Différences entre les versions de « Système d'accord »

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== Description du système d'accord ==
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En breton, seul l'élément tensé, verbe lexical ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en [[genre]] et en [[nombre]] avec le [[DP]] sujet. Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En portugais par exemple, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple [[typologie de l'accord multiple|en Ibibio, en Kilega ou en swahili]], langues nigéro-congolaises).
En breton, seul l'élément tensé, verbe lexical ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en [[genre]] et en [[nombre]] avec le [[DP]] [[sujet]]. Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En portugais par exemple, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple [[typologie de l'accord multiple|en Ibibio, en Kilega ou en swahili]], langues nigéro-congolaises).


"L'effet de complémentarité" dans le système d'accord, dont la caractéristique est que les traits du sujet sont réalisés morphologiquement soit sur le sujet lui-même, soit sur l'accord verbal, mais pas sur les deux dans la même proposition, est décrit par de nombreux auteurs (Leclerc 1986[[Leclerc (1986:62)|:62]], [[Fave (1998)|Fave 1998]]:83-86...).
La caractéristique saillante du système d'accord breton s'appelle l' '''effet de complémentarité'''. Il est décrit par de nombreux auteurs (Leclerc 1986[[Leclerc (1986:62)|:62]], [[Fave (1998)|Fave 1998]]:83-86...).
"L'effet de complémentarité" consiste en ce que les traits du sujet sont réalisés morphologiquement soit sur le sujet lui-même, soit sur l'accord verbal, mais pas sur les deux dans la même proposition. Ainsi en (2), les traits de seconde personne et du pluriel portés par le pronom sujet ''c'hwi'' ne sont pas portés dans la morphologie d'accord verbal, qui lui est égal à l'accord de troisième personne singulier.




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Version du 17 septembre 2012 à 23:24

En règle générale, le système d'accord montre un "effet de complémentarité": les traits du sujet sont réalisés morphologiquement soit sur le sujet lui-même, soit sur l'accord verbal, mais pas sur les deux.

En (1), le sujet ar c'hezeg-ze est 3PL, et son verbe est 3SG. Dans la proposition coordonnée, le sujet est un sujet vide, non réalisé, et le verbe apparaît avec les traits 3PL.


(1) Ar c'hezeg-ze a zo hualet ha, daoust da ze, e c'haloupont.
le chevaux- R est.3SG entravé et malgré de ça R galopent.3PL
'Ces chevaux-là sont entravés et, malgré cela, ils galopent.' Le Bozec (1933:48)


Morphologie

Les verbes bretons se conjuguent aux trois personnes (première, deuxième, troisième), au singulier comme au pluriel. Ils se conjuguent aussi avec une personne supplémentaire: l'impersonnel.

La morphologie verbale inclut aussi le temps, le mode et l'aspect.

Description du système d'accord

En breton, seul l'élément tensé, verbe lexical ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en genre et en nombre avec le DP sujet. Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En portugais par exemple, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple en Ibibio, en Kilega ou en swahili, langues nigéro-congolaises).

La caractéristique saillante du système d'accord breton s'appelle l' effet de complémentarité. Il est décrit par de nombreux auteurs (Leclerc 1986:62, Fave 1998:83-86...). "L'effet de complémentarité" consiste en ce que les traits du sujet sont réalisés morphologiquement soit sur le sujet lui-même, soit sur l'accord verbal, mais pas sur les deux dans la même proposition. Ainsi en (2), les traits de seconde personne et du pluriel portés par le pronom sujet c'hwi ne sont pas portés dans la morphologie d'accord verbal, qui lui est égal à l'accord de troisième personne singulier.


(2) pan eo c'hwi a deu
quand est vous R vient.3SG
'puisque c'est vous qui venez.' Tréguier, Leclerc (1986:137)


Exceptions

Les seules exceptions à la complémentarité entre un sujet DP réalisé et un accord verbal sont:

  • le verbe 'avoir', qui ne suit pas cette règle dans certains dialectes.

et en cornouaillais:

Variation dialectale

Il existe des variétés de breton dans lesquelles un sujet prénégation ne force pas l'accord. Cheveau 2007:214 en relève en vannetais, Stump 1984:293, n.2 en note des traces dans la grammaire de Trépos et on en trouve des exemples dans un entretien de Mona Bouzeg). Les limites dialectales géographiques entre ces deux variétés sont actuellement sous-documentées.


Dans Bouzeg (1986:II), on trouve un exemple de comptine où le sujet préverbal pluriel tout précède un verbe 3PL dans une phrase positive. La variation dialectale peut ici concerner le système d'accord en lui-même ou les traits du quantifieur tout.


(1) Ur bern tud 'vo 'ba 'n eured, Toullig ha Moullig,
un tas gens sera dans le mariage Toullig et Moullig
Hag an Aotrou Bevar doullig, ha tout 'teuint da heul.
et le monsieur quatre trouDIM et tout viendront à suivre
'Un tas de gens viendront au mariage, Toullig et Moullig,
et monsieur de quatre trous, et tous viendront à la suite.' Rieg, Bouzeg (1986:II)

Analyses

Il existe une analyse répandue qui pose que le breton, de manière générale, refuse la redondance des marques. Dans cette hypothèse, un parallèle est développé entre le système d'accord verbal et le système du pluriel dans le groupe nominal: le verbe ne s'accorde pas avec son sujet, de la même manière que le nom ne prend pas de marque du pluriel lorsqu'il est précédé d'un cardinal (dek vloaz en 1).

Une règle "naïve" explique que le breton serait une langue plus économique que les autres, puisqu'elle éviterait de redire les traits du sujet dans la mesure ou ceux-ci seraient déjà énoncés. Cependant, une telle règle ne pourrait pas expliquer pourquoi la complémentarité est restreinte au domaine de la proposition. En (1), ci-dessus, elle prédirait par exemple faussement que le verbe 'être' enchâssé pourrait apparaître sans les traits du sujet. Au contraire, il apparaît toujours une marque du sujet (pronominale ou d'accord) dans chaque proposition, indépendamment des besoins de l'interprétation.


(1) ... ne oa ket an doareoù, war-lec'h ar brezel, ar pezh [ e oant dek vloaz a-raok ]...
ne était.3SG pas le manières après le guerre le N R étaient.3PL 10 an avant
'Les choses n'étaient pas, après la guerre, ce qu'elles étaient dix ans auparavant.'
Denez (1993:32)


La règle d'évitement de la redondance morphologique est trop puissante. En effet, elle ne prédit pas toutes les exceptions précitées. De plus, il est possible de manière générale en breton d'avoir plusieurs marques qui sont donc redondantes. En (2), le sujet vide pronominal 3PL a été incorporé dans le verbe, déclenchant l'accord riche 3PL. Le modificateur du sujet o-fevar, est non seulement un exemple de co-occurrence d'un cardinal et d'une marque du pluriel, mais il double les marques plurielles du sujet.


(2) A: - Ped a zo dit? B: - O-fevar int din.
combien R est à.toi 3PL-4 sont.3PL à.moi
'A: - Combien sont à/de toi? B: - Les quatre sont à/de moi.' Léon, Fave (1998:60)

Horizons comparatifs

Pour un aperçu du système d'accord en vieux brittonique commun, se reporter à Le Roux (1957:57-59).

Bibliographie

Description

  • Leclerc, Louis. 1986 [1906, 1911], Grammaire Bretonne du dialecte de Tréguier, 3ième édition, Ar Skol Vrezhoneg, Emgleo Breiz (précédentes Saint-Brieuc: Prud'homme).

Etude théorique

  • Anderson, S. 1982. 'Where’s morphology?', Linguistic Inquiry, 13:571-612. Preview
  • Jouitteau, M. & M. Rezac, 2008. ‘From mihi est to have across Breton dialects’, Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (éds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178., texte en ligne.
  • Jouitteau, M. 2005b. ‘Nominal Properties of vPs in Breton, A hypothesis for the typology of VSO languages’, Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages, Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company. Preview, Description and reviews
  • Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici
  • Stump, G. T. 1989.b. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-471.
  • Stump, G. T. 1984. 'Agreement vs. incorporation in Breton', Natural Language and Linguistic Theory, 2:289-348.