Différences entre les versions de « Les mutations consonantiques »

De Arbres
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== Bibliographie ==
== Bibliographie ==


* 1987. « Pennad-kaoz gant Jakez Kerrien: Re, re em-bije karet ar brezhoneg », conversation (en breton) avec Jakez Kerrien : « Trop, j'aurais trop aimé la langue bretonne », recueillie par Pascal Rannou, publiée dans ''Le Peuple Breton'' n° 287.
* Ernault, E. 1897. 'Sur la mutation faible de ''d'' après ''n'' en breton', ''[[ZCP|Zeitschrift für Celtische Philologie]]'' 1, 38-46.  


* Ernault, E. 1897. 'Sur la mutation faible de ''d'' après ''n'' en breton', ''[[ZCP|Zeitschrift für Celtische Philologie]]'' 1, 38-46.  
* Kerrien, J. 1987. « Pennad-kaoz gant Jakez Kerrien: Re, re em-bije karet ar brezhoneg », conversation (en breton) avec Jakez Kerrien : « Trop, j'aurais trop aimé la langue bretonne », recueillie par Pascal Rannou, publiée dans ''Le Peuple Breton'' n° 287.
 
* Stephens, J. 1996. 'The acquisition of mutations in Breton', ''Teod'' 2:22-32.  




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Version du 11 octobre 2010 à 12:23

Les mutations consonantiques sont un trait remarquable des langues celtiques. Elles modifient les consonnes initiales de catégories lexicales.

Les transformations des mutations

En breton, les consonnes initiales d'un mot susceptibles de muter sont:

K, T, P, G, D, B, M, D, Gw
(mnémotechnique: Kasse Ta Pipe Gueule De Bois Marmonne Gwenola)

Dans la réalité de la langue parlée, il en existe en fait d'autres (par exemple la lénition F > V).

Ce qu'il advient de ces consonnes une fois la mutation accomplie est résumé dans le tableau ci-dessous.

Consonne initiale mutable: K T P G Gw D B M
1. lénition G D B C'h W Z V V
1 a. G D B C'h W _ V V
1 b. _ _ _ C'h W Z V V
2. spirante C'h Z F _ _ _ _ _
3. durcissante _ _ _ K Kw T P _
4. léniprovection _ _ _ C'h W T V V
5. réduite C'H _ _ _ _ _ _ _


Les différents déclencheurs des mutations

La lénition

La mutation consonantique dite 'adoucissante' (dictionnaire Mouladurioù Hor Yezh) est déclenchée par:

le rannig a
les déterminants possessifs da (2SG) et e (3SGM)
les pronoms objet proclitiques da (2SG) et e (3SGM)
les prépositions da, a, dre, et parfois après dindan, diwar, pe, war
les cardinaux daou et div (2)
les particules négatives ne et na
le réflexif en em
l'équivalent du gérondif: en ur,
le quantifieur holl
eme
gwall, hanter, et de nombreux autres préfixes.
un mot féminin singulier, ou masculin pluriel de personnes qui n'ont pas leur pluriel en -où sur un adjectif épithète ou un nom en apposition


Cas 1a: après l'article défini ar et an, et l'article indéfini ur et un pour les noms féminins singuliers et les noms masculins pluriels de personnes qui n'ont pas leur pluriel en -.
Cas 1b: adjectifs épithètes et noms en apposition après les substantifs se terminant par autre chose que L, M, N, R, V ou une voyelle.
note: la mutation de Z après N est facultative dans les cas 1 et 1b.

La spirantisation

La mutation consonantique dite 'spirante' (dictionnaire Mouladurioù Hor Yezh) est déclenchée par:

les déterminants possessifs ma, va, em, am (1SG), he (3SGF), o (3PL)
les pronoms objet proclitiques ma, va, em, am (1SG), he (3SGF), o (3PL)
les cardinaux tri, teir (3), pevar et peder (4), nav (9)

la mutation durcissante

La mutation consonantique dite 'durcissante' (dictionnaire Mouladurioù Hor Yezh) est déclenchée par:

les déterminants possessifs ho (2PL), az et ez (2SG)
les pronoms objet proclitiques ho (2PL), az et ez (2SG)

léniprovection/mixte

La mutation consonantique dite 'léniprovection', ou 'mixte' (dictionnaire Mouladurioù Hor Yezh) est déclenchée par:

le rannig e
la conjonction ma
la particule aspectuelle o


Cette mutation consonantique ne touche donc que des verbes, puisque tous ses éléments déclencheurs sont toujours directement préverbaux.

Cette mutation consonantique est dite mixte car elle a l'action de la lénition sur les consonnes G, Gw, B et M, et l'action de la mutation durcissante sur la consonne D.

K > C'H

La mutation consonantique réduite à K > C'H est déclenchée par:

l'article ar et ur pour tous les mots sauf féminins singuliers et masculins pluriels de personnes (sauf ceux qui se terminent en -).
le déterminant possessif hor (1PL)


oral / écrit

Les écrits modernes marquent la plupart des formes mutées. Cependant, certaines mutations consonanntiques marquées à l'oral ne sont pas généralement retranscrites, comme typiquement la lénition F > V.

Le système des mutations consonantiques réserve de grands moments de joie mélangés lorsque l'apprenant.e se rend compte que sans intérioriser ce système complexe, même trouver un mot dans le dictionnaire devient une gageure. L'apprentissage du breton par des adultes passe souvent par une phase prototypique où le locuteur surgénère et se met à appliquer les mutations consonantiques dans sa langue native. Cela marque généralement un stade important dans l'apprentissage. L'apprentissage de l'écrit des mutations peut poser problème même à des natifs, comme le montre le témoignage de J. Kerrien dans Le Peuple Breton n°287 (1987:14).

Effets d'intervention

En (2), on voit qu'un adjectif prénominal intervenant bloque la lénition sur le nom féminin gwezenn (eur1 wezenn). La lénition ne s'applique pas sur l'adjectif prénominal. L'adjectif postnominal qui suit directement le nom gwezenn mais ne le modifie pas (il modifie he deliou), ne reçoit pas non plus de mutation consonantique.


(2) eur1 mell gwezenn [ glas-kaol he deliou ]
DET grand arbre vert-chou POSS.3SGF feuilles
'Un grand arbres aux feuilles vert-chou' léonard (Kleder), Seite (1998:44)

Emprunts

Les formes empruntées à d'autres langues peuvent être interprétées comme ayant reçu une mutation.

Le mot 'visage' emprunté au français entre dans le lexique breton comme si son V initial résultait d'une mutation B>V (lénition). Le mot breton est donc rétabli en bizaj, ur vizaj. En (3), on voit que l'initiale de référence du mot est bien B. La mutation spirante déclenchée par le possessif féminin singulier ne change pas l'initiale B.


(3) Homañ a zo dir war he bizaj.
celle.là R est acier P POSS.3SGF2 visage
litt. 'Elle a de l'acier sur le visage.' > 'Elle est effrontée, elle a toute les audaces.'
Le Berre & Le Dû (1999:56)


En (4), l'emprunt au français 'valise' s'est intégré dans le lexique breton comme si son V initial résultait d'une mutation M>V (lénition). Le mot breton est donc rétabli en malizenn, ur valizenn. En (4), le mot 'valise' est utilisé dans une construction génitive qui entraine l'absence d'article devant le nom. La forme est donc non-mutée.


(4) Pelec'h 'ta eo chomet malizenn an itron Alberto?
où donc R est resté valise DET madame Alberto
'Mais où est donc passé la valise de madame Alberto ?'
titre de livre jeunesse, M.D. Arros (2004), An Here (éd.)

pourquoi ce n'est pas un phénomène phonologique

Les mutations consonantiques sont très intéressantes à étudier du point de vue phonologique, mais le déclenchement des mutations, lui, ne ressort pas de la phonologie en breton moderne. Il ne s'agit pas, en synchronie, d'un phénomène de liaison compliqué, mais bien d'un marquage morphologique dépendant du contexte syntaxique.

l'identité syntaxique de la cible importe

L'identité syntaxique de la cible est importante pour décider si une mutation sera effectuée ou pas.

On a ainsi la préposition pe, qui déclenche la lénition, ici D> Z:

unan, daou, unan pe1 zaou
'un, deux, un ou deux'

Cette mutation n'est pas effectuée quand pe précède un adverbe tel que kentoc'h (* K > G):

pe kentoc'h...
'ou plutôt...'


la mutation ou non du déclencheur n'est pas importante

Canoniquement, un déterminant fait muter un nom féminin, qui à son tour fait muter un potentiel adjectif postverbal. On peut observer en (y) que le nom propre féminin Matriona, qui n'est pas précédé d'un déterminant et qui par conséquent n'est pas muté, reste un déclencheur de lénition sur son adjectif postverbal.


(y) Tristaet-tout e oa Matriona baour o tont d'ar gêr. ( < paour)
tristé-tout R était Matriona pauvre P venir DET maison
'Matriona était toute triste en rentrant à la maison.' Treger (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:38)

les noms vides font barrière

En (1)a, l'adjectif numéral cardinal masculin tri provoque une spirantisation sur le nom kamm qui le suit. En (1)b, le nom qui suit le cardinal est vide, et kamm est un adjectif. On voit que tri ne provoque pas de spirantisation sur cet adjectif postnominal kamm. Au contraire, c'est le nom masculin pluriel vide qui a provoqué une lénition. Les mutations consonantiques sont donc sensibles à l'environnement syntaxique, puisque tri ne déclenche pas de mutation sur n'importe quel mot qui le suit, et elles peuvent être déclenchées par des noms vides, ce qui montre qu'il ne s'agit pas d'un phénomène phonologique.


(1)a. tri2 c’hamm vs. b. tri2 _[ø]_ gamm
3.Masc pas 3.Masc N.Masc boiteux
'trois pas' vs. 'trois boiteux' standard, Kervella (1995:§515)

Bibliographie

  • Kerrien, J. 1987. « Pennad-kaoz gant Jakez Kerrien: Re, re em-bije karet ar brezhoneg », conversation (en breton) avec Jakez Kerrien : « Trop, j'aurais trop aimé la langue bretonne », recueillie par Pascal Rannou, publiée dans Le Peuple Breton n° 287.
  • Stephens, J. 1996. 'The acquisition of mutations in Breton', Teod 2:22-32.