Subordonnées complétives

De Arbres

Une subordonnée complétive est une proposition sélectionnée comme argument d'un verbe d'une autre proposition.


En (1), la complétive e vijes lazhet est sélectionnée comme sujet de la copule équative eo.


(1) Ar muiañ aon am-oa eo [ e vijes lahet ].
le plus peur R.1SG-avait est R serais tué
'La plus grande peur que j'avais (ce que je craignais le plus) c'est que tu sois tué.' Trégorrois, Gros (1984:126)


Syntaxe

Par définition, les propositions complétives ne sont pas optionnelles (sauf à être remplacées par un pronom vide). Ce ne sont jamais non plus des phrases matrices puisqu'elles sont sélectionnées par un verbe de la matrice.


complémenteurs

Les complémenteurs déclaratifs qui peuvent introduire une complétive sont :

- le complémenteur vide suivi du rannig e4.
- le complémenteur ma après les verbes déclaratifs exprimant une volonté, une demande (goulenn, 'demander'; gourc'henmenn, '(re)commander') ou dans les structures causatives (positives)
- le complémenteur négatif na, ne
- un mot interrogatifs en pe-
et, selon les dialectes:
- le complémenteur la(r)
- le complémenteur déclaratif penaos
- le complémenteur en restreint à certaine variétés de vannetais


e

(1) Heñ a lavaras e(z) oa kouezet en dour. Trépos (1968:168), cité dans King (1982:86)
lui R1 dit R4 était tombé dans.le eau
'Il dit qu'il était tombé dans l'eau.'


ma

(1) Goulennit ma teuio.
demandez que4 viendra
'Demandez qu'il vienne.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


(2) Gra ma tisko e gentel.
fais que4 apprendra son1 leçon
'Fais en sorte qu'il apprenne sa leçon.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


ne

La négation ne peut prendre la place de ma (Leclerc 1986:200).


(3) Gra ne gollo ket da vab e amzer.
fais ne1 perdra pas ton1 fils son1 temps
'Fais en sorte que ton fils ne perde pas son temps.' Tréguier, Leclerc (1986:200)


mot interrogatifs en pe-

(4) Gouvezit ervad [ petra oh oh ober ].
sachez bien quoi êtes à faire
'Sachez bien (réfléchissez bien à) ce que vous êtes en train de faire.' Trégorrois, Gros (1984:234)


la place du sujet postverbal

COP-Pred-S

L'ordre des mots en complétive pour le breton standard est COP-Pred-S.


(1)a. Krediñ a ran ez eo kerik an tamm kig-se. Standard Kervella (1947:§774)
croire R1 fais R+C, 4 est cher.DIM le morceau viande-ci
'Je crois que ce morceau de viande est un peu cher.'


(1)b. Gouzout a ra ez eo echu e boanioù. Standard Kervella (1947:§774)
savoir R1 fait R+C, 4 est fini son1 peine.s
'Il sait que ses peines sont finies.'


Dans certains cas, il n'y a pas d'alternatives. En (2), où que l'on mette l'expérienceur deoc'h, le sujet ne peut précéder le prédicat ret (* Me soñj eo (deoc'h) kaout hec'h asant ret (deoc'h) da gentañ).


(2) Me 'soñj eo ret d'eoc'h kaout hec'h asant da genta. Standard 1927, Gwalarn 12:36
moi (R)1 pense est obligé à1'vous avoir son accord pour1 premier
'Je pense qu'il vous faut son accord avant toute chose.'


COP-S-Pred

(2) Esperañ 'raomp marteze 'c'hello an traou gwellaat.
espérer (R)1 faisons peut-être (R)4 pourra le choses améliorer
'Nous espérons que peut-être les choses pourront s'améliorer.' Arrée, Favereau (1997:§592)


En (3), on s'attendrait pour un ordre standard à Me 'soñj eo laouen ar plac'h 'Je pense que la fille est contente', mais l'ordre sujet-prédicat est inversé.


(3) Me [a] soñj eo ar plac'h laouen. Jeune adulte, Quimper, Kennard (2018b)
moi (R)1 pense est le jeune.fille content
'Je pense que la fille est contente.'


En (4), on voit que la lourdeur prosodique joue aussi dans l'ordre favorisé en standard.


(4) ... du-hont n’eus den a soñj eo ar yezhoù rannvro un harz d’ar Republik. Standard, Bremañ 410:9
... là-bas ne1'est personne R1 pense est le langues part.pays un arrêt à1'le République
'Personne là-bas ne pense que les langues régionales s'opposent à la République.'


la place du verbe, à l'initiale ou second

En contraste avec les matrices, les complétives peuvent être à verbe initial, en standard comme dans tous les dialectes. C'est même l'ordre des mots le plus représenté pour les complétives.


(1) ...raktal ma welan [ eo koeñvet unan eus va saout...] Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:120)
...de.suite que4 vois est gonflée un de mon2 vaches
'...dès que je vois qu'une de mes vaches est gonflée...'


Les complétives ne sont pas restreintes à l'ordre à verbe initial dans tous les dialectes.


SVO

L'Académie bretonne (1922:153) note et réprouve dès le début du XX° "la tendance, en Léon surtout, à substituer à la construction [...], verbe en tête : (me a wel) e vezo brao an amzer, la construction [...], sujet en tête : (me a wel) an amzer a vezo brao." Il existe en breton moderne des complétives avec un sujet initial. Pour une vision détaillée de la variation, se reporter à l'article 'ordres T2 en enchâssées'.


La résistance au sujet en tête est réelle en haut-cornouaillais moderne. A Scaër/Bannalec, l'exemple montre que même un pronom focalisé ne peut pas apparaître devant le verbe tensé.

(2) Ka kred start ' ra din 'brom { emañ-eoñ / * eoñ eo } a sell ouzh ma c'hoenn.
car croire ferme (R) fait à.moi maintenant est-lui / * lui est R1 regarde à mon2 crème
'Car je crois fermement maintenant que c'est lui qui en a après ma crème.'
Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


D'autres dialectes montrent des zones d'optionalité.


(3) Gouzout a rin sur ... e kano Yann / Yann a gano.
savoir R1 fais sur R4 chantera Yann / Yann R1 chantera
'Je saurais avec certitude que Yann chantera.' Lesneven/Kerlouan, A. M. (04/2016b)


(4) C'hwi gav deoc'h an douar 'zo o krenañ dinian an ti.
vous 1trouve à.vous le terre est à4 trembler sous le maison
'Vous sentez la terre trembler sous le bâtiment.' Plougerneau, M-L. B. (04/2016)


OVS

(5) Me a gred patatez kentoc'h e planto Simone er bloavezh-mañ egist he amezog.
moi R1 crois patates plutôt R4 plantera Simone dans.le année-ci comme son voisin
'Je crois que Simone plantera des patates cette année comme son voisin.' Lesneven/Kerlouan, A. M. (04/2016b)


* PPV

(6) C'hwi laro doñ (* da beo) e pasein (da beo) diwetoc'h.
vous dira à.lui pour1 payer R passerai pour1 payer tard.plus
'Tu lui diras que je passerai payer plus tard.'
Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


Adv-SVO / S-Adv-VO

(7) Me a gred (er bloavezh-mañ) Simone (er bloavezh-mañ) a lakeio plantañ patatez.
moi R1 crois le année-ci Simone le année-ci R1 mettra planter patates
'Je crois que cette année, Simone fera planter des patates.'
Lesneven/Kerlouan, A. M. (04/2016b)


(8) Me jouch disul an imbisil-se a fardo kig-ha-farz gant soja espress.
moi (R1) pense dimanche le imbécile-ci R1 cuisinera kig-ha-farz avec soja exprès
'Je pense que cet imbécile fera exprès de cuisiner un kig ha farz au soja dimanche.'
Lesneven/Kerlouan, A. M. (05/2016)


En (9), la portée de marteze 'peut-être' est sur la complétive, et non sur la matrice. L'adverbe est probablement situé en initiale de matrice.


(9) Esperañ 'raomp marteze 'c'hello an traou gwellaat.
espérer (R)1 faisons peut-être (R)4 pourra le choses améliorer
'Nous espérons que peut-être les choses pourront s'améliorer.' Arrée, Favereau (1997:§592)


V2 obligatoire

mouvement wh interne

Certaines complétives ont un ordre V2 obligatoire: celles qui ont été dérivées avec un mouvement interrogatif.


(1) Me n'ouzon ket [ dam 'betra oa an dra-se ].
moi ne'sais pas à.cause quoi était le 1chose-ci
'Moi je ne sais pas à cause de quoi.' Le Juch, Hor Yezh (1983:13)


La structure de l'exemple en (2) est rare car l'objet interrogatif est suivi du sujet, avant que n'arrive le verbe tensé.


(2) / nõ ké vi gut pra wa hãõ l’ha:é /
N’on ket evit gouzout petra 'oa eñ 'lare. graphie peurunvan
ne1suis pas pour savoir quoi était lui (R1) disait
'Je ne sais pas ce qu’il disait.' Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:128)


stratégies de dernier recours pour V2

Si la complétive débute par une tête verbale de participe, une pause prosodique importante est requise. Ceci montre que les complétives intégrées entièrement à la structure, elles, ne peuvent supporter l'antéposition d'un participe.


(1) Me a gred (//?)* plantet neus Simone patatez er bloavezh-mañ egist he amezog.
moi R1 crois planté a Simone patates dans.le année-ci comme son voisin
'Je crois que Simone a planté des patates cette année comme son voisin.'
Lesneven/Kerlouan, A. M. (05/2016)


complétives infinitives

Favereau (1997:§596) relève la possibilité de complétives infinitives. Il donne un exemple avec un sujet vide PRO (Laret 'n'eus din [ goulenn ] 'Il m'a dit de demander').


les verbes ECM

Les verbes à assignation exceptionnelle de cas (ECM) comme klevout 'entendre' ou gwelout 'voir' assignent le cas prototypique de l'objet au sujet de leur infinitive objet. Favereau (1997:§592) les classe aussi dans les complétives.


(1) Pell 'oa 'glevemp [ 'nezhoñ 'hediñ ar wazh ].
loin (R)1 était (R)1 entendions P.lui (à)4 long.er le 1ruisseau
'Il y avait longtemps que nous l'entendions longer le ruisseau.' Poher, Favereau (1997:§592)


Dans ces structures, le sujet réalisé précède son prédicat.


Structure informationnelle

pas de focalisation de complétives

Favereau (1997:§572) note que les complétives sont des subordonnées qui ne peuvent pas précéder leur matrice. Elles sont interdites de focalisation par mouvement à l'initiale de phrase.


Terminologie

Kervella (1947) utilise le terme breton islavarenn diskuliañ et, puisqu'une complétive est l'objet direct de sa phrase matrice, islavarenn anv et islavarenn-tra. On trouve aussi islavarenn dra.

Press (1986:236) traduit islavarenn-anv par l'anglais noun clause, qu'il donne p.25 comme équivalent au terme anglais explicative.

Bibliographie

  • Favereau, F. 1997. Grammaire du breton contemporain. Morlaix: Skol Vreizh, §592-602.