Sutter (1968)

De Arbres
  • Sutter, Jean. 1968. 'Fréquence de l'endogamie et ses facteurs au XIXe siècle', Population 23(2), 303-324.


 extrait p. 307:
 "Depuis 1960, nous avons étudié (à paraître) l'évolution de la consanguinite dans 272 paroisses du département du Finistère, pendant 103 ans, de 1859 à 1962. La marche du phénomène est comparable d'une paroisse à l'autre: depuis 1858, on a vu le nombre des mariages consanguins s'accroître d'une manière considérable, atteindre une valeur maximale à une époque plus ou moins proche de 1900, puis décroître ensuite le plus souvent au-dessous de la valeur initiale, après la seconde guerre mondiale. Pour donner une idée du phénomène, nous avons rassemblé sur les tableaux I, II (p. 308 et 309) les données caractérisant 27 paroisses du Finistère prélevées au hasard (1 sur 10 après classement alphabétique) parmi les 272. 
 On voit que, sur les 27 paroisses, 14 n'avaient eu aucun mariage consanguin pendant la période quinquennale 1858-1863; pour les 13 autres où il en existait, les pourcentages s'étalaient entre 0,8 et 6,4. Sur les autres colonnes, on trouve les pourcentages des mariages consanguins concernant les périodes quinquennales ou, pour chaque paroisse, ces valeurs se sont le plus accrues. Le pourcentage, dans le temps, des mariages consanguins s'étale entre 2,8 (Ploujean, et 50,0 (Saint-Divy). La période de forte endogamie a éte atteinte plus ou moins tôt, après 1858-1863, dans les périodes quinquennales suivantes: 1874-78 : 4 fois; 1879-83 2; 1884-88: 1; 1889-93: 2; 1894-98: 1; 1899-03: 5; 1904-08: 3; 1909-13: 7; 1914-18 2. C'est entre 1900 et 1914 qu'on voit le plus fréquemment l'endogamie atteindre son maximum : 15 fois sur 27.
 L'augmentation du nombre des mariages consanguins fait suite a la révolution demographique : baisse de la fécondité par la limitation des naissances, baisse de la mortalité, auxquelles s'ajoutent les migrations internes agissant ou non simultanément."

Sutter dégage trois facteurs favorisant l'endogamie: la baisse de la mortalité, la hausse du contrôle des naissances et l'émigration, mais il n'a pas les outils pour en mesurer les impacts en Finistère.

Le scénario qu'il développe est le suivant. La mortalité baisse dès le début du XIXe, avant que le contrôle des naissances, plus tardif et restreint dans une société massivement catholique, ait un impact de réduction. Ceci provoque une période d'accroissement des fratries, ce qui augmente mécaniquement le nombre de conjoints potentiels dans la famille élargie: il y a de plus en plus de chances pour un individu qu'il existe des conjoints potentiels, de sexe opposé et d'âge approprié, dans la famille élargie. L'auteur ne prend pas en compte les règles d'héritage. L'émigration est citée comme ayant sûrement un impact, car elle inaccessibles certains membres de la famille, cependant elle est difficilement quantifiable (p.314, l'auteur tente une estimation non-sourcée "Un département comme le Finistère a dû perdre près de 200.000 habitants de 1850 à la guerre 1914-18"). Le Finistère n'apparaît pas dans les premiers 18 départements ayant fourni des ancêtres aux parisiens de 1950.

Sutter, dont le terrain est la génétique des populations, prédit que la poussée endogame de la révolution démographique a provoqué une baisse de la baisse de la mortalité (nouveaux-nés mais aussi adultes), et une multiplication des naissances anormales, en particulier une explosion du nombre de porteurs de gènes sensibles aux maladies nerveuses ou de la tuberculose pulmonaire, maladies particulièrement sensibles à l'endogamie.