N'eus forzh pe X

De Arbres

Les formes en n'eus forzh pe X, littéralement 'n'importe quel.le X' ou 'sans faire cas de la spécificité de X' sont fréquentes en breton moderne. Ce sont des indéfinis de choix libre.


(1) Lod all zo plijet gant an divyezhegezh kentoc'h, forzh peseurt yezh e vije an eil.
partie autre est pl.u avec le deux.lingu.isme plutôt cas quel.sorte langue R4 serait le second
'D'autres sont plutôt attirés par le bilinguisme, quelle que soit la langue seconde.'
Standard, Bremañ n°226-7, p.7


Hingant les documente dès 1868 (:§139-146). Elles ne sont pas reportées dans Favereau (1997) ou Schapansky (1996).


Morphologie

Le nom forzh est traduisible par 'cas' dans 'ne pas faire cas de … ', d'autant plus qu'il s'agit d'un item de polarité négative comme 'cas' en français.


grammaticalisation

Lorsque l'item de polarité négative n'eus forzh prend portée sur un pronom interrogatif, on obtient sémantiquement un indéfini de choix libre.


(2) N'eus forz da di biou ez in, e vin degemeret mad.
ne1 est cas à1 maison1 qui R+C irai R serai accueill.i bien
'Où que j'aille je serai bien reçu.'
Trégorrois, Gros (1989:'forz')


Cette structure a grammaticalisé en un groupe nominal indéfini de choix libre: n'eus forzh pe X. Ce groupe nominal peut être précédé d'un article indéfini.


(3) Un n'eus forzh piv ne deo ket den da reiñ bara d'ur plac'h seven.
un ne1 est cas qui ne1 +Cest pas personne à1 donner pain à un fille respectable
'Quelqu'un qui est n'importe qui n'est pas homme à donner du pain à une fille respectable.'
Léonard, Abeozen (1986:48)


Le groupe nominal grammaticalisé peut être modifié, au moins par le préfixe gwall- qui est un intensifieur. Vallée (1980:'importer') mentionne en trégorrois n'eus gwall-forz petra, / penaos, 'à peu près n'importe quoi, n'importe comment'.

négation optionnelle

La négation n'est pas toujours réalisée phonologiquement, mais semble être présente dans la structure (un peu comme T'inquiète ! en français, qui n'est interprétable qu'avec la négation, alors qu'aucun morphème ne … pas n'est présent).


(4) [fors 'pea a xwarˌveo]
N'eus forzh petra a c'hoarvezo. Équivalent standardisé
ne1 est cas quoi R1 arrivera
'Quoi qu'il arrive.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:132)

répartition dialectale

Châtelier (2016:200) note que la locution n'eus forzh qu'il relève chez Le Bris en léonard de 1709 ne se retrouve pas chez les traducteurs vannetais Marion et Séveno, qui utilisent plutôt ne vern.


Syntaxe

impératives

(1) Trapit n'eus forzh peseurt kartenn.
prenez ne1 est cas quelle.sorte carte
'Prenez n'importe quelle carte.'
Cornouaillais (Douarnenez), [HD 08/2010]


conditionnelles

N'eus forzh pe X, avec un conditionnel, peut aussi être utilisé pour réaliser une concessive.


(2) Forzh piv a vije o selaou ha forzh peseurt abeg en dije sachet tud « Fri Louz »...
cas qui R1 serait à4 écouter et cas quelle raison 3SGM aurait tir.é gens Fri Lous
'Quiconque ait été à écouter, et quelles que soient les motivations des gens de Fri Lous… '
Favereau & Le Bihan (2006:350)


génériques

(3) Ar furnez 'daill aour forz da biou.
le sag.esse R1 vaut or cas à1 qui
'La sagesse vaut de l'or pour quiconque.'
Cornouaillais (bigouden), Goyat (2012:340)


futur

(4) N'eus forz pegoulz ez i di...
ne1 est cas quand R+C iras y
'Quand que tu ailles… '
Trégorrois, Gros (1989:'forz')


N'eus forzh pe X a une lecture positive de type 'la moindre chose', comme l'aurait la reduplicationtra-mañ-tra.


(5) Marc'had kuzh a zeuio atav pa vanko n'eus forzh petra.
marché caché R1 viendra toujours quand1 manquera ne1 est cas quoi
'Il y aura toujours un marché noir quand une chose manque, quelle que soit cette chose.'
Standard, Herri (1982:43)


imparfait, 'quiconque'

(6)... ar roue, he zad, he c'hare muioc'h eget n'eus forz piou.
le roi son2 père la2 aimait plus que ne1 est cas qui
'... le roi, son père, l'aimait plus que quiconque.'
Cornouaillais (Pleyben), Ar Floc'h (1950:227)

Horizons comparatifs

L'expression française n'importe quel N est aussi un indéfini de choix libre. Il est aussi composé morphologiquement d'une négation, du verbe signifiant 'importer', et d'un mot interrogatif. Sa distribution est restreinte aux phrases génériques, aux impératives et aux protases des conditionnelles (Jayez & Tovena 2005:4).

Dans les phrases épisodiques, n'importe quel X est grammatical (Ce jeudi là, j'ai fait n'importe quoi/ Tu avais invité n'importe qui), mais a une lecture péjorative prononcée très reconnaissable.


Bibliographie

  • Paillard, Denis. 1997. 'N'importe qui, n'importe quoi, n'importe quel N', Langue Française 116, 100–114. texte.