Mots interrogatifs
Les mots interrogatifs sont ceux qui servent à "remplacer" l'élément sur lequel porte une question.
Ces mots sont aussi appelés des 'mots -wh' (car il commenceraient par wh- en anglais: who, what, which, when, etc.)
En français, ces mots commencent prototypiquement par 'qu-' (quel, qui, quoi).
En breton, ont reconnaît souvent le préfixe pe-. Cette fiche dresse un inventaire des mots interrogatifs et de leur variation dialectale.
Morphologie
accentuation
Les mots bisyllabiques en pe- sont des composés transparents. Ils prennent l'accentuation sur la dernière syllabe.
(1) peTRA, peSEURT, peLEH, peGOULZ, peGEIT, peNAOZ...
- Léon (Cléder), Fave (1998:117)
(2) /pe'ɡɛjd/ , Plozévet, Goyat (2012:124)
On note cependant quelques exceptions, comme petra en pays bigouden avec les formes en pera, per, pere, pira, en pays glazik ou sur l'île de Sein, le sud du Léon (carte 525 de l'ALBB).
Inventaire des mots -wh
nom animé
- 'qui': piv
L'ALBB carte 528 documente la variation dialectale de la traduction de Qui?.
(1) | Hennezh | ne oar den | piv | e kred | ez eo | _ . | ||||
celui.ci | ne sait personne | qui | R croit | R est | ||||||
'celui-ci, personne ne sait qui il croit être.' | Standard, Uderzo & Goscinny (1977:30) |
(2) | [WH | Piou an diaoul ] | _[ø]_ | [DP | al lakepod-man ] [...] ? | ||
qui le diable | est | le énergumène-ci | |||||
'Qui diable est cet énergumène?' | Léonard | Kerrien (2000:12) |
- pehini, (Hingant 1868:§70)
- pere (Hingant 1868:§70, Vallée 1926:14)
(3) | [WH | Pere ac'hanoc'h ] | a gano | bremañ | kanaouennou? | |
qui de.vous | R chantera | maintenant | chansons | |||
'Lesquels d'entre vous chanteront des chansons maintenant?' | Vallée (1926:14) |
nom inanimé
- ou pehini, pere (Hingant 1868:§70)
lieu
En vannetais, l’interrogation de lieu distingue la provenance de la destination.
(1) | …hag a c’houlenn gete | a beban int | ha d’e men | eh aont. | ||||||
et R demande avec.eux | de où sont | et à où | R vont | |||||||
'Et il leur demande d’où ils sont et où ils vont.' | Vannetais, Herrieu (1994:235) |
(2) | 'men | 'maint? | |||||
où | sont | ||||||
'Où ils sont?/ Où sont-ils?' | Uderzo & Goscinny (1977:10) |
(3) | E men | ma éan? | |||
où | est lui | ||||
'Où est-il?' | |||||
Vannetais, chanson Le marquis de Pontcallec (Le Mercier d'Erm 1926:69) |
temps
L'ALBB carte 518 documente la variation dialectale de la traduction de Quand?.
L'interrogatif temporel (cf. 'quand') se trouve sous différentes formes dont les principales sont :
- peur en Léon,
- pedavare, pelare, pevare dans le sud de l'aire centrale (pezavare dans Trépos 2001:§322, /pøz'va:re/ à Plozévet; Goyat 2012:211)
- pegoulz au nord-est... (ALBB carte 518)
On trouve aussi:
(1) | E pezh kours | ag ar ble? | |||||
en quel moment | de le année | ||||||
'A quel moment de l'année?' | |||||||
Vannetais (Arradon), Audic (2011:15) |
manière
L'interrogatif de manière (cf. 'comment') se trouve sous les formes penaos, peseurt mod, pegiz (ALBB carte 519).
Wmffre (1998) signale la forme peneuz (lit. quelle.apparence) en breton central.
(1) | Penaos | ' rin-me | evit mont e kêr ... | ||||||
comment | R ferai.moi-moi | pour aller en ville | |||||||
'Comment vais-je faire, moi, pour aller en ville?' | Standard, Kervella (2002:30) |
(2) | Ouion ket | pegis e passa an amzer | , med hirig ha berrig, | n'avañsa ket an traou. | |||
sais pas | comment R passe le temps | mais long.petit et court.petit | ne avance pas le choses | ||||
'Je ne vois pas comment le temps passe, mais je ne fais que bricoler, les choses (le travail) n'avance(nt) pas.' | Plourin (2000:34) |
but
(1) D'ober petra?
- pour faire quoi
- 'pour quoi faire?', 'à quoi bon?', Plozévet, Goyat (2012:234)
cause
L'interrogatif de cause (cf. 'pourquoi') se trouve sous des formes très différentes.
L'ALBB carte 521 documente la variation dialectale de la traduction de pourquoi?.
Les formes sont très variées, et plusieurs interrogatifs peuvent être usuels dans le même parler.
- perak - d'ober petra - petra 'zo kaoz - a gaoz da betra, a gaoz da berak - abalamour da betra, abalamour da beseurt
Evenou (1987:535) confirme la forme a gaoz da berak en Haut-cornouaillais (Lanvenegen), et Ar Borgn (2011:22) a-gaoz da perak, sans la mutation, au Scorff.
(1) | Difennet eo | alum gouloù | a-gaoz d’an enebourion. | ||||
défendu est | allumer lumières | à1 cause de'notre ennemis | |||||
'Il nous est défendu d'allumer les lumières à cause de l'ennemi.' | Vannetais, Herrieu (1994:46) |
On peut rajouter:
- evit pesort rezon, signalé par Ar Borgn (2011:22) dans le parler du Scorff.
- gos peder, signalé par Daouphars (2004:32) à Gourin:
gos peder, d'am soñj, a zinifi: kaoz da betra, da lared eo perag. Ar gêr 'perak' n'eo morse implijet ba' brezhoneg Gourin. Gos peder vez implijet evid sevel ur goulenn. Gos vez implijet ive ba' frazennoù n'int ket goulennoù 'nehe: Gos faote dehe kaoud ur jao bennag, met abalamour a vo klevet ive: Re n'eus keseg bremañ 'zo abalamour n'eus-é awalc'h arc'hant...
- tra-penn da betra
(2) | [tar 'pɛn | da ˌbe:a | ne ke 'død ] | ||
Tra-penn | da betra | n’eo ket deuet ? | |||
à.cause | de quoi | ne'est pas venu | |||
'A cause de quoi n’est-il/elle pas venu(e) ?' | Plozévet, Goyat (2012:235) |
- dam 'betra
(3) | Dam 'betra | emaoc'h o sell | deusoutañ? | ||||
pourquoi | êtes à regarder | à.lui | |||||
'Pourquoi vous intéresse-t-il?' | Le Juch, Hor Yezh (1983:17) |
quantifier
quantifier sur des noms
(1) | A: | Ped | loen-kezeg | ho-peus? | B: | Daou | am-eus. | ||
combien | animal-chevaux | 2PL-a | 2 | R.1SG-a | |||||
'Combien de chevaux avez-vous ? J'en ai deux.' | Trégorrois, Gros (1984:182) |
- pour le temps: standard pegeit, cf. la carte 517 de l'ALBB, pour la traduction de 'combien de temps...'
- La structure prépositionnelle pegement a X, 'combien de X' semble pouvoir quantifier tous les non-comptables.
quantifier sur des prédicats
(1) | Pegen bras | eo bremañ ho mab? | |||||
combien grand | est maintenant votre fils | ||||||
'Votre fils est grand comment maintenant?' | Standard, Kervella (1947:§407) |
- devant un adverbe, on trouve pegen, sauf si l'adverbe est au superlatif, auquel cas on trouve pegement (Kervella 1947:§542,407).
(2) | Lavar din | pegen alïes | e vezez eno. | ||
dis à.moi | combien souvent | R est y | |||
'Dis-moi combien souvent tu y es.' | Standard, Kervella (1947:§542) |
(3) | Kontañ a reas dezhi | pegement muioc'h a labour | en deveze ur pennad a oa. | |||
raconter R fit à.elle | combien plus de travail | R avait un moment R y.avait | ||||
'Il lui raconta combien plus de travail il avait auparavant.' | ||||||
Standard, Kervella (1947:§542) |
identifier dans un ensemble donné
Piv eus X?
(1) | Piv ac'hanoc'h ho taou? | Piv ac'hanoc'h ho tiou ? | |||||
qui de.vous votre deux.(M) | qui de.vous votre deux.(F) | ||||||
'Lequel de vous deux? Laquelle de vous deux?' | Léon, Constantius (1900) |
'quel X?', se trouve sous les formes petare, peseurt ou pe. Ces formes sont invariables et servent pour les deux genres.
On trouve ces formes dans l'ALBB:
Le Dû (2012:99) donne la forme petœé.
peseurt
Peseurt ne provoque pas de mutation.
(1) | Peseurt mod | on | en em gavet | amañ ? | |||
quelle manière | suis | me1 trouver | ici | ||||
'Comment me suis-je retrouvé ici?' | traducteur Cosey (1983:22) |
Utilisé de façon rhétorique, peseurt obtient une exclamation.
(2) | Pësort | duoñn | ê | hèn-më-hèn! | |||
quelle | suie | est | lui-là-lui | ||||
'Quelle suie il est! (pour quelqu'un de sale)' | Goëlo, Koadig (2010:104) |
petore
La forme petore est reportée dans la carte 524 de l'ALBB en Trégor et en alternance avec pesort à Rumengol sur la commune de Daoulas (point de collecte 31). Il s'agissait de la traduction de 'Quel (livre)?'.
(x) | Sell petore liou | a zo | war an oabl | bremañ! | |||
regarde quel couleur | R y.a | sur le ciel | maintenant | ||||
'Regarde quelle couleur a le ciel maintenant!' | Gros (1970b:§'liou') |
Cette forme est présente dans de nombreux corpus.
- Petore traig bennak?, 'Quelle sorte de petite chose?', Uderzo & Goscinny (1977:48)
- Petore died-hud?, 'Quelle potion magique?', Uderzo & Goscinny (1977:14)
- Mat-tre, met petore tiern a vo droch a-walc'h da zaeañ Anerzhbrec'hiks lakaet kreñv-spontus gant died-hud an drouiz?, Uderzo & Goscinny (1977:6).
pe
On trouve la forme pe.
(1) | - Pe evn a c'hrougous? - Ar goulm | |||||
- quel oiseau R roucoule ? - le pigeon | ||||||
'- Quel oiseau roucoule? - Le pigeon.' | Le Bozec (1933:46) |
Pe provoque parfois une mutation adoucissante (lénition). Le Bozec (1933:46) note une mutation par adoucissement après pe, alors même que dans son dialecte, la mutation D>Z n'est pas effectuée après, par exemple, un nom féminin singulier. Elle est cependant faite après Pe.
La mutation n'est pas partout respectée, comme en (2).
(2) | Pe kalon ne darzho | get chif ha | get glac'har! | ||||
quel cœur ne fendra | avec affliction et | avec chagrin | |||||
'Quel cœur ne se fendra, de chagrin et d'affliction!' | Le Scorff (cantique), Ar Borgn (2011:9) |
En composé, on trouve pehini et son pluriel pere.
'peuz, pez'
Goyat (2012:228) signale à Plozévet, comme en vannetais, la forme pez, 'quel?'. La forme pe co-existe à Plozévet, mais devant certains noms uniquement.
(1) /pøz 'ɛ̃:n/ , Pez unan?, 'lequel?', Goyat (2012:125)
- /pøz 'ã:no pøz/ , Pez ano ’peus ?, 'Comment t’appelles-tu ? (ou vous appelez-vous ?)'
- /pøz o'to va 'ɡata/ , Pez oto oa gantañ ?, 'Quelle voiture conduisait-il ?'
- /pøz 'la:bur va i 'o:bɛr/ , Pez labour a oa oh ober ?, 'Quel travail faisait-il ?', Plozévet, Goyat (2012:228)
Insertion de 'da' ou 'a'
On trouve en léonard, trégorrois et cornouaillais des questions où apparaît la préposition da.
(1) | Hag eñ soñjal | petra | da | ober | _ . | ||
et lui penser | quoi | de | faire | ||||
'Et lui de se demander quoi faire.' | Cornouaille (Pleyben) | Ar Floc'h (1950:15) |
Trépos signale un cas d'insertion de a (pe a lec'h > a pe lec'h).
Trépos (2001:§322) "Autrefois, on tenait à garder pe interrogatif en tête du groupe: pedaleh (da pe leh), 'à quel endroit' pe a leh, (a pe leh), 'de quel endroit' [...] Sauf dans pezavare: 'quand, à quel moment' (pe da vare = da pe vare), le breton n'a pas conservé cet ordre.
Terminologie
Le mot interrogatif est désigné en breton par le terme ger goulennata (Kervella 1947:§404, Chalm 2008).