2019)|Noyer (2019]]:239):
  Quelques verbes dont la base finit par une consonne phonétique peuvent aussi être suffixées en ''-s''. Dans ce cas, une voyelle phonétique est ajoutée à la base.
  [koˈsɐːt] (koshaat), base: [kos]
  [nim goˈz'''eis''' ˈato]
  Ni a gosh'''es''' atao
  'Nous vieillissons toujours.'
  Les verbes dont la base finit par un ''r'' orthographique finissent en fait par une voyelle car le ''-r'' final est généralement réalisé comme une voyelle.
  [ˈseʁɪ] (serriñ), base: [seʁ/sæa]
  [eɔ᷉ zæ'''ʁs'''n nɔʁ hæːʁ]
  Eñ a ser'''res''' an nor herr
  'Il claque les portes.'
 
 
{| class="prettytable"
|(7)|| Met || plec'h || emout ? || An || dud || hag a || velon || a || val'''ez''' || abaoe.
|-
||| [[met|mais]] || [[pelec'h|où]] || [[emañ|es]] || [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup> || [[tud|gens]] || [[hag a|que R]]<sup>[[1]]</sup> || [[gwelout|vois]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[bale|marche]].3SG || [[abaoe|déja]]
|-
||| colspan="15" | 'Où es-tu ? Les personnes que je vois marchent déjà.'
|-
||||||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Locronan)'', [[A-M. Louboutin (10/2021)]]
|}
 
== Syntaxe ==
 
=== l'effet de complémentarité, première approche ===
 
L''''effet de complémentarité''', appelé aussi '''principe de complémentarité''' est décrit par de nombreux auteurs (entre de multiples autres, Le Clerc 1986[[Le Clerc (1986:62)|:62]], [[Fave (1998)|Fave 1998]]:83-86, [[Stump (1984)|Stump 1984]]:292...), et rapporté dans tous les dialectes.
 
Son signe prototypique est l' '''accord pauvre''', aussi dit '''accord gelé''' qui montre la marque 3SG quels que soient les traits d'un [[sujet]] réalisé. Cela est vrai que ce sujet soit lexical ou [[pronominal]]. En (1), les traits de seconde personne et du pluriel sont portés uniquement par le [[pfi|pronom sujet indépendant]] ''c'hwi'' 'vous'. La morphologie d'accord verbal, elle, est à la troisième personne singulier.
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| pan || eo || '''c'hwi''' || a || '''deu'''
|-
||| [[pa|quand]]<sup>[[1]]</sup> || [[eo|est]] || <u>[[pfi|vous]]</u> || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[dont|vient.3SG]]
|-
||| colspan="15" | 'puisque c'est vous qui venez.' (litt. 'qui vient')
|-
||||||| colspan="15" | ''Trégorrois (Tréguier)'', [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:137)
|}
 
 
En (2), l'accord 3PL sur le verbe nous montre que le groupe nominal 3PL qui le suit, ''an daou vezvierien'', ne peut pas être le sujet.
 
 
{| class="prettytable"
|(2)|| Kerkent || ha || m'eo || echu || o || c'han, || e || tihun'''ont''' || an || daou || vezvierien || en eur || rei || d'ezo || taoliou-dorn.
|-
||| [[kerkent|aussitôt]] || [[C.ha(g)|que]] || [[ma|que]]<sup>[[4]]</sup> [[eo|est]] || [[echuiñ|fini]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[kan|chant]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[dihuniñ|réveillent]] || [[an, al, ar|le]] || [[daou|deux]] || <sup>[[1]]</sup>[[mezv|saoul]].[[-ierien|ards]] || [[en ur|en]] || [[reiñ|donner]] || [[da|à]].[[pronom incorporé|eux]] || [[taol (M.)|coup]].[[-ioù (PL.)|s]]-[[dorn|main]]
|-
||| colspan="15" | 'Sitôt fini de chanter, ils réveillent les deux ivrognes à coups de claques.'
|-
||||||||||||||||| colspan="15" | ''Léonard'', [[Perrot (1907)|Perrot (1907]]:33)
|}
 


Pour une première approximation, il semble donc que la généralisation soit que les traits du sujet n'apparaissent qu'une seule fois dans la [[proposition]] ([[Stump (1984)|Stump 1984]]:292). En effet, la double occurrence d'un sujet réalisé et d'un verbe aux traits correspondants mène vite à l'[[agrammaticalité]].


== Description formelle du système d'accord ==


L''''effet de complémentarité''' est décrit par de nombreux auteurs (Leclerc 1986[[Leclerc (1986:62)|:62]], [[Fave (1998)|Fave 1998]]:83-86...). Son signe prototypique est l' '''accord pauvre''', ou '''accord gelé''' qui montre la marque 3SG quand ce ne sont pas les traits du sujet.
{| class="prettytable"
|(3) [[*]] || <u>Me</u> e r'''an''' || [[*]] || <u>Me</u>, mont a r'''an''' || [[*]] || <u>Te</u> e c'hall'''ez'''
|-
||| [[pfi|moi]] [[R]] [[ober|fais.1SG]] || || [[pfi|moi]] [[mont|aller]] [[R]] [[ober|fais.1SG]] |||| [[pfi|toi]] [[R]] [[gallout|peux.1SG]]
|-
||||||| colspan="15" | ''Manuel pédagogique'', [[Kerrain (2001)]]
|}


En (2), les traits de seconde personne et du pluriel portés par le pronom sujet ''c'hwi'' ne sont pas portés dans la morphologie d'accord verbal, qui lui est égal à l'accord de troisième personne singulier.  
 
==== règle naïve de non-redondance ====
 
Une règle pédagogique répandue pose que le breton, de manière générale, refuse la redondance des marques. Cette règle "naïve" est souvent assortie de l'idée que le breton serait une langue plus économique que les autres, puisqu'elle éviterait de "redire" les traits du sujet dans la mesure ou ceux-ci seraient déjà énoncés. Cette idée s'appuie sur une analogie avec le groupe nominal: le verbe ne s'accorderait pas avec son sujet de la même manière que le [[nom]] ne prend pas de marque du pluriel lorsqu'il est précédé d'un [[Les adjectifs numéraux cardinaux|cardinal]] (''dek vloaz'' mais *''dek bloazhioù'', c.a.d. /dix an(*s)/).
 
Une telle règle n'est cependant pas satisfaisante, car elle ne pourrait pas expliquer pourquoi la complémentarité est restreinte au domaine de la [[proposition]]. En (4), ci-dessous, elle prédirait par exemple faussement que le verbe 'être' [[enchâssé]] pourrait apparaître sans les traits du sujet. Au contraire, il apparaît toujours une marque du sujet (pronominale ou d'accord) dans chaque proposition, indépendamment des besoins de l'interprétation.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(2)|| pan ||eo ||'''c'hwi''' ||a '''deu'''.
|(4) ... || ne || '''oa''' || ket || <u>an doareoù</u>, || war-lerc'h || ar brezel, || ar pezh || e || oant || dek || vloaz || a-raok ...
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[eo|était]] || [[ket|pas]] || [[an, al, ar|le]] [[doare|manière]].[[-où (PL.)|s]] || [[war-lerc'h|après]] || [[an, al, ar|le]] [[brezel|guerre]] || [[ar pezh|ce que]] <font color=green>[</font color=green> || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[eo|étaient]] || [[dek|dix]]<sup>[[1]]</sup> || [[bloaz|an]] || [[a-raok|avant]] <font color=green>]</font color=green>
|-
|-
| || [[pa|quand]] ||[[COP|est]] ||vous ||[[R]] [[dont|vient]].3SG
||| colspan="15" | 'Les choses n'étaient pas, après la guerre, ce qu'elles étaient dix ans auparavant.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'puisque c'est vous qui venez.' (litt. 'qui vient')|||||| ''Tréguier'', [[Leclerc (1986)|Leclerc (1986]]:137)
||||||| colspan="15" | [[Denez (1993)|Denez (1993]]:32)
|}  
|}  




Pour une première approximation, il semble donc que la généralisation soit que les traits du sujet n'apparaissent qu'une seule fois dans la [[proposition]]. En effet, la double occurrence d'un sujet réalisé et d'un verbe aux traits correspondant mène vite à l'[[agrammaticalité]] en breton moderne comme ancien.
De la même façon, un sujet [[Dislocation à droite|disloqué]] en [[périphérie droite]] devrait selon cette règle naïve déclencher l'accord pauvre, contrairement aux faits.
 
 
{| class="prettytable"
|(5)|| N'ouzout || ket || digant || piou || e || teu'''ent''', || <u>al lizhiri</u> ?
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[gouzout|sais]] || [[ket|pas]] || [[digant|de]] || [[piv|qui]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[dont|viennent]] || [[an, al, ar|le]] [[lizher|lettre]].[[pluriel interne|s]]
|-
||| colspan="15" | 'Tu ne sais de qui elles viennent, les lettres ?'
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais / Léon'', [[Croq (1908)|Croq (1908]]:21)
|}
 
 
La règle de non-redondance prédit aussi incorrectement qu'un [[prédicat]] pluriel devrait déclencher l'accord pauvre, contrairement aux faits.
 
 
{| class="prettytable"
|(6)|| Met || '''bugale''' || e || oa'''nt''' ...
|-
||| [[met|mais]] || [[bugel|enfant]].[[pluriel interne|s]] || [[R]] || [[eo|étaient]]
|-
||| colspan="20" | 'Mais c'était des enfants...'
|-
||||||||||||||| colspan="10" | ''Cornouaillais (Ploéven)'', [[Gouérec (2018)|Gouérec (2018]]:4)
|}
 
 
Les redondances peuvent donc être multiples, comme les marques du pluriel en (7).
 
 
{| class="prettytable"
|(7)|| Ed'''ont''' || aze || '''tregont''' || bennak, || '''gwazed''' || ha || '''merc'hed''' || o || labourat.
|-
||| [[edo|étaient]] || [[aze|là]] || [[tregont|trente]] || [[bennak|quelque]] || [[gwaz, gwazed|hommes]] || [[&|et]] || [[merc'h|femme]].[[-ed (PL.)|s]] || [[particule o|à]]<sup>[[4]]</sup> || [[labourat|travailler]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils étaient là une trentaine, hommes et femmes, à travailler.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Herri (1982)|Herri (1982]]:19)
|}
 
 
La règle d'évitement de la redondance sémantique est trop puissante, et ne rend pas compte des faits. On va voir maintenant qu'il est possible et même obligatoire dans des cas bien définis d'avoir deux marqueurs du sujet dans une même proposition.
 
=== inventaire des cas avec un sujet et son accord dans la même proposition ===
 
Les exceptions à la complémentarité entre les traits d'un [[sujet]] réalisé et un accord verbal dans la même proposition sont, en standard et dans la plupart des dialectes:
 
 
* le verbe ''[[kaout]]''/''[[endevout]]'' 'avoir' (avec une tendance dans certains dialectes à la régularisation)
 
* modification plurielle d'un sujet incorporé ([[quantifieur flottant]], modification de type ''o daou'' 'eux deux')
 
* les [[sujet prénégation|sujets séparés du verbe par la négation]] (avec une tendance dans certains dialectes à la régularisation)
 
* les cas de [[résomption du sujet]]
 
* [[les pronoms écho]] (''Petra 'ouz'''on-me'''?'', 'Est-ce que je sais, moi ?')
 
 
==== le verbe 'avoir' ====
 
Le verbe ''[[kaout]]'', ou ''endevout'' 'avoir' est exceptionnel dans la grammaire du breton, car ce verbe ne montre pas l'[[effet de complémentarité]] : il s'accorde avec un sujet [[lexical]] (4) ou un pronom non-incorporé (5). Il s'accorde de plus sur sa gauche alors que les autres verbes s'accordent tous sur leur droite. Finalement, il peut aussi marquer deux fois l'accord en personne comme en (4) et (5).
 
 
{| class="prettytable"
|(4)|| <u>An dud</u> || '''o doa''' || ur sell || stard, || du.
|-
||| [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[tud|gens]] || 3PL 3.[[kaout|avait]] || [[un, ul, ur|un]] [[sell|regard]] || [[start|dur]] || [[du|noir]]
|-
||| colspan="15" | 'Les gens avaient un regard dur, noir.'
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Breton central (Plouyé)'', Spered Ar Yezh (2002)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(5)|| <u>C'hwi</u> || '''ho'''-peus || laret || din !
|-
||| [[pfi|vous]] || 2PL 2.[[kaout|a]] || [[lavarout|d]].[[-et (Adj.)|it]] || [[da|à]].[[pronom incorporé|moi]]
|-
||| colspan="15" | 'C'est vous qui me l'avez dit !'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Standard''
|}
 
 
C'est très important pour la compréhension du système d'accord, car cela montre que ce n'est pas la nature du groupe nominal sujet en breton qui est la source de l'effet de complémentarité. Les pronoms comme les groupes nominaux en breton sont constitués de façon à pouvoir déclencher un accord verbal.
 
Dans quelques dialectes, ce verbe a tendance à régulariser son système d'accord sur celui des autres verbes. Pour plus de détails, voir [[Jouitteau & Rezac (2009)]] et, sur ce site, la page sur ''[[kaout]]''.
 
 
==== modification plurielle d'un sujet incorporé ====
 
En (6), le sujet est composé de l'[[adverbe]] ''[[tout]]'' qui est un [[quantifieur flottant]], et de son objet 3PL qui a été incorporé. Suite à l'incorporation, ''tout'' a été [[antéposé]] en zone préverbale, où la [[4|mutation consonantique mixte]] D>T sur le verbe le signale comme adverbial.
 
 
{| class="prettytable"
|(6)|| Ur bern || tud || ' || vo || 'ba || 'n eured, […] || ha || <u>tout</u> || ' || teu'''int''''' || da || heul.
|-
||| [[un, ul, ur|un]] [[bern|tas]] || [[tud|gens]] || [[R]] || [[COP|sera]] || [[e-barzh|dans]] || [[an, al, ar|le]] [[eured|noces]] || [[&|et]] || [[tout|tout]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[dont|viendront]] || [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> || [[heuliañ|suivre]]
|-
||| colspan="15" | 'Un tas de gens viendront au mariage […], et tous viendront à la suite.'
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Riec)'', [[Bouzeg (1986)|Bouzeg (1986]]:II)
|}
 
 
En (7), le sujet interprété est ''int o daou'', littéralement /eux leur deux/ 'eux deux'. La tête pronominale du groupe sujet a été incorporée dans le complexe verbal, puis le complément du nom a été antéposé. L'initiale du verbe montre que ce qui le précède n'est pas le sujet (c'est un sous ensemble du sujet).
 
 
{| class="prettytable"
|(7)|| <u>O daou</u> || ema'''ont''' || memes || oad.
|-
||| [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> [[daou|deux]] || [[emañ|sont]] || [[memes|même]] || [[oad|âge]]
|-
||| colspan="15" | 'Les deux ont le même âge.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Le Scorff)'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:15)
|}
 
 
* ''o daou e chomont dilavar eur pennad.''
: 'Les deux se turent un moment.'
::: Filomena Kadored, 'An daou gristen', ''Kroaz ar Vretoned'', [10/09/1916]
 
En trégorrois, les mêmes faits sont répliqués en (8), mais la distribution des rannigs est erratique.
 
 
{| class="prettytable"
|(8)|| Ma || zud || na || c'houlent || ket || miret || ahanon. || <u>O daou</u> || a labour'''ent''' || er-maes.
|-
||| [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> || [[tud|gens]] || [[ne|ne]].[[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[goulenn|demandaient]] || [[ket|pas]] || [[mirout|garder]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|moi]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> [[daou|deux]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[labourat|travaillaient]] || [[er-maez|dehors]]
|-
||| colspan="20" | 'Mes parents ne voulaient pas me garder. Ils travaillaient dehors tous les deux.'
|-
||||||| colspan="20" | ''Trégorrois'', [[Gros (1966)|Gros (1966]]:11)
|}
 
 
* ''o-daou e oant everien fall a zour''
: 'Les deux étaient de piètres buveurs d'eau.'
::: Angela Duval, '[https://www.anjela.org/oberenn/un-azen-etre-daou/?lang=bz Un azen etre daou]', mars 1966.
 
C'est important pour comprendre le système d'accord, car cela montre bien que ce n'est pas le fait que le sujet soit réalisé qui empêche l'accord riche. L'accord avec le sujet est lié à son incorporation: si un sujet est incorporé, alors on obtient un accord riche.
 
==== sujet prénégation ====
 
En standard et dans la plupart des dialectes, un [[sujet devant la négation]] entraine obligatoirement un accord riche sur le verbe, comme décrit dans [[De Rostrenen (1738)|De Rostrenen (1738]]:178), [[Vallée (1926)|Vallée (1926]]:39ff), [[Hardie (1948)|Hardie (1948]]:162f), [[Kervella (1947)|Kervella (1947]]:168), [[Le Roux (1957)|Le Roux (1957]]:Ch.II), [[Denez (1972)|Denez (1972]]:112), Hemon ([[Hemon (1975a)|1975a]]:273f, [[Hemon (1975b)|1975b]]:63), [[Urien & Denez (1979)|Urien & Denez (1979/1980)]], [[Stephens (1982)|Stephens (1982]]:218), [[Stump (1984)|Stump (1984]], [[Stump (1989)|1989]]), [[Schafer (1995)]], [[Schapansky (1996)]], [[Jouitteau (2005/2010)]], [[Jouitteau et Rezac (2006)]], [[Hewitt (2010b)]]...
 


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(2)|| [[*]] ||'''me''' e r'''an'''|| [[*]] ||'''me''', mont a r'''an'''|| [[*]] ||'''te''' e c’hall'''ez'''
|(8)|| <u>An dud</u> || ne || o'''ant''' || ket || ker || sot || an eil || gant || egile.
|-
|-
| || ||[[pfi|moi]] [[R]] [[|ober|fais.1SG]] || ||[[pfi|moi]] [[mont|aller]] [[R]] [[|ober|fais.1SG]]|||| [[pfi|toi]] [[R]] [[gallout|peux.1SG]]
||| [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[tud|gens]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[eo|étaient]] || [[ket|pas]] || [[ken, ker, kel|tant]] || [[sot|sot]] || [[an, al, ar|le]] [[eil|second]] || [[gant|avec]] || [[egile|autre]]
|-
||| colspan="15" | 'Les gens n'étaient pas aussi sots les uns avec les autres.'
|-
|-
|||||||colspan="4" | ''manuel pédagogique'', [[Kerrain (2001)]]
||||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:11)
|}
|}




Cette généralisation est cependant fausse en l'état, il est possible dans des cas bien définis d'avoir deux marqueurs du sujet dans une même proposition.
[[Stump (1984)|Stump (1984]]:292), remarquant ces faits, propose que le sujet prénégation, à l'emphase obligatoire, était en fait en dehors de la proposition, dans une zone de [[topicalisation]] haute. Cependant, l'emphase n'est pas obligatoire sur le sujet prénégation.
 
[[Schafer (1995)]] propose qu'il s'agit d'un fait de [[résomptivité]], dû au croisement de deux éléments [[A-barre]]: le sujet [[focalisé]] et la tête ''[[ne|ne]]'' de la négation. [[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau (2005/2010]]:411) pointe cependant que les [[objets]] ne déclenchent pas la même résomptivité, et propose que la négation ''[[ne|ne]]'' est un [[complémenteur]] déclenchant un [[that-trace effect]].
 
Pour l'analyse de l'accord, ces hypothèses reviennent à considérer que l'accord riche est dans ces structures le résultat d'une [[incorporation]] du sujet.
 
 
===== exceptions dialectales de régularisation =====
 
Il existe quelques variétés de breton dans l'aire Sud dans lesquelles un [[sujet prénégation]] ne force pas l'accord. Pour le cornouaillais, [[Stump (1984:293, n.2)|Stump (1984:293, n.2]]) en note des traces dans la grammaire de Trépos et on en trouve des exemples dans un entretien de Mona Bouzeg. [[Cheveau (2007)|Cheveau (2007]]:214) en relève en vannetais, on en trouve aussi des traces à Guérande selon l'[[ALBB]]. Selon [[Ternes (1970)|Ternes (1970]]:284), la négation a un impact sur l'accord à Groix uniquement avec les sujets [[pronominaux]].
 
 
Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur le [[sujet prénégation]]
 
 
Une variété néo-cornouaillaise pourrait aussi être en train d'émerger. [[Kennard (2013)|Kennard (2013]]:91, 105) note que pour des jeunes adultes et des jeunes scolarisés dans un système immersif autour de Quimper, dans la moitié des phrases négatives avec le verbe ''[[bezañ]]'' et un sujet postverbal pluriel, le verbe montre un accord riche. Elle suggère qu'il s'agirait d'une régularisation sur le modèle de ''[[kaout]]'' 'avoir'.
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| N'ema'''int''' || ket || <u>an daou gi</u> || oc'h || ober || ar memes || tra.
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[emañ|sont]] || [[ket|pas]] || [[an, al, ar|le]] [[daou|deux]]<sup>[[1]]</sup> [[ki|chien]] || [[particule o|à]]<sup>[[+C]],[[4]]</sup> || [[ober|faire]] || [[an, al, ar|le]] [[memes|même]] || [[tra|chose]]
|-
||| colspan="15" | 'Les deux chiens ne sont pas en train de faire la même chose.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais'', [[Kennard (2013)|Kennard (2013]]:91)
|}
 
 
==== résomptivité du sujet ====
 
[[Borsley & Stephens (1989)]] ont pointé que des exemples comme en (1) semblent des contre-exemples à un principe de complémentarité dans l'accord.
 
 
{| class="prettytable"
|(1)a. || N''''int''' || ket || deut || anezh'''o''' || c'hoazh.
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[eo|sont]] || [[ket|pas]] || [[dont|ven]].[[-et (Adj.)|u]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|eux]] || [[c'hoazh|encore]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils ne sont pas encore venus.'
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Borsley & Stephens (1989)]]
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(1)b. || N''''int''' || ket || bras || anezh'''o'''.
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[eo|sont]] || [[ket|pas]] || [[bras|grand]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|eux]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils ne sont pas grands.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Borsley & Stephens (1989)]]
|}




== Exceptions à la complémentarité accord/sujet ==
Ces pronoms qui doublent le sujet ne sont jamais incorporables sur le verbe, mais dans une [[préposition support]], sémantiquement vide. Ce sont des structures à [[résomption du sujet]], où un pronom double le sujet réel de la phrase.




Les seules exceptions réelles à la complémentarité entre un [[sujet]] réalisé et un accord verbal sont:
===== résomptivité prédicative équative =====


* [[les pronoms écho]] (''Petra 'ouz'''on-me'''?'', 'Est-ce que je sais, moi?')
La plus répandue est la [[résomption prédicative équative]], présente dans tous les dialectes, sans restriction en personne, en phrases positives comme négatives. Elle est restreinte aux verbes équatifs.


* modifications plurielles de sujet incorporé ([[quantifieur flottant]], modification de type 'eux deux')


* les [[sujet prénégation|sujets séparés du verbe par la négation]] (avec une tendance dans certains dialectes à la régularisation)
{| class="prettytable"
|(2)|| <u>Ni</u>, || Breur || Arzhur, || a || '''zo''' || da || vezañ || || menec'h || ac'han'''omp'''…
|-
||| [[pfi|nous]] || [[breur|Frère]] || [[nom propre|Arthur]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[zo|est]] || [[da|pour]]<sup>[[1]]</sup> || [[bezañ|être]] || <font color=green>[</font color=green><sub>[[SC]]</sub> || [[manac'h|moine]].[[pluriel interne|s]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|nous]] <font color=green>]</font color=green>
|-
||| colspan="15" | 'Nous, frère Arthur, sommes destinés à être moines…'
|-
||||||||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Drezen (1990)|Drezen (1990]]:53)
|}


* le verbe [[kaout, 'avoir' | 'avoir']] (avec une tendance dans certains dialectes à la régularisation)
===== résomptivité 'à la cornouaillaise' =====


* les quelques exceptions dialectales avec un sujet postverbal assez haut.
La [[résomption du sujet 'à la Cornouaillaise']] est une construction restreinte à la personne 3, et aux [[contextes monotones décroissants]] ou strictement aux contextes négatifs. On peut voir que le [[pronom résomptif]] n'influence pas l'accord, qui peut être riche (3) ou pauvre (4).  


* les phénomènes d'[[accord sémantique]]


* les groupes au [[vocatif]], ou les [[dislocations à droite]], qui semblent invisibles pour l'accord.
{| class="prettytable"
|(3)|| Ne || raf'''ent''' || ket || an dra-se || anez'''o''', || koulskoude !
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|feraient]] || [[ket|pas]] || [[an, al, ar|le]] chose.[[DEM|là]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|eux]] || [[koulskoude|cependant]]!
|-
||| colspan="15" | 'Ils ne feraient tout de même pas cela !'
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais'', [[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:444)
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (2) || Tapet || '''oc'h''' ||<font color=green>[</font color=green> ma lapous <font color=green>]</font color=green><sup>'''3SG'''</sup>!
|(4)||<font color=green> /in ''' 'ɥɛl''' ||<font color=green> -ən cə ||<font color=green> 'mi ||<font color=green> nin'tʁa: ||<font color=green> '''''' / </font color=green>
|-
|-
| || attrapé || [[COP|êtes]] || [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> oiseau 
||| <u>Int</u> ''''wel''' ||-int ket || mui || netra || anezh'''e'''.
|-
|-
|||colspan="4" | 'T'es bien attrapé, mon coquin!' ||||||''Le Scorff'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:13)
||| [[pfi|eux]] <sup>[[1]]</sup>[[gwelout|voit.3SG]] || -[[écho|eux]] [[ket|pas]] || [[mui|plus]] || [[netra|rien]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|eux]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils ne voient plus rien.'  
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Névez)'', [[Desseigne (2015)|Desseigne (2015]]:40)
|}
|}


===== mouvement A-barre du sujet =====


=== modifications plurielles de sujet incorporé ===
Lorsqu'un sujet est [[focalisé]] par [[mouvement A-barre]] à longue distance, à travers des domaines propositionnels différents, l'accord montre un doublage pronominal de ce sujet. En (5), c'est par exemple le sujet d'un [[passif]].


En (1), dans [[Bouzeg (1986)|Bouzeg (1986]]:II), on trouve un exemple de comptine où le sujet préverbal pluriel ''tout'' précède un verbe 3PL dans une phrase positive. Il s'agit d'un accord riche classique, avec un pronom sujet [[incorporé]] sur le site de l'accord verbal. Le [[quantifieur]] ''[[tout]]'' est un [[quantifieur flottant]]. Il quantifie sur le [[pronom incorporé]] et a été [[antéposé]] en zone préverbale.
 
{| class="prettytable"
|(5)|| '''Toud''' || '''ar rehier … ''' || a || lavarfed || ez || '''int''' || bet || savet || gwechall.
|-
||| [[tout|tout]] || [[an, al, ar|le]] [[roc'h|pierre]].[[pluriel interne|s]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[lavarout|dirait]].[[IMP|on]] || [[R]]<sup>[[+C]],[[4]]</sup> || [[eo|sont]] || [[bet|été]] || [[sevel|dress]].[[-et (Adj.)|é]] || [[gwechall|autrefois]]
|-
||| colspan="15" | 'Il a été dit que les pierres ont été dressées il y a longtemps.'
|-
||||||| colspan="15" | [[Urien (1989)|Urien (1989]]:211) 
|}
 
==== les pronoms écho  ====
 
Les pronoms écho peuvent doubler n'importe quel pronom, indépendant ou incorporé. Ils sont distribués indépendamment de l'accord: en (6), ils doublent un accord riche, en (7), ils doublent un sujet précédant un accord pauvre.  




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1)|| Ur bern tud ||'vo 'ba 'n eured,|| Toullig ha ||Moullig,
|(6)|| M'eus || ket || soñj || pegement || a || dud || o'''ant''' || '''ind'''.
|-
|-
| ||[[art|un]] [[bern|tas]] gens|| [[COP|sera]] [[e-barzh|dans]] [[art|le]] mariage|| Toull[[DIM|ig]] [[&|et]] ||Moull[[DIM|ig]]
||| [[R]].1SG [[kaout|a]] || [[ket|pas]] || [[soñj|souvenir]] || [[pegement|combien]] || [[a|de]]<sup>[[1]]</sup> || [[tud|gens]] || [[eo|étaient]] || [[écho|eux]]  
|-
||| colspan="15" | 'Je ne me rappelle pas combien ils étaient.'
|-
|-
| || Hag an Aotrou ||Bevar doullig, || ha '''tout 'teuint''' ||da heul.
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Arradon)'', [[Audic (2011)|Audic (2011]]:17)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(7)|| <u>C'hwi</u> || ' || '''zo''' || '''c'hwi''' || un || c'hwil.
|-
|-
| || [[&|et]] [[art|le]] monsieur || quatre trou[[DIM]] ||[[&|et]] [[tout]] viendront|| [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> suivre
||| [[pfi|vous]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[zo|est]] || [[écho|vous]] || [[un, ul, ur|un]] || [[c'hwil|loustic]]
|-
|-
| ||colspan="4" | 'Un tas de gens viendront au mariage, Toullig et Moullig,  
||| colspan="15" | 'Toi, tu es un loustic.'
|-
|-
| ||colspan="4" | et monsieur de quatre trous, et tous viendront à la suite.'|||||| ''Riec'', [[Bouzeg (1986)|Bouzeg (1986]]:II)
||||||||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Le Scorff)'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:76)
|}
|}




En (2), le sujet interprété est ''int o daou'', littéralement /eux leur deux/ 'eux deux'. La tête pronominale du groupe a été incorporée dans le complexe verbal, puis le complément du nom a été antéposé.  
Dans la phrase, ils peuvent apparaître uniquement après le verbe conjugué dans le [[champ du milieu]], et leur distribution flottante semble y être celle des traces de remontée d'un sujet, préverbal ou [[incorporé]]. Les pronoms écho apparaissent aussi dans les groupes nominaux.
 
Dans leur invisibilité pour l'accord, et aussi car ils peuvent doubler les [[résomptifs]] aux personnes 1 et 2 ([[Stephens (1982)|Stephens 1982]]:254-5, [[Hendrick (1988)|Hendrick 1988]]:44), les pronoms écho du breton sont [[incompatibilité des pronoms écho et résomptifs en gallois|très différents des pronoms écho du gallois]].
 
Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur les [[pronoms écho]].
 
==== incises postverbales ====
 
Un sujet en [[incise]] dans l'espace postverbal n'est pas visible pour l'accord (cf. ''... hag e verz an div vaouez...'').  




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (2) || '''O daou''' || 'ema'''ont''' || memes oad.
|(1) ...|| hag || e || verz'''ont''', || '''an''' || '''div''' || '''vaouez''', || int || bet || er || memes || klas || ar || memes || bloavezh.
|-
||| [[&|et]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[merzout|remarquent]] || [[an, al, ar|le]] || [[div|deux]]<sup>[[1]]</sup> || [[maouez|femme]] || [[eo|sont]] || [[bet|été]] || [[P.e|dans]].[[an, al, ar|le]] || [[memes|même]] || [[klas|classe]] || [[an, al, ar|le]] || [[memes|même]] || [[bloaz|ann]].[[-vezh|ée]] 
|-
|-
| || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> [[les numéraux cardinaux|deux]] || [[eman|sont]] ||  [[memes|même]] âge
||| colspan="15" | '... et les deux femmes réalisent qu'elles ont été dans la même classe la même année.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Les deux ont le même âge.' ||||||''Le Scorff'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:15)
||||||||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Scaër/Bannalec)'', [[Gaudart (2022c)|Gaudart (2022]]:15)
|}
|}


== Analyse ==
=== l'accord gelé comme résultat d'un intervenant 3SG pour l'accord ===
[[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau (2005/2010]]:chap 4), Jouitteau & Rezac ([[Jouitteau & Rezac (2006)|2006]], [[Jouitteau & Rezac (2008)|2008]], [[Jouitteau & Rezac (2009)|2009]]) proposent que lorsque le verbe apparaît avec une morphologie qui coïncide avec celle des traits 3SG, il s'accorde vraiment avec une entité 3SG. Cette entité 3SG est la projection verbale elle-même (FP, la projection du [[VP]] étendu, qui contient le sujet).
La localité impose, en breton comme dans tous les systèmes d'accord, que le verbe s'accorde avec l'élément le plus proche de lui, quel que soit cet élément. Lorsque le [[sujet]] est un [[pronom incorporé]], le verbe breton le "voit en premier" et s'accorde avec lui. Lorsque le sujet, bas dans la structure, n'est pas incorporé, il contenu dans la structure verbale, et l'élément le plus proche du verbe [[fléchi]] est la projection verbale marquée pour les traits <font color=blue>3SG</font color=blue>. Le verbe s'accorde alors avec ces traits 3SG, qui n'ont pas de contenu sémantique. Quels que soient les traits du sujet, si FP est le plus proche du verbe, alors l'accord semble gelé.


=== sujet prénégation ===


En standard et dans la plupart des dialectes, un [[sujet devant la négation]] entraine un '''accord riche''' sur le verbe. [[Jouitteau (2005/2010)]] propose qu'il s'agit d'un effet de [[résomptivité]] dû au croisement par le sujet du complémenteur qu'est ''[[ne]]'', la partie préverbale de la [[négation]] (cf. [[that-trace effect]]).
{| class="prettytable" <take not>
|(1)|| ... |||| verbe.<u><font color=red>sujet</font color=red></u> |||| <font color=blue><sup>'''3SG'''</sup></font color=blue><font color=green>[</font color=green><sub>'''FP'''</sub> || <font color=green>[</font color=green><sub>[[VP]]</sub> ||<''trace du sujet''> <''trace du verbe''> objet ||<font color=green>]]</font color=green> || || bgcolor="#F08080"|>> accord riche
|-
||| ... |||| verbe |||| <font color=blue><sup>'''3SG'''</sup></font color=blue><font color=green>[</font color=green><sub>'''FP'''</sub> <u><font color=red>sujet</font color=red></u> || <font color=green>[</font color=green><sub>[[VP]]</sub> ||<''trace du sujet''> <''trace du verbe''> objet ||<font color=green>]]</font color=green> || || bgcolor="#00BFFF"| >> accord gelé
|-
||| <u><font color=red>sujet</font color=red></u> |||| verbe |||| <font color=blue><sup>'''3SG'''</sup></font color=blue><font color=green>[</font color=green><sub>'''FP'''</sub> || <font color=green>[</font color=green><sub>[[VP]]</sub> ||<''trace du sujet''> <''trace du verbe''> objet ||<font color=green>]]</font color=green> |||| bgcolor="#00BFFF"| >> accord gelé
|}




==== exceptions dialectales de régularisation ====
L'exemple en (2), est la structure pour la phrase ''<u>Ar varikenn-mañ</u>, a zalc'h'''a''' daou gant litrad''. Dans ce dialecte où la morphologie 3SG est claire puisque réalisée en ''-a'', le verbe s'est accordé avec la structure verbale étendue FP, qui porte les [[traits]] interprétables pour l'accord de 3SG. Les traits du sujet, que celui-ci soit préverbal ou post-verbal, ne sont jamais lors de la [[dérivation]] l'élément le plus proche pour l'accord, car le sujet est directement remonté de la position interne à FP à la position initiale de [[focus]].


Il existe quelques variétés de breton dans lesquelles un [[sujet prénégation]] ne force pas l'accord.
Pour le cornouaillais, [[Stump (1984:293, n.2)|Stump (1984:293, n.2]]) en note des traces dans la grammaire de Trépos et on en trouve des exemples dans un entretien de Mona Bouzeg. [[Cheveau (2007)|Cheveau (2007]]:214) en relève en vannetais, on en trouve aussi des traces à Guérande selon l'[[ALBB]]. Selon [[Ternes (1970)|Ternes (1970]]:284), la négation a un impact sur l'accord à Groix uniquement avec les sujets [[pronominaux]].


{| class="prettytable"
|(2)|| Ar varikenn-mañ, || a zalc'h'''a''' || || || || daou gant || litrad.
|-
||| [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[barikenn|barrique]].[[DEM|ci]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[derc'hel|contient]].'''3SG''' || <font color=green>[</font color=green><sub>'''FP'''</sub> || <font color=green>[</font color=green><sub>[[VP]]</sub> <[[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[barikenn|barrique]].[[DEM|ci]]> || <[[derc'hel|contenir]]> || [[daou|deux]] [[kant|cent]] || [[litr|litr]].[[-ad|ée]] <font color=green>]]</font color=green>
|-
||| colspan="15" | 'Cette barrique-ci contient deux cents litres.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Le Scorff)'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:27)
|}


::::::::>> Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur le [[sujet prénégation]]


En substance donc, la présence de cet intervenant structural dans la structure de la phrase bretonne est la cause de l'effet de complémentarité car c'est lui qui, lorsque le sujet est plus bas que lui, déclenche une morphologie d'accord aux traits 3SG.


=== accords exceptionnels avec des sujets postverbaux ===
=== prédictions sur les pronoms sujets non-incorporés ===


==== pronoms sujets postverbaux ====
Les sujets [[lexicaux]], les [[pronoms forts indépendants]] et les [[pronoms démonstratifs]] ne s'incorporent pas, et sont associés à l'accord pauvre.


Les pronoms sujets ne sont pas globalement licites dans le champ postverbal, où ils doivent être [[incorporés]]. Il existe des exceptions. Lorsque, tout à fait exceptionnellement, on trouve des sujets pronominaux postverbaux non-incorporés, ceux-ci déclenchent un [[accord pauvre]] comme le ferait un sujet [[lexical]] normal.
Lorsque, tout à fait exceptionnellement à travers les dialectes, on trouve des sujets pronominaux postverbaux non-incorporés, ceux-ci sont associés à l'[[accord pauvre]] comme un sujet [[lexical]] normal, car comme lui ils ne s'incorporent pas.




Ligne 174 : Ligne 710 :
   
   
{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1) || Ar penneka dén || '''eo''' || '''c'hwi'''.
|(3)|| Ar || penneka || dén || '''eo''' || <u>c'hwi</u>.
|-
||| [[an, al, ar|le]] || [[penn|têt]].[[-ek|u]].[[superlatif|le.plus]] || [[den|personne]] || [[eo|est]] || [[pfi|vous]]
|-
|-
| || [[art|le]] têtu.[[superlatif|le.plus]] homme || [[COP|est]] || [[pfi|vous]]
||| colspan="15" | 'Le plus têtu c'est vous.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Le plus têtu c'est vous.' ||||||''Léon'', [[Seite (1975)|Seite (1975]]:90)
||||||||| colspan="15" | ''Léonard'', [[Seite (1975)|Seite (1975]]:90)
|}
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (2) || Penoz '''vez''' ||'''te''' ||ar mab am boa ganet.
|(4)|| Penoz || || '''vez''' || <u>te</u> || ar mab || am boa || ganet ?
|-
||| [[penaos|comment]] || [[R]] || [[vez|est]] || [[pfi|toi]] || [[an, al, ar|le]] [[mab|fils]] || [[R]].1SG 1.[[kaout|avait]] || [[genel|n]].[[-et (Adj.)|é]]
|-
|-
| || [[penaos|comment]] [[vez|est]]  || [[pfi|toi]] || [[art|le]] fils [[R]].1SG [[kaout|avait]] né
||| colspan="15" | 'Comment es-tu le fils dont j'ai accouché ?'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Comment es-tu le fils dont j'ai accouché?' ||||||''Trégorrois (Plouguiel)'', [[Laurent (1971)|Laurent (1971]]:48)
||||||| colspan="15" | ''Trégorrois (Plouguiel)'', [[Laurent (1971)|Laurent (1971]]:48)
|}
|}


Ligne 194 : Ligne 734 :




(5) ... ar plac'h '''eo c'hwi''', an naer '''eo me'''...
(5) ... ar plac'h '''eo''' <u>c'hwi</u>, an naer '''eo''' <u>me</u>...
: 'Vous êtes la fille, je suis le serpent.', chanson collectée fin XIX°, [[An Uhel (1984)|An Uhel (1984]]:276)  
: 'Vous êtes la fille, je suis le serpent.'
::: ''Breton pré-moderne (fin XIXe)'', [[An Uhel (1984)|An Uhel (1984]]:276)  




(6) Hag a lavar, Silvestrig, ez '''eo c'hwi''' zo kiriek.
{| class="prettytable"
: 'Et qui dit, Silvestrig, que vous êtes le coupable.'
|(6)|| Hag || a || lavar, || Silvestrig, || ez || '''eo''' || <u>c'hwi</u> || || zo || kiriek.
::::: ''Silvestrig'', [http://per.kentel.pagesperso-orange.fr/silvestrig_bourgault_ducoudray1.htm chanson traditionnelle]
|-
||| [[&|et]] || [[R]] || [[lavarout|dit]] || [[nom propre|Silvestrig]] || [[R]]<sup>[[+C]]</sup> || [[eo|est]] || [[pfi|vous]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[zo|est]] || [[kiriek|coupable]]
|-
||| colspan="15" | 'Et qui dit, Silvestrig, que vous êtes le coupable.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Silvestrig'', chanson traditionnelle
|}




Ligne 207 : Ligne 754 :


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (7) || Avañset-kaer Margaritig, || pend '''eo'''|| '''c'hwi''' ||zo ma c'hoant.
|(7)|| Avañset-kaer || Margaritig, || pend || '''eo''' || <u>c'hwi</u> || || zo || ma || c'hoant.
|-
|-
| || avancé-[[kaer|bien]] Margaritig || [[pa|quand]] [[COP|est]] ||[[pfi|vous]]|| [[zo|est]] [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> envie   
||| avancé-[[kaer|bien]] || [[nom propre|Margaritig]] || [[pa|quand]]<sup>[[+C]],[[1]]</sup> || [[eo|est]] || [[pfi|vous]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[zo|est]] || [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> || [[c'hoant|envie]]  
|-
|-
|||colspan="4" | 'Vous êtes bien avancée [M.], puisque c'est vous que je veux' ||||||''chanson, Languidic'', [[Crahe (2013)|Crahe (2013]]:335)
||| colspan="15" | 'Vous êtes bien avancée Margaritig, puisque c'est vous que je veux'  
|-
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Languidic)'', [[Crahe (2013)|Crahe (2013]]:335)
|}
|}




Dans l'hypothèse de Jouitteau & Rezac, ces sujets pronominaux ont les mêmes propriétés qu'un sujet lexical, situé assez bas, à l'intérieur de la structure verbale étendue qui est l'intervenant pour l'accord.
Dans l'hypothèse de Jouitteau & Rezac, ces sujets pronominaux ont les mêmes propriétés qu'un sujet [[lexical]], situé assez bas, à l'intérieur de la structure verbale étendue qui est l'intervenant pour l'accord.


==== pronoms postverbaux de Saint Yvi ====
==== pronoms postverbaux en cornouaillais de l'Est maritime et vannetais ====


C'est le cas en cornouaillais, dans le breton de Saint Yvi, pour les sujets pronominaux postverbaux signalés par [[German (2007:174)]]. Ces pronoms semblent emprunter leur morphologie aux [[démonstratifs]], qui n'ont pas à subir l'[[incorporation]].
On trouve aussi un sujet pronominal 3PL postverbal en cornouaillais de l'Est. L'accord verbal est alors gelé aux traits 3SG, comme s'il s'agissait d'un sujet [[lexical]].




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (3)|| Benn ||'''eo''' ||kouet ||'''hè''' barz.
|(1)|| Hegarat || tre || eo-int !
|-
||| [[hegarat|aimable]] || [[tre|tout-à-fait]] || [[eo|est]]-[[pfi|eux]]
|-
|-
| || [[a-benn|quand]] ||[[COP|est]]|| tombé ||eux [[P.e|dedans]]
||| colspan="15" | 'Ils sont très aimables !'
|-
|-
| ||colspan="4" | 'Quand ils sont tombés dedans.' |||||||| ''Breton de Saint Yvi'', German (2007:[[German (2007:174)|174]])
||||||| colspan="15" | ''Haut-cornouaillais du Nord'', [[Keit Vimp Bev (1984)|Keit Vimp Bev (1984]]:22)
|}
|}
===== Saint-Yvi =====
Dans le breton de Saint Yvi (German 2007:[[German (2007:174)|174]]), ces pronoms semblent emprunter leur morphologie aux [[démonstratifs]], qui par ailleurs n'ont pas à subir l'[[incorporation]].
{| class="prettytable"
|(2)|| Benn || '''eo''' || kouet || <u>hè</u> || barz.
|-
||| [[a-benn|quand]] || [[eo|est]] || [[kouezhañ|tomb]].[[-et (Adj.)|é]] || 3PL || [[e-barzh|dedans]]
|-
||| colspan="15" | 'Quand ils sont tombés dedans.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Saint-Yvi)'', [[German (2007)|German (2007]]:174)
|}
{| class="prettytable"
|(3)|| Benn || '''eo''' || maro || <u>hè</u>.
|-
||| [[a-benn|quand]] || [[eo|est]] || [[marv|mort]] || 3PL
|-
||| colspan="15" | 'Quand ils sont morts.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Saint-Yvi)'', [[German (2007)|German (2007]]:174)
|}
En (4), tournure innovative restreinte à certaines expressions et à certains locuteurs en breton de Saint-Yvi, le sujet est un [[pronom incorporé]] dans la [[préposition support]] ''[[a]]'' et gagne tout le paradigme.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (4)|| Benn || '''eo''' maro ||''''''.
|(4)|| '''oar''' ket <u>'hanon</u>. |||| '''oar''' ket <u>'hanout</u>. |||| '''oar''' ket <u>naoñ</u>. |||| '''oar''' ket <u>nei</u>. |||| '''oar''' ket <u>'hanom</u>.
|-
||| [[gouzout|sait]] [[ket|pas]] [[a|P]].[[pronom incorporé|moi]] |||| [[gouzout|sait]] [[ket|pas]] [[a|P]].[[pronom incorporé|toi]] |||| [[gouzout|sait]] [[ket|pas]] [[a|P]].[[pronom incorporé|lui]] |||| [[gouzout|sait]] [[ket|pas]] [[a|P]].[[pronom incorporé|elle]] |||| [[gouzout|sait]] [[ket|pas]] [[a|P]].[[pronom incorporé|nous]]
|-
|-
| || [[a-benn|quand]] ||[[COP|est]] mort ||eux
||| colspan="15" | 'Je /tu / il / elle / on ne sait pas.'
|-
|-
| ||colspan="4" | 'Quand ils moururent.' |||||||| ''Breton de Saint Yvi'', German (2007:[[German (2007:174)|174]])
||||||| colspan="15" | ''Saint-Yvi'', [[German (2007)|German (2007]]:175)
|}
|}




==== accord avec un sujet lexical postverbal en Léon ====
{| class="prettytable"
|(5)|| Bé || '''vi''' || <u>ahanom</u> || ' || hond || da || Sant Ivi.
|-
||| [[a-benn|quand]] || [[vez|était]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|nous]] || [[particule o|à]]<sup>[[4]]</sup> || [[mont|aller]] || [[da|à]] || [[nom propre|Saint-Yvi]]
|-
||| colspan="15" | 'Quand nous avions l'habitude d'aller à Saint-Yvi.'
|-
||| colspan="15" | ''Saint-Yvi'', [[German (2007)|German (2007]]:177)
|}
 


En Léon et de façon très persistante à Plougerneau, on trouve un accord riche avec un sujet [[lexical]] postverbal. En (2), l'accord n'est pas optionnel, et le locuteur ne produit aucune pause prosodique en [[élicitation]].
===== Briec =====




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(2)|| Gwelet a reoc'h || ec'h en em gav[[*]]('''ont''')|| an dud.
|(6)||<font color=green> [ bez ||<font color=green> e ||<font color=green> bed ||<font color=green> o mæa ||<font color=green> la ||<font color=green> va ||<font color=green> '''he᷉ ŋ''' ||<font color=green> pinˈviˑdik]
|-
||| Bez || eo || bet || ur mare, || lâr (a)|| '''oa''' || <u>int</u> || pinvidik.
|-
||| [[bezañ préverbal|être]] || [[eo|est]] || [[bet|été]] || [[un, ul, ur|un]] [[mare|moment]] || [[la(r)|que]] || [[eo|était]] || [[pfi|eux]] || [[pinvidik|riche]]
|-
|-
| || [[gwelout|voir]] [[R]] [[ober|faites]] || [[R]] [[en em|se]]<sup>[[1]]</sup> [[kavout|trouve]] || [[art|le]]<sup>[[1]]</sup>  gens
||| colspan="15" | 'Il fut un temps où ils étaient riches.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Vous voyez que les gens arrivent.'|||| || ''Léon, (Lesneven)'', ([[A.M. (02/2016)|A.M. 02/2016]])
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Briec)'', [[Noyer (2019)|Noyer (2019]]:245)  
|}
|}


===== Riec, Bannalec =====


A Plougerneau, le phénomène d'accord avec un sujet postverbal est productif et établi, en corpus comme en élicitations.  
On trouve aussi des pronoms sujet pronominaux postverbaux 3PL ('eux') dans le breton de Mona Bouzeg en cornouaillais de l'Est maritime, et dans [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]) pour Riec et Bannalec (mais pas jusqu'à Moëlan). Il est reporté orthographié ''yé'' ou ''yê'', apparemment indistinctement. Le pronom, [[incorporation|non-incorporé]], déclenche l'accord pauvre 3SG comme un groupe nominal le ferait. Cet effet est uniforme sur tous les types de verbes, [[auxiliaire]] ou verbe [[lexical]], [[transitif]] ou [[intransitif]], à l'actif comme au [[passif]].




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (3) || O!|| Hir a-walc'h || '''oant''' ||<font color=green>[</font color=green> ||ar fournioù <font color=green>]</font color=green><sup>'''PL'''</sup>.
|(1) ... || lerc'h || v'''êè''' <u></u> || berni't || da || r'hotoz || beut || gwenntaed.
|-
|-
||||| long [[a-walc'h|assez]] || [[COP|étaient]] |||| [[art|le]] fours
||| e-lec'h ma || vez'''ent''' || berniet || da || c'hortoz || bout || gwentet. |||| ''Équivalent standardisé''
|-  
|-
| ||colspan="4" |'Oh! Les fours étaient assez longs.' ||||''Léon (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:42)
||| [[e-lec'h|où]] [[ma|que]]<sup>[[4]]</sup> || [[vez|était]] eux || [[bern|tass]].[[-et (Adj.)|é]] || [[da|pour]]<sup>[[1]]</sup> || [[gortoz|attendre]] || [[bezañ|être]] || vanné
|-
||| colspan="15" | '... où ils étaient entassés en attendant d'être vannés.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est'', [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:264)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(2) ... || mag't || v'''ê'''  <u>yè</u> || mat || ganom.
|-
||| maget e || vez'''ont''' || mat || ganeomp. |||| ''Équivalent standardisé''
|-
||| [[magañ|nourr]].[[-et (Adj.)|i]] [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[vez|est]] [[pfi|eux]] || [[mat|bien]] || [[gant|avec]].[[pronom incorporé|nous]]
|-
||| colspan="15" | '... nous les nourrissons abondamment.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est'', [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:301)
|}
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (4) || Anvet  '''oant''' ||<font color=green>[</font color=green> ||tout ar gouverioù <font color=green>]</font color=green><sup>'''PL'''</sup>|| ganeomp.
|(3)|| Tout || n'''a'''-<u></u> || zaet || o fenn || sar || lak' || o || dorn || huch || o || daoulagad...
|-
|-
||| nommé  [[COP|étaient]] |||| [[tout]] [[art|le]] passes || [[gant|avec]].[[pronom incorporé|nous]]
||| Tout || '''o''' doa || savet || o fenn || e-ser || lakaat || o || dorn || a-us || o || daoulagad... |||||| ''Équivalent standardisé''
|-  
|-
| ||colspan="4" |'Nous avions donné un nom à toutes les passes.' ||||''Léon (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:39)
||| [[tout|tout]] || 3.[[kaout|avait]]-eux || [[sevel|lev]].[[-et (Adj.)|é]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> [[penn|tête]] || [[e-ser|en]] || [[lakaat|mettre]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[dorn|main]] || [[a-us|en-haut]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[duel|deux]].[[lagad|œil]]
|-
||| colspan="15" | 'Tous ont levé la tête en se protégeant les yeux de la main...'  
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est'' [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:416)
|}
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(5)|| Niverus '''eo/int'''  || <font color=green>{</font color=green> ||an dud / ar razhed / ar per <font color=green>}</font color=green><sup>'''PL'''</sup>.
|(4)|| Don' || || ra || ' || waz'd || téo || benn || gous'''éf''' <u>yè</u>.
|-
|-
| || nombreux [[COP|est/sont]]|| ||[[art|le]] gens [[art|le]]  rats [[art|le]] poires
||| Dont || a || ra || ar || wazed || tev || pa || gosha'''ont'''. |||||| ''Équivalent standardisé''
|-
|-
|||colspan="4" | 'Les gens/ les rats/ les poires sont nombreux.''|||| ||||||||''Plougerneau/Diwan'', [[M. Lincoln (05/2014)]]
||| [[dont|venir]] || [[R]] || [[ober|fait]] || [[an, al, ar|le]] || <sup>[[1]]</sup>[[gwaz, gwazed|hommes]] || [[tev|gros]] || [[a-benn|quand]]<sup>[[1]]</sup> || [[kozh|vieil]].[[-aat|it]] [[pfi|eux]]
|-
||| colspan="15" | 'En vieillissant les hommes grossissent.'  
|-
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est maritime'', [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:89)
|}
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (6) || Louedañ ||'''a ra/reont''' || buan || ar c'hraonv.
|(5)|| Anou'd || meus || da || ma || sreid, || yeign-sklass || 'm'''a'''-<u>yè</u>.
|-
||| Anoued || em eus || da || ma || zreid || yen-sklas || ema'''int'''. |||||| ''Équivalent standardisé''
|-
||| [[anoued|froid]] || [[R]].1SG [[kaout|a]] || [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> || [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> || [[troad|pied]].[[pluriel interne|s]] || [[yen|froid]]-[[sklas|INT]] || [[emañ|est]] [[pfi|eux]]
|-
|-
||| moisir || [[R]] [[ober|fait]]/font || [[buan|vite]] || [[art|le]] noix
||| colspan="15" | 'J'ai froid aux pieds. J'ai les pieds gelés.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Les noix moisissent vite.' ||||||''Léon (Plougerneau)'', [[M-L. B. (01/2016)]]
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est'', [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:381)
|}
|}


Les sujets préverbaux ne déclenchent pas la même optionalité.


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (7) || Ar c'hraonv || a goustoum([[*]]ont) || louedañ buan.
|(6)|| Digoéo || || r'''aêè'''-<u>yè</u> || deus || parézioù || tal-kichen.
|-
||| Degouezhout || a || ra'''ent''' || eus || parrezioù || tal kichen. |||||| ''Équivalent standardisé''
|-
||| [[degouezhout|arriver]] || [[R]] || [[ober|faisait]] [[pfi|eux]] || [[deus|de]] || [[parrez|parroisse]].[[-ioù (PL.)|s]] || [[tal|front]]-[[e-kichen|à-côté]]
|-
|-
||| [[art|le]] noix || [[R]]<sup>[[1]]</sup> "[[kustumiñ|coutume]]".([[*]]nt) || moisir [[buan|vite]]
||| colspan="15" | 'Les gens venaient aussi des communes voisines.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Les noix moisissent vite.' ||||||''Léon (Plougerneau)'', [[M-L. B. (01/2016)]]
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est'' [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:236)
|}
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (8) || An amezeien || '''a labour''' / [[*]] e labourant || maread.
|(7)|| dre'n ab' || oui'''è'''-<u>yè</u> || taeè || brawac'h || cherc'h || vêè || had't || melch'nn || ba || e || dous.
|-
||| dre an anbeg ma || oui'''ent''' || e teue || bravoc'h ar || c'herc'h || veze || hadet || melchon || en || e || douesk. |||| ''Équivalent standardisé''
|-
||| [[dre]] [[an, al, ar|le]] [[abeg|raison]] ([[ma|que]]<sup>[[4]]</sup>) || [[gouzout|savait]] [[pfi|eux]] || [[R]] [[dont|venait]] || [[brav|beau]].[[-oc'h|plus]] [[an, al, ar|le]] || <sup>[[5]]</sup>[[kerc'h|avoine]] || [[vez|était]] || [[hadañ|plant]].[[-et (Adj.)|é]] || [[melchon|trèfle]] || [[e-barzh|dans]] || [[POSS|son]]<sup>[[1]]</sup> || [[e-touesk|dedans]] 
|-
|-
||| [[art|le]] voisins || [[R]] travaille / [[*]] [[R]] travaillent || [[maread|beaucoup]]
||| colspan="15" | 'parce qu'ils savaient que l'avoine donnait mieux lorsque planté avec du trèfle.'
|-
|-
|||colspan="4" | 'Les voisins travaillent beaucoup.' ||||||''Léon (Plougerneau)'', [[M-L. B. (01/2016)]]
||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais de l'Est'' [[Bouzec & al. (2017)|Bouzec & al. (2017]]:262)
|}
|}


=== Riantec ===


Parfois, en corpus vannetais comme en (1), il pourrait s'agir d'une faute de ponctuation (une virgule indiquerait une [[dislocation à droite]] prédisant un tel accord).
A Riantec près de Lorient, Benoît Allaire (2018) collecte une phrase qu'il glose en standard par un sujet incorporé dans une préposition ''a''.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(1)|| Stank '''int''' ||<font color=green>[</font color=green> ||ar re a rae ||kement 'rall <font color=green>]</font color=green><sup>'''PL'''</sup>.
|(8)|| || 'G'''ell''' || ķed || <u>'nint</u> || hadein.
|-
|-
| || nombreux [[COP|sont]]|||| [[art|le]] [[hini|ceux]] [[R]] [[ober|faisait]] ||[[kement|autant]] [[all|autre]]
||| Ne || c'hell || ket || anezho || hadañ. |||||| ''Glose en standardisé''
|-  
|-
| ||colspan="4" |'Nombreux sont ceux qui en faisaient autant.'|||| ''Vannetais'',  [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:233)
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[gallout|peut]] || [[ket|pas]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|eux]] || [[hadañ|semer]]
|-
||| colspan="15" | 'Ils ne peuvent pas semer.'  
|-
|-
|||?'Ils sont nombreux, ceux qui en faisaient autant'?
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Riantec)'', RJ., collecté par B. Allaire, [http://dico.parlant.breton.free.fr/Riantec/b-allaire-riantec-rj-0001-a-0068.html dico parlants 2018] 
|}
 
 
=== prédiction sur les sujets hauts ===
 
L'analyse de [[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau (2005/2010]]:chap 4), Jouitteau & Rezac ([[Jouitteau & Rezac (2006)|2006]], [[Jouitteau & Rezac (2008)|2008]], [[Jouitteau & Rezac (2009)|2009]]) prédit que la seule et unique façon d'obtenir l'accord riche est d'avoir des conditions de localité plus proche du verbe tensé que la projection FP.
 
 
{| class="prettytable" <take not>
|(1)|| ... |||| verbe || ... || <u><font color=red>sujet</font color=red></u> |||| <font color=blue><sup>'''3SG'''</sup></font color=blue><font color=green>[</font color=green><sub>'''FP'''</sub> || <font color=green>[</font color=green><sub>[[VP]]</sub> ||<''trace du sujet''> <''trace du verbe''> objet ||<font color=green>]]</font color=green> || || bgcolor="#F08080"|>> accord riche
|}
|}


== Accord et coordination ==


La [[coordination]] de deux groupes nominaux singuliers en position [[sujet]] obtient, comme en français, un accord pluriel. On trouve de très rares occurrences en corpus où un membre d'une [[coordination]] n'est pas calculé par l'accord, comme en (3).  
C'est évidemment le cas lorsqu'un sujet pronominal est [[incorporé]]. Les [[pronoms résomptifs]], comme les autres pronoms faibles, doivent s'incorporer, ce qui explique que les paradigme de [[résomption]] soient associés à l'accord riche (comme dans le cas du [[sujet prénégation]], dont la tête C déclenche des "[[that-trace effect]]", ou dans le cas de la [[résomption du sujet 'à la Cornouaillaise']]).
 
 
==== l'applicative du verbe 'avoir' ====
 
L'accord riche est aussi prédit lorsqu'une construction particulière promeut le [[sujet]] au-dessus de FP. Jouitteau & Rezac ([[Jouitteau & Rezac (2006)|2006]], [[Jouitteau & Rezac (2009)|2009]]) proposent que le verbe ''[[kaout]]'' 'avoir' en breton est analytique, de type ''mihi est'', et qu'une [[structure applicative]] amène un [[sujet]] nominal au-dessus de la [[projection]] FP.
 
[[Jouitteau & Rezac (2008)]] explorent la viabilité de leur hypothèse au regard de la variation des paradigmes d'accord dans les variations dialectales du verbe ''[[kaout]]'', 'avoir' à travers les dialectes du breton, enquête complétée depuis sur la page sur ''[[kaout]]'' de ce site.
 
 
==== les sujets postverbaux comme à Plougerneau ====
 
Des dialectes en Léon montrent aussi une remontée haute du sujet (1). En Léon et de façon très persistante à Plougerneau, on trouve un accord riche avec un sujet [[lexical]] postverbal.
 
À Plougerneau, le phénomène d'accord avec un sujet postverbal est productif et établi, en corpus comme en élicitations où il n'y a pas de pause prosodique avant le sujet et où le sujet peut porter l'information nouvelle.  




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (3) || '''Ar pesked''' ha me||n''''o d'''eus|| ket bet||en em aranjet ||jamez!
|(2)|| O ! || Hir || a-walc'h || '''oant''' || <u>ar fournioù </u><sup>'''PL'''</sup>.
|-
|-
|||[[art|le]] poissons [[&|et]] [[pfi|moi]]||[[ne]]'[[kaout|ont]]|| [[ket|pas]] [[bet|été]]|| [[en em|se]] arrangé || [[james|jamais]]
||| [[O !|Oh]] || [[hir|long]] || [[a-walc'h|assez]] || [[eo|étaient]] || [[an, al, ar|le]] [[forn|four]].[[-ioù (PL.)|s]]
|-  
|-  
| ||colspan="4" |'Les poissons et moi, on ne s'est jamais arrangés' > Les poissons ne me plaisaient pas.'  
||| colspan="15" | 'Oh ! Les fours étaient assez longs.'  
|-
|-
|||||||||colspan="4" |''Léon (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:13)
||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:42)
|}
|}


== Analyses ==


Il existe une analyse répandue qui pose que le breton, de manière générale, refuse la redondance des marques. Dans cette hypothèse, un parallèle est développé entre le système d'accord verbal et le système du pluriel dans le groupe nominal: le verbe ne s'accorde pas avec son sujet, de la même manière que le nom ne prend pas de marque du pluriel lorsqu'il est précédé d'un [[Les adjectifs numéraux cardinaux|cardinal]] (''dek vloaz'' mais *''dek bloazhioù'').
{| class="prettytable"
|(3)|| Anvet || '''oant''' || <u>tout ar gouverioù</u><sup>'''PL'''</sup> || ganeomp.
|-
||| [[anv|nomm]].[[-et (Adj.)|é]] || [[eo|étaient]] || [[tout|tout]] [[an, al, ar|le]] passes || [[gant|avec]].[[pronom incorporé|nous]]
|-
||| colspan="15" | 'Nous avions donné un nom à toutes les passes.'  
|-
||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:39)
|}


Une règle "naïve" explique que le breton serait une langue plus économique que les autres, puisqu'elle éviterait de ''redire'' les traits du sujet dans la mesure ou ceux-ci seraient déjà énoncés.  
 
Une telle règle n'est pas satisfaisante, car elle ne pourrait pas expliquer pourquoi la complémentarité est restreinte au domaine de la proposition. En (1), ci-dessous, elle prédirait par exemple faussement que le verbe 'être' [[enchâssé]] pourrait apparaître sans les traits du sujet. Au contraire, il apparaît toujours une marque du sujet (pronominale ou d'accord) dans chaque proposition, indépendamment des besoins de l'interprétation.
{| class="prettytable"
|(4)|| Breinañ || a || re'''ont''' || <u>ar patatez</u><sup>'''PL'''</sup> || e-barzh || ar boutot.
|-
||| [[brein|pourr]].[[-añ (Inf.)|ir]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|font]] || [[an, al, ar|le]] [[patatez|patates]] || [[e-barzh|dans]] || [[an, al, ar|le]] [[boutot|panier]]
|-
||| colspan="15" | 'Dans le panier, les patates pourrissent.'
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Plougerne'', Yvonne P., [[kontañ kaoz (12/2017)]]
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(5)|| Niverus || { '''eo / int''' } ||<font color=green>{</font color=green> || <u>an dud</u> / <u>ar razhed</u> / <u>ar per</u> <font color=green>}</font color=green><sup>'''PL'''</sup>.
|-
||| [[niver|nombr]].[[-us|eux]] || [[eo|est]] / [[eo|sont]] || || [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[tud|gens]] [[an, al, ar|le]] [[razh, razhed|rats]] [[an, al, ar|le]] [[per|poires]]
|-
||| colspan="15" | '{ Les gens/ les rats/ les poires } sont nombreux.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau/Diwan)'', [[M. Lincoln (05/2014)]]
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(1)|| ... ||ne '''oa''' ket ||'''an doareoù''',|| war-lerc'h ar brezel, ||ar pezh <font color=green>[</font color=green> e '''oant''' ''dek'' ''vloaz'' a-raok <font color=green>]</font color=green>...
|(6)|| Louedañ || '''a''' || { '''ra''' / '''reont''' } || buan || <u>ar c'hraonv</u><sup>'''PL'''</sup>.
|-
|-
| || ||[[ne]] [[COP|était]].3SG [[ket|pas]] ||[[art|le]] manières ||[[war-lec'h|après]] [[art|le]] guerre ||[[art|le]] [[pezh|N]] [[R]] [[COP|étaient]].3PL [[les numéraux cardinaux|10]] an [[a-raok|avant]]
||| [[louediñ|moisir]] || [[R]] || [[ober|fait]] / [[ober|font]] || [[buan|vite]] || [[an, al, ar|le]] <sup>[[5]]</sup>[[kraoñ|noix]]
|-
|-
|||||colspan="4" | 'Les choses n'étaient pas, après la guerre, ce qu'elles étaient dix ans auparavant.'
||| colspan="15" | 'Les noix moisissent vite.'  
|-
|-
|||||||colspan="4" | [[Denez (1993)|Denez (1993]]:32)
||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[M-L. B. (01/2016)]]
|}  
|}


Le verbe chez ces locuteurs ne s'accorde jamais avec un sujet préverbal.


La règle d'évitement de la redondance morphologique est trop puissante. En effet, elle ne prédit pas toutes les exceptions précitées. De plus, il est possible de manière générale en breton d'avoir plusieurs marques qui sont donc redondantes. En (2), le sujet vide pronominal 3PL a été incorporé dans le verbe, déclenchant l'accord riche 3PL. Le [[modificateur]] du sujet ''o-fevar'', est non seulement un exemple de co-occurrence d'un [[cardinal]] et d'une marque du pluriel, mais il double les marques plurielles du [[sujet]].
{| class="prettytable"
|(7)|| <u>Ar c'hraonv</u> || a || { goustoum / [[*]] goustoumont } || louedañ || buan.  
|-
||| [[an, al, ar|le]] <sup>[[5]]</sup>[[kraoñ|noix]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[kustumiñ|coutume]] / [[*]] [[kustumiñ|coutument]] || [[louedañ|moisir]] || [[buan|vite]]  
|-
||| colspan="15" | 'Les noix moisissent vite.'  
|-
||||||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[M-L. B. (01/2016)]]
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (2) || ''A'': ||- Ped ||a zo dit? || B: || - '''O'''-'''fevar''' ||'''int'''|| din.
|(8)|| <u>An amezeien</u> || ' || { '''labour''' / || [[*]] labourant } || maread.  
|-
|-
||| || [[wh|combien]] ||[[R]] [[zo|est]] [[da|à]].[[pronom incorporé|toi]] |||| 3PL-4 || sont.3PL ||[[da|à]].[[pronom incorporé|moi]]
||| [[an, al, ar|le]] [[amezeg|voisin]].[[-ien (PL.)|s]] || [[R]] || [[labourat|travaille]] / || [[labourat|travaillent]] || [[maread|beaucoup]]  
|-
|-
|||colspan="4" | 'A: - Combien sont à/de toi? B: - Les quatre sont à/de moi.' ||||||||||||''Léon'',|| [[Fave (1998)|Fave (1998:60)]]
||| colspan="15" | 'Les voisins travaillent beaucoup.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[M-L. B. (01/2016)]]
|}
|}




=== accord gelé et intervenants pour l'accord ===
Lors de futures recherches, il serait souhaitable de vérifier que des sujets [[indéfinis]] et des [[noms nus]], qui ne sont pas [[dislocables à droite]], provoquent bien les mêmes faits d'accord.


[[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau (2005/2010]]:chap 4), [[Jouitteau & Rezac (2006)]] et [[Jouitteau & Rezac (2008)]] proposent que lorsque le verbe apparaît avec une morphologie qui coïncide avec celle des traits 3SG, il s'accorde vraiment avec une entité 3SG. Cette entité 3SG est la projection verbale elle-même ([[VP]] étendu), celle qui contient le sujet. Dans cette hypothèse, c'est la localité qui dirige l'accord verbal: le verbe en breton s'accorde toujours avec l'élément le plus proche de lui, quel qu'il soit. Lorsque le [[sujet]] est un [[pronom incorporé]], le verbe breton le "voit en premier" et s'accorde avec lui.
En (1), l'accord n'est pas optionnel, et le locuteur ne produit aucune pause prosodique en [[élicitation]].
Lorsque le sujet est contenu dans la structure verbale, l'élément le plus proche du verbe [[fléchi]] est la projection verbale marquée pour les traits 3SG. Le verbe s'accorde alors avec ces traits 3SG, qui n'ont pas de contenu sémantique.  


Selon cette analyse, en (3), dans un dialecte où la morphologie 3SG est réalisée en ''-a'', le verbe s'est accordé avec la structure verbale étendue FP, qui porte les traits interprétables pour l'accord de 3SG. Les traits du sujet, que celui-ci soit préverbal ou post-verbal, ne sont jamais l'élément le plus proche pour l'accord.  
 
{| class="prettytable"
|(1)|| Gwelet || a || reoc'h || ec'h || en em || gav[[*]]('''ont''')|| <u>an dud</u><sup>'''PL'''</sup>.
|-
||| [[gwelout|voir]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|faites]] || [[R]]<sup>[[+C]],[[4]]</sup> || [[en em|se]]<sup>[[1]]</sup> || [[kavout|trouve]] || [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[tud|gens]]
|-
||| colspan="15" | 'Vous voyez que les gens arrivent.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Léonard, (Lesneven)'', [[A.M. (02/2016)]]
|}
 
 
[[Timm (1995)|Timm (1995]]:fn18), avait signalé en note, sans précision de sa source, que "pour ceux des dialectes qui permettent l'accord du verbe avec un sujet postverbal, il semble hautement probable que (iii) soit acceptable et (iv) ne le soit pas".




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (3) ||Ar varikenn-mañ, || a zalc'h'''a''' || || || || daou gant litrad.
|(iii)|| Ne || oa'''nt''' || ket || || deut || <u>ar merc'hed</u>
|-
|-
| ||Ar varikenn-mañ, || a zalc'h'''a''' || <font color=green>[</font color=green><sub>'''FP'''</sub> || <font color=green>[</font color=green><sub>[[VP]]</sub> <''ar varikenn-mañ''>|| <''dalc'h''> ||daou gant litrad <font color=green>]]</font color=green>.
|(iv) || Ne || oa'''nt''' || ket || <u>ar merc'hed</u> || deut ||
|-
|-
| || [[art|le]] barrique-[[DEM|ci]] || [[R]] contient.'''3SG''' || ||||||[[les numéraux cardinaux|2]] cent litre
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[eo|étaient]] || [[ket|pas]] || [[an, al, ar|le]] [[merc'h|fille]].[[-ed (PL.)|s]] || [[dont|ven]].[[-et (Adj.)|u]] || [[an, al, ar|le]] filles
|-
||| colspan="15" | 'Les filles n'étaient pas venues.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Dialecte ?'', [[Timm (1995)|Timm (1995]]:fn18)
|}
 
 
===== à ne pas confondre =====
 
Parfois, en corpus écrit comme en (3) en vannetais, il pourrait s'agir uniquement d'une faute de ponctuation (une virgule indiquerait une [[dislocation à droite]] prédisant un tel accord, de type '''Ils sont nombreux, ceux qui en faisaient autant'').
 
 
{| class="prettytable"
|(3)|| Stank || '''int''' || ar re || a || rae || kement || 'rall.
|-
|-
|||colspan="4" | 'Cette barrique-ci contient deux cents litres.'  
||| [[stank|nombreux]] || [[eo|sont]] <font color=green>[</font color=green> || [[an, al, ar|le]] [[hini|ceux]] || [[R]] || [[ober|faisait]] || [[kement|autant]] || [[all|autre]] <font color=green>]</font color=green>
|-
||| colspan="15" | 'Nombreux sont ceux qui en faisaient autant.'
|-  
||||||| colspan="15" | ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:233)
|}
 
== Autres phénomènes d'accord ==
 
=== accord riche et sujet préverbal ===
 
En (1), le verbe porte les traits d'accord du sujet alors qu'il est très distant. La forme ''a'' du [[rannig]] montre que la particule verbale a réagi au sujet préverbal, signe qu'il est présent au niveau syntaxique.  
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| Nann, || '''ar''' || '''re-se''' || pa || nie || diskarget || o || sardin || en || hañv || '''a''' ye'''ent''' || gant || o || bag || da || vouilhiñ (...)
|-
|-
|||||||colspan="4" |''Le Scorff'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:27)
||| [[nann|non]] || [[an, al, ar|le]] || [[hini|ceux]].[[DEM|ci]] || [[pa|quand]]<sup>[[1]]</sup> || 3.[[kaout|avait]] || [[di-, dis-|dé]].[[kargañ|charg]].[[-et (Adj.)|é]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[sardin|sardines]] || [[P.e|en]].[[an, al, ar|le]] || [[hañv|été]] || [[R]] [[mont|allaient]] || [[gant|avec]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[bag|bateau]] || [[da|pour]]<sup>[[1]]</sup> || [[mouilhiñ|mouiller]]
|-
||| colspan="20" | 'Non ceux-là, quand ils avaient déchargé leurs sardines, en été, allaient au mouillage (...)'
|-
||||| colspan="20" | ''Cornouaillais (Douarnenez)'', G. Nouy
|-
||||||||| colspan="20" | cité par Gwendal Denez dans ''Pêcheurs de Douarnenez'' ''Mémoire de la ville'' 3 p.23.
|}
|}




La présence de cet intervenant structural pour l'accord donne un effet d' '''accord gelé'''.
[[Blanchard (2016)]] transcrit un corpus oral où elle mentionne que le locuteur effectue "souvent" un accord riche avec un sujet préverbal. Un seul exemple est cependant transcrit. Dans cet exemple rescapé (2), la graphie avec la virgule et la traduction évitant un effet de [[focus]] sont consistants avec l'hypothèse que le sujet est un [[topique suspendu]] (standard ''Evidon-me, e skoan bremañ... ''). Comme dans l'exemple de Douarnenez, le rannig ''a'' signale, cependant, que le sujet est visible syntaxiquement dans ce domaine mais la transcription peut avoir été "corrigée" pour rétablir un rannig ''a'' car le trégorrois n'a pas toujours des [[rannigs]] distincts.
Cette analyse prédit correctement que la morphologie d'accord ne peut varier des traits de 3SG que :
:- lorsqu'un sujet pronominal vient [[pronom incorporé|s'incorporer]]  
:- qu'une [[structure applicative]] amène un [[sujet]] nominal au-dessus de la [[projection]] FP (dans le cas du verbe ''[[kaout]]'', 'avoir')
:- qu'une opération syntaxique déclenche un effet de [[résomptivité]] (comme dans le cas de la négation, tête C déclenchant des "that-trace effect")


[[Jouitteau & Rezac (2009)]] explorent la viabilité de cette hypothèse au regard de la variation des paradigmes d'accord dans les variations dialectales du verbe ''[[kaout]]'', 'avoir' à travers les dialectes du breton.


== Diachronie et horizons comparatifs ==
{| class="prettytable"
|(2)|| '''Me''', || a || sko'''an''' || bremañ || gant || ar || penn-mañ, || gant || an || horzh.
|-
||| [[pfi|moi]] || [[R]] || [[skeiñ|frappe]].1SG || [[bremañ|maintenant]] || [[gant|avec]] || [[an, al, ar|le]] || [[penn|bout]].[[DEM|ci]] || [[gant|avec]] || [[an, al, ar|le]] || [[horzh|masse]]
|-
||| colspan="15" | 'Maintenant, je frappe avec ce bout-là de la masse.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Blanchard (2016)]]
|}


=== accord avec un sujet postverbal ===
=== sujet coordonné et accord partiel ===


On trouve en moyen breton des exemples isolés où un sujet post-verbal déclenche l'accord riche du verbe.
La [[coordination]] de deux groupes nominaux singuliers en position [[sujet]] obtient, comme en français, un groupe nominal pluriel. Le verbe d'un sujet pluriel réalisé par une coordination, est associé à un verbe à l'accord pauvre 3SG.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(3)|| Tapet || om ! || a || zoñj'''as''' || <u>Aogust ha me</u>...
|-
|-
|(1)||''<u>Nobl ha partabl</u> || en vn bezret ||ez '''ynt''' || vn heuel da guelet.
||| [[tapout|pr]].[[-et (Adj.)|is]] || [[eo|sommes]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[soñjal|pensa]] || [[nom propre|Auguste]] [[&|et]] [[pfi|moi]]
|-
||| colspan="15" | 'Auguste et moi pensâmes: on est faits !'
|-
|-
| ||nobles et roturiers || [[P.e|dans]] [[art|un]] charnier || [[R]] sont.3PL || [[art|un]] [[henvel|même]] [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> [[gwelout|voir]]
||||||||||| colspan="15" | Taldir
|-
||||||||||| colspan="15" | cité dans [[Seite & Stéphan (1957)|Seite & Stéphan (1957]]:142)
|}
 
 
On trouve de très rares occurrences en corpus où le second membre d'une [[coordination]] n'est pas calculé par l'accord. En (4), le sujet coordonné est devant la négation. L'accord est à la personne 3 et non à la personne 2PL malgré le pronom à la première personne.
 
 
{| class="prettytable"
|(4)|| <u> '''Ar pesked''' ha me </u> || n''''o d'''eus || ket || bet || en em || aranjet || jamez !
|-
||| [[an, al, ar|le]] [[pesk|poisson]].[[-ed (PL.)|s]] [[&|et]] [[pfi|moi]] || [[ne|ne]] 3PL 3.[[kaout|a]] || [[ket|pas]] || [[bet|été]] || [[en em|se]] || [[arañjiñ|arrang]].[[-et (Adj.)|é]] || [[james|jamais]]
|-  
|-  
| ||colspan="4" | 'Nobles et roturiers dans un charnier ont semblable apparence.'
||| colspan="15" | 'Les poissons ne me plaisaient pas.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plougerneau)'', [[Elégoët (1982)|Elégoët (1982]]:13)
|}
 
=== les invisibilités de l'accord comme en français ===
 
Les phénomènes d'[[accord sémantique]] permettent aussi en breton l'accord à l'intérieur d'un groupe nominal complexe (''La plupart des gens sont... '').
 
Les groupes au [[vocatif]], ou les [[dislocations à droite]], comme en français, semblent invisibles pour l'accord.
 
 
{| class="prettytable"
|(5)|| Tapet || '''oc'h''' || <u>ma lapous</u> !
|-
||| [[tapout|attrap]].[[-et (Adj.)|é]] || [[eo|êtes]] <font color=green>[</font color=green> || [[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> [[lapous|oiseau]] <font color=green>]</font color=green><sup>'''3SG'''</sup>
|-
||| colspan="15" | 'T'es bien attrapé, mon coquin !'  
|-  
|-  
| ||||||colspan="4" |''Moyen breton'', [[BM.]]:233, traduction [[Le Berre (2001)|Le Berre (2001]]:31)
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Le Scorff)'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:13)
|}
|}




(2) ''hac ez lauar penaux <u>hon doueou</u> ez '''ynt''' diaoulou.''
== Diachronie ==
: 'Et il dit que nos Dieux sont des diables.', (''1576'', [[Ca.]]:n 12)  
 
Pour un aperçu du système d'accord en [[vieux brittonique]] commun, se reporter à [[Le Roux (1957)|Le Roux (1957]]:57-59).
 
En [[moyen breton]], le réfléchi ''[[en em|em]]'' n'était pas invariable comme en breton moderne et pouvait redoubler les marques du [[sujet]] ([[Hemon (1975)|Hemon 1975]]:272, [[Widmer (2017)|Widmer 2017]]:234). [[Widmer (2017)|Widmer (2017]]:237) considère que l'accord en [[moyen breton]] dépend de la polarité de la phrase (positive vs. négative). Il ne montre qu'un exemple d'accord avec un sujet devant la négation, et pas d'exemple avec un sujet postverbal.
On trouve en [[moyen breton]] des exemples isolés où un sujet [[lexical]] déclenche l'accord riche du verbe. Dans les deux exemples ci-dessous, ces sujets sont préverbaux.
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| ''<u>Nobl ha partabl</u> || en vn bezret || ez '''ynt''' || vn heuel || da || guelet.
|-
||| nobles [[&|et]] roturiers || [[P.e|en]] [[un, ul, ur|un]] charnier || [[R]] [[eo|sont]] || [[un, ul, ur|un]] [[henvel|même]] || [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> || [[gwelout|voir]]
|-
||| colspan="15" | 'Nobles et roturiers dans un charnier ont semblable apparence.'
|-
||||||| colspan="15" | ''[[Moyen breton]]'', [[BM.]]:233, traduction [[Le Berre (2001)|Le Berre (2001]]:31)
|}
 


Pour un aperçu du système d'accord en vieux brittonique commun, se reporter à [[Le Roux (1957)|Le Roux (1957]]:57-59).
(2) ''hac ez lauar penaux <u>hon doueou</u> ez '''ynt''' diaoulou.''
: 'Et il dit que nos Dieux sont des diables.'
:::  ''Breton 1576'', [[Ca.]]:n 12




[[Meelen (2016)|Meelen (2016)]] relève aussi en moyen gallois des exceptions au système d'accord, où un sujet post-verbal déclenche l'accord du verbe.  
L'effet de complémentarité est documenté en [[breton pré-moderne]] comme conforme au système actuel.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(3)|| N'eo || ket || pluet || a-walc'h || da || laboused...
|-
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[eo|est]] || [[ket|pas]] || [[pluñv|plumm]].é || [[a-walc'h|assez]] || [[POSS|ton]]<sup>[[1]]</sup> || [[labous|oiseau]].[[-ed (PL.)|x]]
|-
||| colspan="15" | 'Tes oiseaux n'ont pas assez le plumage...'
|-
|-
|(61)||e uelly|| e dianghass'''ant''' || <u>e gelynyon</u>|| wedy||caffael|| eu golwc||
||||||| colspan="15" | ''Léonard 1878'', [[Inisan (1930)|Inisan (1930]]:11)
|}
 
 
[[Ernault (1888b)|Ernault (1888b]]:256) relève cependant en [[breton pré-moderne]] chez Sauvé (fin XIXe) plusieurs exemples de type ''<u>hor tiéien</u> a ré'''ont'''''... 'nos cultivateurs font... '.
 
 
===  horizons comparatifs ===
 
[[Meelen (2016)|Meelen (2016)]] relève en moyen gallois des exceptions au système d'accord, où un sujet post-verbal déclenche l'accord du verbe.
 
 
{| class="prettytable"
|(61)|| e uelly || e dianghass'''ant''' || <u>e gelynyon</u> || wedy || caffael || eu golwc ||
|-
|-
| ||ainsi || PRT échapper.PAST.3P || les ennemis || après || acquérir.INF || 3P vue
||| ainsi || PRT échapper.PAST.3P || les ennemis || après || acquérir.INF || 3P vue
|-  
|-  
| ||colspan="4" | 'Ainsi, les ennemis se sont échappés après avoir retrouvé la vue.'||||||''Moyen gallois'', [[Meelen (2016)|Meelen (2016]]:227)   
||| colspan="15" | 'Ainsi, les ennemis se sont échappés après avoir retrouvé la vue.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Moyen gallois'', [[Meelen (2016)|Meelen (2016]]:227)   
|}
|}
L'effet de complémentarité (1) est instable dans les textes de vieux gallois en prose, que le sujet soit préverbal (2) ou postverbal (3) (voir [[Koch (1991)|Koch 1991]], [[Schumacher (2011)|Schumacher 2011]]).
(1) imaliti duch cimarguithejt
: lead.3S you story-tellers
: 'as the story-tellers would lead you' (Chad 3), cité par [[Koch (1991)]]
(2) enuein di sibellae '''int''' hinn
: names of Sibyllae be.PRES.3P these
: 'These are the names of the Sibylls' (MC)
(3) imguod'''ant''' ir degion
: beseech.PAST.3P the nobles
: 'the nobles besought one another' (Chad LL xliii), cité dans [[Meelen (2016)|Meelen (2016]]:)
Le système d'accord brittonique a influencé des variétés non-standard de l'anglais, qui produisent un [[accord pauvre]] 3SG réalisé par le [[morphème]] anglais ''-s'' sur les verbes dont le sujet est [[lexical]] (Benskin 2008, [[Bismark (2011)|Bismark 2011]]).




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[[Ménard (2012)]] donne le terme breton ''kenglotadur'' pour ''accord (grammatical)''.
[[Ménard (2012)]] donne le terme breton ''kenglotadur'' pour ''accord (grammatical)''.


* le terme d' '''accord pauvre'''
En anglais, les analyses qui postulent que le système d'accord breton est un Principe fondamental de la grammaire utilisent le terme de ''[[Complementarity Principle]]''. Les analyses qui le font découler d'autres propriétés présentes dans la grammaire de la langue parlent de ''[[Complementarity effect]]''.
 
 
=== ''accord pauvre'' vs. ''formes impersonnelles'' ===
 
Il y a un débat terminologique mouvementé quant à la forme 3SG de l'accord pauvre, celle qui ne varie pas avec les traits du sujet (''Me a '''skriv''', Goulwenna ha Yannig a '''skriv'''''). Historiquement, elle a été appelée ''conjugaison personnelle'', puis ''conjugaison impersonnelle''. Ce malaise terminologique a induit des confusions avec les littératures à la fois celtiques historiques, anglophones et romanes contemporaines a amené de multiples terminologies échappatoires, ajoutant à la confusion.
 
 
  [[Lambert (1976)|Lambert (1976]]:266):
  "[[Le Brigant (1779)]] est bien le premier à désigner la conjugaison ''me a gar'' comme conjugaison impersonnelle: pour ses prédécesseurs, c'était au contraire la conjugaison qui exprimait "la personne" ( = le sujet personnel)."
 
 
[[Le Gonidec (1807)|Le Gonidec (1807]]:69), [[Ernault (1888b)]], [[Vallée (1902)]], [[Le Clerc (1908)]], [[Trépos (2001)]], [[KAG (2016)]] entre autres utilisent le terme de ''conjugaison impersonnelle''. Similairement en breton, [[Kervella (1947)]] utilise le terme ''displegadur diberson''. La terminologie de ''conjugaison impersonnelle'' est source de confusion puisqu'il existe en breton comme dans les autres langues celtiques un accord verbal dédié à la conjugaison avec un [[pronom impersonnel]], la conjugaison ''-r'', ''-d'' de la septième [[personne]] celtique (''Atav e skriv'''er'''... ''). Dans la littérature grammaticale romane comme anglophone, le terme d'''impersonnel'' ou ''impersonal'' renvoie aussi aux formes grammaticales référant à un humain ou à des humains non-identifiés, comme le français ''on''. Adopter cet usage contemporain international obtient en breton que le pronom sujet impersonnel qui déclenche l'accord en ''-r'' fait partie du paradigme à sept personnes de la conjugaison personnelle, en opposition avec un accord dit ''impersonnel'' requis avec un ''pronom personnel''.
 
[[Urien (1999)|Urien (1999]]:654&fn11) s'oppose à la terminologie des ''formes de l'impersonnel'', mais pour une autre raison: "dans l'expression "conjugaison impersonnelle", l'adjectif désigne le [[morphème]] invariant qui permet de rassembler dans le paradigme les autres morphèmes variables, alors que dans l'expression ''conjugaison personnelle'', l'adjectif désigne une des variables de la conjugaison". Pour Urien, le paradigme ''Me a '''skriv''', Te a '''skriv'''''... n'est donc pas une "conjugaison verbale", mais la déclinaison en personne, nombre et genre du pronom personnel, observé dans un contexte verbal." Ceci revient à dire que puisque l'accord pauvre 3SG est obligatoirement associé avec un sujet réalisé, cette construction appréhendée en son ensemble varie fondamentalement en personne.
 
[[Ternes (1970)|Ternes (1970]]:238) appelle "les formes dépourvues de caractéristique morphologique indiquant la personne [[sujet]]", les ''formes non-déterminées''. [[Press (1986)|Press (1986]]:233) traduit l'anglais ''invariable'' par ''digemm''. Cette terminologie donnerait ''kenglotadur digemm'' pour l' ''accord invariable''.
 
[[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau (2005/2010]], [[Jouitteau (2005b)|2005b]]), [[Jouitteau et Rezac (2006)|Jouitteau & Rezac (2006]], [[Jouitteau & Rezac (2008)|2008]], [[Jouitteau & Rezac (2009)|2009]]) utilisent le terme ''poor agreement'' et en français ''accord pauvre'', car ils obtiennent les faits en adoptant un mécanisme d'accord qui est bloqué aux traits 3SG quand aucun sujet n'est incorporé.
 
 
== À ne pas confondre ==


Il y a un débat terminologique mouvementé quant aux formes 3SG de l'accord pauvre, qui ne varient pas avec les traits du sujet (''Me a '''skriv''', Goulwenna ha Yannig a '''skriv''''').
=== accord sémantique ===


[[Ternes (1970)|Ternes (1970]]:238) appelle "les formes dépourvues de caractéristique morphologique indiquant la personne [[sujet]]", les ''formes non-déterminées''.
On distingue l''''accord syntaxique''', réalisé dans la syntaxe, de l'[[accord sémantique]], et qui peut donner des résultats divergents, comme dans ''La moitié des membres du jury est/sont présent(s)''.


[[Ernault (1888b)]], [[Trépos (2001)]] [[KAG (2016)]] utilisent le terme de ''conjugaison impersonnelle''. [[Kervella (1947)]] utilise similairement en breton le terme ''displegadur diberson''.


[[Urien (1999)|Urien (1999]]:654&fn11) s'oppose à cette terminologie: "dans l'expression "conjugaison impersonnelle", l'adjectif désigne le morphème invariant qui permet de rassembler dans le paradigme les autres morphèmes variables, alors que dans l'expression "conjugaison personnelle", l'adjectif désigne une des variables de la conjugaison". Pour Urien, le paradigme ''Me a '''skriv''', Te a '''skriv'''''... n'est donc pas une "conjugaison verbale", mais la déclinaison en personne, nombre et genre du pronom personel, observé dans un contexte verbal."
=== pas d'anti-accord ===


La terminologie de ''conjugaison impersonnelle'' est de plus source de confusion puisqu'il existe aussi en breton comme dans les autres langues celtiques un accord verbal dédié à la conjugaison avec un [[pronom impersonnel]], la conjugaison ''-r'', ''-d'' de la septième [[personne]] celtique (''Atav e skriv'''er'''...'').
Il existe des langues comme le berbère ou des langues bantoues qui ont un marquage d'accord particulier lorsque le sujet est extrait par un [[mouvement A-barre]]. Ce phénomène lié à l'extraction du sujet est connu dans la littérature sous le nom d''''anti-accord'''.
 
L'accord pauvre en breton n'est aucunement lié à l'extraction du sujet (''contra'' [[Borsley & Stephens (1989)|Borsley & Stephens 1989]]:408, [[Ouhalla (1993)|Ouhalla 1993]], Phillips 1996, 1998, Luitwieler 2011, Henderson 2009, 2013, [[Kunio (2017)|Kunio 2017]], et malgré quelques précautions oratoires, Pfau 2009:12, fn11).
 
Un sujet postverbal déclenche en breton un accord pauvre de la même façon que le ferait un sujet préverbal.
 
 
{| class="prettytable"
|(1)|| Bemdez || e || lenn || { Yann / ar vugale } || ul levr.
|-
||| [[bemdez|chaque.jour]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[lenn (V.)|lit]].3SGM || [[nom propre|Yann]] / [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[bugel|enfant]].[[pluriel interne|s]] || [[un, ul, ur|un]] [[levr|livre]]
|-
||| colspan="15" | '{ Yann lit /les enfants lisent } un livre chaque jour.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Hendrick (1988)|Hendrick (1988]]:28)
|}


[[Press (1986)|Press (1986]]:233) traduit l'anglais ''invariable'' par ''digemm''. Cette terminologie donnerait ''kenglotadur digemm'' pour l' ''accord invariable''.


{| class="prettytable
|(2)|| Bemdez || e || lenn([[*]]ont) || ar vugale || ul levr.
|-
||| [[bemdez|chaque.jour]] || [[R]]<sup>[[4]]</sup> || [[lenn (V.)|lit]].3SGM || [[an, al, ar|le]] <sup>[[1]]</sup>[[bugel|enfant]].[[pluriel interne|s]] || [[un, ul, ur|un]] [[levr|livre]]
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||| colspan="15" | 'Les enfants lisent un livre chaque jour.'
|-
||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Hendrick (1988)|Hendrick (1988]]:28)
|}


== A ne pas confondre ==


On distingue l''''accord syntaxique''', réalisé dans la syntaxe, de l'[[accord sémantique]], et qui peut donner des résultats divergents.
Lorsque le terme d'anti-accord est utilisé dans les langues celtiques, il réfère uniquement à l'apparition de l'accord pauvre 3SG dans l'[[effet de complémentarité]] (appelé aussi principe de complémentarité, ''complementarity effect'').




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* Fave, V. 1986. 'Ar verb : displegadur gour ha dihour', ''Brud Nevez'' 97 : 66-68.  
* Fave, V. 1986. 'Ar verb : displegadur gour ha dihour', ''Brud Nevez'' 97 : 66-68.  
* Leclerc, Louis. 1986 [1906, 1911], ''Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier'', 3ième édition, Ar Skol Vrezhoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).
 
* [[Le Clerc (1986)|Le Clerc, Louis. 1986]]. [1906, 1911], ''Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier'', 3ième édition, Ar Skol Vrezoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).


=== étude théorique ===
=== étude théorique ===


* Anderson, S. 1982. 'Where’s morphology?', ''Linguistic Inquiry'', 13:571-612. [http://books.google.fr/books?id=QBsKpjIh3J8C&pg=PA235&dq=brezhoneg&lr=&hl=en&sig=ACfU3U2U1rNE1F3XIx2RXJZ1duS8DI_AQQ#PPA228,M1 Preview]
* [[Anderson (1982)|Anderson, Stephen. 1982]]. 'Where's morphology?', ''Linguistic Inquiry'', 13:571-612. [http://books.google.fr/books?id=QBsKpjIh3J8C&pg=PA235&dq=brezhoneg&lr=&hl=en&sig=ACfU3U2U1rNE1F3XIx2RXJZ1duS8DI_AQQ#PPA228,M1 Preview]
 
* [[Borsley & Stephens (1989)|Borsley, Robert D. & Janig Stephens.  1989]]. 'Agreement and the position of subjects in Breton.', ''Natural Language and Linguistic Theory'' 7, 407-427.
 
* [[Hendrick (1988)|Hendrick, R. 1988]]. ''Anaphora in Celtic and Universal Grammar'', Dordrecht: Kluwer. '''chap. 2'''.


* [[Jouitteau & Rezac (2009)|Jouitteau, M. & M. Rezac, 2009]]. 'De ''mihi est'' à 'avoir’' à travers les dialectes du breton', ''[[La Bretagne Linguistique]]'' 14, CRBC. [http://llf.linguist.jussieu.fr/llf/Gens/Jouitteau/avoir.pdf version pré-publication]
* [[Jouitteau & Rezac (2009)|Jouitteau, Mélanie. & Milan Rezac, 2009]]. 'De ''mihi est'' à ''avoir'' à travers les dialectes du breton', ''[[La Bretagne Linguistique]]'' 14, CRBC. [http://llf.linguist.jussieu.fr/llf/Gens/Jouitteau/avoir.pdf version pré-publication]


* [[Jouitteau & Rezac (2008)|Jouitteau, M. & M. Rezac, 2008]]. ‘From ''mihi est'' to ''have'' across Breton dialects’, Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (éds.), ''Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa'',  Unipress, Padova, special issue of the ''Rivista di Grammatica Generativa'', vol. 32., 161 - 178., [http://ling.auf.net/lingBuzz/001207 texte en ligne].
* [[Jouitteau & Rezac (2008)|Jouitteau, Mélanie. & Milan Rezac, 2008]]. 'From ''mihi est'' to ''have'' across Breton dialects', Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (éds.), ''Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa'',  Unipress, Padova, special issue of the ''Rivista di Grammatica Generativa'', vol. 32., 161 - 178., [http://ling.auf.net/lingBuzz/001207 texte en ligne].


* [[Jouitteau et Rezac (2006)|Jouitteau, M. & Rezac, M. 2006]]. 'Deriving Complementarity Effects', R. Borsley, I. Roberts, L. Sadler & D. Willis (éds.), ''Lingua'' 116, special issue on Celtic Languages, 1915-1945., [http://ling.auf.net/lingBuzz/000066 lingBuzz/000066 pdf].
* [[Jouitteau et Rezac (2006)|Jouitteau, Mélanie. & Rezac, Milan. 2006]]. 'Deriving Complementarity Effects', R. Borsley, I. Roberts, L. Sadler & D. Willis (éds.), ''Lingua'' 116, special issue on Celtic Languages, 1915-1945., [http://ling.auf.net/lingBuzz/000066 lingBuzz/000066 pdf].


* [[Jouitteau (2005b)|Jouitteau, M.  2005b]]. ‘Nominal Properties of ''v''Ps in Breton, A hypothesis for the typology of [[VSO]] languages’, ''Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages'', Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company. [http://books.google.fr/books?id=StIEpRsmDbIC&pg=PA265&dq=breton+syntax&lr=&hl=en&sig=ACfU3U1IggsGlr6bNwrH14JgJwTlxjj7QQ#PPP1,M1 Preview], [http://dingo.sbs.arizona.edu/~carnie/publications/VerbFirst.html Description and reviews]
* [[Jouitteau (2005b)|Jouitteau, Mélanie.  2005b]]. 'Nominal Properties of ''v''Ps in Breton, A hypothesis for the typology of [[VSO]] languages', ''Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages'', Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company. [http://books.google.fr/books?id=StIEpRsmDbIC&pg=PA265&dq=breton+syntax&lr=&hl=en&sig=ACfU3U1IggsGlr6bNwrH14JgJwTlxjj7QQ#PPP1,M1 Preview], [http://dingo.sbs.arizona.edu/~carnie/publications/VerbFirst.html Description and reviews]


* [[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau, M. 2005/2010]]. ''La syntaxe comparée du Breton'', , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf [http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00010270/en/ ici] ou [http://ldh.livingsources.org/2010/06/07/escidoc401993/ ici]
* [[Jouitteau (2005/2010)|Jouitteau, Mélanie. 2005/2010]]. ''La syntaxe comparée du Breton'', éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf [http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00010270/en/ ici] ou [http://ldh.livingsources.org/2010/06/07/escidoc401993/ ici]


* [[Stump (1989.b)|Stump, G. T. 1989.b]]. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', ''Natural Language and Linguistic Theory'', 7:429-471.
* Muradova, Anna. 2006. 'Analytic and synthetic verb conjugation in Modern Breton' (In Russian: 'Аналитическое и синтетическое спряжение глагола в современном бретонском языке'), ''Analytism in Languages of Different Types'' (in Russian: ''Аналитизм в языках различных типов: сорок лет спустя. К 100-летию со дня рождения В. Н. Ярцевой. Материалы чтений памяти В. Н. Ярцевой''), 2nd issue, Moscow, 217-224.


* [[Stump (1984)|Stump, G. T. 1984]]. 'Agreement vs. incorporation in Breton', ''Natural Language and Linguistic Theory'', 2:289-348.
* [[Stump (1989.b)|Stump, Gregory T. 1989.b]]. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', ''Natural Language and Linguistic Theory'', 7:429-471.
 
* [[Stump (1984)|Stump, Gregory T. 1984]]. 'Agreement vs. incorporation in Breton', ''Natural Language and Linguistic Theory'', 2:289-348.
 
* [[Timm (1995)|Timm, Lenora., 1995]]. 'Pronominal A-forms in Breton: A discourse-based analysis', ''[[Journal of Celtic Linguistics]]'' 4:1-34.
 
* [[Weisser (2019)|Weisser, Philipp. 2019]]. 'A Remove-based theory of the Complementarity Effect in Breton', Andrew Murphy (éd.), ''Structure Removal'', ''Linguistische Arbeits Berichte'' 94, Universität Leipzig, 1–28.
 
 
=== études de l'anti-accord citant le breton comme l'illustrant ===
 
* Henderson, Brent. 2013. 'Agreement and person in anti-agreement', ''Natural Language & Linguistic Theory'' 31:2, 453-481.
 
* Henderson, Brent. 2009. 'Anti-Agreement and [Person] in Bantu', Matondo, M., F. McLaughlin, and E. Potsdam (éds.), ''Selected Proceedings of the 38th Annual Conference on African Linguistics: Linguistic Theory and African Language Documentation'', Somerville, MA: Cascadilla Press, 173-181. [http://users.clas.ufl.edu/bhendrsn/ACAL%2038-Henderson.pdf pdf].
 
* [[Kunio (2017)|Kinjo, Kunio. 2017]]. 'An Intervention Approach to Antiagreement', Aaron Kaplan, Abby Kaplan, Miranda K. McCarvel, and Edward J. Rubin (éds.), ''Proceedings of the 34th West Coast Conference on Formal Linguistics'', 329-338, [http://www.lingref.com/cpp/wccfl/34/paper3327.pdf pdf].
 
* Luitwieler, Roeland. 2011. ''A Cross-Linguistic Study of the Anti-Agreement Effect'', Bachelor's thesis, [https://dspace.library.uu.nl/handle/1874/210529 abstract].
 
* [[Ouhalla (1993)|Ouhalla, Jamal. 1993]]. 'Subject-extraction, negation and the anti-agreement Effect', ''Natural Language and Linguistic Theory'' 11: 477-518.
 
* Pfau, Roland. 2009. ''Grammar as Processor: A Distributed Morphology account of spontaneous speech errors'', [Linguistik Aktuell/Linguistics Today, 137], John Benjamins Publishing Company.
 
* Phillips, Colin. 1996. 'Ergative Subjects', C. Burgess, K. Dziwirek & D. Gerdts (eds.), ''Grammatical Relations: Theoretical Approaches to Empirical Issues'', Stanford: CSLI, [http://www1.udel.edu/Linguistics/colin/research/papers/ergative_subjects.pdf pdf].
 
* Phillips, Colin. 1998. 'Disagreement between adults and children', Mendikoetxea, Amaya; Uribe-Etxebarria, Myriam (éd.): ''Theoretical Issues on the Morphology-Syntax Interface'', 359–394, ASJU, San Sebastian.


=== horizons comparatifs ===
=== horizons comparatifs ===


* Bismark, Christina. 2011. ''Shared alternatives to subject-verb agreement: the third singular verb and its uses in English and Brittonic'', thèse, [http://www.freidok.uni-freiburg.de/volltexte/8614/pdf/Dissertation_Bismark_13.8.12.pdf pdf].
* Beaulieu, L. & W. Cichocki. 2005. 'Facteurs internes dans deux changements linguistiques affectant l'accord sujet-verbe dans une variété de français acadien', Brasseur & Falkert (dir.), 160–186.
* Meelen, Marieke. 2016. ''Why Jesus and Job spoke bad Welsh, The origin and distribution of V2 orders in Middle Welsh'', LOT dissertions, :227.
 
* Benskin, Michael. 2011. 'Present Indicative Plural Concord in Brittonic and Early English', ''Transactions of the Philological Society'' 109:2, 158–185.
 
* [[Bismark (2011)|Bismark, Christina. 2011]]. ''Shared alternatives to subject-verb agreement: the third singular verb and its uses in English and Brittonic'', thèse, [http://www.freidok.uni-freiburg.de/volltexte/8614/pdf/Dissertation_Bismark_13.8.12.pdf pdf].
 
* Jouini, K 2018. 'A Feature-Based Analysis of the Derivation of Word Order and Subject-Verb Agreement in Arabic Varieties', ''Arab World English Journal'', 9 (1), 233-255. [https://osf.io/preprints/socarxiv/auspt/ texte].
 
* [[Meelen (2016)|Meelen, Marieke. 2016]]. ''Why Jesus and Job spoke bad Welsh, The origin and distribution of V2 orders in Middle Welsh'', LOT dissertions, :227.
 
* Rouveret, Alain. 1991. 'Functional Categories and Agreement', ''The Linguistic Review'' 8, 2-4:353-387.
* Rouveret, Alain. 1991. 'Functional Categories and Agreement', ''The Linguistic Review'' 8, 2-4:353-387.
   
   

Version actuelle datée du 22 janvier 2024 à 10:23

Le système d'accord breton régit l'apparitioon des morphèmes d'accord entre le sujet et le verbe conjugué. L'élément immédiatement remarquable est un effet de complémentarité entre le morphème d'accord et la prononciation du sujet.

La phrase en (1) montre deux propositions. Regardons d'abord la seconde: le sujet n'est pas réalisé morphologiquement de façon indépendante, et le verbe apparaît avec les traits de troisième personne pluriel (3PL). Comme ce serait le cas en espagnol ou en italien, la morphologie ver bale est un accord riche: la morphologie de l'accord verbal réalise les traits du sujet. Dans la première proposition cependant, le sujet ar c'hezeg-ze 'ces chevaux' est 3PL mais son verbe est 3SG. La morphologie verbale est celle de l' accord gelé: les traits du sujet réalisé pourraient varier sans que la morphologie de l'accord change ses traits 3SG.


(1) Ar c'hezeg-ze a zo hualet ha, daoust da ze, e c'haloupont.
le 5chevaux. R1 est entrav.é et malgré de1 ça R4 galopent
'Ces chevaux-là sont entravés et, malgré cela, ils galopent.'
Standard, Le Bozec (1933:48)


Morphologie

le paradigme d'accord en breton

On dit que deux mots ou expressions s'accordent si elles ont les mêmes valeurs pour leurs traits grammaticaux (personne, genre, nombre). En breton, l'accord se fait en personne, et en nombre, mais pas en genre. Les distinctions de genre autour de l'accord viennent toujours d'un rajout d'information apporté par un paradigme pronominal.

Les verbes bretons se conjuguent aux trois personnes (première, deuxième, troisième), au singulier comme au pluriel. Comme dans toutes les langues celtiques, ils se conjuguent aussi avec une personne supplémentaire, l'impersonnel -er qui n'a pas d'équivalent lexical.


(2) Ne vennont ket krediñ e c'heller bout dishañval doc'hte.
ne1 veulent pas croire R4 peut.on être .pareil de.eux
'Ils ne peuvent croire que quiconque soit différent d'eux.'
Vannetais, Herrieu (1994:249)


Il s'agit bien dans le cas des verbes d'un système accord, et non de l'incorporation morphologique d'un pronom comme dans le paradigme des prépositions. L'absence de genre dans l'accord en est un des signes: les prépositions conservent le marquage genré d'un pronom incorporé, alors que l'accord efface cette distinction. Le conjoint gauche de la coordination dans l'objet d'une préposition peut s'incorporer, alors que le conjoint gauche de la coordination dans le sujet d'un verbe ne le peut pas (Jouitteau & Rezac 2006).


(3) Ful ha strak a vije bet etrez hag ar Gastafiorenn !
étincelles et /strak/ R1 serait été entre.lui et le 1Castafiore
'La Castafiore et lui, ça aurait fait des étincelles !'
Standard, Kervella (2001:6)


(4) Chom a rae etrezi _ hag ar gorrien.
rester R1 faisait entre.elle [ et le 1nain.s ]
'Cela restait entre elle et les nains.'
Standard, Jouitteau & Rezac (2006:x)


(5) * Dec'h ec'h erruas _ hag ar gorrien.
hier R+C,4 arriva [ et le 1nain.s ]
'Elle et les nains arrivèrent hier.'
Standard, Jouitteau & Rezac (2006:x)


La morphologie verbale inclut aussi le temps, le mode et l'aspect. En breton, seul l'élément tensé, verbe lexical ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en personne et en nombre avec le sujet.

Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En français, le participe porte parfois des marques de genre et de nombre (Les chaussettes sont reprisées ensemble). En portugais, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple en ibibio, en kilega ou en swahili, langues nigéro-congolaises).

la forme de l'accord gelé

La forme de l' accord gelé est toujours la forme 3SG correspondante dans l'accord riche. cette correspondance reste parfaite à travers la variation dialectale des réalisations de troisième personne. En (1), le sujet 1PL ni est réalisé devant son verbe, qui porte, lui, la marque de la troisième personne (au futur, -o).


(1) ma ne zihunont ket ar wech-man, ni ouezo petra d'ober.
si4 ne1 réveillent pas le 1fois-ci nous R1 saura quoi de faire
'Si cette fois-ci ils ne se réveillent pas, nous saurons quoi faire.'
Léonard, Perrot (1907:33)


On peut voir qu'il s'agit réellement d'un accord 3SG, plutôt qu'une absence d'accord. Les traits 3SG sont souvent réalisés au présent par un morphème vide, mais on voit des modifications de la racine sur certains verbes irréguliers, et dans certains dialectes un morphème de flexion -a apparaît.

En (2), le verbe 'savoir' montre ces deux phénomènes en même temps. D'une part, l'infinitif en gout montre une modification de racine en goui lorsqu'il est conjugué (McKenna 1978:201). Le morphème -a est ajouté à cette racine. C'est à la fois la marque du 3SG et celle de l'accord pauvre (me ouia, 'je sais', McKenna 1978:201): en (2), le -a persisterait avec un sujet postverbal pluriel an dud 'les gens'.


(2) /hwia ndeiŋ' kèr pïta reï namzir /
ouia ket en den kaer petra e rei an amzer.
ne1 sait pas on bien quoi R1 fera le temps
'On ne sait pas très bien ce que le temps donnera.'
Guémené-sur-Scorff, McKenna (1978:170)


verbes à modification de leur racine

Le verbe gouzout 'savoir' est assez isolé dans cette modification de la racine, mais la modification est persistante à travers les spécificités dialectales.


(3) Ar re-se a houie penaos edo eat kuit.
le ceux.ci R1 savait comment était all.é parti
'Eux savaient comment il était parti.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), Y. M. (04/2016b)


(4) An nen ne oar ket bepred.
le homme ne1 sait pas toujours
'On ne sait pas toujours.'
Cornouaillais (Riec), Mona Bouzeg, c.p. (01/2009)


On pourrait chercher si des locuteurs ont pour 'pouvoir' un infinitif en gallout et un paradigme en gell-.

négatif de l'impératif

Au négatif, l'impératif est associé au complémenteur na. L'accord verbal peut alors n'être pas réalisé.


(1) Na ra ket darngofad mar kerez paneogwir zo boued frank.
ne ! fa.it pas petit.ventr.ée si aimes puisque est nourriture plein
'Ne va pas te priver, parce qu'il y a largement de quoi.'
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (2017:64)


Il est difficile de deviner s'il s'agit d'une absence d'accord ou d'un accord gelé à la personne 3, car le verbe gouzout 'savoir' qui pourrait faire la différence ne s'utilise pas à l'impératif négatif.

dialectes en -a, -ev, -ef, -s au 3SG

Dans certains dialectes du Sud et jusqu'en breton central, une voyelle ou une consonne apparaissent régulièrement à la troisième personne du singulier au présent de l'indicatif.

On relève une 3SG en -a à Malguénac (Le Pipec 2000), à Groix (Ternes 1970:252), à Riantec près de Lorient, dans le breton de Mona Bouzec à Riec, à Duault. Timm (1987a:260,fn30) en relève de façon sporadique à Carhaix. En breton central, c'est un -f. À Plozévet en Cornouaille du Sud, il s'agit d'un /-v/ final (Goyat 2012:277). À Briec et a Locronan, il s'agit d'un -s (Noyer 2019:239, A-M. Louboutin (10/2021)).


(1) /xa gãza nur ze:biɲ /
Int ' gomza en ur zebriñ. Équivalent standardisé
eux R1 parle en1 manger
'Ils parlent tout en mangeant.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:252)


(2) Ioñ ' bollûa en dud ha tout !
lui R1 pollue.3SG le gens et tout
'Il pollue les gens y compris !'
Vannetais (Riantec), RJ.
collecté par B. Allaire, dico parlants 2018


(3) [ jãn zo ' bygœl a labuʁa 'mat baʁ skol ]
Yann ' zo bugel a laboura mat e-barzh ar skol.
Yann R1 est un enfant R1 travaille bien dans.le école
'Yann est un enfant qui travaille bien à l'école.'
Breton central (Duault), Avezard-Roger (2004a:248)


Notons en contraste le -a de l'impératif 2SG.


(4) Laka ar gwer war an daol.
mets le verres sur le table
'Mets les verres sur la table.'
Trégorrois, Stephens (1982:164)


En breton central, les bases verbales finissant par une voyelle sont réalisées en -ef. On retrouve la même finale, mais voisée, à Plozevet.


(5) ' Bassef ket kalz a dud.
ne1 passe pas beaucoup de1 gens
'Il ne passe pas beaucoup de gens.'
Breton central (Poullaouen), locuteur né vers 1910, Favereau (1984:439)


(6) / me go·zef / / ẉi valef / / h~̝ɛz ãnef / / pe dɔstef /
moi R1 vieillit vous R1 marche lui R1 sait quand1 approche
'Je vieillis', 'Vous marchez', 'Il sait', 'quand il/elle approche'
Breton central, Wmffre (1998:38)


 Plozévet, Goyat (2012:277):
 Les verbes à finales conjuguées vocaliques (/e/ est la plus fréquente, mais aussi /ɛ/, /i/ et /y/) voient un /-v/ final épenthétique s'ajouter à la 3e personne du singulier de l'indicatif présent […]. Ce /-v/ final peut bien sûr se dévoiser, conformément aux règles habituelles.
 Exemples :
 /ma va'le:v/, ma valev, /'ba:le/, bale, 's'il/elle marche'
 /pa ba'se:v/, pa basev, /pa'sea/, pasea, 'quand il/elle passe'
 /ma ɡõti'nyv/, ma gontinuv, /kõti'nɥi/, koñtinui, 's'il/elle continue'


 Cornouaille (Briec), Noyer (2019:239):
 Quelques verbes dont la base finit par une consonne phonétique peuvent aussi être suffixées en -s. Dans ce cas, une voyelle phonétique est ajoutée à la base. 
 [koˈsɐːt] (koshaat), base: [kos]
 [nim goˈzeis ˈato]
  Ni a goshes atao
 'Nous vieillissons toujours.'
 Les verbes dont la base finit par un r orthographique finissent en fait par une voyelle car le -r final est généralement réalisé comme une voyelle.
 [ˈseʁɪ] (serriñ), base: [seʁ/sæa]
 [eɔ᷉ zæʁsn nɔʁ hæːʁ]
  Eñ a serres an nor herr
 'Il claque les portes.'


(7) Met plec'h emout ? An dud hag a velon a valez abaoe.
mais es le 1 gens que R1 vois R1 marche.3SG déja
'Où es-tu ? Les personnes que je vois marchent déjà.'
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (10/2021)

Syntaxe

l'effet de complémentarité, première approche

L'effet de complémentarité, appelé aussi principe de complémentarité est décrit par de nombreux auteurs (entre de multiples autres, Le Clerc 1986:62, Fave 1998:83-86, Stump 1984:292...), et rapporté dans tous les dialectes.

Son signe prototypique est l' accord pauvre, aussi dit accord gelé qui montre la marque 3SG quels que soient les traits d'un sujet réalisé. Cela est vrai que ce sujet soit lexical ou pronominal. En (1), les traits de seconde personne et du pluriel sont portés uniquement par le pronom sujet indépendant c'hwi 'vous'. La morphologie d'accord verbal, elle, est à la troisième personne singulier.


(1) pan eo c'hwi a deu
quand1 est vous R1 vient.3SG
'puisque c'est vous qui venez.' (litt. 'qui vient')
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:137)


En (2), l'accord 3PL sur le verbe nous montre que le groupe nominal 3PL qui le suit, an daou vezvierien, ne peut pas être le sujet.


(2) Kerkent ha m'eo echu o c'han, e tihunont an daou vezvierien en eur rei d'ezo taoliou-dorn.
aussitôt que que4 est fini leur2 chant R4 réveillent le deux 1saoul.ards en donner à.eux coup.s-main
'Sitôt fini de chanter, ils réveillent les deux ivrognes à coups de claques.'
Léonard, Perrot (1907:33)


Pour une première approximation, il semble donc que la généralisation soit que les traits du sujet n'apparaissent qu'une seule fois dans la proposition (Stump 1984:292). En effet, la double occurrence d'un sujet réalisé et d'un verbe aux traits correspondants mène vite à l'agrammaticalité.


(3) * Me e ran * Me, mont a ran * Te e c'hallez
moi R fais.1SG moi aller R fais.1SG toi R peux.1SG
Manuel pédagogique, Kerrain (2001)


règle naïve de non-redondance

Une règle pédagogique répandue pose que le breton, de manière générale, refuse la redondance des marques. Cette règle "naïve" est souvent assortie de l'idée que le breton serait une langue plus économique que les autres, puisqu'elle éviterait de "redire" les traits du sujet dans la mesure ou ceux-ci seraient déjà énoncés. Cette idée s'appuie sur une analogie avec le groupe nominal: le verbe ne s'accorderait pas avec son sujet de la même manière que le nom ne prend pas de marque du pluriel lorsqu'il est précédé d'un cardinal (dek vloaz mais *dek bloazhioù, c.a.d. /dix an(*s)/).

Une telle règle n'est cependant pas satisfaisante, car elle ne pourrait pas expliquer pourquoi la complémentarité est restreinte au domaine de la proposition. En (4), ci-dessous, elle prédirait par exemple faussement que le verbe 'être' enchâssé pourrait apparaître sans les traits du sujet. Au contraire, il apparaît toujours une marque du sujet (pronominale ou d'accord) dans chaque proposition, indépendamment des besoins de l'interprétation.


(4) ... ne oa ket an doareoù, war-lerc'h ar brezel, ar pezh e oant dek vloaz a-raok ...
ne1 était pas le manière.s après le guerre ce que [ R4 étaient dix1 an avant ]
'Les choses n'étaient pas, après la guerre, ce qu'elles étaient dix ans auparavant.'
Denez (1993:32)


De la même façon, un sujet disloqué en périphérie droite devrait selon cette règle naïve déclencher l'accord pauvre, contrairement aux faits.


(5) N'ouzout ket digant piou e teuent, al lizhiri ?
ne1 sais pas de qui R4 viennent le lettre.s
'Tu ne sais de qui elles viennent, les lettres ?'
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:21)


La règle de non-redondance prédit aussi incorrectement qu'un prédicat pluriel devrait déclencher l'accord pauvre, contrairement aux faits.


(6) Met bugale e oant ...
mais enfant.s R étaient
'Mais c'était des enfants...'
Cornouaillais (Ploéven), Gouérec (2018:4)


Les redondances peuvent donc être multiples, comme les marques du pluriel en (7).


(7) Edont aze tregont bennak, gwazed ha merc'hed o labourat.
étaient trente quelque hommes et femme.s à4 travailler
'Ils étaient là une trentaine, hommes et femmes, à travailler.'
Standard, Herri (1982:19)


La règle d'évitement de la redondance sémantique est trop puissante, et ne rend pas compte des faits. On va voir maintenant qu'il est possible et même obligatoire dans des cas bien définis d'avoir deux marqueurs du sujet dans une même proposition.

inventaire des cas avec un sujet et son accord dans la même proposition

Les exceptions à la complémentarité entre les traits d'un sujet réalisé et un accord verbal dans la même proposition sont, en standard et dans la plupart des dialectes:


  • le verbe kaout/endevout 'avoir' (avec une tendance dans certains dialectes à la régularisation)
  • modification plurielle d'un sujet incorporé (quantifieur flottant, modification de type o daou 'eux deux')


le verbe 'avoir'

Le verbe kaout, ou endevout 'avoir' est exceptionnel dans la grammaire du breton, car ce verbe ne montre pas l'effet de complémentarité : il s'accorde avec un sujet lexical (4) ou un pronom non-incorporé (5). Il s'accorde de plus sur sa gauche alors que les autres verbes s'accordent tous sur leur droite. Finalement, il peut aussi marquer deux fois l'accord en personne comme en (4) et (5).


(4) An dud o doa ur sell stard, du.
le 1gens 3PL 3.avait un regard dur noir
'Les gens avaient un regard dur, noir.'
Breton central (Plouyé), Spered Ar Yezh (2002)


(5) C'hwi ho-peus laret din !
vous 2PL 2.a d.it à.moi
'C'est vous qui me l'avez dit !'
Standard


C'est très important pour la compréhension du système d'accord, car cela montre que ce n'est pas la nature du groupe nominal sujet en breton qui est la source de l'effet de complémentarité. Les pronoms comme les groupes nominaux en breton sont constitués de façon à pouvoir déclencher un accord verbal.

Dans quelques dialectes, ce verbe a tendance à régulariser son système d'accord sur celui des autres verbes. Pour plus de détails, voir Jouitteau & Rezac (2009) et, sur ce site, la page sur kaout.


modification plurielle d'un sujet incorporé

En (6), le sujet est composé de l'adverbe tout qui est un quantifieur flottant, et de son objet 3PL qui a été incorporé. Suite à l'incorporation, tout a été antéposé en zone préverbale, où la mutation consonantique mixte D>T sur le verbe le signale comme adverbial.


(6) Ur bern tud ' vo 'ba 'n eured, […] ha tout ' teuint da heul.
un tas gens R sera dans le noces et tout R4 viendront à1 suivre
'Un tas de gens viendront au mariage […], et tous viendront à la suite.'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:II)


En (7), le sujet interprété est int o daou, littéralement /eux leur deux/ 'eux deux'. La tête pronominale du groupe sujet a été incorporée dans le complexe verbal, puis le complément du nom a été antéposé. L'initiale du verbe montre que ce qui le précède n'est pas le sujet (c'est un sous ensemble du sujet).


(7) O daou emaont memes oad.
leur2 deux sont même âge
'Les deux ont le même âge.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:15)


  • o daou e chomont dilavar eur pennad.
'Les deux se turent un moment.'
Filomena Kadored, 'An daou gristen', Kroaz ar Vretoned, [10/09/1916]

En trégorrois, les mêmes faits sont répliqués en (8), mais la distribution des rannigs est erratique.


(8) Ma zud na c'houlent ket miret ahanon. O daou a labourent er-maes.
mon2 gens ne.R1 demandaient pas garder P.moi leur2 deux R1 travaillaient dehors
'Mes parents ne voulaient pas me garder. Ils travaillaient dehors tous les deux.'
Trégorrois, Gros (1966:11)


  • o-daou e oant everien fall a zour
'Les deux étaient de piètres buveurs d'eau.'
Angela Duval, 'Un azen etre daou', mars 1966.

C'est important pour comprendre le système d'accord, car cela montre bien que ce n'est pas le fait que le sujet soit réalisé qui empêche l'accord riche. L'accord avec le sujet est lié à son incorporation: si un sujet est incorporé, alors on obtient un accord riche.

sujet prénégation

En standard et dans la plupart des dialectes, un sujet devant la négation entraine obligatoirement un accord riche sur le verbe, comme décrit dans De Rostrenen (1738:178), Vallée (1926:39ff), Hardie (1948:162f), Kervella (1947:168), Le Roux (1957:Ch.II), Denez (1972:112), Hemon (1975a:273f, 1975b:63), Urien & Denez (1979/1980), Stephens (1982:218), Stump (1984, 1989), Schafer (1995), Schapansky (1996), Jouitteau (2005/2010), Jouitteau et Rezac (2006), Hewitt (2010b)...


(8) An dud ne oant ket ker sot an eil gant egile.
le 1gens ne1 étaient pas tant sot le second avec autre
'Les gens n'étaient pas aussi sots les uns avec les autres.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:11)


Stump (1984:292), remarquant ces faits, propose que le sujet prénégation, à l'emphase obligatoire, était en fait en dehors de la proposition, dans une zone de topicalisation haute. Cependant, l'emphase n'est pas obligatoire sur le sujet prénégation.

Schafer (1995) propose qu'il s'agit d'un fait de résomptivité, dû au croisement de deux éléments A-barre: le sujet focalisé et la tête ne de la négation. Jouitteau (2005/2010:411) pointe cependant que les objets ne déclenchent pas la même résomptivité, et propose que la négation ne est un complémenteur déclenchant un that-trace effect.

Pour l'analyse de l'accord, ces hypothèses reviennent à considérer que l'accord riche est dans ces structures le résultat d'une incorporation du sujet.


exceptions dialectales de régularisation

Il existe quelques variétés de breton dans l'aire Sud dans lesquelles un sujet prénégation ne force pas l'accord. Pour le cornouaillais, Stump (1984:293, n.2) en note des traces dans la grammaire de Trépos et on en trouve des exemples dans un entretien de Mona Bouzeg. Cheveau (2007:214) en relève en vannetais, on en trouve aussi des traces à Guérande selon l'ALBB. Selon Ternes (1970:284), la négation a un impact sur l'accord à Groix uniquement avec les sujets pronominaux.


Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur le sujet prénégation


Une variété néo-cornouaillaise pourrait aussi être en train d'émerger. Kennard (2013:91, 105) note que pour des jeunes adultes et des jeunes scolarisés dans un système immersif autour de Quimper, dans la moitié des phrases négatives avec le verbe bezañ et un sujet postverbal pluriel, le verbe montre un accord riche. Elle suggère qu'il s'agirait d'une régularisation sur le modèle de kaout 'avoir'.


(1) N'emaint ket an daou gi oc'h ober ar memes tra.
ne1 sont pas le deux1 chien à+C,4 faire le même chose
'Les deux chiens ne sont pas en train de faire la même chose.'
Cornouaillais, Kennard (2013:91)


résomptivité du sujet

Borsley & Stephens (1989) ont pointé que des exemples comme en (1) semblent des contre-exemples à un principe de complémentarité dans l'accord.


(1)a. N'int ket deut anezho c'hoazh.
ne1 sont pas ven.u P.eux encore
'Ils ne sont pas encore venus.'
Trégorrois, Borsley & Stephens (1989)


(1)b. N'int ket bras anezho.
ne1 sont pas grand P.eux
'Ils ne sont pas grands.'
Trégorrois, Borsley & Stephens (1989)


Ces pronoms qui doublent le sujet ne sont jamais incorporables sur le verbe, mais dans une préposition support, sémantiquement vide. Ce sont des structures à résomption du sujet, où un pronom double le sujet réel de la phrase.


résomptivité prédicative équative

La plus répandue est la résomption prédicative équative, présente dans tous les dialectes, sans restriction en personne, en phrases positives comme négatives. Elle est restreinte aux verbes équatifs.


(2) Ni, Breur Arzhur, a zo da vezañ menec'h ac'hanomp
nous Frère Arthur R1 est pour1 être [SC moine.s P.nous ]
'Nous, frère Arthur, sommes destinés à être moines…'
Standard, Drezen (1990:53)
résomptivité 'à la cornouaillaise'

La résomption du sujet 'à la Cornouaillaise' est une construction restreinte à la personne 3, et aux contextes monotones décroissants ou strictement aux contextes négatifs. On peut voir que le pronom résomptif n'influence pas l'accord, qui peut être riche (3) ou pauvre (4).


(3) Ne rafent ket an dra-se anezo, koulskoude !
ne1 feraient pas le chose. P.eux cependant!
'Ils ne feraient tout de même pas cela !'
Cornouaillais, Trépos (2001:444)


(4) /in 'ɥɛl -ən cə 'mi nin'tʁa: /
Int 'wel -int ket mui netra anezhe.
eux 1voit.3SG -eux pas plus rien P.eux
'Ils ne voient plus rien.'
Cornouaillais (Névez), Desseigne (2015:40)
mouvement A-barre du sujet

Lorsqu'un sujet est focalisé par mouvement A-barre à longue distance, à travers des domaines propositionnels différents, l'accord montre un doublage pronominal de ce sujet. En (5), c'est par exemple le sujet d'un passif.


(5) Toud ar rehier … a lavarfed ez int bet savet gwechall.
tout le pierre.s R1 dirait.on R+C,4 sont été dress.é autrefois
'Il a été dit que les pierres ont été dressées il y a longtemps.'
Urien (1989:211)

les pronoms écho

Les pronoms écho peuvent doubler n'importe quel pronom, indépendant ou incorporé. Ils sont distribués indépendamment de l'accord: en (6), ils doublent un accord riche, en (7), ils doublent un sujet précédant un accord pauvre.


(6) M'eus ket soñj pegement a dud oant ind.
R.1SG a pas souvenir combien de1 gens étaient eux
'Je ne me rappelle pas combien ils étaient.'
Vannetais (Arradon), Audic (2011:17)


(7) C'hwi ' zo c'hwi un c'hwil.
vous R1 est vous un loustic
'Toi, tu es un loustic.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:76)


Dans la phrase, ils peuvent apparaître uniquement après le verbe conjugué dans le champ du milieu, et leur distribution flottante semble y être celle des traces de remontée d'un sujet, préverbal ou incorporé. Les pronoms écho apparaissent aussi dans les groupes nominaux.

Dans leur invisibilité pour l'accord, et aussi car ils peuvent doubler les résomptifs aux personnes 1 et 2 (Stephens 1982:254-5, Hendrick 1988:44), les pronoms écho du breton sont très différents des pronoms écho du gallois.

Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur les pronoms écho.

incises postverbales

Un sujet en incise dans l'espace postverbal n'est pas visible pour l'accord (cf. ... hag e verz an div vaouez...).


(1) ... hag e verzont, an div vaouez, int bet er memes klas ar memes bloavezh.
et R4 remarquent le deux1 femme sont été dans.le même classe le même ann.ée
'... et les deux femmes réalisent qu'elles ont été dans la même classe la même année.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), Gaudart (2022:15)

Analyse

l'accord gelé comme résultat d'un intervenant 3SG pour l'accord

Jouitteau (2005/2010:chap 4), Jouitteau & Rezac (2006, 2008, 2009) proposent que lorsque le verbe apparaît avec une morphologie qui coïncide avec celle des traits 3SG, il s'accorde vraiment avec une entité 3SG. Cette entité 3SG est la projection verbale elle-même (FP, la projection du VP étendu, qui contient le sujet).

La localité impose, en breton comme dans tous les systèmes d'accord, que le verbe s'accorde avec l'élément le plus proche de lui, quel que soit cet élément. Lorsque le sujet est un pronom incorporé, le verbe breton le "voit en premier" et s'accorde avec lui. Lorsque le sujet, bas dans la structure, n'est pas incorporé, il contenu dans la structure verbale, et l'élément le plus proche du verbe fléchi est la projection verbale marquée pour les traits 3SG. Le verbe s'accorde alors avec ces traits 3SG, qui n'ont pas de contenu sémantique. Quels que soient les traits du sujet, si FP est le plus proche du verbe, alors l'accord semble gelé.


(1) ... verbe.sujet 3SG[FP [VP <trace du sujet> <trace du verbe> objet ]] >> accord riche
... verbe 3SG[FP sujet [VP <trace du sujet> <trace du verbe> objet ]] >> accord gelé
sujet verbe 3SG[FP [VP <trace du sujet> <trace du verbe> objet ]] >> accord gelé


L'exemple en (2), est la structure pour la phrase Ar varikenn-mañ, a zalc'ha daou gant litrad. Dans ce dialecte où la morphologie 3SG est claire puisque réalisée en -a, le verbe s'est accordé avec la structure verbale étendue FP, qui porte les traits interprétables pour l'accord de 3SG. Les traits du sujet, que celui-ci soit préverbal ou post-verbal, ne sont jamais lors de la dérivation l'élément le plus proche pour l'accord, car le sujet est directement remonté de la position interne à FP à la position initiale de focus.


(2) Ar varikenn-mañ, a zalc'ha daou gant litrad.
le 1barrique.ci R1 contient.3SG [FP [VP <le 1barrique.ci> <contenir> deux cent litr.ée ]]
'Cette barrique-ci contient deux cents litres.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:27)


En substance donc, la présence de cet intervenant structural dans la structure de la phrase bretonne est la cause de l'effet de complémentarité car c'est lui qui, lorsque le sujet est plus bas que lui, déclenche une morphologie d'accord aux traits 3SG.

prédictions sur les pronoms sujets non-incorporés

Les sujets lexicaux, les pronoms forts indépendants et les pronoms démonstratifs ne s'incorporent pas, et sont associés à l'accord pauvre.

Lorsque, tout à fait exceptionnellement à travers les dialectes, on trouve des sujets pronominaux postverbaux non-incorporés, ceux-ci sont associés à l'accord pauvre comme un sujet lexical normal, car comme lui ils ne s'incorporent pas.


pronoms de focus identificationnel

En Léon, Trégor ou en vannetais, un pronom postverbal qui marque un focus identificationnel peut ne pas s'incorporer et rester sans déclencher l'accord riche sur le verbe.


(3) Ar penneka dén eo c'hwi.
le têt.u.le.plus personne est vous
'Le plus têtu c'est vous.'
Léonard, Seite (1975:90)


(4) Penoz vez te ar mab am boa ganet ?
comment R est toi le fils R.1SG 1.avait n.é
'Comment es-tu le fils dont j'ai accouché ?'
Trégorrois (Plouguiel), Laurent (1971:48)


C'est manifestement plutôt un trait archaïsant qui se retrouve aussi dans les chansons.


(5) ... ar plac'h eo c'hwi, an naer eo me...

'Vous êtes la fille, je suis le serpent.'
Breton pré-moderne (fin XIXe), An Uhel (1984:276)


(6) Hag a lavar, Silvestrig, ez eo c'hwi zo kiriek.
et R dit Silvestrig R+C est vous R1 est coupable
'Et qui dit, Silvestrig, que vous êtes le coupable.'
Silvestrig, chanson traditionnelle


Ces pronoms peuvent être modifiés par une relative.


(7) Avañset-kaer Margaritig, pend eo c'hwi zo ma c'hoant.
avancé-bien Margaritig quand+C,1 est vous R1 est mon2 envie
'Vous êtes bien avancée Margaritig, puisque c'est vous que je veux'
Vannetais (Languidic), Crahe (2013:335)


Dans l'hypothèse de Jouitteau & Rezac, ces sujets pronominaux ont les mêmes propriétés qu'un sujet lexical, situé assez bas, à l'intérieur de la structure verbale étendue qui est l'intervenant pour l'accord.

pronoms postverbaux en cornouaillais de l'Est maritime et vannetais

On trouve aussi un sujet pronominal 3PL postverbal en cornouaillais de l'Est. L'accord verbal est alors gelé aux traits 3SG, comme s'il s'agissait d'un sujet lexical.


(1) Hegarat tre eo-int !
aimable tout-à-fait est-eux
'Ils sont très aimables !'
Haut-cornouaillais du Nord, Keit Vimp Bev (1984:22)


Saint-Yvi

Dans le breton de Saint Yvi (German 2007:174), ces pronoms semblent emprunter leur morphologie aux démonstratifs, qui par ailleurs n'ont pas à subir l'incorporation.


(2) Benn eo kouet barz.
quand est tomb.é 3PL dedans
'Quand ils sont tombés dedans.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174)


(3) Benn eo maro .
quand est mort 3PL
'Quand ils sont morts.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174)


En (4), tournure innovative restreinte à certaines expressions et à certains locuteurs en breton de Saint-Yvi, le sujet est un pronom incorporé dans la préposition support a et gagne tout le paradigme.


(4) oar ket 'hanon. oar ket 'hanout. oar ket naoñ. oar ket nei. oar ket 'hanom.
sait pas P.moi sait pas P.toi sait pas P.lui sait pas P.elle sait pas P.nous
'Je /tu / il / elle / on ne sait pas.'
Saint-Yvi, German (2007:175)


(5) vi ahanom ' hond da Sant Ivi.
quand était P.nous à4 aller à Saint-Yvi
'Quand nous avions l'habitude d'aller à Saint-Yvi.'
Saint-Yvi, German (2007:177)


Briec
(6) [ bez e bed o mæa la va he᷉ ŋ pinˈviˑdik]
Bez eo bet ur mare, lâr (a) oa int pinvidik.
être est été un moment que était eux riche
'Il fut un temps où ils étaient riches.'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:245)


Riec, Bannalec

On trouve aussi des pronoms sujet pronominaux postverbaux 3PL ('eux') dans le breton de Mona Bouzeg en cornouaillais de l'Est maritime, et dans Bouzec & al. (2017) pour Riec et Bannalec (mais pas jusqu'à Moëlan). Il est reporté orthographié ou , apparemment indistinctement. Le pronom, non-incorporé, déclenche l'accord pauvre 3SG comme un groupe nominal le ferait. Cet effet est uniforme sur tous les types de verbes, auxiliaire ou verbe lexical, transitif ou intransitif, à l'actif comme au passif.


(1) ... lerc'h vêè berni't da r'hotoz beut gwenntaed.
e-lec'h ma vezent berniet da c'hortoz bout gwentet. Équivalent standardisé
que4 était eux tass.é pour1 attendre être vanné
'... où ils étaient entassés en attendant d'être vannés.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:264)


(2) ... mag't vê mat ganom.
maget e vezont mat ganeomp. Équivalent standardisé
nourr.i R4 est eux bien avec.nous
'... nous les nourrissons abondamment.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:301)


(3) Tout na- zaet o fenn sar lak' o dorn huch o daoulagad...
Tout o doa savet o fenn e-ser lakaat o dorn a-us o daoulagad... Équivalent standardisé
tout 3.avait-eux lev.é leur2 tête en mettre leur2 main en-haut leur2 deux.œil
'Tous ont levé la tête en se protégeant les yeux de la main...'
Cornouaillais de l'Est Bouzec & al. (2017:416)


(4) Don' ra ' waz'd téo benn gouséf .
Dont a ra ar wazed tev pa goshaont. Équivalent standardisé
venir R fait le 1hommes gros quand1 vieil.it eux
'En vieillissant les hommes grossissent.'
Cornouaillais de l'Est maritime, Bouzec & al. (2017:89)


(5) Anou'd meus da ma sreid, yeign-sklass 'ma-.
Anoued em eus da ma zreid yen-sklas emaint. Équivalent standardisé
froid R.1SG a à1 mon2 pied.s froid-INT est eux
'J'ai froid aux pieds. J'ai les pieds gelés.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:381)


(6) Digoéo raêè- deus parézioù tal-kichen.
Degouezhout a raent eus parrezioù tal kichen. Équivalent standardisé
arriver R faisait eux de parroisse.s front-à-côté
'Les gens venaient aussi des communes voisines.'
Cornouaillais de l'Est Bouzec & al. (2017:236)


(7) dre'n ab' ouiè- taeè brawac'h cherc'h vêè had't melch'nn ba e dous.
dre an anbeg ma ouient e teue bravoc'h ar c'herc'h veze hadet melchon en e douesk. Équivalent standardisé
dre le raison (que4) savait eux R venait beau.plus le 5avoine était plant.é trèfle dans son1 dedans
'parce qu'ils savaient que l'avoine donnait mieux lorsque planté avec du trèfle.'
Cornouaillais de l'Est Bouzec & al. (2017:262)

Riantec

A Riantec près de Lorient, Benoît Allaire (2018) collecte une phrase qu'il glose en standard par un sujet incorporé dans une préposition a.


(8) 'Gell ķed 'nint hadein.
Ne c'hell ket anezho hadañ. Glose en standardisé
ne1 peut pas P.eux semer
'Ils ne peuvent pas semer.'
Vannetais (Riantec), RJ., collecté par B. Allaire, dico parlants 2018


prédiction sur les sujets hauts

L'analyse de Jouitteau (2005/2010:chap 4), Jouitteau & Rezac (2006, 2008, 2009) prédit que la seule et unique façon d'obtenir l'accord riche est d'avoir des conditions de localité plus proche du verbe tensé que la projection FP.


(1) ... verbe ... sujet 3SG[FP [VP <trace du sujet> <trace du verbe> objet ]] >> accord riche


C'est évidemment le cas lorsqu'un sujet pronominal est incorporé. Les pronoms résomptifs, comme les autres pronoms faibles, doivent s'incorporer, ce qui explique que les paradigme de résomption soient associés à l'accord riche (comme dans le cas du sujet prénégation, dont la tête C déclenche des "that-trace effect", ou dans le cas de la résomption du sujet 'à la Cornouaillaise').


l'applicative du verbe 'avoir'

L'accord riche est aussi prédit lorsqu'une construction particulière promeut le sujet au-dessus de FP. Jouitteau & Rezac (2006, 2009) proposent que le verbe kaout 'avoir' en breton est analytique, de type mihi est, et qu'une structure applicative amène un sujet nominal au-dessus de la projection FP.

Jouitteau & Rezac (2008) explorent la viabilité de leur hypothèse au regard de la variation des paradigmes d'accord dans les variations dialectales du verbe kaout, 'avoir' à travers les dialectes du breton, enquête complétée depuis sur la page sur kaout de ce site.


les sujets postverbaux comme à Plougerneau

Des dialectes en Léon montrent aussi une remontée haute du sujet (1). En Léon et de façon très persistante à Plougerneau, on trouve un accord riche avec un sujet lexical postverbal.

À Plougerneau, le phénomène d'accord avec un sujet postverbal est productif et établi, en corpus comme en élicitations où il n'y a pas de pause prosodique avant le sujet et où le sujet peut porter l'information nouvelle.


(2) O ! Hir a-walc'h oant ar fournioù PL.
Oh long assez étaient le four.s
'Oh ! Les fours étaient assez longs.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:42)


(3) Anvet oant tout ar gouverioùPL ganeomp.
nomm.é étaient tout le passes avec.nous
'Nous avions donné un nom à toutes les passes.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:39)


(4) Breinañ a reont ar patatezPL e-barzh ar boutot.
pourr.ir R1 font le patates dans le panier
'Dans le panier, les patates pourrissent.'
Plougerne, Yvonne P., kontañ kaoz (12/2017)


(5) Niverus { eo / int } { an dud / ar razhed / ar per }PL.
nombr.eux est / sont le 1gens le rats le poires
'{ Les gens/ les rats/ les poires } sont nombreux.'
Léonard (Plougerneau/Diwan), M. Lincoln (05/2014)


(6) Louedañ a { ra / reont } buan ar c'hraonvPL.
moisir R fait / font vite le 5noix
'Les noix moisissent vite.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)


Le verbe chez ces locuteurs ne s'accorde jamais avec un sujet préverbal.


(7) Ar c'hraonv a { goustoum / * goustoumont } louedañ buan.
le 5noix R1 coutume / * coutument moisir vite
'Les noix moisissent vite.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)


(8) An amezeien ' { labour / * labourant } maread.
le voisin.s R travaille / travaillent beaucoup
'Les voisins travaillent beaucoup.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)


Lors de futures recherches, il serait souhaitable de vérifier que des sujets indéfinis et des noms nus, qui ne sont pas dislocables à droite, provoquent bien les mêmes faits d'accord.

En (1), l'accord n'est pas optionnel, et le locuteur ne produit aucune pause prosodique en élicitation.


(1) Gwelet a reoc'h ec'h en em gav*(ont) an dudPL.
voir R1 faites R+C,4 se1 trouve le 1gens
'Vous voyez que les gens arrivent.'
Léonard, (Lesneven), A.M. (02/2016)


Timm (1995:fn18), avait signalé en note, sans précision de sa source, que "pour ceux des dialectes qui permettent l'accord du verbe avec un sujet postverbal, il semble hautement probable que (iii) soit acceptable et (iv) ne le soit pas".


(iii) Ne oant ket deut ar merc'hed
(iv) Ne oant ket ar merc'hed deut
ne1 étaient pas le fille.s ven.u le filles
'Les filles n'étaient pas venues.'
Dialecte ?, Timm (1995:fn18)


à ne pas confondre

Parfois, en corpus écrit comme en (3) en vannetais, il pourrait s'agir uniquement d'une faute de ponctuation (une virgule indiquerait une dislocation à droite prédisant un tel accord, de type 'Ils sont nombreux, ceux qui en faisaient autant).


(3) Stank int ar re a rae kement 'rall.
nombreux sont [ le ceux R faisait autant autre ]
'Nombreux sont ceux qui en faisaient autant.'
Vannetais, Herrieu (1994:233)

Autres phénomènes d'accord

accord riche et sujet préverbal

En (1), le verbe porte les traits d'accord du sujet alors qu'il est très distant. La forme a du rannig montre que la particule verbale a réagi au sujet préverbal, signe qu'il est présent au niveau syntaxique.


(1) Nann, ar re-se pa nie diskarget o sardin en hañv a yeent gant o bag da vouilhiñ (...)
non le ceux.ci quand1 3.avait .charg.é leur2 sardines en.le été R allaient avec leur2 bateau pour1 mouiller
'Non ceux-là, quand ils avaient déchargé leurs sardines, en été, allaient au mouillage (...)'
Cornouaillais (Douarnenez), G. Nouy
cité par Gwendal Denez dans Pêcheurs de Douarnenez Mémoire de la ville 3 p.23.


Blanchard (2016) transcrit un corpus oral où elle mentionne que le locuteur effectue "souvent" un accord riche avec un sujet préverbal. Un seul exemple est cependant transcrit. Dans cet exemple rescapé (2), la graphie avec la virgule et la traduction évitant un effet de focus sont consistants avec l'hypothèse que le sujet est un topique suspendu (standard Evidon-me, e skoan bremañ... ). Comme dans l'exemple de Douarnenez, le rannig a signale, cependant, que le sujet est visible syntaxiquement dans ce domaine mais la transcription peut avoir été "corrigée" pour rétablir un rannig a car le trégorrois n'a pas toujours des rannigs distincts.


(2) Me, a skoan bremañ gant ar penn-mañ, gant an horzh.
moi R frappe.1SG maintenant avec le bout.ci avec le masse
'Maintenant, je frappe avec ce bout-là de la masse.'
Trégorrois, Blanchard (2016)

sujet coordonné et accord partiel

La coordination de deux groupes nominaux singuliers en position sujet obtient, comme en français, un groupe nominal pluriel. Le verbe d'un sujet pluriel réalisé par une coordination, est associé à un verbe à l'accord pauvre 3SG.


(3) Tapet om ! a zoñjas Aogust ha me...
pr.is sommes R1 pensa Auguste et moi
'Auguste et moi pensâmes: on est faits !'
Taldir
cité dans Seite & Stéphan (1957:142)


On trouve de très rares occurrences en corpus où le second membre d'une coordination n'est pas calculé par l'accord. En (4), le sujet coordonné est devant la négation. L'accord est à la personne 3 et non à la personne 2PL malgré le pronom à la première personne.


(4) Ar pesked ha me n'o deus ket bet en em aranjet jamez !
le poisson.s et moi ne 3PL 3.a pas été se arrang.é jamais
'Les poissons ne me plaisaient pas.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:13)

les invisibilités de l'accord comme en français

Les phénomènes d'accord sémantique permettent aussi en breton l'accord à l'intérieur d'un groupe nominal complexe (La plupart des gens sont... ).

Les groupes au vocatif, ou les dislocations à droite, comme en français, semblent invisibles pour l'accord.


(5) Tapet oc'h ma lapous !
attrap.é êtes [ mon2 oiseau ]3SG
'T'es bien attrapé, mon coquin !'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:13)


Diachronie

Pour un aperçu du système d'accord en vieux brittonique commun, se reporter à Le Roux (1957:57-59).

En moyen breton, le réfléchi em n'était pas invariable comme en breton moderne et pouvait redoubler les marques du sujet (Hemon 1975:272, Widmer 2017:234). Widmer (2017:237) considère que l'accord en moyen breton dépend de la polarité de la phrase (positive vs. négative). Il ne montre qu'un exemple d'accord avec un sujet devant la négation, et pas d'exemple avec un sujet postverbal. On trouve en moyen breton des exemples isolés où un sujet lexical déclenche l'accord riche du verbe. Dans les deux exemples ci-dessous, ces sujets sont préverbaux.


(1) Nobl ha partabl en vn bezret ez ynt vn heuel da guelet.
nobles et roturiers en un charnier R sont un même à1 voir
'Nobles et roturiers dans un charnier ont semblable apparence.'
Moyen breton, BM.:233, traduction Le Berre (2001:31)


(2) hac ez lauar penaux hon doueou ez ynt diaoulou.

'Et il dit que nos Dieux sont des diables.'
Breton 1576, Ca.:n 12


L'effet de complémentarité est documenté en breton pré-moderne comme conforme au système actuel.


(3) N'eo ket pluet a-walc'h da laboused...
ne1 est pas plumm assez ton1 oiseau.x
'Tes oiseaux n'ont pas assez le plumage...'
Léonard 1878, Inisan (1930:11)


Ernault (1888b:256) relève cependant en breton pré-moderne chez Sauvé (fin XIXe) plusieurs exemples de type hor tiéien a réont... 'nos cultivateurs font... '.


horizons comparatifs

Meelen (2016) relève en moyen gallois des exceptions au système d'accord, où un sujet post-verbal déclenche l'accord du verbe.


(61) e uelly e dianghassant e gelynyon wedy caffael eu golwc
ainsi PRT échapper.PAST.3P les ennemis après acquérir.INF 3P vue
'Ainsi, les ennemis se sont échappés après avoir retrouvé la vue.'
Moyen gallois, Meelen (2016:227)


L'effet de complémentarité (1) est instable dans les textes de vieux gallois en prose, que le sujet soit préverbal (2) ou postverbal (3) (voir Koch 1991, Schumacher 2011).

(1) imaliti duch cimarguithejt

lead.3S you story-tellers
'as the story-tellers would lead you' (Chad 3), cité par Koch (1991)

(2) enuein di sibellae int hinn

names of Sibyllae be.PRES.3P these
'These are the names of the Sibylls' (MC)

(3) imguodant ir degion

beseech.PAST.3P the nobles
'the nobles besought one another' (Chad LL xliii), cité dans Meelen (2016:)


Le système d'accord brittonique a influencé des variétés non-standard de l'anglais, qui produisent un accord pauvre 3SG réalisé par le morphème anglais -s sur les verbes dont le sujet est lexical (Benskin 2008, Bismark 2011).


Terminologie

Ménard (2012) donne le terme breton kenglotadur pour accord (grammatical).

En anglais, les analyses qui postulent que le système d'accord breton est un Principe fondamental de la grammaire utilisent le terme de Complementarity Principle. Les analyses qui le font découler d'autres propriétés présentes dans la grammaire de la langue parlent de Complementarity effect.


accord pauvre vs. formes impersonnelles

Il y a un débat terminologique mouvementé quant à la forme 3SG de l'accord pauvre, celle qui ne varie pas avec les traits du sujet (Me a skriv, Goulwenna ha Yannig a skriv). Historiquement, elle a été appelée conjugaison personnelle, puis conjugaison impersonnelle. Ce malaise terminologique a induit des confusions avec les littératures à la fois celtiques historiques, anglophones et romanes contemporaines a amené de multiples terminologies échappatoires, ajoutant à la confusion.


 Lambert (1976:266):
 "Le Brigant (1779) est bien le premier à désigner la conjugaison me a gar comme conjugaison impersonnelle: pour ses prédécesseurs, c'était au contraire la conjugaison qui exprimait "la personne" ( = le sujet personnel)."


Le Gonidec (1807:69), Ernault (1888b), Vallée (1902), Le Clerc (1908), Trépos (2001), KAG (2016) entre autres utilisent le terme de conjugaison impersonnelle. Similairement en breton, Kervella (1947) utilise le terme displegadur diberson. La terminologie de conjugaison impersonnelle est source de confusion puisqu'il existe en breton comme dans les autres langues celtiques un accord verbal dédié à la conjugaison avec un pronom impersonnel, la conjugaison -r, -d de la septième personne celtique (Atav e skriver... ). Dans la littérature grammaticale romane comme anglophone, le terme d'impersonnel ou impersonal renvoie aussi aux formes grammaticales référant à un humain ou à des humains non-identifiés, comme le français on. Adopter cet usage contemporain international obtient en breton que le pronom sujet impersonnel qui déclenche l'accord en -r fait partie du paradigme à sept personnes de la conjugaison personnelle, en opposition avec un accord dit impersonnel requis avec un pronom personnel.

Urien (1999:654&fn11) s'oppose à la terminologie des formes de l'impersonnel, mais pour une autre raison: "dans l'expression "conjugaison impersonnelle", l'adjectif désigne le morphème invariant qui permet de rassembler dans le paradigme les autres morphèmes variables, alors que dans l'expression conjugaison personnelle, l'adjectif désigne une des variables de la conjugaison". Pour Urien, le paradigme Me a skriv, Te a skriv... n'est donc pas une "conjugaison verbale", mais la déclinaison en personne, nombre et genre du pronom personnel, observé dans un contexte verbal." Ceci revient à dire que puisque l'accord pauvre 3SG est obligatoirement associé avec un sujet réalisé, cette construction appréhendée en son ensemble varie fondamentalement en personne.

Ternes (1970:238) appelle "les formes dépourvues de caractéristique morphologique indiquant la personne sujet", les formes non-déterminées. Press (1986:233) traduit l'anglais invariable par digemm. Cette terminologie donnerait kenglotadur digemm pour l' accord invariable.

Jouitteau (2005/2010, 2005b), Jouitteau & Rezac (2006, 2008, 2009) utilisent le terme poor agreement et en français accord pauvre, car ils obtiennent les faits en adoptant un mécanisme d'accord qui est bloqué aux traits 3SG quand aucun sujet n'est incorporé.


À ne pas confondre

accord sémantique

On distingue l'accord syntaxique, réalisé dans la syntaxe, de l'accord sémantique, et qui peut donner des résultats divergents, comme dans La moitié des membres du jury est/sont présent(s).


pas d'anti-accord

Il existe des langues comme le berbère ou des langues bantoues qui ont un marquage d'accord particulier lorsque le sujet est extrait par un mouvement A-barre. Ce phénomène lié à l'extraction du sujet est connu dans la littérature sous le nom d'anti-accord.

L'accord pauvre en breton n'est aucunement lié à l'extraction du sujet (contra Borsley & Stephens 1989:408, Ouhalla 1993, Phillips 1996, 1998, Luitwieler 2011, Henderson 2009, 2013, Kunio 2017, et malgré quelques précautions oratoires, Pfau 2009:12, fn11).

Un sujet postverbal déclenche en breton un accord pauvre de la même façon que le ferait un sujet préverbal.


(1) Bemdez e lenn { Yann / ar vugale } ul levr.
chaque.jour R4 lit.3SGM Yann / le 1enfant.s un livre
'{ Yann lit /les enfants lisent } un livre chaque jour.'
Standard, Hendrick (1988:28)


(2) Bemdez e lenn(*ont) ar vugale ul levr.
chaque.jour R4 lit.3SGM le 1enfant.s un livre
'Les enfants lisent un livre chaque jour.'
Standard, Hendrick (1988:28)


Lorsque le terme d'anti-accord est utilisé dans les langues celtiques, il réfère uniquement à l'apparition de l'accord pauvre 3SG dans l'effet de complémentarité (appelé aussi principe de complémentarité, complementarity effect).


Bibliographie

description

  • Fave, V. 1986. 'Ar verb : displegadur gour ha dihour', Brud Nevez 97 : 66-68.
  • Le Clerc, Louis. 1986. [1906, 1911], Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier, 3ième édition, Ar Skol Vrezoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).

étude théorique

  • Hendrick, R. 1988. Anaphora in Celtic and Universal Grammar, Dordrecht: Kluwer. chap. 2.
  • Jouitteau, Mélanie. & Milan Rezac, 2008. 'From mihi est to have across Breton dialects', Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (éds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178., texte en ligne.
  • Jouitteau, Mélanie. 2005b. 'Nominal Properties of vPs in Breton, A hypothesis for the typology of VSO languages', Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages, Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company. Preview, Description and reviews
  • Muradova, Anna. 2006. 'Analytic and synthetic verb conjugation in Modern Breton' (In Russian: 'Аналитическое и синтетическое спряжение глагола в современном бретонском языке'), Analytism in Languages of Different Types (in Russian: Аналитизм в языках различных типов: сорок лет спустя. К 100-летию со дня рождения В. Н. Ярцевой. Материалы чтений памяти В. Н. Ярцевой), 2nd issue, Moscow, 217-224.
  • Stump, Gregory T. 1989.b. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-471.
  • Stump, Gregory T. 1984. 'Agreement vs. incorporation in Breton', Natural Language and Linguistic Theory, 2:289-348.
  • Weisser, Philipp. 2019. 'A Remove-based theory of the Complementarity Effect in Breton', Andrew Murphy (éd.), Structure Removal, Linguistische Arbeits Berichte 94, Universität Leipzig, 1–28.


études de l'anti-accord citant le breton comme l'illustrant

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