Les singulatifs

De Arbres

Les morphèmes singulatifs, comme -enn, sont utilisés pour obtenir des entités singulières. La plupart apparaissent sur des noms collectifs ou massiques.


Suffixes singulatifs

-enn

Le suffixe singulatif le plus communément utilisé est de loin le suffixe -enn (se reporter à la page dédiée).


-ez

On trouve aussi comme singulatif le suffixe -ez. Kervella (1947:§342) donne bragez, bragoù, botez, botoù, derez, diri. Ce suffixe tombe au pluriel.


Noms singulatifs

Une stratégie singulative consiste à associer à un nom collectif les noms penn, 'tête', loen, 'animal' ou pezh, 'morceau' (Kervella 1947:§343, Trépos 1982:236). Kervella (1947:§343) donne aussi pe(m)mo'h,'cochon', penn-deñved, 'mouton', loen-kezeg, 'cheval'.


Gourmelon (2014:44) remarque que ce phénomène touche surtout les noms de groupes d'espèces et des ensembles hétéroclites (penn chatal, 'tête de bétail', pezh dilhad, 'pièce d'habits (différents)', pezh arrebeurri, 'meuble') ainsi que les noms finissant déjà en -en, dans une stratégie morphologique d'éviter le singulatif suffixal en -enn.


Singulatif sur singulier

Des noms syntaxiquement et sémantiquement singuliers peuvent localement apparaître avec le singulatif -enn.

Dans certains cas, le nom racine a été réinterprété comme collectif, c'est-à-dire syntaxiquement pluriel (Trépos 1982:244 cite raz, razenn, 'rat'; to, toenn, 'toit'; gwal, gwalenn, 'alliance'; minwal, minwalenn, 'muselière').

Dans d'autres cas, le nom non-dérivé a tout simplement disparu (Trépos 1982:244 cite higenn, 'hameçon', qui a un cognat hig en Cornique).


Horizons comparatifs

Le recours à un morphème singulatif comme le suffixe -enn en breton n'est pas d'une originalité typologique ébouriffante: il existe entre autres un singulatif dans les autres langues celtiques, mais aussi en berbère, ainsi que dans les divers dialectes de l’arabe.

Les langues comme le français, qui n'ont pas de singulatif grammaticalisé, doivent avoir recours à des classificateurs nominaux individuants pour isoler une sous-unité sémantique d’un nom massique. Cette sous-unité sémantique obtient un objet sémantique singulier qui peut ensuite être pluralisé.


Lectures du pluriel des noms massiques et collectifs

collectif massique racine + classificateur individuant pluralisation sens obtenu
(2) a. (du) bétail une tête de bétail des têtes de bétail pluriel d'entités distinctes
b. (du) sel une pincée de sel des pincées de sel pluriel d'entités distinctes
c. (de la) salade un pied de salade des pieds de salade pluriel d'entités distinctes
d. (du) pain un bout de pain des bouts de pain pluriel d'entités distinctes


Le français opère donc toujours comme dans les rares cas du breton où le singulatif n'est pas utilisé, en utilisant des unités individuantes comme penn, 'tête' ou pezh, 'morceau'. L'opération sémantique d'individuation peut être effectuée à l'intérieur même du mot comme en anglais en passant du nom massique snow 'neige' à snowflake 'flocon de neige'.

Bibliographie

horizons comparatifs

  • Cuzzolin, Pierluigi, 1998. ‘Sull’origine del singolativo in Celtico, con particolare riferimento al Medio Gallese’, Archivio Glottologico Italiano 83(2), 121–149.
  • Harrison, Godfrey & Susan Jones, 1984. ‘The imperceptible marking of Welsh singulatives’, Cardiff Working Papers in Welsh Linguistics 3, 89–96.
  • Irslinger, Britta. 2011. 'Les dérivés gallois, cornique en -yn / -en, breton en -enn et irlandais en -ne : fonction et sémantique', Nelly Blanchard, Ronan Calvez, Yves Le Berre, Daniel Le Bris, Jean Le Dû, Mannaig Thomas (dir.), La Bretagne Linguistique 15:43-81.
  • Irslinger, Britta. 2009. 'Singulativ und Kollektiv in den britannischen Sprachen', Uwe Hinrichs, Norbert Reiter et Siegfried Tornow (éds.), Eurolinguistik. Entwicklung und Perspektiven, 233–53. (Eurolinguisitische Arbeiten 5) Wiesbaden: Harrassowitz.
  • Nurmio, S. 2015. Studies in grammatical number in Old and Middle Welsh, dissertation, St John’s College, University of Cambridge.
  • Pronk, Tijmen, 2015. ‘Singulative n-stems in Indo-European’, Transactions of the Philological Society 113(3), 327–348.