Différences entre les versions de « Résomption du sujet »

De Arbres
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== Distribution ==
== Distribution ==
Ces structures sont soumises à trois restrictions dans les variétés où elles sont productives:
Ces structures sont soumises à trois restrictions dans les variétés où elles sont productives:
: restriction à la personne 3
: - restriction à la personne 3
: association avec la négation
: - association avec la négation
: association aux verbes intransitifs
: - association aux verbes intransitifs


=== restriction à la personne 3 ===
=== restriction à la personne 3 ===

Version du 21 janvier 2010 à 19:37

La résomption du sujet est une structure où un sujet dans son emplacement canonique est doublé par un pronom incorporé dans une préposition sémantiquement nulle.

(1) araok teuio honnezh d'ar gêr anezhi.
avant T viendra celle.ci à DET maison P.3SGM
'Avant qu'elle (ne) retourne à la maison.' Cornouailles, (Douarnenez), Timm (1995:21)


La résomption du sujet est restreinte à la personne 3 et est souvent associée à présence de la négation syntaxique et aux verbes intransitifs.


interprétation

Les pronoms résomptifs du sujet ne sont pas argumentaux (Timm 1995).

Ils ont une fonction "pléonastique" (Le Gléau 1973:17, Stump 1984:44) sans effet particulier de discours (ni contrastif, ni emphatique).

Distribution

Ces structures sont soumises à trois restrictions dans les variétés où elles sont productives:

- restriction à la personne 3
- association avec la négation
- association aux verbes intransitifs

restriction à la personne 3

 Trepos (2001:444)
 
 "A la forme négative, la troisième personne peut-être renforcée par la préposition conjuguée 
 anezañ: lui, anezi: elle, anezo: eux, elles."


(3) Ne glev netra anezañ.
Neg entend.3SG rien P.3SGM.
'Il n’entend rien.' cornouaillais, Trépos (2001:444)


(3) Ne hello ket sevel ken anezi.
Neg pourra.3SG pas lever plus P.3SGF
'Elle ne pourra plus se lever.' cornouaillais, Trépos (2001:444)


(3) Ne rafent ket an dra-se anezo, koulskoude!
Neg feraient neg la chose-là P.3PL, cependant!
'Ils ne feraient tout de même pas celà!'
cornouaillais, Trépos (2001:444)


préposition sémantiquement vide

La résomption du sujet à la cornouaillaise doit être contrastée avec des constructions du faux sujet, présente dans tous les dialectes, et qui peuvent aussi accidentellement utiliser la préposition 'eus' avec une pronom incorporé de 3SG, dans une phrase qui se trouve être négative.

Ci-dessous, la phrase est négative et le syntagme nominal préverbal lie la préposition 'eus' qui porte ses traits de genre et de nombre 3. Ici, ce qui montre qu'il ne s'agit pas d'une résomption du sujet à la Cornouaillaise est le fait que la préposition 'eus', si on rétablissait l'argument ar bannah gwin-ze à sa droite, ne disparaitrait pas (eur veskennad eus ar bannah gwin-ze).


(4) [Ar bannah gwin-ze]3SGM na oa ket eur veskennad anezañ.3SGM
Det verre vin-là NEG-R était NEG Det dé.à.coudre-contenu P.3SGM
'cette goutte de vin-là (ce verre de vin-là), il n'y en avait pas plein un dé à coudre.'
trégorrois, Gros (1984:14)


En (5), la préposition anezhañ pourrait être remplacée par un possessif devant diabarzh (...ha du-mouar e diabarzh). Il s'agit d'une structure adjective prédicative. Pour s'en convaincre, il suffit de noter que la prédication, si elle devait être transférée au temps passé, révélerait une copule (...hag 'oa du-mouar an diabarzh anezhañ).


(5) E gwirionez, d'ober hor boa gant ur gwaz gwenn a-ziavaez ha du-mouar an diabarzh anezhañ.
P vérité P faire 2PL avait avec DET homme blanc P-dehors & noir-mûres DET dedans P.3SGM
'En vérité, nous avions affaire à un homme blanc dehors et noir profond à l'intérieur.' (Priel 1955)


restriction aux intransitifs?

Les exemples en corpus montrent que la résomption du sujet est plus répandue avec les verbes intransitifs (Urien & Denez (1979)). Cependant, Timm (1995:21) fournit un exemple de résomption du sujet avec le verbe brenn, 'brûler' dans un corpus de breton de Douarnenez.


(5) brene ket gwall alies onnenn anezh.
brûlait NEG très souvent cendre P.3SGM
'Il ne brûlait pas de cendre très souvent.' Cornouailles, (Douarnenez), Timm (1995:21)

variation dialectale

bas-vannetais

Cette construction est prototypique de la Cornouailles, mais existe aussi en bas-vannetais (v. aussi Nicolas 2005:33).


(4) [ brøma sεlant ʃəvras dən trəwsə anε mε nøzεn wεn sevεr ]
bremañ 'sellant ket vras d'an traoù-se anezhe met neuze 'oant sever
maintenant NEG voient NEG beaucoup P DET choses-ci P.3PL mais alors R étaient sévères
'Maintenant ils ne sont pas regardants sur ces choses-là, mais à l'époque, ils étaient sévères.'
bas-vannetais, Nicolas (2005:22).


En bas-vannetais, on trouve des résomptifs du sujet avec des verbes transitifs, et avec l'auxiliaire kaout, 'avoir' (5). Le résomptif du sujet y semble optionnel.


(5) [ nø laburaʃəd øni ] / [nø laburaʃət hønõ]
ne laboura ket anezhi ne laboura ket anezh
NEG travaille NEG P.3SGF NEG travaille NEG P.3SGM
'Elle/Il ne travaille pas.'
bas-vannetais, Nicolas (2005:33).

sans restriction à la personne 3 ?

La restriction à la troisième personne pourrait ne pas être présente dans tous les dialectes. Le traducteur de Cosey utilise des structures de résomption du sujet en négatives (1)a sans restriction sur la personne comme illustré en (1)b.

Cependant, si la préposition semble bien sémantiquement vide, elle semble disloquée à droite alors que les résomptifs du sujet sont intégrés à la proposition. Une étude prosodique serait nécessaire pour trancher.

(1)a. N'he deus ket kavet netra, anezhi
NEG a.3SGF NEG trouvé rien P.3SGF
'Elle n'a rien trouvé.' traducteur Cosey, Kavell ar Bodhisattva, Jonathan 4, p.28


(1)b. N'em eus kavet riboull all ebet, ac'hanon
NEG R.1SG ai trouvé chemin autre aucun P.1SG
'Je n'ai trouvé aucun autre chemin.' traducteur Cosey, Kavell ar Bodhisattva, Jonathan 4, p.33


A noter aussi un autre type de structure, non restreinte à la troisième personne, dont la sémantique est toujours prédicative.


(2) Ne oan ket gant ma c'hentañ treizhadenn, hogen argadet e voe an douaradez ac'hanon
NEG étais.1SG NEG P ma première traversée, mais frappé R fut DET terrienne P.1SG
gant ar santad ken iskis-se, hini ar beajour taolet trumm en ur bed dianav.
avec DET senti si étrange-là celui DET voyageur jeté soudain P DET monde inconnu
'Je n'en étais pas à ma première traversée, loin de là, mais la terrienne que je suis fut frappée d'un sentiment si étrange, celui d'un voyageur projeté dans un monde inconnu.'
(Beyer 2009:36)


(3) Ar yez ma ra ganti un den a zo anezi eur bed ma vev ha ma striv ennañ...
DET langue C fait avec.3SGF DET homme R est P.3SGF DET monde C vit et agit dans.3SGM
'La langue qu'un homme parle est un monde dans lequel il vit et agit...'
breton Cornouaillais (bigouden), Helias (2002:II,117), cité dans Rezac (2009).

Intérêt théorique

Les premières analyses formelles de ces pronoms semblent être celles de Urien & Denez (1979), qui reprennent la description de Trépos (1968) de la restriction à la personne trois et l'association récurrente avec la négation. Ils notent l'association récurrente avec les verbes intransitifs.

Pour Borsley & Stephens (1989), le pronom de troisième personne est un sujet pronominal. En ce sens, les exemples ci-dessus représentent des exceptions à l'effet de complémentarité qui caractérise le système d'accord breton. Timm (1995) s'oppose à l'analyse des pronoms comme pronoms sujets. Elle montre qu'ils peuvent apparaître dans la même phrase qu'un sujet réalisé (ses autres arguments ne portent pas, car elle confond les pronoms du sujet et les pronoms écho du sujet, qui ont une distribution distincte). Stump (1989:441) note qu'à la différence des sujets, ces pronoms ne peuvent être antéposés. Ce ne sont donc décidément pas des arguments du verbe. Timm (1995) propose que ces pronoms ne sont pas des sujets postverbaux, mais des pronoms anaphoriques.

Les différentes restrictions de cette structure restent inexpliquées.

Bibliographie

  • Blanchard, N. 2004. ‘L’utilisation pédagogique des textes du concours ‘Ar Falz’’, La Bretagne Linguistique 13, numéro spécial Dialectologie et Géolinguistique, CRBC : UBO, Brest, 13-30.
  • Borsley, R. D. & J. Stephens. 1989. ‘Agreement and the position of subjects in Breton.’, Natural Language and Linguistic Theory 7, 407-427.
  • Gros, Jules 1984. Le trésor du breton parlé III. Le style populaire, Brest: Emgleo Breiz - Brud Nevez.
  • Le Gléau, R. 1973. Syntaxe du breton moderne: 1710-1972, Editions La Baule.
  • Stump, G. T. 1984. 'Agreement vs. incorporation in Breton', Natural Language and Linguistic Theory, 2:289-348.
  • Stump, G. T. 1989. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', Natural Language and Linguistic Theory, 7:429-471.
  • Timm, L., 1995. 'Pronominal A-forms in Breton: A discourse-based analysis', Journal of Celtic Linguistics 4:1-34.
  • Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.
  • Urien, J.Y. & Denez, Per, 1977-9. 'Essai d’analyse sémiologique du mot verbal et du syntagme verbal en breton contemporain', Studia Celtica, 12-13:259-90, 1977; 14-15:290-312.