Différences entre les versions de « Interrogatives polaires »

De Arbres
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Merser note que cet usage est "rejeté par les puristes". Selon [[Bihan Press (2003)|Bihan & Press (2003]]:187), l'utilisation de ''mar(d)'' est questions polaires est un trait des plus jeunes locuteurs, qui reprennent un usage autrefois typique du breton central. Selon [[Merser (2011)|Merser (2011]]:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le [[complémenteur]] ''[[ma]]'' en Haute-Cornouaille. On en relève aussi chez Guilloux en vannetais.  
Merser note que cet usage est "rejeté par les puristes". Selon [[Bihan & Press (2003)|Bihan & Press (2003]]:187), l'utilisation de ''mar(d)'' est questions polaires est un trait des plus jeunes locuteurs, qui reprennent un usage autrefois typique du breton central. Selon [[Merser (2011)|Merser (2011]]:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le [[complémenteur]] ''[[ma]]'' en Haute-Cornouaille. On en relève aussi chez Guilloux en vannetais.  




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Version du 12 janvier 2016 à 14:27

Les questions oui/non, sont celles auxquelles on peut répondre par 'oui' ou par 'non'. On les appelle aussi les questions polaires, ou comme ces questions portent l'interrogation sur toute la phrase, on les appelle aussi les questions totales.


(1) Ha dont a raio da ger?
Q venir R fera à 1maison Trégorrois, Stephens (1990:163)
'Reviendra-t-il?'


Les questions oui/non existent aussi en enchâssées (introduites en français par si):


(2) Goulenn a reer ouzor an-unan ha n'eo ket an anv-ze eun distresadur [...]
demander R fait.IMP à.IMP le-un si ne est pas le nom-ci un .peint.ation
'On se demande si ce nom n'est pas une transformation.'
Léonard (Cléder), Seite (1998:88)


Morphologie

Une question Oui/Non ressemble à une phrase déclarative, à laquelle s'ajoute un marqueur de question. La morphologie de ce marqueur peut être un morphème ou une intonation montante imposée sur la phrase. Ces morphèmes ou l'intonation montante réalisent une particule interrogative glosée 'Q' sur ce site.


en matrices

intonation montante

En (1), la seul marqueur de question est l'intonation montante (1).


(1) Ar vro a zo kaer ive?
le pays R est beau aussi
'L'intérieur est beau aussi?' Léon (Cléder), Seite (1998:58)


L'intonation montante ne peut réaliser une tête de question oui/non qu'en matrice. L'alternative morphémique est de placer devant le verbe fléchi une particule hag, hag-eñ, daoust hag-eñ (2, 3).

ha(g)

La particule ha(g) peut seule introduire une question oui/non en matrice (ou en enchâssée).


(1) Ha da Bariz ec'h i?
Q à1 Paris R iras
'Iras-tu à Paris?' Tréguier, Leclerc (1986:205)


(2) Ha klevet hoc'h eus a-wechoù [ PRO displegañ an taolennoù e misionoù hor bro]?
Q entendu 2PL a parfois expliquer le tableaux en missions notre pays
'Avez-vous parfois entendu expliquer les tableaux dans les missions de notre pays?'
Standard, Kervella (1933:39)


Le complémenteur ha du breton standard a disparu en trégorrois et en breton central, où le marquage interrogatif résulte soit d'une intonation particulière, soit de la particule interrogative daoust hag eñ (Wmffre 1998:44, Gros 1970:25). L'interrogatif ha(g) (eñ) y existe en enchâssées.


horizons comparatifs

En breton, la morphologie de la particule Q ha(g) est identique à celle du marqueur de coordination et à celle du complémenteur ha(g) qui apparaît comme tête C des subordonnées. En occitan du Couserans, la particule Q des questions polaires peut être que, homophone (entre autres) du complémenteur introduisant les complétives.


(1) Que cau hèr caudà'u?
Q faut faire chauffer-le
'Il faut le faire chauffer?' Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:55)


(2) Que credi qu 'i hossa.
EXPL?/C crois C 'y est
'Je crois qu'il y est.' Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:86)

ha daoust ha(g)

Ha daoust ha(g) est cité par Trépos.


(2) Ha (daoust ha) klañv oc'h?
Q malade êtes
'Est-ce que vous êtes malade?', Trépos (2001:§381)


daoust ha(g)

Daoust ha(g) est relevé en Léon, en Goëlo (Koadig 2010:101), en Cornouaille (Skragn 2002), en breton central (Wmffre 1998:44) et en breton standard (Kervella 1993, Menard & Kadored (2001...).


(2) Daoust hag afer den eo an dra-se?
Q affaire quelqu'un est le chose- Standard, Menard & Kadored (2001:§'den')
'Est-ce que ça regarde quelqu'un?'


(3) daoust hag alïes [...] n'hon deus-ni ket e zouget war hent an ifern?
Q souvent ne 1PL a-nous pas le porté sur route le enfer
'Ne l'avons-nous pas souvent porté sur la route de l'enfer?' Léon, Perrot (1912:842)

daoust hag eñ

Daoust hag eñ (da-c'houzout-hag-eñ/'Est-ce que...') est relevé en Basse-cornouaille dans Menard (1995). La forme hag eñ est signalée en trégorrois par Le Dû (2012:99). Ces formes sont exogènes à Quimperlé.

Il ne semble pas y avoir de différence sémantique entre la forme hag simple et la forme hag eñ. Syntaxiquement, les forme hag eñ est, elle, suivie directement par le verbe tensé.


(3) Daoust hag eñ e ranke ar re yaouank gwechall chom da veskañ ar ribot hep ober amann?
Q R devait le ceux jeune autrefois rester à1 battre le ribot sans faire beurre
(litt.) 'Est-ce que les jeunes autrefois devaient battre la baratte sans faire de beurre?'
'Est-ce que les jeunes autrefois devaient frotter sans conclure?', Basse Cornouaille, Menard (1995:18)

eskø

La particule eskø, emprunt transparent à la particule Q des matrices du français, est relevé en bas-vannetais.


(3) [eskø so ta:w ʁe be:w ]
est-ce que y.a toujours ceux vivant
'Est-ce qu'il y (en) a encore des vivants?’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:213)


c'hwistim hag(-eñ)

La particule c'hwistim est utilisée en Petit Trégor et en Goëlo (Leclerc 1986:205, Koadig 2010:101).

Son étymologie est transparente (c'hwi 'estim, /vous estimez/, 'vous pensez (que...)'), mais pas explicative car ha(g) n'est pas utilisé en tête des complétives.


(4) C'hwistim (hag / hag-eñ) ec'h i da Bariz?
Q Q R iras à1 Pariz
'Est-ce que tu iras à Paris?' Goëlo, Koadig (2010:101)


en enchâssées

ha(g), hann

La particule ha(g) se trouve aussi en enchâssées sous la même forme qu'en matrices en standard et dans la plupart des dialectes.

Le français distingue les particules des questions oui/non suivant que la proposition est une matrice (est-ce que P) ou une enchâssée (Je me demande si P). Cette distinction émerge en cornouaillais, où la particule enchâssée est différenciée par la présence d'une voyelle nasale.


(2) N’oun ket hann ema chomet haoñ ba'n ger.
ne'sais pas si est resté lui à le maison
'Je ne sais pas s'il est resté à la maison.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174)


Ha(g) est toujours en initiale de proposition.


hag-eñ

L'interrogatif ha(g) (eñ) breton existe aussi en enchâssées.


(1) ag'ɛ~w Breton central, Wmffre (1998:56)


(2) / ˌnuzõ ke 'hjã 'tjọ /
N’ouzon ket hag-eñ e teuio.
ne sais pas si R viendra
'Je ne sais pas s’il viendra.' Plozévet, Goyat (2012:235)


En trégorrois, il semble même restreint aux enchâssées, ou au moins y est plus facilement mobilisable. Selon Leclerc (1986:205), hag-eñ est utilisé "si la proposition est introduite en français par la conjonction interrogative si", c'est-à-dire en enchâssée dans une complétive interrogative indirecte. Selon Le Dû (2012:98), hag eñ s'emploie surtout en trégorrois en enchâssées.


(1) N'êllɑ̃-ke laad ag ẽ mó fin.
ne'peux-pas dire si aurai fini
'Je ne puis pas te dire si j'aurai fini.' Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:99)


  • Eur wech an amzer, Bilzig a deue da welet hag-en a oa dihun ar bôtrez.
'De temps en temps, Bilzig venait voir si la petite fille était réveillée.', Bas-Trégor, Al Lay (1925:20)


ha(g) vs. hag-eñ

Leclerc (1986:205) semble impliquer que lorsqu'il y a un mouvement de focus dans cette enchâssée, la forme est alors hag et non hag-eñ. La particule -eñ serait donc, au moins dans cette variété, en distribution complémentaire avec d'autres éléments entre ha(g) et le verbe fléchi. C'est aussi l'avis de Merser (2011:56), selon qui la forme ha(g) apparaît lorsqu'un constituant après lui occupe la place préverbale (ordres V2 en enchâssées). La forme hag eñ apparait lorsque le verbe de la subordonnée le suit directement, ou parfois devant la négation ne. Rivero (1999), travaillant avec les données de Stephens, et Bihan & Press (2003:187) pointent la même complémentarité. Il semble donc y avoir une unanimité sur le sujet, au mois pour ce qui concerne le trégorrois.


(3) N'ouzon ket ha lennet en deus al levr.
N'ouzon ket hag- en deus lennet al levr.
'Je ne sais pas s'il a lu le livre.'
Trégorrois (données Stephens), Rivero (1999:81-82)


(4) N'ouzon ket ha brav e vo an amzer a-benn arc'hoazh.
N'ouzon ket hag- e vo brav an amzer a-benn arc'hoazh.
'Je ne sais pas si il fera beau demain.'
Bihan & Press (2003:187)


(5) N'ouzon ket { ha dont a raio. / hag- e teuio }.
ne'sais pas si venir R fera si-3SGM R viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.'
Merser (2011:56)


(6) It da welet { hag ho preur a zo deuet. / hag- eo deuet ho preur }.
allez pour1 voir si votre frère R est venu si-3SGM est venu votre frère
'Allez voir si votre frère est venu.'
Merser (2011:56)


Avec une négation, hag comme hag-eñ sont possibles.


(7) Goulennet em boa diganti hag-() ne felle ket dezhi dont.
demandé 1SG avait à.elle si ne plaisait à.elle venir
'Je lui avais demandé si elle (ne) voulait (pas) venir.'
Bihan & Press (2003:187)

(1) Me meus ket soñj vie puniset ar vugale.
moi 1SG.a pas souvenir Q était puni le enfants
'Je ne me rappelle pas si les enfants étaient punis.'
Le Juch, Hor Yezh (1983:21)


ma

Merser note que cet usage est "rejeté par les puristes". Selon Bihan & Press (2003:187), l'utilisation de mar(d) est questions polaires est un trait des plus jeunes locuteurs, qui reprennent un usage autrefois typique du breton central. Selon Merser (2011:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le complémenteur ma en Haute-Cornouaille. On en relève aussi chez Guilloux en vannetais.


(1) N'ouzon ket mard/hag-eñ eo aet ma gwreg d'ar gêr.
ne'sais pas si/si-3SGM est allé mon femme à'le maison
'Je ne sais pas si ma femme est rentrée.' Bihan & Press (2003:187)


(2) N'ouzon ket { ma / hag-eñ } e teuio.
ne'sais pas si/si-3SGM R viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.' Merser (2011:57)


(3) Hañni en des gouiet a-oudé ma ou doé kavet mad en tri deloh.
N R.3SGM a su depuis si 3PL avait trouvé bon le trois truite
'No one knew since if they liked the three trout.'
'Personne depuis n'a su s'ils avaient aimé les 3 truites.'
Vannetais, Guilloux (1992:94) cité par Schapansky (1996:184)

bea

(4) Mendare be(a) eo gwir pe n'e ket ar pez e lavar.
je.me.demande si est vrai ou ne'est pas le morceau R dit
'Je me demande si c'est vrai ou pas ce qu'il dit.' Sein, Fagon & Riou (2015:44)

Syntaxe

site d'apparition en matrices

Les particules Q des questions oui/non peuvent apparaître précédées d'un topique suspendu (5).


(5) Tostennoù Kistinid ha glannoù ar Blaouezh ha bout am bo ar joa d'ho kwelet c'hoazh ur wezh?
buttes Kistinid et rives le Blavet Q être R.1SG aurai le joie de vous voir encore un 1fois
'Buttes de Kistinid et rives du Blavet, est-ce que j'aurai encore une fois la joie de vous voir?'
Vannetais, Herrieu (1994:215)


Elles peuvent ne pas être l'élément qui satisfait à l'ordre à verbe second: en (5) l'explétif bez' suit la particule interrogative ha, en (6) c'est l'explétif bet.


(6) Ha bet oc'h bet ec'h ober un droig...?
Q expl êtes été à faire un 1tour.DIM
'Es-tu allé faire un petit tour...?' Vannetais, Ar Meliner (2009:178)

réponses à une question oui/non

Répondre à une "question oui/non" par l'affirmative en français implique de prendre en compte si cette question est négative ou positive (oui vs. si).


En breton, cette prise en compte s'étend aux réponses négatives, où le verbe fléchi est répété.


(2) Plijout a ra dit? - (Në) ra kët!
plaire R fait à.toi - ne fait pas
'Ça te plait? - Non!' Goëlo, Koadig (2010:42)


Pour en savoir plus, se reporter à la fiche sur les réponses aux questions.

Sémantique

Certains adverbes ont besoin du contexte de l'interrogation pour être autorisés dans la phrase. Par exemple, biskoazh en (3) est autorisé par la présence de ha qui marque l'interrogation. La phrase déclarative correspondante serait agrammaticale ou interprétée comme négative (*Klevet ac'h eus en deus biskoazh bet aon.)


(4) Ha klevet ec'h eus en defe biskoazh bet aon?
Q entendu R.2SG a R.3SGM aurait jamais eu peur
'As-tu entendu qu'il aurait jamais (la moindre fois) eu peur?' Standard, Menard & Kadored (2001:§'biskoazh')

Stylistique

Dans les questions polaires où le locuteur attend une réponse positive, l'usage de la négation est préféré (Bouzeg 1986:37).


(1) 'Ma ket distanet al laezh ?
est pas refroidi le lait
'Le lait est-il refroidi?' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:37)


(2) 'Peus ket anavezet Soaz ?
3.a pas connu Soaz
'Avez-vous connu Soaz?' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:37)


Bibliographie

  • Hemon, R. 1969. 'Hag-eñ', Ar Bed Keltiek 126 : 155-156.
  • Rivero, M.L. 1999. 'Stylistic verb-movement in yes-no Questions in Bulgarian and Breton', Crossing Boundaries, advances in the theory of Central and Eastern European languages, Kenesei, Istvan (éd.), Amsterdam, John Benjamins, 67-90.