Loar

De Arbres

Le nom loar dénote la 'lune'.


(1) Kar g'er luér-gaer pehanni e zou, mi huil a ziabél.
car avec le lune1-belle quel.celui R est moi 1voit de loin
'Avec le beau clair de lune qu'il y a, je vois de loin.'
Vannetais (début XXe), An Diberder (2000:102)


Morphologie

variation dialectale

Pour le haut-vannetais, Delanoy (2010) donne loér 'lune'.

La carte 356 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de la pleine lune, lune.


dérivation

Le suffixe verbal de l'infinitif obtient loariañ 'prendre la lune'.


(2) Loa(r)iet é un aldouarenn deut glas ga'r loar.
lune.é est un patate ven.u vert avec le lune
'« Loariet », c'est une pomme-de-terre qui est devenue verte à cause de la lune.'
Cornouaillais de l'intérieur (Laz), Lozac'h (2014:'avalou-douar')


Le préfixe privatif partiel an-, am- obtient amloar. Martin (1929:177) donne à Scaër, Guiscriff, Gourin: amloar 'exposition Nord'. Ménard (2021) traduit 'endroit mal éclairé par la lune'.


Sémantique

les cycles de la lune

La lune marque, par association avec son cycle, une unité de temps.


(1) El loar-mañ ne vo ket a hlao.
en.le lune. ne1 sera pas de1 pluie
'Pendant cette lune-ci il n'y aura pas de pluie.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'loar')


On distingue les lunes pleines ou nouvelles, croissantes ou décroissantes.


(2)... da blantañ hervez mod al loar (war he c'hresk pe war he diskar, war he c'hann pe d'al loar nevez).
pour1 planter selon façon le lune sur son2 croissance ou1 sur son2 décroissance sur son2 plein ou1 à1 le lune nouvelle
'... pour planter selon la lune (croissante ou décroissante, pleine ou nouvelle).'
Cornouaillais (Ploéven), Gouérec (2018:10)


La carte 356 de l'ALBB donne la variation dialectale des traductions de pleine lune. La plupart des dialectes utilisent ar c'han, ou ar c'han loar. On trouve aussi au nord Trégor an nevez bras et ar bras loar. Ernault 1879-1880:150) relève an daouzeget 'la pleine lune' en Trégor à Trévérec et Lanrodec.


Gros (1984:388) donne loar-nevez 'nouvelle lune'.


La lune est dans son cycle, croissante ou descendante. Gros (1984:384) donne diskarloar 'lune sur le déclin'.


(3) Màd eo hada war ann diskar eûz al lôar.
Mat eo hadañ war an diskar eus al loar. Graphie standardisée
bien est semer sur le descente de le lune
'Il est bon de semer au décours de la lune.'
Breton pré-moderne, Le Gonidec (1838:186-7)

al lun

Le jour de la semaine qui, selon le calendrier pré-chrétien, référait à la lune, est le lundi. Le nom breton pour ce jour de la semaine, al lun, est un emprunt au génitif latin lun-ae.

Expressions

l'heure selon la lune

(1) Ped eur eo gant al loar ?
quel heure est avec le lune
'Il est quelle heure à la lune ?'
Standard, Riou (1941:14)

'lune rousse', suilh raden

La lune rousse qui dénote la lunaison du gel tardif, fin avril début mai, est en breton ar suilh-raden, littéralement le /brûle-fougères/.

Diachronie

Matasović (2009) postule une racine proto-indo-européenne en *lewg- 'plier, courber, faire tourner' (IEW:685f.) qui obtient le proto-celtique *lugrā, ainsi que dans d'autres branches de l'indo-européen, les cognats grec lygizo 'plier', lithuanien lùgnas 'courbé' et sanscrit rujáti 'se casse'. Cette étymologie s'appuie sur le sens de 'jeune lune', 'en croissant', comme 'courbée'. Deshayes (2003) postule aussi ce celtique commun en *lug-ra-, obtenant le vieux breton loir, loer 'lune', le vieux cornique luir, le cornique lor et le gallois Uoer.

Schrijver (1995:332) évoque alternativement l'hypothèse d'une racine en proto-indo-européen *lows- donnant le gallois lloer et le latin lūridus 'pâle, jaune'.

Matasović (2009) rejette l'hypothèse de Pokorny (IEW 690) d'une connection avec la racine *lewk- 'briller' (latin lux, etc.) sur un argument phonologique - un manque de variante de cette racine avec une vélaire voisée.

Giraudon (2007) mentionne dans des cultures celtiques une récurrence d'image de 'jument blanche' associée à la lune. Ce nom imagé de la lune serait en breton de Molène, ar gazeg wenn 'la jument blanche' et en irlandais an làir bhan, littéralement 'la jument blanche'. L'attestation de ar gazeg wenn à Molène demanderait confirmation: un auteur de 1938, Léon le Berre, a juste écrit qu'il l'avait "lu quelque part" (Menard & Bihan 2016-:'kazeg-wenn'). On trouve aussi sans lien avec la lune de nombreuses occurrences de ar gazeg wenn comme image de la mer déchaînée, en opposition avec ar gazeg c'hlas 'la jument bleue' de la mer calme. Dans le documentaire Gouerou (2022) sur la lune, Pêr-Vari Kerloc'h, grand druide, évoque une influence de ce double sens d'un nom (vieux?) gaélique làir 'jument / lune' pour expliquer la dénomination ar gazeg wenn de la Troménie de Locronan, nom d'une pierre monumentale associée à des rites de fertilité.

Giraudon (2007) cite aussi une hypothèse qu'il attribue à Christian Guyonvarc'h (mais sans référencer la dite source), qui tracerait une étymologie commune pour ce nom irlandais làir 'jument' et le nom dénotant la 'lune' dans les langues brittoniques. Les scenarii étymologiques et culturels devraient être distingués, et demandent à être précisés. Matasović (2009) note qu'assez tôt en vieil irlandais, une racine éscae, ésca, éisce venant d'une racine de proto-indo-européen concurrente *eskyo- 'lune' a remplacé l'ancien nom irlandais 'lúan 'lune'.

Pour la dérivation d'encore une autre racine indo-européenne 'mois, lune' qui a donné miz 'mois', voir Beekes (1982).


Bibliographie

  • Beekes, R. S. P. 1982. 'The PIE Word for 'Moon, Month' and the perfect participle', JIES 10/1982: 53-64. texte.