Pehini, pere

De Arbres

Les formes morphologiques pehini et pe re sont très vivantes en breton moderne sous une lecture interrogative, lorsqu'il s'agit d'interroger sur un ensemble (type 'lequel d'entre eux', 'lesquelles de ces pommes'). Elles sont aussi vivantes en interrogatifs de discours rapporté.


  • Ar famillou a glaske gouzoud diouz o bugale pere oa ar re a ouie ar gwella o hatekiz.
'Les familles cherchaient à savoir de leurs enfants qui étaient ceux qui savaient le mieux leur catéchisme.'
Léon, Lagadeg (2006:113)


L'usage de pehini et pere en tant que pronom relatif est plus discuté, mais on en trouve l'usage en corpus.


(1) Kar g'er luér-gaer pehanni e zou, mi huil a ziabél.
car avec'le lune-belle quel.celui R y.a moi voit de loin
'Avec le beau clair de lune qu'il y a, je vois de loin.' Vannetais, An Diberder (2000:102)


Morphologie

composition

On retrouve dans le composé, comme dans le français lequel/laquelle, un élément morphologique de type interrogatif (le préfixe pe-) et un élément pronominal (hini).

Syntaxe

 Favereau (1997:§590)
 "Cette tradition syntaxique, liée au "breton de curé" (...) a été celle de tous les grammairiens prémodernes du XVII° et du XVIII° siècles comme Maunoir, Le Pelletier ou Grégoire (cf. Lambert 1976-77 / 282), puis elle fut systématiquement rejetée par les grammairiens "modernes", sauf rares exceptions (...). On trouve des parallèles en gallois (...) et Fleuriot la considérait comme indigène et non "française", comme on le suppose généralement. 

diachronie

moyen breton

Les pronoms relatifs pehini et pere sont documentés en breton au moins depuis 1519. Widmer (2012:37) en compte un usage quantitativement de plus en plus important dans les textes du Mirouer (1519), et jusqu'au début du breton moderne (Cathech., Cnf., Bell.).


  • poanyou an yffernn pere so aeternal,
'Les peines de l'enfer, qui sont éternelles', breton 1519, M.:2612, cité dans Widmer (2012:35)


Au début du breton moderne (Beach), les relativisations commencent à utiliser massivement le rannig a, et les pronoms pehini et pere lui semblent alors une "extension lexicale" optionnelle (Widmer 2012:37).

présence en breton moderne

De Rostrenen (1738:69-70) considère vivante en breton la forme pehini et son pluriel pere. Il note page 175-6 que ces formes peuvent être absentes lorsque le nom relativisé de troisième personne est au cas direct (nominatif ou accusatif). Il semble plutôt selon ses exemples que les substantifs indéfinis relativisés imposent le complémenteur ha(g).

Les formes relatives de pehini sont aussi citées par Hingant (1868:§70), et restent vivantes en poésie. Favereau (1997:§590, §591) en fournit quelques exemples.


  • Evit ober ganti traoù dous, Dre pehini en deus jouiset anezhi.
(1814) (TSG.:327-329), cité dans Menard (1995:§'amourous')

effet de contact ?

Le pronom relatif pehini ou son pluriel pere sont régulièrement signalés comme un phénomène restreint aux textes écrits qui sont notoirement influencés par le français.

 Stephens (1982:7)
 
 "Certain written sources, in particular some of the texts published in the latter period of Middle Breton and Early Modern Period, may not reflect the reality of the language of the day. Authors were, in most cases, strongly influenced by their knowledge of Latin and French grammmar.
 This is illustrated dramatically in the vocabulary, in the large number of French loan words and in the abundance of relative pronouns which, according to Hemon (1975:289) "never occur and probably never did occur in the spoken language". They are not used in Modern Literary Breton.
 

L'hypothèse d'une utilisation par contact de langues n'explique pas la généralisation notée par Widmer d'une recrudescence des utilisations de pehini et pere jusqu'au breton moderne précoce, et sa chute alors corrélée à l'utilisation du rannig a.

effet stylistique ?

Blanchard (2012), en introduction de Burel (2012), considère que l'emploi de pehini/pere marque stylistiquement un niveau de langue.

 p.24:
 "L'emploi de mots français, comme le pratique Burel, ou de relatives calquées sur le modèle français (avec une conjonction relative: "pehini/pere") constitue à l'époque [début du XX°] dans le domaine littéraire, en dehors du milieu bretoniste et régionaliste, un acte de distinction sociolinguistique hérité de périodes plus anciennes lors desquelles la langue française n'occupait qu'un champ restreint en Basse-Bretagne. 
 Si l'emprunt au français est l'une des caractéristique[s] de ce que l'on nomme le "breton de curé", il l'est également de la pratique littéraire mondaine dont la base aux 17° et 18° siècles repose sur une abondante métaphorisation permettant le passage du concret à l'abstrait et un glissement du religieux vers le profane, dans un jeu sociolinguistique de visite lexicale de la langue française à des fins de distanciation, parfois parodique, ou de connivence entre connaisseurs de ce système de détournement."