Différences entre les versions de « Interrogatives polaires »

De Arbres
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Les questions oui/non existent aussi en [[enchâssées]] (équivalent alors au français ''si''):
Les questions oui/non existent aussi en [[enchâssées]] (introduites en français par ''si''):




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==== inventaire et variation dialectale ====
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===== ha(g) =====
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[[Wmffre (1998)|Wmffre (1998]]:44) signale que le [[complémenteur]] ''ha'' du breton standard a disparu en breton central, où le marquage interrogatif résulte soit d'une [[intonation]] particulière, soit de la particule interrogative ''daoust hag eñ''.
On trouve une variante avec une nasale en cornouaillais.
 
 
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| (1) ||  N’oun || ket || '''hann''' || ema  chomet || haoñ|| ba'n ger.
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Le [[complémenteur]] ''ha'' du breton standard a disparu en breton central, où le marquage interrogatif résulte soit d'une [[intonation]] particulière, soit de la particule interrogative ''daoust hag eñ'' ([[Wmffre (1998)|Wmffre 1998]]:44). [[Gros (1970)|Gros (1970]]:25) note exactement les mêmes faits en trégorrois.
L'interrogatif ''ha(g) (eñ)'' y existe en [[enchâssées]].
L'interrogatif ''ha(g) (eñ)'' y existe en [[enchâssées]].


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[[Gros (1970)|Gros (1970]]:25) note exactement les mêmes faits en trégorrois.
===== hag-eñ =====
 
Selon [[Leclerc (1986)|Leclerc (1986]]:205), ''hag-eñ'' est utilisé "si la proposition est introduite en français par la conjonction interrogative ''si", c'est-à-dire en [[enchâssée]] dans une [[complétive]] [[interrogative indirecte]].
 
[[Leclerc (1986)|Leclerc (1986]]:205) semble impliquer que lorsqu'il y a un mouvement de focus dans cette [[enchâssée]], la forme est alors ''hag'' et non ''hag-eñ''.




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==== horizons comparatifs ====
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On trouve une variante avec une nasale en cornouaillais.
 
Il ne semble pas y avoir de différence sémantique ou syntaxique entre la forme ''hag'' simple et la forme ''hag eñ''.
La forme ''hag eñ'' est signalée en trégorrois par [[Le Dû (2012)|Le Dû (2012]]:99).
 
 
===== eskø =====
 
La particule ''eskø'', [[emprunt]] transparent à la particule Q des matrices du français, est relevé en bas-vannetais.




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| (1) || N’oun || ket || '''hann''' || ema  chomet || haoñ|| ba'n ger.
| (3)||<font color=green>['''eskø'''|| <font color=green> so ||<font color=green> ta:w ||<font color=green> ʁe ||<font color=green> be:w ]
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| || [[ne]]'[[gouzout|sais]] || [[ket|pas]] || si || [[eman|est]] [[chom|resté]] || [[echo|lui]] || [[e-barzh|à]] [[art|le]] maison
||| [[Q|est-ce que]] || [[zo|y.a]]|| [[atav|toujours]] ||[[hini|ceux]] || vivant
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Il ne semble pas y avoir de différence sémantique ou syntaxique entre la forme ''hag'' simple et la forme ''hag eñ''.
===== c'hwistim =====
La forme ''hag eñ'' est signalée en trégorrois par [[Le Dû (2012)|Le Dû (2012]]:99).
 
La particule ''[[c'hwistim]]'' est utilisée en Petit Trégor et en Goëlo ([[Leclerc (1986)|Leclerc 1986]]:205, [[Koadig (2010)|Koadig 2010]]:101).
 
Son étymologie est transparente (''c'hwi 'estim'', /vous estimez/, 'vous pensez (que...)'), mais pas explicative car ''ha(g)'' n'est pas utilisé en tête des [[complétives]].
 


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|(4)|| '''C'hwistim''' ||(hag / hag-eñ) || ec'h i ||da Bariz?
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|| ||Q ||Q  ||[[R]] [[mont|iras]] ||[[da|à]]<sup>[[1]]</sup> Pariz
|-
| ||colspan="4" | 'Est-ce que tu iras à Paris?' ||||||''Goëlo'', [[Koadig (2010)|Koadig (2010]]:101)
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== Syntaxe ==
== Syntaxe ==

Version du 28 décembre 2014 à 18:25

Les questions oui/non, sont celles auxquelles on peut répondre par 'oui' ou par 'non'. On les appelle aussi les questions polaires, ou comme ces questions portent l'interrogation sur toute la phrase, on les appelle aussi les questions totales.


(1) Ha dont a raio da ger?
Q venir R fera à maison Trégorrois, Stephens (1990:163)
'Reviendra-t-il?'


Les questions oui/non existent aussi en enchâssées (introduites en français par si):


(2) Goulenn a reer ouzor an-unan ha n'eo ket an anv-ze eun distresadur [...]
demande R fait.IMP à.IMP le-un si ne est pas le nom-ci un .peint.ation
'On se demande si ce nom n'est pas une transformation.'
Léonard (Cléder), Seite (1998:88)


Morphologie

Une question Oui/Non ressemble à une phrase déclarative, à laquelle s'ajoute un marqueur de question. La morphologie de ce marqueur peut être un morphème ou une intonation montante imposée sur la phrase. Ces morphèmes ou l'intonation montante réalisent une particule interrogative glosée 'Q' sur ce site.


intonation montante

En (1), la seul marqueur de question est l'intonation montante (1).


(1) Ar vro a zo kaer ive?
le pays R est beau aussi
'L'intérieur est beau aussi?' Léon (Cléder), Seite (1998:58)


particules Q

L'alternative morphémique est de placer devant le verbe fléchi une particule hag, hag-eñ, daoust hag-eñ (2, 3).


(2) Ha klevet hoc'h eus a-wechoù [ PRO displegañ an taolennoù e misionoù hor bro]?
Q entendu 2PL a parfois expliquer le tableaux en missions notre pays
'Avez-vous parfois entendu expliquer les tableaux dans les missions de notre pays?'
Standard, Kervella (1933:39)


(3) daoust hag alïes [...] n'hon deus-ni ket e zouget war hent an ifern?
Q souvent ne 1PL a-nous pas le porté sur route le enfer
'Ne l'avons-nous pas souvent porté sur la route de l'enfer?' Leon, Perrot (1912:842)


inventaire et variation dialectale

ha(g)

On trouve une variante avec une nasale en cornouaillais.


(1) N’oun ket hann ema chomet haoñ ba'n ger.
ne'sais pas si est resté lui à le maison
'Je ne sais pas s'il est resté à la maison.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174)


Le complémenteur ha du breton standard a disparu en breton central, où le marquage interrogatif résulte soit d'une intonation particulière, soit de la particule interrogative daoust hag eñ (Wmffre 1998:44). Gros (1970:25) note exactement les mêmes faits en trégorrois. L'interrogatif ha(g) (eñ) y existe en enchâssées.


(1) ag'ɛ~w breton central, (Wmffre 1998:56)


hag-eñ

Selon Leclerc (1986:205), hag-eñ est utilisé "si la proposition est introduite en français par la conjonction interrogative si", c'est-à-dire en enchâssée dans une complétive interrogative indirecte.

Leclerc (1986:205) semble impliquer que lorsqu'il y a un mouvement de focus dans cette enchâssée, la forme est alors hag et non hag-eñ.


daoust ha(g)

Daoust ha(g) est relevé en Léon, en Goëlo (Koadig 2010:101), en Cornouaille (Skragn 2002), en breton central (Wmffre 1998:44) et en breton standard (Kervella 1993, An Here 2001...).


(2) Daoust hag afer den eo an dra-se?
Q affaire quelqu'un est le chose- Standard, Dico An Here (2001:§'den')
'Est-ce que ça regarde quelqu'un?'


daoust hag eñ

Daoust hag eñ (da-c'houzout-hag-eñ/'Est-ce que...') est relevé en Basse-cornouaille dans Menard (1995). Cette forme est exogène à Quimperlé.


(3) Daoust hag eñ e ranke ar re yaouank gwechall chom da veskañ ar ribot hep ober amann?
Q R devait le ceux jeune autrefois rester à1 battre le ribot sans faire beurre
(litt.) 'Est-ce que les jeunes autrefois devaient battre la baratte sans faire de beurre?'
'Est-ce que les jeunes autrefois devaient frotter sans conclure?', Basse Cornouaille, Menard (1995:18)


(1) Me meus ket soñj vie puniset ar vugale.
moi 1SG.a pas souvenir Q était puni le enfants
'Je ne me rappelle pas si les enfants étaient punis.'
Le Juch, Hor Yezh (1983:21)


horizons comparatifs

En breton, la morphologie de la particule Q ha(g) est identique à celle du marqueur de coordination et à celle du complémenteur ha(g) qui apparaît comme tête C des subordonnées. En occitan du Couserans, la particule Q des questions polaires peut être que, homophone (entre autres) du complémenteur introduisant les complétives.


(1) Que cau hèr caudà'u?
Q faut faire chauffer-le
'Il faut le faire chauffer?' Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:55)


(2) Que credi qu 'i hossa.
EXPL?/C crois C 'y est
'Je crois qu'il y est.' Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:86)


Il ne semble pas y avoir de différence sémantique ou syntaxique entre la forme hag simple et la forme hag eñ. La forme hag eñ est signalée en trégorrois par Le Dû (2012:99).


eskø

La particule eskø, emprunt transparent à la particule Q des matrices du français, est relevé en bas-vannetais.


(3) [eskø so ta:w ʁe be:w ]
est-ce que y.a toujours ceux vivant
'Est-ce qu'il y (en) a encore des vivants?’ Bas-vannetais, Cheveau (2007:213)


c'hwistim

La particule c'hwistim est utilisée en Petit Trégor et en Goëlo (Leclerc 1986:205, Koadig 2010:101).

Son étymologie est transparente (c'hwi 'estim, /vous estimez/, 'vous pensez (que...)'), mais pas explicative car ha(g) n'est pas utilisé en tête des complétives.


(4) C'hwistim (hag / hag-eñ) ec'h i da Bariz?
Q Q R iras à1 Pariz
'Est-ce que tu iras à Paris?' Goëlo, Koadig (2010:101)

Syntaxe

site d'apparition en matrices

Les particules Q des questions oui/non peuvent apparaître précédées d'un topique suspendu (5).


(5) Tostennoù Kistinid ha glannoù ar Blaouezh ha bout am bo ar joa d'ho kwelet c'hoazh ur wezh?
buttes Kistinid et rives le Blavet Q être R.1SG aurai le joie de vous voir encore un 1fois
'Buttes de Kistinid et rives du Blavet, est-ce que j'aurai encore une fois la joie de vous voir?'
Vannetais, Herrieu (1994:215)


Elles peuvent ne pas être l'élément qui satisfait à l'ordre à verbe second: en (5) l'explétif bez' suit la particule interrogative ha, en (6) c'est l'explétif bet.


(6) Ha bet oc'h bet ec'h ober un droig...?
Q expl êtes été à faire un 1tour.DIM
'Es-tu allé faire un petit tour...?' Vannetais, Ar Meliner (2009:178)

en enchâssées

Ha(g) apparaît aussi en enchâssées. Il correspond alors au français 'si' et est toujours en initiale de proposition.


(2) / ˌnuzõ ke 'hjã 'tjọ /
N’ouzon ket hag-eñ e teuio.
ne sais pas si R viendra
'Je ne sais pas s’il viendra.'
Plozévet, Goyat (2012:235)


variation dialectale?

Selon Le Dû (2012:98), hag eñ s'emploie surtout en trégorrois en enchâssées.


(1) N'êllɑ̃-ke laad ag ẽ mó fin.
ne'peux-pas dire si aurai fini
'Je ne puis pas te dire si j'aurai fini.' Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:99)

horizons comparatifs

L'interrogatif ha(g) (eñ) breton existe aussi en enchâssées. En français, les questions oui/non sont réalisées différemment suivant que la proposition est une matrice (est-ce que P) ou une enchâssée (Je me demande si P). En breton, la distinction matrice/enchâssée n'est pas différenciée morphologiquement sur la particule ha(g). Cependant, l'intonation montante ne peut réaliser une tête de question oui/non qu'en matrice.


réponses à une question oui/non

Répondre à une "question oui / non" par l'affirmative en français implique de prendre en compte si cette question est négative ou positive (oui vs. si).


En breton, cette prise en compte s'étend aux réponses négatives, où le verbe fléchi est répété.


(2) Plijout a ra dit? - (Në) ra kët!
plaire R fait à.toi - ne fait pas
'Ça te plait? - Non!' Goëlo, Koadig (2010:42)


Pour en savoir plus, se reporter à la fiche sur les réponses aux questions.

Sémantique

Certains adverbes ont besoin du contexte de l'interrogation pour être autorisés dans la phrase. Par exemple, biskoazh en (3) est autorisé par la présence de ha qui marque l'interrogation. La phrase déclarative correspondante serait agrammaticale ou interprétée comme négative (*Klevet ac'h eus en deus biskoazh bet aon.)


(4) Ha klevet ec'h eus en defe biskoazh bet aon?
Q entendu R.2SG a R.3SGM aurait jamais eu peur
'As-tu entendu qu'il aurait jamais (la moindre fois) eu peur?' Standard, An Here (2001:§'biskoazh')


Stylistique

Dans les questions polaires où le locuteur attend une réponse positive, l'usage de la négation est préféré (Bouzeg 1986:37).


(1) 'Ma ket distanet al laezh ?
est pas refroidi le lait
'Le lait est-il refroidi?' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:37)


(2) 'Peus ket anavezet Soaz ?
3.a pas connu Soaz
'Avez-vous connu Soaz?' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:37)


Bibliographie

  • Hemon, R. 1969. 'Hag-eñ', Ar Bed Keltiek 126 : 155-156.