Interrogatives polaires

De Arbres

Les "questions oui/non", sont celles auxquelles on peut répondre par 'oui' ou par 'non', par exemple, C'est vrai?, ou Iras-tu loin pour chercher les tomates?).

On les appelle aussi les questions polaires, ou comme ces questions portent l'interrogation sur toute la phrase, on les appelle aussi les 'questions totales'.


Morphologie

En breton, les questions oui/non sont formées en imposant sur la phrase une intonation montante (1) ou en plaçant devant le verbe fléchi une particule hag, hag-en, daoust hag-en (2, 3). Ces morphèmes ou l'intonation montante réalisent une particule interrogative glosée 'Q' sur ce site.


(1) Ar vro a zo kaer ive?
DET pays R est beau aussi
'L'intérieur est beau aussi?' Leon (Kleder), Seite (1998:58)


(2) Ha klevet hoc'h eus a-wechoù [ PRO displegañ an taolennoù e misionoù hor bro]?
Q entendu 2PL ai parfois expliquer DET tableaux P missions POSS.2PL pays
'Avez-vous parfois entendu expliquer les tableaux dans les missions de notre pays?'
standard, Kervella (1933:39)


(3) daoust hag alïes [...] n'hon deus-ni ket e zouget war hent an ifern?
Q souvent NEG 1PL a-1PL NEG POSS.3SGM porté sur route DET enfer
'Ne l'avons-nous pas souvent porté sur la route de l'enfer?' Leon, Perrot (1912:842)


L'interrogatif ha(g) (eñ) existe aussi en enchâssées. Il correspond alors au français 'si'.


variation dialectale

ha(g): Wmffre (1998:44) signale que le complémenteur ha du breton standard a disparu en breton central, où le marquage interrogatif résulte soit d'une intonation particulière, soit de la particule interrogative daoust hag eñ. L'interrogatif ha(g) (eñ) y existe en enchâssées.

(1) ag'ɛ~w breton central, (Wmffre 1998:56)


Daoust ha(g) est relevé en Léon, en Cornouaille (Skragn 2002), en breton central (Wmffre 1998:44) et en breton standard (Kervella 1993, An Here 2001...).

(2) Daoust hag afer den eo an dra-se?
Q affaire quelqu'un est DET chose-là standard, Dico An Here (2001:§'den')
'Est-ce que ça regarde quelqu'un?'


Daoust hag eñ (da-c'houzout-hag-eñ/'Est-ce que...') est relevé en Basse Cornouaille dans Menard (1995): Cette forme est exogène à Quimperlé.

(3) Daoust hag eñ e ranke ar re yaouank gwechall chom da veskañ ar ribot hep ober amann?
Q R devait DET ceux jeune autrefois rester P battre DET ribot sans faire beurre
(litt.) 'Est-ce que les jeunes autrefois devaient battre la baratte sans faire de beurre?'
'Est-ce que les jeunes autrefois devaient frotter sans conclure?', basse cornouaille, Menard (1995:18)


eskø, emprunt au français, est relevé en bas-vannetais.

(3) [eskø so ta:w ʁe be:w ]
Q est toujours N.PL vivant
‘Est-ce qu'il y a encore des vivants?’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:213)

réponses à une question oui/non

En français, répondre à une "question oui / non" par l'affirmative implique de prendre en compte si cette question est négative ou positive (oui vs. si). En breton, cette prise en compte s'étend aux réponses négatives.


voir Fave (1998:134;br)

Sémantique

Certains adverbes ont besoin du contexte de l'interrogation pour être "autorisés" dans la phrase. Par exemple, biskoazh en (3) est autorisé par la présence de ha qui marque l'interrogation. La phrase déclarative correspondante serait agrammaticale ou interprétée comme négative (*klevet ac'h eus en deus biskoazh bet aon.)


(4) Ha klevet ec'h eus en defe biskoazh bet aon?
Q entendu R.2SG a R.3SGM aurait jamais eu peur
'As-tu jamais (la moindre fois) entendu qu'il aurait eu peur?' standard, An Here (2001:§'biskoazh')

Distribution

Les particules Q des questions oui/non peuvent apparaître précédées d'un topique suspendu (5).

(5) Tostennoù Kistinid ha glannoù ar Blaouezh ha bout am bo ar joa d'ho kwelet c'hoazh ur wezh?
buttes Kistinid & rives det Blaouezh Q être R.1SG aurai DET joie P 2PL voir encore DET fois
'Buttes de Kistinid et rives du blaouezh (Blavet), est-ce que j'aurai encore une fois la joie de vous voir?'
vannetais, Herrieu (1994:215)


Elles peuvent ne pas être l'élément qui satisfait à l'ordre à verbe second: en (5) l'explétif bez' suit la particule interrogative ha, en (6) c'est l'explétif bet.


(6) Ha bet oc'h bet ec'h ober un droig...?
Q expl êtes.2PL été P faire un tour.DIM
'Es-tu allé faire un petit tour...?' vannetais, Ar Meliner (2009:178)