Différences entre les versions de « Ne, na »

De Arbres
m (Mjouitteau a déplacé la page Ne vers Ne, na)
(Aucune différence)

Version du 15 mai 2016 à 10:59

Le morphème ne est le premier de la négation bipartite ne... ket.


(1) Ma ne vijen ket redet kuit…
si ne étais pas couru parti
'Si je ne m'étais pas enfui...' Standard, Drezen (1990:74)


Morphologie

Parfois, le premier morphème de la négation peut n'être pas réalisé. Le morphème ne semble alors optionnel. (Attention, parfois le ne n'est pas prononcé du tout, mais il est présent syntaxiquement. Voir les cas d'absence superficielle de ne).


Réduction morphologique

  Favereau (1997:§490):
 […] Il arrive parfois (et même souvent en tempo I) que n disparaisse et soit remplacé par ’h (Ph, ou ’z en Léon etc.): 
 ’H ez ket da gontañ an dra-se din! 
 'Ne va pas me raconter ça!'
 
 (cf. ’z eus ket < ne’z eus ket L, ‘ha ket < ne’ha ket KT). De même, ’H 'o ket ‘vit ‘n em zivenn., 'Il ne pourra pas se défendre.' (< (ne) vo ket…), et même chez les jeunes bilingues (Davalan) *C'h ouzon ket.)

A Groix, Ternes (1970:284) note que si la partie ne de la négation est souvent élidée, elle a cependant tendance à être prononcée lorsqu'un pronom objet proclitique est présent.

ned, nan

Dans certaines variations dialectales, on trouve la forme ned, parfois abrégée en 'd:


(2) [ tut pe ɥelǝt nǝdǝtʃǝ daɲ ]
tout 'pe(zh) 'welit nend eo ket din.
tout ce que R voyez ne est pas à.moi
'Tout ce que vous voyez n'est pas à moi.' Bas-vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:49)


(3) [ ər biwãs døtʃət kɛnklõzɛlirɔk ]
ar bevañs 'd eo ket kenkloñs èl e-raok
le nourriture ne est pas aussi.bonne que avant
'La nourriture n'est pas aussi bonne qu'avant.'
Bas-vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:16)


(4) Ha neuze, ni a vrunelle-ni rac'h àr-un-dro: "'D eo ket gwir, 'd eo ket gwir!"
et alors nous R protestait-nous tous P-un-tour ne est pas vrai ne est pas vrai
'Et nous de protester, tous en chœur: "C'est pas vrai, c'est pas vrai!".'
Vannetais, introduction ar Meliner (2009:18)


On trouve aussi la forme nan.

(5) nemet eur bugelig nan eo ! Ha petra a fell d'ec'h ? Eur pôtr dek vlâ nan eo ket evelkent eun den grêt.

'Il n'est qu'un enfant! Et que voulez-vous? Un garçon de dix ans n'est pas un adulte.,
Bas-Trégor, Al Lay (1925:25)

Syntaxe

En termes syntaxiques, la partie préverbale ne de la négation est un complémenteur.

Ce complémenteur déclenche une résomptivité obligatoire lorsqu'un sujet le dépasse ('that-trace effect', Jouitteau 2005:411). Cela a pour effet qu'un sujet devant la négation aura un double pronominal, comme le montrent les paradigmes d'accord obligatoire avec un sujet prénégation.


(x) ... SUJET ne verbe.accord du sujet
mes neuze an dud ne c'hellent ket kanañ ken
mais alors le gens ne pouvaient.3PL pas chanter plus
'Mais alors les gens ne pouvaient plus chanter.'
Standard, Interview Brigitte Kloareg, par Ronan Hirrien


NEG + rannig

Le complémenteur ne peut apparaître morphologiquement fondu avec le rannig qui le suit. Lorsque le sujet est antéposé devant la négation, celle-ci qui est ne en breton standard peut aussi apparaît avec le rannig a visiblement intégré. Cette forme est typique des écrits des trégorrois Jules Gros (Favereau 2000:§'ne') et Leclerc.


(1) Hennezh na zav tamm ebet : ur skronn fall a-walh?
celui.ci ne.R1 monte morceau aucun un gringalet mauvais assez (est)
'Il ne pousse pas du tout: c'est un gringalet.' Trégorrois, Gros (1984:407)


(2) An dour na vo nemet tommoc'h a ze.
le eau ne.R sera seulement chaude.plus de ça
'L'eau n'en sera que plus chaude' Tréguier, Leclerc (1986:130)


  • cf. aussi:
Ar paotr-mañ na gresk ket...; 'Ce garçon ne grandit pas...' (Gros 1984:20)
Ar re-ze na vezont ket klañv kammed.; 'Ceux-là ne sont jamais malades.' (Gros 1984:302)
An tamm-ze na blij ket deoh?; 'Ce morceau ne vous plait-il pas?' (Gros 1984:336)...

unique marqueur de négation

Ne peut être l'unique marqueur de la négation dans certains dialectes conservateurs comme le vannetais, dans un breton standard soutenu (Drezen, Morvannou) et dans des expressions figées (cf. ne vern, 'ça m'est égal') ou datées (chansons et proverbes).


vannetais

(1) Én èbr heneoah ne fehè bout kleuet boéhieu en Eled é kañnal d’er Peah.
en.le ciel ce.soir ne serait être entendu voix le anges à chanter à le paix
'Dans le ciel ce soir, on ne pourrait entendre les voix des anges chanter à la paix.' Vannetais, Herrieu (1974:41)


(2) Ne fehér bout karadekoh.
ne serait.IMP être aimable.plus
'On ne pourrait être plus aimable.' Vannetais, Herrieu (1974:78)


(3) Guskemanteu hur bro ne fehé bout par dehé.
costumes notre pays ne serait être semblable à.3PL
'Il ne saurait être de costumes comparables aux costumes de notre pays.' Vannetais, IB. (1910:19)

standard soutenu

(4) Penaos e rin-me, emezi, pa n’ho kwelin ?
comment R ferai-moi, dit.elle quand ne vous verrai
'Comment ferai-je, quand je ne vous verrai plus?' Standard, Drezen (1990:64)


(5) N’on bet o neuñvial nemed ur wech en hañv-mañ: ur sulvezh e oa.
ne suis été à nager sauf un fois en.le été-ci un dimanche R était.
'Je ne me suis baigné qu'une fois cet été: c'était un dimanche.' Standard, Morvannou (2011:153)

négation sans ne

La carte 206 de l'ALBB illustre les traductions de Je ne peux pas courir, avec principalement des utilisations du verbe gallout, 'pouvoir'. On note deux cas francs d'absence de ne en Sud vannetais, avec des réponses en gallan ket qui montrent une absence de mutation sur la racine révélatrice de l'absence de ne au niveau syntaxique.

Ne explétif

La négation peut être explétive. En (1), le premier ne est calculé sémantiquement, mais pas le deuxième.


(1) [zân 'tomaz 'grédaz kén 'ɥelaz ]
Sant Tomas ne gredas kent ne welas.
Saint Thomas ne1 crut avant ne1 vit
'Saint Thomas ne crut qu'une fois qu'il vit.' Proverbe, Plourin (1982:669)
= 'Il n'a pas cru jusqu'au moment où il a vu.'


On trouve aussi parfois un ne explétif après ken, 'tant'.


(2) E taoler houarnaj ken nend eo ur spont.
R jette.IMP fer tant ne/que est un honte
'On jette du fer que c'en est effrayant.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:14)


Un ne explétif apparaît aussi devant nemet, 'seulement', de façon similaire au français cela n' est que ....


(3) Amiguito, ha n’oc’h eus ket lavaret din ne vezoc’h gant ho servij en iliz nemet e-pad ur sizhunvezh ?
amiguito Q ne'avez pas dit à.moi ne serez avec votre service dans église seulement pendant un semaine
'Amiguito, ne m'avez-vous pas dit que vous serez de service à l'église pendant seulement une semaine?'
Standard, Drezen (1990:63)


redoublement

Gros (1984) a de curieux exemples de doublement de la négation ne:


(4) N' ouzon ket euz peleh e oa ha ne n' ouzon!
ne sais pas de R était et ne ne sais
'Je ne sais pas d'où il était, et je ne le sais (pas du tout)' Trégorrois, (Gros 1984:64).


(5) Honnez n'eo ket eüruz, ha na n'eo!
celle-ci ne est pas heureux et ne.R1 ne est
'Celle-là n'est pas heureuse, et elle ne l'est pas!' Trégorrois, (Gros 1984:63).


(6) Anduri zo red, med karoud na n 'eo ket.
endurer est obligé mais aimer ne.R1 ne est pas
'On est obligé d'endurer le mal, mais non de l'aimer.' Trégorrois, Gros (1984:541)

Bibliographie

  • Fleuriot, L. 1984. 'La particule introductive de phrase na en Breton et en cornique', Études Celtiques t.21:223-230.