Subjonctif

De Arbres

Il n'existe pas en breton parlé moderne de paradigme morphologique propre au mode subjonctif. Pour exprimer dans les enchâssées différents états d'irréalité tels que le vœu, le souhait, la possibilité, la nécessité, le jugement ou l'opinion, ou enfin une action qui ne s'est pas encore passée, le breton moderne a recours aux paradigmes de l'indicatif du conditionnel et du futur.


(1) Ne gav ket din e teuio / e teufe.
ne1 trouve pas à.moi R4 viendra /R viendrait
'Je ne crois pas qu'il vienne.'
Ar Merser (2009:585)


Morphologie

morphologie du futur

Dans les phrases matrices, c'est la morphologie du futur qui tient lieu de subjonctif.


(2) Pe vo ruz pe vo glaz, ne ran van.
ou sera rouge ou sera bleu ne1 fais cas
'Qu'il soit rouge, qu'il soit bleu, ça m'est égal.'
Ar Merser (2009:585)


On emploie également la morphologie du futur après les complémenteurs comme gant ma 'pourvu que', ou evit ma 'pour que'.


(3) Me na ran ket a forz, gand ma teuio dioustu.
moi ne.R fais pas de importance pourvu.que4 viendra tout.de.suite
'Cela m'est égal, pourvu qu'il vienne tout de suite.'
Trégorrois, Gros (1970:30)


(4) ... evit ma kavi eur gwaz eus da gendere, merc'hig ?
pour que trouveras un mari de ton1 com.degré fille.DIM
'Pour que tu trouves un mari de ton milieu social, ma fille ?'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1922:347)


morphologie du conditionnel

En (5), la morphologie verbale du conditionnel se trouve en matrice, dans l'apodose d'une proposition au conditionnel.


(5) Anez am oa true, vijen ket deut aman.
sans R.1SG avait pitié serais pas ven.u ici
'Si je n'avais eu pitié, je ne serais pas venu ici.'
Breton central (Kergrist-Moëlou), Le Garrec (1901:64)


Dans les subordonnées, Gros signale des emplois du conditionnel.

 Gros (1970:30):
 "Dans les subordonnées, le subjonctif se traduit par le futur (plus net) ou par le conditionnel (plus douteux).
 
 Me na zoñj ket din e raio glao.
 'Je ne pense pas qu'il pleuve.'
 
 Na gredan ket e teufe d'ober glao.
 'Je ne crois pas qu'il vienne à pleuvoir.'
 

Ar Merser (2009:585) note aussi que l'emploi du conditionnel, par rapport à celui du futur, marque 'un doute plus grand'.


optionalité ?

Certains complémenteurs, comme l'optatif salv (ma), se trouvent suivis alternativement de verbes conditionnel ou au futur.


Diachronie

La descendance morphologique de l'ancien subjonctif exprime en breton moderne, selon les formes, le futur (Gros 1970:29), ou le conditionnel réalis.

Gros (1966:11), avec un point de vue synchronique, écrit que "le subjonctif n'existe plus en breton parlé. Dans les propositions principales, c'est le futur qui en tient lieu". Avec un point de vue diachronique, Fleuriot (1970b:715) corrige "il faudrait dire le contraire : le subjonctif survit en breton parlé, au moins dans ce dialecte, et n'a pas pris constamment le sens de futur, pe vo war an tu-gin, pe vo war an tu mad 'qu'il soit à l'envers ou à l'endroit', Diou lonkadenn a evje 'il buvait (habituellement) deux gorgées' (Gros 1966:11). On retrouve dans les emplois du subjonctif des nuances de sens très voisines de celles que l'on observait en breton ou gallois ancien ; il marque, outre le futur, la possibilité, la condition, l'habitude, le souhait, etc., voir (Gros 1966:11, 13, 97, 115, 184, etc., et Fleuriot 1964a:327)".


subjonctif présent

Le paradigme morphologique du subjonctif présent qui existait en moyen breton et dans les autres langues brittoniques n'a pas disparu en breton moderne, mais il a donné le paradigme du futur.

Hewitt (2010b) signale en breton moderne la trace de l'ancien usage du paradigme du futur comme subjonctif présent de but. Cela se vérifie en corpus.


(6) Goulenn a ra ma vo gwraed ul lesenn neweż.
demander R fait que4 sera fa.it un loi nouveau
'Elle demande qu'une nouvelle loi soit faite.'
Hewitt (2010b:301)


(7) Deus alese, loustoni ! Ma vi gwelet er gouloù !...
viens de.là saleté que4 seras v.u en.le lumières
'Allons, sors, gredin ! Qu'on te voie au grand jour !'
Standard, An Here (1993:17)


En contraste, en gallois et en cornouaillais, le suffixe subjonctif/désidératif * - ǎse/o- des langues brittoniques a dérivé le paradigme du subjonctif présent (Zair 2012).

subjonctif passé

La forme morphologique caractéristique du subjonctif passé brittonique est -h (Lewis & Pedersen 1937:§452,453). C'est la même forme que l'on voit en breton vannetais moderne dans le mode conditionnel réalis. La forme dans les autres dialectes est -fe, -ffe (Hewitt 2010b:301).

Sémantique

Les marqueurs épistémiques sont compatibles avec des temps de l'indicatif.


marqueur épistémique et indicatif présent

(1) pegen ampart bennak ez eo.
combien adroit quelconque R+C est
'quelque adroit qu'il soit'
Vallée (1980:'quelque')

Horizons comparatifs

En gallo, "le subjonctif n'est utilisé que dans l'Est de la Haute-Bretagne, bien qu'il soit d'un usage assez limité. La plupart de temps le subjonctif français est remplacé en gallo soit par l'indicatif (imparfait ou présent) soit par le conditionnel" (Auffray 2007:intro).

À ne pas confondre

Les grammaires descriptives traditionnelles parlent souvent de subjonctif en breton en pensant en fait à ce qui se traduirait en français par un mode subjonctif. Pour exprimer un voeu Qu'il pleuve, enfin !, c'est le mode optatif qui est concerné, qui emprunte en français au paradigme du subjonctif.


Bibliographie

  • Loth, Joseph. 1899. 'Mélanges ; 1: Patereu, paderau ; 2 : Un subjonctif aoriste gallois', Revue Celtique XX.
  • Zair, N. 2012. 'Reconstructing the Brittonic future/present subjunctive', Journal of Celtic Linguistics 14: 87-110.


horizons comparatifs

  • Quer, Josep. 2005. 'Subjunctives', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol IV, chap.68.