Les onomatopées
Une onomatopée est un son qui a grammaticalisé en un mot du lexique. Ce son imite un son qui existe en dehors du langage (Il te reste du pchitt pour la gorge?).
(1) | An hik | a zo ganin. | ||||
le hik | R est avec.moi | |||||
'J'ai le hoquet.' | Trégorrois, Gros (1984:395) |
Morphologie
Les onomatopées ont une morphologie très particulière. Si une onomatopée est modifiée, la phrase peut devenir pragmatiquement étrange mais pas agrammaticale. Cette réalisation potentiellement flottante disparaît lorsque l'élément est dérivé morphologiquement.
dérivation
-adenn
La dérivation des deux suffixes -ad et -enn obtient de façon productive une finale en -adenn qui dénote l'évènement soudain qui produit le son de l'onomatopée.
(2) | E oan a-zevri | krog | gant ma labour, | pa glevis | ur strakadenn... | Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:33) | |
R étais résolument | commencé | avec mon2 travail | quand1 entendis | un déflagr.ation | |||
'J'avais commencé à travailler de bon coeur, quand j'entendis un bruit de verre...' |
Inventaire
Le breton utilise couramment les onomatopées comme source lexicale et fonctionnelle.
noms
Le nom takenn est composé de façon transparente d'une onomatopée tak suivie du suffixe singulatif -enn. Ce suffixe exocentrique en fait un nom féminin (un dakenn 'une goutte').
Dans le domaine nominal, on peut aussi penser aux minimiseurs grammaticalisés à partir d'onomatopées.
(2) | gouzout | na bu | na ba | ||||
savoir | ni bu | ni ba | |||||
'piger que dalle' | Trégorrois, Konan (2017:105) |
A Ouessant, Malgorn (1909) donne ar flip 'le martinet' "sans doute par onomatopée du bruit qu'il fait en tombant".
adjectifs et adverbes
Krak est une onomatopée grammaticalisée en un adjectif signifiant 'net, sec, cassant, catégorique' (Gros 1970b). Cet adjectif a aussi un usage adverbial (krak-ha-krenn 'catégoriquement', Merser 2009). L'adjectif a probablement grammaticalisé pour donner le préfixe krak-, mais le passage sémantique de l'un à l'autre n'est pas transparent.
Typologie
Les onomatopées sont conventionnalisées, et ne sont pas les mêmes à travers les langues. Pour un désigner un son explosif, l'anglais utilise pop alors que le lithuanien utilise pokšt. Les deux imitent un son du monde réel, mais l'adaptent différemment à la phono-esthétique interne à la langue.
En (3), le son du miaulement d'un chat est utilisé pour grammaticaliser un verbe. Ce verbe fait alors partie du lexique et peut recevoir les dérivations propres à la langue, comme ici une finale nominalisante en -adenn. On peut voir dans sa glose en français le même type de dérivation, à partir d'un son interprété différemment par la phonologie du français.
(3) | Ar gazez | he-devoa greet | eur pez | mignaouadenn. | ||
le 1chatte | 3SGF-avait fait | un morceau | miaul.ement | |||
'La chatte avait poussé un grand miaulement.' | Trégorrois, Gros (1970b:'ober') |
A ne pas confondre
Les expressions idéophoniques ressemblent aux onomatopées car elles ont une forme d'iconicité. Les expressions idéophoniques n'imitent pas directement un son, mais attachent une sorte de proto-sémantique à un son particulier de la langue. Armoskaite & Koskinen (2017) donnent comme exemple les voyelles d'avant qui tendent à être associées avec les référents petits, minces ou légers Elles citent l'anglais teeny-weeny ou les suffixes diminutifs lithuaniens –yt- et –ėl-. Les reduplications sont souvent discutées en terme idéophoniques, par exemple lorsqu'elles servent la formation des pluriels ou l'itérativité.
Les interjections de type Oh!, A!, n'empruntent aucunement un son du monde en dehors du langage.
Bibliographie
- Armoskaite, Solveiga & Päivi Koskinen. 2017. 'Structuring sensory imagery: ideophones across languages and cultures', introduction à The Canadian Journal of Linguistics / La revue canadienne de linguistique 62(2), 149–153.