Différences entre les versions de « Les indéfinis de choix libre »

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Un '''indéfini de choix libre''' est une [[expression référentielle]] particulière: pour trouver sa référence, l'ensemble des choses du monde doivent être considérées les unes après les autres, puis, parmi cet ensemble, l'une doit être envisagée sans que ce choix particulier soit considéré comme important.
Un '''indéfini de choix libre''' est une [[expression référentielle]] particulière. Un exemple prototypique est la phrase du magicien en (1). En breton, l'indéfini de choix libre est réalisé avec un nom [[défini]] suivi d'une relative, une [[réduplication]], ou encore la forme parallèle au français 'n'importe quel X'. Dans tous ces cas, pour trouver la référence du nom 'carte', l'ensemble des cartes doivent être considérées les unes après les autres, puis, parmi cet ensemble, l'une doit être envisagée sans que ce choix particulier soit considéré comme important.
 
Un exemple prototypique est la phrase du magicien en (1), avec soit un défini suivi d'une relative, soit une [[réduplication]], soit la forme parallèle au français 'n'importe quel X'.  
   
   
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| (1)|| Trapit ar gartenn peus c’hoant / ||kartenn-mañ-kartenn  /|| n’eus forzh peseurt kartenn.
| (1)|| Trapit ar gartenn peus c’hoant / ||kartenn-mañ-kartenn  /|| n’eus forzh peseurt kartenn.
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|  || prenez [[art|le]] <sup>[[1]]</sup>carte [[kaout|avez]] [[c'hoant|envie]] /|| carte-ci-carte / || n'importe quelle carte
|  || [[tapout|prenez]] [[art|le]] <sup>[[1]]</sup>carte [[kaout|avez]] [[c'hoant|envie]] /|| carte-ci-carte / || n'importe quelle carte
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| ||colspan="4" | 'Prenez n’importe quelle carte.'||||  ''Douarnenez'', [HD 08/2010]
| ||colspan="4" | 'Prenez n’importe quelle carte.'||||  ''Douarnenez'', [HD 08/2010]
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En (2), l'interrogatif ''[[piv]]'' suivi de ''[[bennak]]'', 'quelconque' réalise aussi un indéfini de choix libre.
En (2), l'interrogatif ''[[piv]]'' suivi de ''[[bennak]]'' 'quelconque' réalise aussi un indéfini de choix libre. L'effet sémantique est de type 'quiconque, la moindre personne'. L'identité exacte de la personne en question est hors sujet. 




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| (2) ||'''Piv bennag''' || a goll e yehed || a rank paouez da labourad.
| (2) ||'''Piv bennag''' || a goll e yehed || a rank paouez da labourad.
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| || [[piv|qui]] [[bennak|quelconque]]  || [[R]]<sup>[[1]]</sup> perd [[POSS|son]] santé || [[R]] [[rankout|doit]] cesser [[da|de]] travaill[[-at (V.)|er]]  
| || [[piv|qui]] [[bennak|quelconque]]  || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[koll|perd]] [[POSS|son]]<sup>[[1]]</sup> [[yec'hed|santé]] || [[R]] [[rankout|doit]] [[paouez|cesser]] [[da|de]]<sup>[[1]]</sup> [[labourat|travailler]]  
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|||colspan="4" | 'Quiconque perd la santé doit cesser de travailler.' ||||||||||''Léon'', [[Seite (1975)|Seite (1975]]:98)
|||colspan="4" | 'Quiconque perd la santé doit cesser de travailler.' ||||||||||''Léon'', [[Seite (1975)|Seite (1975]]:98)
|}
En (3), l'expression du [[numéral cardinal]] introduit une incertitude assumée avec l'interrogatif ''[[pet]]'' 'combien'. L'effet sémantique est 'trop, qu'importe combien exactement'.
{| class="prettytable"
|(3)|| N'hon eus ket ||c'hoant kaout ||'''ur ped''' ||'''komision warn-ugent'''.
|-
||| [[ne]]'1PL [[kaout|a]] [[ket|pas]] ||[[c'hoant|envie]] [[kaout|avoir]] ||[[art|un]] [[pet|combien]] || commission [[war|sur]].n-vingt
|-
|||colspan="4" | 'Nous ne voulons pas avoir (trente-mille / watt mille / une multitude de) commissions.'
|-
|||||||colspan="4" | [http://nousteferonsbretagne.blogspot.fr/2010_02_01_archive.html communiqué] ''Nous te ferons Bretagne'', Flippot 2010
|}
|}


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== Inventaire des différents indéfinis de choix libre ==
== Inventaire des différents indéfinis de choix libre ==


Parmi les [[indéfinis]], il existe plusieurs candidats pour les indéfinis de choix libre en breton.  
Pour une première approximation, les indéfinis de choix libre sont traduits en français par ''tel(le) ..., tel(le)...'', ''n'importe qui'', ''quiconque'', ''un X quelconque'', ''quelque X'', ''quoi que ce soit'' ou la forme archaïsante en ''qui'' ('''''Qui''' vivra verra''). On peut aussi penser à ''tant'' (''Je vous donne '''tant''' rendez-moi '''tant''''', ''Rendez-vous le '''tant''' à '''telle''' heure''), ''untel'' ou ''un quidam''.
 
 
Parmi les [[indéfinis]] du breton, il existe plusieurs candidats pour les indéfinis de choix libre.  


:: les [[Indéfini de choix libre par reduplication|indéfinis de choix libre créés par reduplication]] de type ''[[Indéfini de choix libre par reduplication|den-mañ-den]]''
:: les [[Indéfini de choix libre par reduplication|indéfinis de choix libre créés par reduplication]] de type ''[[Indéfini de choix libre par reduplication|den-mañ-den]]''
:: les doublements autour de la disjonction ''[[pe]]'', 'ou': ''den pe zen''  
:: les doublements autour de la disjonction ''[[pe]]'' 'ou': ''den pe zen''  
:: ''Kalz ne vern'', /[[Kalz ne vern|beaucoup n'importe]]/
:: ''Kalz ne vern'', /[[Kalz ne vern|beaucoup n'importe]]/
:: ''N'eus forzh pe X'', /[[n'eus forzh pe X|n'importe quel X]]/
:: ''N'eus forzh pe X'', /[[n'eus forzh pe X|n'importe quel X]]/
:: ainsi que ''diforzh'', '(un point) quelconque' en vocabulaire mathématique avec son préfixe privatif ''[[di-]]''   
:: ainsi que ''diforzh'' '(un point) quelconque' en vocabulaire mathématique avec son préfixe privatif ''[[di-]]''   
:: ''den ebet'', /homme [[ebet|aucun]]/ ou le [[nom nu]] ''tra'' dans les comparatives
:: ''den ebet'', /homme [[ebet|aucun]]/ ou le [[nom nu]] ''tra'' dans les comparatives
:: le quantifieur ''[[nep]]'' en contexte positif  
:: le quantifieur ''[[nep]]'' en contexte positif  
:: le [[mot négatif]] ''[[netra]]'' après une préposition comme ''[[araok]]'', ''[[a-barzh]]''
:: le [[mot négatif]] ''[[netra]]'' après une préposition comme ''[[araok]]'', ''[[a-barzh]]''
:: les minimalisateurs en général ''an disterañ trouz'', 'le moindre bruit'
:: les [[minimiseurs]] en général ''an disterañ trouz'' 'le moindre bruit'
:: le composé nominal sur [[interrogatif]], de type 'un quidam': ''ur pe-anv'', /[[pe|quel]]-nom/, ''ur piv din-me'', /[[art|un]] [[piv|qui]] [[da|à]].[[pronom incorporé|moi]]-[[écho|moi]]/
:: le composé nominal sur [[interrogatif]], de type 'un quidam': ''ur pe-anv'', /[[pe|quel]]-nom/, ''ur piv din-me'', /[[art|un]] [[piv|qui]] [[da|à]].[[pronom incorporé|moi]]-[[écho|moi]]/, ''ur pet komision warn-ugent'', /[[art|un]] [[pet|combien]] commission [[war|sur]].n-vingt/
: et, suivis d'une modification,
 
: et, suivis d'une [[modification]],
:: ''Piv [[bennak]] a...'', /[[piv|qui]] [[bennak|quelconque]] [[R]].../
:: ''Piv [[bennak]] a...'', /[[piv|qui]] [[bennak|quelconque]] [[R]].../
:: ''an [[nep]] a...'', /[[art|le]] chaque [[R]].../
:: ''an [[nep]] a...'', /[[art|le]] chaque [[R]].../
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Ils sont traduits en français par 'tel(le) ..., tel(le)...', 'n'importe qui', 'quiconque', 'un X quelconque', 'quelque X', 'quoi que ce soit' ou la forme archaïsante en 'qui' ('''''Qui''' vivra verra''). On peut aussi penser à 'tant' (''je vous donne tant rendez-moi tant'', 'rendez-vous le tant à telle heure'), 'untel' ou 'un quidam'.
Les structures de doublement du français ''tel(le) ou tel(le)'' sont aussi utilisées en breton. [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'importer') et [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'tel') donnent une suite de doublements autour de la [[disjonction]] ''[[pe]]'' 'ou': ''hini '''pe''' hini'', ''seurt '''pe''' seurt''. Le doublement peut aussi être évité en breton. Pour 'tel ou tel homme', le [http://newsgroups.derkeiler.com/Archive/Soc/soc.culture.breton/2008-11/msg00026.html dictionnaire Imbourc'h] donne ''nep den pe egile'', /[[nep|chaque]] homme [[pe|ou]] [[egile|autre]]).
 
 
=== (tentatives de) définition ===
 
Les indéfinis de choix libre sont dépendants de leurs contextes syntaxico-sémantiques. Ils sont notoirement sensibles à la modalité (Vendler 1967).
 
Les indéfinis de choix libre ne se comportent pas précisément de la même façon dans toutes les langues, mais il existe des constantes.
 
[[Jayez & Tovena (2005)|Jayez & Tovena (2005]]:6) proposent qu'ils sont au moins reconnaissables au fait que:
:- Ils ne sont pas naturels dans les phrases épisodiques affirmatives (en tout cas pas sans modification du nom, ou un changement de lecture péjoratif).
:- Ils apparaissent dans les phrases [[génériques]] et/ou [[impératives]] et/ou [[conditionnelles]].
 


== Les environnements syntaxiques qui les autorisent ==
== Les environnements syntaxiques qui les autorisent ==
La présence d'un temps morphologique n'est pas requise pour autoriser les indéfinis de choix libre. La phrase en (1) commence par l'[[infinitive narrative]] ''Hag al lizhiri dizanv oc'h erruout didrouz e ti aotrounez nevez an ti kêr, ...'' ('Et les lettres anonymes d'arriver silencieusement chez les nouveaux édiles de la mairie, ...'). 
{| class="prettytable"
| (1) || ... ||da flatrañ ||'''hemañ-hen''' ||a guzhe ||el '''lec'h-mañ-lec'h''' || an '''dra-mañ-tra''' ...
|-
| |||| [[da|pour]] dénoncer ||[[DEM|celui.ci]]-[[Indéfini de choix libre par reduplication|reduplication]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> cachait || [[P.e|dans]].[[art|un]] [[Indéfini de choix libre par reduplication|lieu-ci-lieu]] || [[art|le]]<sup>[[1]]</sup> [[Indéfini de choix libre par reduplication|chose-ci-chose]]
|-
| ||colspan="4" |'.. pour dénoncer tel ou tel qui cachait telle ou telle chose dans tel ou tel lieu.'
|-
| ||||||||||''Léon'', [[Abeozen (1969)|Abeozen (1969]]:30)
|}
=== lectures itératives ===
Les constructions verbales avec un [[aspect]] [[itératif]] autorisent en breton les indéfinis de choix libre (au moins ici [[Indéfini de choix libre par reduplication|la structure reduplicative]]).
{| class="prettytable"
| (2) || '''Den'''-ma-'''den''' ||  a vez || kinniget dit.
|-
| || [[den|humain]]-ci-[[den|humain]] || [[R]] [[vez|est]].[[HAB]] || [[kinnig|présenté]] [[da|à]].[[pronom incorporé|toi]]
|-
| ||colspan="4" |'(c'est toujours ainsi), on te présente tel ou tel.'
|-
| ||||||''Trégorrois'', [http://keit-vimp-bev.info/yannberguyader interview de Yann Ber Guyader] gant Keit Vimp Bev, 
|}


=== conditionnelles ===
=== conditionnelles ===


 
Une subordonnée [[conditionnelle]] permet la lecture d'indéfini de choix libre sur le [[minimalisateur]] ''ur c'heuz'' en (1), et sur le [[mot négatif]] ''[[netra]]'', en (2).
Une subordonnée [[conditionnelle]] permet la lecture d'indéfini de choix libre sur le minimalisateur ''ur c'heuz'' en (1), et sur le mot négatif ''netra'', en (2) et (3).
    
    
(1) '''''mar''' klevan '''ur c'heuz''' deus ar pezh zo c'hoarvezet''
(1) '''''Mar''' klevan '''ur c'heuz''' deus ar pezh zo c'hoarvezet''
: 'si j'entends quoi que ce soit de ce qui est arrivé', ''Standard'', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quoi')
: 'si j'entends quoi que ce soit de ce qui est arrivé', ''Standard'', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quoi')


(2) '''''mar''' errufe '''netra''' nemet pep mad gantañ''
(2) '''''Mar''' errufe '''netra''' nemet pep mad gantañ''
: 's'il lui arrivait le moindre mal', ''Standard'', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'moindre')
: 's'il lui arrivait le moindre mal', ''Standard'', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'moindre')
=== modaux ===
Les [[modaux]] et les [[constructions modales]] sont des autorisateurs d'indéfinis de choix libre.
{| class="prettytable"
| (3) || '''Ret''' || eo diwall ||meskañ ster boutin ||'''ger-mañ-ger''' e ||yezh bemdez gant e ster skiantel.
|-
| || [[ret|obligé]] ||[[COP|est]] [[diwall|se.garder]]|| mélanger sens commun ||mot-ci-mot [[p.e|dans]]||[[yezh|langue]] [[bemdez|chaque.jour]] [[gant|avec]] [[POSS|son]]<sup>[[1]]</sup> sens scientifique
|-
| ||colspan="4" |'Il ne faut pas mélanger pour un mot donné son sens commun et scientifique.'
|-
| ||||||colspan="4" |''Standard'', ''[http://crdp.ac-rennes.fr/tes/site/tast/germat/GERMAT5.pdf Geriaoueg Matematik] 2005'', TES. 
|}
Les [[modaux]] autorisent la lecture d'indéfini de choix libre sur ''[[nep]]'' en (4).
(4) ''Se a '''c'haller''' ober da '''nep''' mare deus ar bloaz'',
: 'On peut le faire à n'importe quel moment de l'année.', ''Standard'', [[Menard & Kadored (2001)|Menard & Kadored (2001]]:'nep')


=== contextes monotones décroissants ===
=== contextes monotones décroissants ===


Certains indéfinis de choix libre sont recrutés parmi les mots négatifs mis dans des contextes monotones décroissants (d'implication des sous-ensembles).   
Certains indéfinis de choix libre sont recrutés parmi les [[mots négatifs]] mis dans des [[contextes monotones décroissants]] (d'implication des sous-ensembles).   
 


==== ''a-araok'', ''a-barzh'' ====
==== ''a-araok'', ''a-barzh'' ====


Le domaine sélectionné par cette préposition est un contexte monotone décroissant (''a-barzh ober A ha B'' implique ''a-barzh ober A'').
Le domaine sélectionné par cette préposition est un [[contexte monotone décroissant]] (''a-barzh ober A ha B'' implique ''a-barzh ober A'').


En (1), ''netra'' est un indéfini de choix libre comparable au français ''rien'' dans ''avant de '''rien''' entreprendre'', 'avant d'entreprendre quoi que ce soit'.
En (1), ''[[netra]]'' est un indéfini de choix libre comparable au français ''rien'' dans ''avant de '''rien''' entreprendre'', 'avant d'entreprendre quoi que ce soit'.




Ligne 74 : Ligne 155 :
| (1)|| Deu ||d'am haoud ||'''a-barz''' ober || <u>netra</u>.
| (1)|| Deu ||d'am haoud ||'''a-barz''' ober || <u>netra</u>.
|-
|-
|  || [[dont|viens]] ||[[da|pour]]'[[POP|me]] chercher|| [[a-barzh|avant]] [[ober|faire]] ||[[netra|rien]]
|  || [[dont|viens]] ||[[da|pour]]'[[POP|me]]<sup>[[2]]</sup> [[kavout|trouver]] || [[a-barzh|avant]] [[ober|faire]] ||[[netra|rien]]
|-
|-
| ||colspan="4" | 'Viens me trouver avant de faire quoi que ce soit.'||||  [[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§599)  
| ||colspan="4" | 'Viens me trouver avant de faire quoi que ce soit.'||||  [[Trépos (2001)|Trépos (2001]]:§599)  
|}
|}


==== comparatives ====
==== comparatives ====


Le domaine des comparatives est un contexte monotone décroissant (''kenkoulz hag A ha B'' implique ''kenkoulz hag A'').  
Le domaine des comparatives est un [[contexte monotone décroissant]] (''kenkoulz hag A ha B'' implique ''kenkoulz hag A'').  


Pour 'quoi que ce soit', [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quoi?') donne ''tra (en holl)'', ''tra ebet''. Pour la traduction de 'qui que ce soit', [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'qui') et [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'qui') donnent ''den all ebet'' dans une comparative de supériorité (''ober gwell eget '''den all ebet''''', 'faire mieux que qui que ce soit').
Pour 'quoi que ce soit', [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quoi?') donne ''tra (en holl)'', ''tra ebet''. Pour la traduction de 'qui que ce soit', [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'qui') et [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'qui') donnent ''den all ebet'' dans une comparative de supériorité (''ober gwell eget '''den all ebet''''' 'faire mieux que qui que ce soit').


Les structures en ''X ebet'' sont restreintes aux comparatives. En (2), la lecture de ''den ebet'' dans la restriction de la [[comparative]], est l'indéfini de choix libre 'quiconque, qui que ce soit'.
Les structures en ''X ebet'' sont restreintes aux comparatives. En (2), la lecture de ''den ebet'' dans la restriction de la [[comparative]], est l'indéfini de choix libre 'quiconque, qui que ce soit'.
Ligne 91 : Ligne 173 :
|(2)|| Honnez a oar gwrïad|| hag ober dillad ||kenkoulz ha '''den ebed'''.
|(2)|| Honnez a oar gwrïad|| hag ober dillad ||kenkoulz ha '''den ebed'''.
|-
|-
| ||  [[DEM|celle.ci]] [[R]] [[gouzout|sait]] coudre || [[&|et]] [[ober|faire]] habit[[noms collectifs|s]] || [[kenkoulz|autant]] [[C.ha(g)|que]] homme [[ebet|aucun]]  
| ||  [[DEM|celle.ci]] [[R]] [[gouzout|sait]] coudre || [[&|et]] [[ober|faire]] [[dilhad|habits]] || [[kenkoulz|autant]] [[C.ha(g)|que]] [[den|homme]] [[ebet|aucun]]  
|-
|-
|||colspan="4" | 'Celle-là sait coudre et faire des vêtements aussi bien que qui que ce soit.'
|||colspan="4" | 'Celle-là sait coudre et faire des vêtements aussi bien que qui que ce soit.'
Ligne 120 : Ligne 202 :
: ''Personne ne vient.'' => 'Aucun individu ne vient'
: ''Personne ne vient.'' => 'Aucun individu ne vient'
: ''mieux que personne'' => 'mieux que qui que ce soit'
: ''mieux que personne'' => 'mieux que qui que ce soit'


=== modification par une relative ===
=== modification par une relative ===


==== ''piv bennak''====
Une classe d'indéfinis de choix libre est rendue licite par la [[modification]] par une [[relative]].
 
 
==== ''piv bennak'', ''petra bennak'' ====
 
Kervella (1995[[Kervella (1995:§475)|:§475]], [[Kervella (1995:§476)|:§476]]) note les usages de ''[[bennak]]'' 'quelconque' modifiant un mot [[interrogatif]].


Kervella (1995[[Kervella (1995:§475)|:§475]], [[Kervella (1995:§476)|:§476]])  note les usages de ''[[bennak]]'', 'quelconque' modifiant un mot [[interrogatif]].


Les interrogatifs de degré participent à cette structure ('''''pegen''' ampart '''bennak''' ez eo'', 'quelque adroit qu'il soit', [[Vallée (1980)|Vallée 1980]]:'quelque').
{| class="prettytable"
| (1) || '''Petra bennaket''' <font color=green>[</font color=green>|| 'soñjo ||dezhañ <font color=green>]</font color=green>
|-
||| [[petra|quoi]] [[bennak|quelconque]] || [[R]] [[soñjal|pensera]] || [[da|à]].[[pronom incorporé|lui]]
|-
|||colspan="4" | 'quoi qu'il en pense' || [[Favereau (1997)|Favereau (1997]]:§301)  
|}


[[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'qui') donne ''piv bennak'' pour la traduction de l'archaïsant 'qui...'.
{| class="prettytable"
| (2) || '''Piv bennak''' <font color=green>[</font color=green>|| am c'har <font color=green>]</font color=green> || am heulio.
|-
||| [[piv|qui]] [[bennak|quelconque]] || [[R]].[[POP|me]]<sup>[[2]]</sup> [[karout|aime]] || [[R]].[[POP|me]]<sup>[[2]]</sup> [[heuliañ|suivra]]
|-
|||colspan="4" | 'qui m'aime me suive....' || ''Standard'', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'qui')  
|}


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1) || '''Piv bennak''' || am c'har || am heulio.
|(3)|| <font color=green> Evit an Iliz,|| <font color=green>a neus || <font color=green>ar furnez|| <font color=green> '''piou bénag''' [|| <font color=green>neuz || <font color=green> seiz vloas ].
|-
|-
||| [[piv|qui]] [[bennak|quelconque]] || [[R]].[[POP|me]] aime || [[R]].[[POP|me]] suivra
| ||  [[evit|pour]] [[art|le]] Eglise || [[R]] [[kaout|a]] || [[art|le]] sag.[[-nezh|esse]] || [[piv|qui]] [[bennak|quelconque]] || [[kaout|a]]|| [[numéraux cardinaux|sept]]<sup>[[1]]</sup> [[bloaz|an]]
|-
|-
|||colspan="4" | 'qui aime travailler....' || ''Standard'', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'qui')  
|||colspan="4" | 'Pour l'Eglise est adulte quiconque a sept ans.'||||''Cornouaille'', [[Ar Scao (1945)|Ar Scao (1945]]:'adulte')
|}
|}




Cette forme en ''bennak'' est parfois aussi précédée de ''[[nep]]'', autre élément qui se doit d'être suivi d'une [[relative]]. Pour la traduction de 'quiconque', [[de Rostrenen (1738)|De Rostrenen (1738]]:72) donne ''(an) nep piou-bennac'' comme une forme du Léon. [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quiconque'), [[Seite (1975)|Seite (1975]]:97), [[Favereau (1993)]] et [[Merser (2009)]] donnent ''(nep) piou bennag''.
Les interrogatifs de degré semblent participer à cette structure ('''''pegen''' ampart '''bennak''' ez eo'' 'quelque adroit qu'il soit', [[Vallée (1980)|Vallée 1980]]:'quelque').
 
 
Ces constructions sont illicites sans modification:
: ''[[*]] Sonjet en deus petra bennaket.'', 'Il a pensé à quelque chose.'
: ''[[*]] Piv bennak am heulio.'', 'Une personne quelconque/quelqu'un me suivra.'
: ''[[*]] Deuet eo Antonio a-benn peogwir oa pegen ampart bennak.'', 'Antonio a réussi car il avait quelque adresse.'
 
 
La modification par une relative semble être une condition suffisante pour autoriser ces structures. Elle se trouvent souvent dans des constructions modales, au futur ou sous la portée de conditionnelles, mais elles semblent licites en lecture épisodique (mais il n'est pas facile de discerner si le sens a changé).
: ''Pegeit bennak e oa bet ar c'hrogad, ne oa ket skuizhet c'hoazh koulskoude.'',
: 'Quelque longue qu'ait été la partie, il n'était cependant pas encore fatigué', ''Standard'', [[Kervella (1995:§476)]]
 
 
La structure en ''[[bennak]]'' est parfois aussi précédée de ''[[nep]]'', autre élément qui se doit d'être suivi d'une [[relative]]. Pour la traduction de 'quiconque', [[de Rostrenen (1738)|De Rostrenen (1738]]:72) donne ''(an) nep piou-bennac'' comme une forme du Léon. [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quiconque'), [[Seite (1975)|Seite (1975]]:97), [[Favereau (1993)]] et [[Merser (2009)]] donnent ''(nep) piou bennag''.
 


==== ''nep a''====
==== ''nep a''====


En emploi pronominal avec un [[article]], ''nep'' est toujours suivi d'une [[relative]] (Kervella 1995[[Kervella (1995:§475)|:§475)]].
En emploi pronominal avec un [[article]], ''[[nep]]'' est toujours suivi d'une [[relative]] (Kervella 1995[[Kervella (1995:§475)|:§475)]].


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (2) || '''an neb''' <font color=green>[</font color=green>||'''a''' gar labourad <font color=green>]</font color=green>...|| [[Favereau (1993)|Favereau (1993:]]'quiconque')
| (2) || '''an neb''' <font color=green>[</font color=green>||'''a''' gar labourad <font color=green>]</font color=green>...|| [[Favereau (1993)|Favereau (1993:]]'quiconque')
|-
|-
||| [[art|le]] [[nep]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> aime travailler
||| [[art|le]] [[nep]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[karout|aime]] [[labourat|travailler]]
|-
|-
|||colspan="4" | 'qui aime travailler....'  
|||colspan="4" | 'qui aime travailler....'  
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En emploi pronominal sans article, ''nep'' peut également être autorisé par une relative. [[Favereau (1993)]] donne ''[[nep|neb]] a'' pour la traduction de 'tel qui' et 'quiconque'. Pour la traduction de l'archaïsant 'qui...', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'qui') donne:
En emploi pronominal sans article, ''nep'' peut également être autorisé par une relative. [[Favereau (1993)]] donne ''[[nep|neb]] a'' pour la traduction de 'tel qui' et 'quiconque'. Pour la traduction de l'archaïsant 'qui...', ou pour 'quiconque' dans les traductions de la Bible, [[Ménard (2012)]] donne:
: '''''Nep''' <font color=green>[</font color=green> '''ne''' lavar ger <font color=green>]</font color=green> a zo asant'', 'Qui ne dit mot consent'.
: '''''Nep''' <font color=green>[</font color=green> '''ne''' lavar ger <font color=green>]</font color=green> a zo asant'', 'Qui ne dit mot consent'.
: '''''Nep''' <font color=green>[</font color=green> '''a''' bae e zle <font color=green>]</font color=green> a zastum leve'', 'Qui paie ses dettes s'enrichit'.
: '''''Nep''' <font color=green>[</font color=green> '''a''' bae e zle <font color=green>]</font color=green> a zastum leve'', 'Qui paie ses dettes s'enrichit'.
: '''''Nep''' <font color=green>[</font color=green> '''en em''' izelay <font color=green>]</font color=green> a vezo savet'', 'Quiconque s'abaissera sera élevé'.


==== ''tud 'zo'' ====
==== ''tud 'zo'' ====


Pour 'tel', [[Leclerc (1986)|Leclerc (1986]]:§154) donne ''tud 'zo''... suivi d'une relative
Pour 'tel', [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:§154) donne ''tud 'zo''... suivi d'une relative
: '''''Tud 'zo''' a zo iac'h hirie hag a vo klanv arc'hoaz.'',  
: '''''Tud 'zo''' <font color=green>[</font color=green> a zo iac'h hirie <font color=green>]</font color=green> hag a vo klanv arc'hoaz.'',  
: 'Tel est aujourd'hui bien portant qui sera malade demain.'
: 'Tel est aujourd'hui bien portant qui sera malade demain.'


=== syntagmes nominaux ===
=== syntagmes nominaux ===


Les indéfinis de choix libre qui contiennent leur autorisateur à l'intérieur du groupe nominal, comme l'article indéfini ''ur'', semblent syntaxiquement autonomes dans leur dérivation, et ne nécessitent pas de contexte syntaco-sémantique autorisateur particulier.  
Les indéfinis de choix libre qui sont forgés en morphologie présentent en syntaxe des têtes nominales opaques, qui ne nécessitent pas de contexte syntaco-sémantique autorisateur particulier quand elles sont précédées d'un déterminant (article ou déterminant interrogatif). Elles apparaissent dans des contextes épisodiques, comme des indéfinis indépendants.
 
La distribution prototypique des indéfinis de choix libre réapparaît quand ces têtes sont employées comme [[noms nus]] dans le cas des têtes redupliquées (''deiz-mañ-deiz'', 'tel ou tel jour, un jour ou l'autre'). On peut aussi comparer les distributions de ''un n'ouzon piv'' 'un je-ne-sais-qui' et ''(n'eus) forzh piv'' 'n'importe qui'.
 
 
==== reduplications ====
 
Pour la traduction de 'tel(le)', [[Favereau (1993)]] donne les [[Indéfini de choix libre par reduplication|reduplications]] ''(an) dez-mañ-dez'', ''an dra-mañ 'n dra'', ''hen-mañ-hen'' (m.), ''hon-mañ-hon'' (f.), ''an heni-mañ-heni'', ''hen-ha-hen'' (m.), ''hon-ha-hon'' (f.). Pour 'telle ou telle chose', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'tel') donne aussi une [[reduplication]]: ''an dra-mañ-tra'', [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:§154) donne ''an dra-ma-dra''. Pour 'tel ou tel', [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:§154) donne ''an den-ma-den'', [[Merser (2009)]] donne ''hen-mañ-hen'', ''hemañ-hen'', et 'telle ou telle', ''homañ-hen''. 
 
 
{| class="prettytable"
| (1) || an deiz-mañ-deiz|| El leh-mañ-leh
|-
||| [[art|le]] [[deiz|jour]]-[[DEM|ci]]-[[deiz|jour]] || [[P.e|dans]].[[art|le]] [[lec'h|lieu]]-[[DEM|ci]]-[[lec'h|lieu]]
|-
|||colspan="4" | 'tel jour', 'à tel endroit', [[Merser (2009)|Merser (2009]]:'tel')
|}
 
 
Les reduplications précédées d'un article ne semblent pas être restreintes syntaxiquement dans leur distribution. La phrase en (2) est nettement épisodique.
 
 
{| class="prettytable"
|CONTEXTE:||colspan="4" | ''Med prestig e krogas keleier fall da zond d'ar barrez:''
|-
|||colspan="4" | ''Mais bientôt de mauvaises nouvelles parvinrent à la paroisse:''
|-
|(1)||'''an hén-mañ-hén''' ||a zo lazet, ||'''an hén-mañ-hén''' ||a zo bleset.
|-
||| [[art|le]] [[DEM]]-[[DEM|ci]]-[[DEM]] || [[R]] [[zo|est]] [[lazhañ|tué]]|| [[art|le]] [[DEM]]-[[DEM|ci]]-[[DEM]]|| [[R]] [[zo|est]] blessé
|-
|||colspan="4" | 'qui est tué, qui est blessé.' ||||''Léon'', [[Seite (1985)|Seite (1985]]:36)
|}
 
 
Les constructions redupliquées ne semblent pas restreintes en syntaxe tant que l'article qui les précède est présent. Il existe une structure  sans [[article]], l'emploi de nom nu de la structure redupliquée (''den-mañ-den'' 'tel(le)', [[Favereau (1993)|Favereau 1993]]). Cette structure est strictement restreinte dans sa distribution (Jouitteau 2010).
 
 
==== ''Nep''-X ====




Ligne 173 : Ligne 329 :
| (1) ||Ma mamm||a c'hoarzhe|| gant||'''un'''|| '''netra'''.
| (1) ||Ma mamm||a c'hoarzhe|| gant||'''un'''|| '''netra'''.
|-
|-
|||[[POSS|mon]] mère|| [[R]] riait ||[[gant|avec]]|| [[art|un]] ||rien
|||[[POSS|mon]]<sup>[[2]]</sup> [[mamm|mère]]|| [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[c'hoarzin|riait]] ||[[gant|avec]]|| [[art|un]] ||[[netra|rien]]
|-  
|-  
| ||colspan="4" | 'Ma mère riait pour un rien.' ||||||||''Trégorrois'', [[Berthou (1985)|Berthou (1985]]:77)  
| ||colspan="4" | 'Ma mère riait pour un rien.' ||||||||''Trégorrois'', [[Berthou (1985)|Berthou (1985]]:77)  
Ligne 179 : Ligne 335 :




==== nominalisation ====
En usage de [[nom nu]], ''[[nep]]'' change de lecture et obtient un sens négatif.
 
 
==== ''pe''-nom ====


Le breton a les mêmes types de [[nominalisations]] que le français ''un quidam'', [[grammaticalisation]] autour d'un [[interrogatif]].
Le breton a les mêmes types de [[nominalisations]] que le français ''un quidam'', [[grammaticalisation]] autour d'un [[interrogatif]].
Pour la traduction de 'un quidam', on trouve un nom formé de l'interrogatif ''[[pe-]]'' suivi du nom ''anv'', 'nom': ''pehano'' ([[Vallée (1980)|Vallée 1980]]), ''pe-ano'' ([[Merser (2009)|Merser 2009]]), ''ur '''pe'''anw'' ([[Favereau (1993)|Favereau 1993]]). Ce composé morphologique est un nom opaque en syntaxe. Il peut être lui-même précédé d'un [[déterminant]] [[interrogatif]].
Pour la traduction de 'un quidam', on trouve un nom formé de l'interrogatif ''[[pe-]]'' suivi du nom ''[[anv]]'' 'nom': ''pehano'' ([[Vallée (1980)|Vallée 1980]]), ''pe-ano'' ([[Merser (2009)|Merser 2009]]), ''ur peanw'' ([[Favereau (1993)|Favereau 1993]]). Ce composé morphologique est un nom opaque en syntaxe. Il peut être lui-même précédé d'un [[déterminant]] [[interrogatif]].




Ligne 188 : Ligne 347 :
| (2) || Peseurt|| '''pe-anv''' ||eo hennez?
| (2) || Peseurt|| '''pe-anv''' ||eo hennez?
|-
|-
||| [[peseurt|quel.sorte]]|| [[pe|quel]]-nom ||[[COP|est]] [[DEM|celui.ci]]
||| [[peseurt|quel.sorte]]|| [[pe|quel]]-[[anv|nom]] ||[[COP|est]] [[DEM|celui.ci]]
|-
|-
|||colspan="4" | 'Qui-est-ce?',|| [[Merser (2009)|Merser (2009]]:'quidam')
|||colspan="4" | 'Qui-est-ce?',|| [[Merser (2009)|Merser (2009]]:'quidam')
Ligne 194 : Ligne 353 :




Il existe toute sorte de composés comparables.
Il existe toute sorte de composés comparables. Leur distribution en syntaxe n'est pas documentée.
   
   
[[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quidam') donne '''''pe'''dén'', ''n'oun '''pe'''seurt den''. [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quelconque') donne 'un jour quelconque', ''ur '''pe'''deiz'' et 'une paroisse quelconque', ''ur '''be'''parrez ''.
[[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quidam') donne '''''pe'''dén'', ''n'oun '''pe'''seurt den''. [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quelconque') donne 'un jour quelconque' ''ur '''pe'''deiz'' et 'une paroisse quelconque' ''ur '''be'''parrez ''.


[[Merser (2009)]] donne ''eun neb '''piou''' bennag''.
La forme la plus répandue est sans doute ''[[peadra]]'' '(avoir) de quoi, assez', mais on y aperçoit un composé plus complexe, avec la préposition ''[[a]]'' provoquant une lénition sur le nom ''tra'' 'chose'.


[[Favereau (1993)]] donne '''''piw''' din-me'' (/[[piv|qui]] [[da|à]][[pronom incorporé|moi]]-[[écho|moi]]/), ''an n'onn-'''piw''''' (/[[art|le]] [[ne]]'[[gouzout|sais]] [[piv|qui]]/).


==== composés avec un interrogatif en ''pe-'' ====


Ces nominalisations sont opérées en morphologie et ne semblent pas restreintes dans leur distribution en syntaxe.
[[Merser (2009)]] donne ''eun neb '''piou''' bennag''. [[Favereau (1993)]] donne '''''piw''' din-me'' (/[[piv|qui]] [[da|à]][[pronom incorporé|moi]]-[[écho|moi]]/), ''an n'onn-'''piw''''' (/[[art|le]] [[ne]]'[[gouzout|sais]] [[piv|qui]]/). Ils ont la distribution normale des syntagmes nominaux.


[[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quidam') signale aussi, pour les choses dont on cherche le nom, la forme ''petrefe'', ''petrefi'', ''petrifi''. On ne sait pas si sa distribution est restreinte, ni si une lecture péjorative est obligatoire. Vallée donne:
[[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quidam') signale aussi, pour les choses dont on cherche le nom, la forme ''petrefe'', ''petrefi'', ''petrifi'' (''petra vefe''). On ne sait pas si sa distribution est restreinte, ni si une lecture péjorative est obligatoire. Vallée donne:
: ''eur petrifi dénig distolok''
 
(3) ''eur petrifi dénig distolok''
: 'un certain petit quidam paisible'
: 'un certain petit quidam paisible'


==== reduplications précédées d'un article ====


Les reduplications précédées d'un article ne semblent pas être restreintes syntaxiquement dans leur distribution.  
La tête nominale morphologiquement complexe ''[[n'eus forzh pe X|n'eus forzh piv]]'' est restreinte à la distribution des indéfinis de choix libre, ainsi que sa variante plus rare ''forzh da biv''.


Pour la traduction de 'tel(le)', [[Favereau (1993)]] donne les [[Indéfini de choix libre par reduplication|reduplications]] ''(an) dez-mañ-dez'', ''an dra-mañ 'n dra'', ''hen-mañ-hen'' (m.), ''hon-mañ-hon'' (f.), ''an heni-mañ-heni'', ''hen-ha-hen'' (m.), ''hon-ha-hon'' (f.).


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1) || an deiz-mañ-deiz|| El leh-mañ-leh
|(4)|| '''Forzh da biv''' ||en dije ||kavet|| a vije bet|| nec'het. ||''Trégorrois (Perros-Guirrec)'', [[Konan (2017)]]
|-
|-
||| [[art|le]] jour-[[DEM|ci]]-jour || [[P.e|dans]].[[art|le]] lieu-[[DEM|ci]]-lieu
| || [[forzh]] [[da|de]]<sup>[[1]]</sup> [[piv|qui]] || [[R]].3SG [[kaout|aurait]] ||[[kavout|trouvé]]|| [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[COP|serait]] [[bet|été]] || ennuyé
|-
|-
|||colspan="4" | 'tel jour', 'à tel endroit', [[Merser (2009)|Merser (2009]]:'tel')
|||colspan="4" | 'N'importe qui (qui) aurait trouvé aurait été ennuyé.'
|}
|}




Les structures de doublement du français 'tel(le) ou tel(le)' répondent aussi à celles en breton. [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'importer') et [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'tel') donnent une suite de doublements autour de la [[disjonction]] ''[[pe]]'', 'ou' de type 'tel ou tel', ''hini pe hini'', ''seurt pe seurt''. Le doublement peut aussi être évité en breton. Pour 'tel ou tel homme', le [http://newsgroups.derkeiler.com/Archive/Soc/soc.culture.breton/2008-11/msg00026.html dictionnaire Imbourc'h] donne ''nep den pe egile'', /[[nep|chaque]] homme [[pe|ou]] [[egile|autre]]).
== Sémantique ==
 
=== contextes autorisants ===
 
Intuitivement, les indéfinis de choix libre apparaissent lorsqu'il y a une multiplicité des mondes envisagés, et au moins une alternative où l'assertion est fausse ou non-vérifiable. Cependant, on trouve aussi des indéfinis de choix libre dans des contextes épisodiques, comme lorsqu'ils peuvent être modifiés, ou dans les [[comparatives]] (sous certaines conditions, voir [[Jayez & Tovena (2005)|Jayez & Tovena 2005]]:23-4 pour le français).


Pour 'telle ou telle chose', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'tel') donne aussi une [[reduplication]]: ''an dra-mañ-tra'', [[Leclerc (1986)|Leclerc (1986]]:§154) donne ''an dra-ma-dra''. Pour 'tel ou tel', [[Leclerc (1986)|Leclerc (1986]]:§154) donne ''an den-ma-den'', [[Merser (2009)]] donne ''hen-mañ-hen'', ''hemañ-hen'', et 'telle ou telle', ''''homañ-hen''.
Il n'est donc pas évident qu'il existe une source sémantique unique d'autorisation des indéfinis de choix libre.


Ces constructions ne semblent pas restreintes en syntaxe tant que l'article qui les précède est présent. Il existe une structure  sans article (''den-mañ-den'', 'tel(le)', [[Favereau (1993)|Favereau 1993]]). Cette structure est strictement restreinte dans sa distribution (Jouitteau 2010).


=== changements de lecture ===
=== changements de lecture ===
Ligne 234 : Ligne 395 :
Certains éléments restent [[grammaticaux]] en dehors de leur environnement syntaxique d'indéfini de choix libre, mais prennent alors un autre sens.
Certains éléments restent [[grammaticaux]] en dehors de leur environnement syntaxique d'indéfini de choix libre, mais prennent alors un autre sens.


La structure du français 'n'importe qui' est représentée littéralement en breton (''n'eus forzh piv'', ''ne vern piv'', [[Ménard (2012)|Ménard 2012]]:'qui'). En dehors des contextes d'indéfinis de choix libres, ces formes sont bloquées à une lecture nettement péjorative (''Arabat dit pediñ 'forzh piv!'', 'N'invite pas n'importe qui!').  Sous un impératif par exemple, qui autorise une lecture d'indéfini de choix libre, on ne trouvera pas cette lecture péjorative caractériqtique.
 
==== lecture péjorative ====
 
La structure du français ''n'importe qui'' est représentée littéralement en breton (''[[n'eus forzh pe X|n'eus forzh piv]]'', ''ne vern piv'', [[Ménard (2012)|Ménard 2012]]:'qui').  
 
En dehors des contextes d'indéfinis de choix libre, ces formes sont bloquées à une lecture nettement péjorative (''Arabat dit pediñ 'forzh piv!'', 'N'invite pas n'importe qui!').  Sous un impératif par exemple, qui autorise une lecture d'indéfini de choix libre, on ne trouvera pas cette lecture péjorative caractériqtique.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1)|| Trapit '''n’eus forzh''' ||'''pe'''seurt kartenn.
| (1)|| Trapit ||'''n’eus forzh''' ||'''pe'''seurt kartenn.
|-
|-
|  || prenez  [[ne|n]]'[[forzh|importe]] ||[[peseurt|quelle]] carte
|  || [[tapout|prenez]]|| [[ne|n]]'[[forzh|importe]] ||[[peseurt|quelle]] carte
|-
|-
| ||colspan="4" | 'Prenez n’importe quelle carte.'||||  ''Douarnenez'', [HD 08/2010]
| ||colspan="4" | 'Prenez n’importe quelle carte.'||||  ''Douarnenez'', [HD 08/2010]
Ligne 246 : Ligne 412 :




De même, ''[[bennak]]'', 'quelque X, un X quelconque' peut avoir un sens d'approximation qui n'est pas son sens d'indéfini de choix libre ('environ une trentaine', ''un tregont '''bennak''''', [[Ménard (2012)|Ménard 2012]]:'environ').
==== approximation ====
 
De même, ''[[bennak]]'' 'quelque X, un X quelconque' peut avoir un sens d'[[approximation]] qui n'est pas son sens d'indéfini de choix libre ('environ une trentaine' ''un tregont '''bennak''''', [[Ménard (2012)|Ménard 2012]]:'environ').
 
 
==== négation ====


== Sémantique ==
''[[Nep]]'', en dehors des contextes qui autorisent les indéfinis de choix libre, est un [[item de polarité négative]], et il a une lecture négative obligatoire dans ces contextes (''nep targazh'' 'aucun matou', [[Trépos (2001)|Trépos 2001]]:§315).


=== (tentatives de) définition ===
A l'intérieur d'un composé nominal (''[[nep-X]]''), ''nep'' a cette même lecture négative (''[[netra]]'' 'rien'; ''e [[neblec'h]]'' 'nulle part'). Ces composés peuvent être suivis de ''[[ebet]]'' 'aucun', ce qui est une propriété des [[noms nus]].


Les indéfinis de choix libre ne se comportent pas de la même façon dans toutes les langues. [[Jayez & Tovena (2005)|Jayez & Tovena (2005]]:6) proposent qu'ils sont au moins reconnaissables au fait que:
La lecture positive réémerge lorsque le nom est précédé d'un article ('''un netra'' 'un rien').
:- Ils ne sont pas naturels dans les phrases épisodiques affirmatives (en tout cas pas sans modification du nom, ou un changement de lecture péjoratif).
:- Ils apparaissent dans les phrases [[génériques]] et/ou [[impératives]] et/ou [[conditionnelles]].


Intuitivement, les indéfinis de choix libre apparaissent lorsqu'il y a une multiplicité des mondes envisagés, et au moins une alternative où l'assertion est fausse ou non-vérifiable. Cependant, on trouve aussi des indéfinis de choix libre dans des contextes épisodiques, comme lorsqu'ils peuvent être modifiés ([[*]] ''Lennet em eus kement levr.'', mais ''Lennet em eus kement levr a zo.'', 'J'ai lu tout livre (qu'il y a).'), ou dans les [[comparatives]] (sous certaines conditions, voir [[Jayez & Tovena (2005)|Jayez & Tovena 2005]]:23-4 pour le français).


=== à ne pas confondre ===
== A ne pas confondre ==


Les indéfinis de choix libre, comme les [[items de polarité négative]], sont bannis des contextes épisodiques positifs. Cependant, ils ont une distribution différente: les [[items de polarité négative]] sont prototypiquement autorisés dans les phrases [[négatives]] et les [[questions]].
Les indéfinis de choix libre, comme les [[items de polarité négative]], sont bannis des contextes épisodiques positifs. Cependant, ils ont une distribution différente: les [[items de polarité négative]] sont prototypiquement autorisés dans les phrases [[négatives]] et les [[questions]].


De nombreuses constructions servent aux approximations. Ce ne sont pas toutes des indéfinis de choix libre. [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quelque') signale l'usage d'un article indéfini devant un nom pluriel en finale ''(i)[[-ennoù]]'' (avec un [[singulatif]] suivi d'un pluriel). Il donne 'en quelques occasions', ''tro'''iennoù''''', 'quelques lieux', ''lec'h'''iennou'''''. Le 'quelque' de la traduction signifie 'de nombre indéfini' (''bloavezhiennoù 'zo'', 'Il y a quelques années', ou ''ur geriennoù bennak'', 'quelques mots' [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quelque'). Dans ''bloavezhiennoù 'zo'', le nombre d'années entre le [[temps du discours]] et le [[temps de la phrase]] est approximatif, mais ce n'est pas le cas que n'importe quelle année peut être choisie sur le continuum temporel. Elles doivent être décomptées à partir du temps du discours, les unes après les autres et leur identité individuelle importe (comparer avec ''n'eus forzh pegeit 'zo'').


''[[kement]]'', /autant/ a une lecture différente des indéfinis de choix libre, car il impose de référer à tous les membres de l'ensemble indifféremment de leur identité particulière, et non à une entité au hasard dans cet ensemble.
De nombreuses constructions servent aux [[approximations]]. Ce ne sont pas toutes des indéfinis de choix libre. [[Vallée (1980)|Vallée (1980]]:'quelque') signale l'usage d'un article indéfini devant un nom pluriel en finale ''(i)[[-ennoù]]'' (avec un [[singulatif]] suivi d'un pluriel). Il donne 'en quelques occasions', ''tro'''iennoù''''', 'quelques lieux', ''lec'h'''iennou'''''. Le 'quelque' de la traduction signifie 'de nombre indéfini' (''bloavezhiennoù 'zo'' 'Il y a quelques années', ou ''ur geriennoù bennak'' 'quelques mots', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quelque'). Dans ''bloavezhiennoù 'zo'', le nombre d'années entre le [[temps du discours]] et le [[temps de la phrase]] est approximatif, mais ce n'est pas le cas que n'importe quelle année peut être choisie sur le continuum temporel. Elles doivent être décomptées à partir du temps du discours, les unes après les autres et leur identité individuelle importe (comparer avec ''n'eus forzh pegeit 'zo'').
 
 
''[[kement]]'', /autant/, ou ''a gement'' ont une lecture différente des indéfinis de choix libre, car ils imposent de référer à tous les membres de l'ensemble indifféremment de leur identité particulière, et non à une seule entité au hasard dans cet ensemble. En (7), ''a gement'' équivaut à 'toute personne'.
 
(7) ''a gement <font color=green>[</font color=green> a garo ober eveldon <font color=green>]</font color=green>''
: 'quiconque voudra faire comme moi', [[Ménard (2012)|Ménard (2012]]:'quiconque')
 
 
''[[Kement]]'' et ''a gement'' partagent avec les indéfinis de choix libre la propriété de devoir être modifiés par une [[relative]] ([[*]] ''Lennet em eus kement levr.'', mais ''Lennet em eus kement levr <font color=green>[</font color=green> a zo / ac'h eus laret din <font color=green>]</font color=green>.'', 'J'ai lu tout livre (qu'il y a / que tu m'as dit de lire).').
Le [[quantifieur]] ''[[kement]]''  'tout, chaque', quantifie sur une [[relative sans tête]] (''kement <font color=green>[</font color=green> pesk a dapin <font color=green>]</font color=green>'', 'tout poisson que prendrai...', [[Trépos (2001)|Trépos 2001]]:§315 > ''kement <font color=green>[</font color=green> <font color=violet>_[''ø'']_</font color=violet> a dapin <font color=green>]</font color=green>'', 'quoi que je prenne').
 


== Horizons comparatifs ==
== Horizons comparatifs ==
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En breton, seul ''[[bennak]]'' répond à ce patron morphologique: ''bennak'' est le composé ancien de ''py'', la forme inaccentuée du pronom interrogatif (''[[pe-]]'') avec le négatif ''[[na(g)]]'' ([[Willis (2013)|Willis 2013]]:279).
En breton, seul ''[[bennak]]'' répond à ce patron morphologique: ''bennak'' est le composé ancien de ''py'', la forme inaccentuée du pronom interrogatif (''[[pe-]]'') avec le négatif ''[[na(g)]]'' ([[Willis (2013)|Willis 2013]]:279).


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==


* Jouitteau, M. 2010. 'A Breton dependent indefinite created by reduplication', présentation à ''6th Celtic Linguistics Conference'', Dublin, 2010 sept. 11.
=== breton ===
 
* [[Jouitteau (2015b)|Jouitteau, M. 2015]], 'Free choice and reduplication, a study of Breton dependent indefinites', Tomasz Czerniak, Maciej Czerniakowski and Krzysztof Jaskuła (éds.), ''Representations and Interpretations in Celtic Studies'', Lublin, 201-230, [http://ling.auf.net/lingbuzz/002403 texte].




Ligne 314 : Ligne 495 :


* Chierchia, Gennaro. 2013. ''Logic in Grammar: Polarity, Free Choice, and Intervention'', Oxford Studies in Semantics and Pragmatics, Oxford University Press.
* Chierchia, Gennaro. 2013. ''Logic in Grammar: Polarity, Free Choice, and Intervention'', Oxford Studies in Semantics and Pragmatics, Oxford University Press.
* Fălăuş, Anamaria. 2010. 'Alternatives as sources of semantic dependency', N. Li and D. Lutz (éds.), ''Proceedings of SALT'' 20:406–427. eLanguage.
* Fălăuş, Anamaria. 2012. 'On alternatives in imperatives: the case of Romanian vreun', A. Aguilar, A. Chernilovskaya & R. Nouwen (éds.), ''Proceedings of Sinn und Bedeutung'' 16, 239-252.
* Fălăuş, Anamaria. 2013. 'Introduction: alternatives in semantics and pragmatics.', A. Fălăuş (éd.), ''Alternatives in Semantics'', Palgrave Macmillan.
* Fălăuş, Anamaria. 201X. 'Romanian Epistemic Indefinites', L. Alonso-Ovalle & P.Menéndez-Benito (éds.), ''Epistemic indefinites'', Oxford University Press.
* Fălăuş, Anamaria. 201x. '(Partially) Free Choice of Alternatives', ''Linguistics & Philosophy'', [http://semanticsarchive.net/Archive/zcwYzIwM/Falaus2014.pdf pdf]
* Giannakidou, Anastasia. 1998. ''Polarity Sensitivity as (Non)Veridical Dependency'', John Benjamins, Amsterdam.
* Giannakidou, Anastasia. 1998. ''Polarity Sensitivity as (Non)Veridical Dependency'', John Benjamins, Amsterdam.
* Giannakidou, Anastasia. 1999. 'Affective Dependencies', ''Linguistics and Philosophy'' 22, 367–421.
* Giannakidou, Anastasia. 1999. 'Affective Dependencies', ''Linguistics and Philosophy'' 22, 367–421.
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* Sæbø, Kjell J. 2001. 'The Semantics of Scandinavian Free Choice Items', ''Linguistics and Philosophy'' 24:737–787.
* Sæbø, Kjell J. 2001. 'The Semantics of Scandinavian Free Choice Items', ''Linguistics and Philosophy'' 24:737–787.
* Tovena, Lucia M. & Jacques Jayez. 1999. 'Déterminants et irréférence. L’exemple de tout', J.Moeschler & M.-J. Béguelin (éds.), ''Référence temporelle et nominale'', Peter Lang: Berne, 235–268.
* Tovena, Lucia M. & Jacques Jayez. 1999. 'Déterminants et irréférence. L’exemple de tout', J.Moeschler & M.-J. Béguelin (éds.), ''Référence temporelle et nominale'', Peter Lang: Berne, 235–268.
* Vendler, Zeno. 1967. 'Each and every, any and all', ''Linguistics in Philosophy'', Ithaca: Cornell University Press.
* Vlachou, Evangelia. 2007. ''Free Choice in and out of Context: Semantics and Distribution of French, Greek and English Free Choice Items'', [http://www.lotpublications.nl/Documents/156_fulltext.pdf pdf].





Version du 17 novembre 2019 à 19:37

Un indéfini de choix libre est une expression référentielle particulière. Un exemple prototypique est la phrase du magicien en (1). En breton, l'indéfini de choix libre est réalisé avec un nom défini suivi d'une relative, une réduplication, ou encore la forme parallèle au français 'n'importe quel X'. Dans tous ces cas, pour trouver la référence du nom 'carte', l'ensemble des cartes doivent être considérées les unes après les autres, puis, parmi cet ensemble, l'une doit être envisagée sans que ce choix particulier soit considéré comme important.


(1) Trapit ar gartenn peus c’hoant / kartenn-mañ-kartenn / n’eus forzh peseurt kartenn.
prenez le 1carte avez envie / carte-ci-carte / n'importe quelle carte
'Prenez n’importe quelle carte.' Douarnenez, [HD 08/2010]


En (2), l'interrogatif piv suivi de bennak 'quelconque' réalise aussi un indéfini de choix libre. L'effet sémantique est de type 'quiconque, la moindre personne'. L'identité exacte de la personne en question est hors sujet.


(2) Piv bennag a goll e yehed a rank paouez da labourad.
qui quelconque R1 perd son1 santé R doit cesser de1 travailler
'Quiconque perd la santé doit cesser de travailler.' Léon, Seite (1975:98)


En (3), l'expression du numéral cardinal introduit une incertitude assumée avec l'interrogatif pet 'combien'. L'effet sémantique est 'trop, qu'importe combien exactement'.


(3) N'hon eus ket c'hoant kaout ur ped komision warn-ugent.
ne'1PL a pas envie avoir un combien commission sur.n-vingt
'Nous ne voulons pas avoir (trente-mille / watt mille / une multitude de) commissions.'
communiqué Nous te ferons Bretagne, Flippot 2010


Inventaire des différents indéfinis de choix libre

Pour une première approximation, les indéfinis de choix libre sont traduits en français par tel(le) ..., tel(le)..., n'importe qui, quiconque, un X quelconque, quelque X, quoi que ce soit ou la forme archaïsante en qui (Qui vivra verra). On peut aussi penser à tant (Je vous donne tant rendez-moi tant, Rendez-vous le tant à telle heure), untel ou un quidam.


Parmi les indéfinis du breton, il existe plusieurs candidats pour les indéfinis de choix libre.

les indéfinis de choix libre créés par reduplication de type den-mañ-den
les doublements autour de la disjonction pe 'ou': den pe zen
Kalz ne vern, /beaucoup n'importe/
N'eus forzh pe X, /n'importe quel X/
ainsi que diforzh '(un point) quelconque' en vocabulaire mathématique avec son préfixe privatif di-
den ebet, /homme aucun/ ou le nom nu tra dans les comparatives
le quantifieur nep en contexte positif
le mot négatif netra après une préposition comme araok, a-barzh
les minimiseurs en général an disterañ trouz 'le moindre bruit'
le composé nominal sur interrogatif, de type 'un quidam': ur pe-anv, /quel-nom/, ur piv din-me, /un qui à.moi-moi/, ur pet komision warn-ugent, /un combien commission sur.n-vingt/
et, suivis d'une modification,
Piv bennak a..., /qui quelconque R.../
an nep a..., /le chaque R.../
X 'zo a..., /nom R y.a R.../, 'certains, tel'


Les structures de doublement du français tel(le) ou tel(le) sont aussi utilisées en breton. Vallée (1980:'importer') et Ménard (2012:'tel') donnent une suite de doublements autour de la disjonction pe 'ou': hini pe hini, seurt pe seurt. Le doublement peut aussi être évité en breton. Pour 'tel ou tel homme', le dictionnaire Imbourc'h donne nep den pe egile, /chaque homme ou autre).


(tentatives de) définition

Les indéfinis de choix libre sont dépendants de leurs contextes syntaxico-sémantiques. Ils sont notoirement sensibles à la modalité (Vendler 1967).

Les indéfinis de choix libre ne se comportent pas précisément de la même façon dans toutes les langues, mais il existe des constantes.

Jayez & Tovena (2005:6) proposent qu'ils sont au moins reconnaissables au fait que:

- Ils ne sont pas naturels dans les phrases épisodiques affirmatives (en tout cas pas sans modification du nom, ou un changement de lecture péjoratif).
- Ils apparaissent dans les phrases génériques et/ou impératives et/ou conditionnelles.


Les environnements syntaxiques qui les autorisent

La présence d'un temps morphologique n'est pas requise pour autoriser les indéfinis de choix libre. La phrase en (1) commence par l'infinitive narrative Hag al lizhiri dizanv oc'h erruout didrouz e ti aotrounez nevez an ti kêr, ... ('Et les lettres anonymes d'arriver silencieusement chez les nouveaux édiles de la mairie, ...').


(1) ... da flatrañ hemañ-hen a guzhe el lec'h-mañ-lec'h an dra-mañ-tra ...
pour dénoncer celui.ci-reduplication R1 cachait dans.un lieu-ci-lieu le1 chose-ci-chose
'.. pour dénoncer tel ou tel qui cachait telle ou telle chose dans tel ou tel lieu.'
Léon, Abeozen (1969:30)


lectures itératives

Les constructions verbales avec un aspect itératif autorisent en breton les indéfinis de choix libre (au moins ici la structure reduplicative).


(2) Den-ma-den a vez kinniget dit.
humain-ci-humain R est.HAB présenté à.toi
'(c'est toujours ainsi), on te présente tel ou tel.'
Trégorrois, interview de Yann Ber Guyader gant Keit Vimp Bev,


conditionnelles

Une subordonnée conditionnelle permet la lecture d'indéfini de choix libre sur le minimalisateur ur c'heuz en (1), et sur le mot négatif netra, en (2).

(1) Mar klevan ur c'heuz deus ar pezh zo c'hoarvezet

'si j'entends quoi que ce soit de ce qui est arrivé', Standard, Ménard (2012:'quoi')

(2) Mar errufe netra nemet pep mad gantañ

's'il lui arrivait le moindre mal', Standard, Ménard (2012:'moindre')


modaux

Les modaux et les constructions modales sont des autorisateurs d'indéfinis de choix libre.


(3) Ret eo diwall meskañ ster boutin ger-mañ-ger e yezh bemdez gant e ster skiantel.
obligé est se.garder mélanger sens commun mot-ci-mot dans langue chaque.jour avec son1 sens scientifique
'Il ne faut pas mélanger pour un mot donné son sens commun et scientifique.'
Standard, Geriaoueg Matematik 2005, TES.


Les modaux autorisent la lecture d'indéfini de choix libre sur nep en (4).

(4) Se a c'haller ober da nep mare deus ar bloaz,

'On peut le faire à n'importe quel moment de l'année.', Standard, Menard & Kadored (2001:'nep')


contextes monotones décroissants

Certains indéfinis de choix libre sont recrutés parmi les mots négatifs mis dans des contextes monotones décroissants (d'implication des sous-ensembles).


a-araok, a-barzh

Le domaine sélectionné par cette préposition est un contexte monotone décroissant (a-barzh ober A ha B implique a-barzh ober A).

En (1), netra est un indéfini de choix libre comparable au français rien dans avant de rien entreprendre, 'avant d'entreprendre quoi que ce soit'.


(1) Deu d'am haoud a-barz ober netra.
viens pour'me2 trouver avant faire rien
'Viens me trouver avant de faire quoi que ce soit.' Trépos (2001:§599)


comparatives

Le domaine des comparatives est un contexte monotone décroissant (kenkoulz hag A ha B implique kenkoulz hag A).

Pour 'quoi que ce soit', Vallée (1980:'quoi?') donne tra (en holl), tra ebet. Pour la traduction de 'qui que ce soit', Vallée (1980:'qui') et Ménard (2012:'qui') donnent den all ebet dans une comparative de supériorité (ober gwell eget den all ebet 'faire mieux que qui que ce soit').

Les structures en X ebet sont restreintes aux comparatives. En (2), la lecture de den ebet dans la restriction de la comparative, est l'indéfini de choix libre 'quiconque, qui que ce soit'.


(2) Honnez a oar gwrïad hag ober dillad kenkoulz ha den ebed.
celle.ci R sait coudre et faire habits autant que homme aucun
'Celle-là sait coudre et faire des vêtements aussi bien que qui que ce soit.'
Trégorrois, Gros (1989:'den')


Pour '(aussi bon que) quoi que ce soit', Vallée (1980:'quoi?') donne ... ha tra, /que chose/. Cette structure avec le nom nu, abrégé de tra ebet, n'est pas relevée dans les comparatives de supériorité.

(3) ken dinec'h ha tra

'sans la moindre appréhension' (litt. 'aussi insouciant que chose'), Standard, Ménard (2012:'moindre')


Nep a aussi une lecture d'indéfini de choix libre dans les comparatives.


(3) Setu un oberenn a blij din muioc'h eget nep hini all.
voici un œuvre R plait à.moi plus que nep N autre
'Voici une œuvre qui me plait plus qu'aucune autre.' Standard, Chalm (2008:R.2.4)


Ces 'retournements' sémantiques d'items de polarité négative ont un parallèle en français.

Personne ne vient. => 'Aucun individu ne vient'
mieux que personne => 'mieux que qui que ce soit'


modification par une relative

Une classe d'indéfinis de choix libre est rendue licite par la modification par une relative.


piv bennak, petra bennak

Kervella (1995:§475, :§476) note les usages de bennak 'quelconque' modifiant un mot interrogatif.


(1) Petra bennaket [ 'soñjo dezhañ ]
quoi quelconque R pensera à.lui
'quoi qu'il en pense' Favereau (1997:§301)
(2) Piv bennak [ am c'har ] am heulio.
qui quelconque R.me2 aime R.me2 suivra
'qui m'aime me suive....' Standard, Ménard (2012:'qui')
(3) Evit an Iliz, a neus ar furnez piou bénag [ neuz seiz vloas ].
pour le Eglise R a le sag.esse qui quelconque a sept1 an
'Pour l'Eglise est adulte quiconque a sept ans.' Cornouaille, Ar Scao (1945:'adulte')


Les interrogatifs de degré semblent participer à cette structure (pegen ampart bennak ez eo 'quelque adroit qu'il soit', Vallée 1980:'quelque').


Ces constructions sont illicites sans modification:

* Sonjet en deus petra bennaket., 'Il a pensé à quelque chose.'
* Piv bennak am heulio., 'Une personne quelconque/quelqu'un me suivra.'
* Deuet eo Antonio a-benn peogwir oa pegen ampart bennak., 'Antonio a réussi car il avait quelque adresse.'


La modification par une relative semble être une condition suffisante pour autoriser ces structures. Elle se trouvent souvent dans des constructions modales, au futur ou sous la portée de conditionnelles, mais elles semblent licites en lecture épisodique (mais il n'est pas facile de discerner si le sens a changé).

Pegeit bennak e oa bet ar c'hrogad, ne oa ket skuizhet c'hoazh koulskoude.,
'Quelque longue qu'ait été la partie, il n'était cependant pas encore fatigué', Standard, Kervella (1995:§476)


La structure en bennak est parfois aussi précédée de nep, autre élément qui se doit d'être suivi d'une relative. Pour la traduction de 'quiconque', De Rostrenen (1738:72) donne (an) nep piou-bennac comme une forme du Léon. Vallée (1980:'quiconque'), Seite (1975:97), Favereau (1993) et Merser (2009) donnent (nep) piou bennag.


nep a

En emploi pronominal avec un article, nep est toujours suivi d'une relative (Kervella 1995:§475).

(2) an neb [ a gar labourad ]... Favereau (1993:'quiconque')
le nep R1 aime travailler
'qui aime travailler....'


En emploi pronominal sans article, nep peut également être autorisé par une relative. Favereau (1993) donne neb a pour la traduction de 'tel qui' et 'quiconque'. Pour la traduction de l'archaïsant 'qui...', ou pour 'quiconque' dans les traductions de la Bible, Ménard (2012) donne:

Nep [ ne lavar ger ] a zo asant, 'Qui ne dit mot consent'.
Nep [ a bae e zle ] a zastum leve, 'Qui paie ses dettes s'enrichit'.
Nep [ en em izelay ] a vezo savet, 'Quiconque s'abaissera sera élevé'.


tud 'zo

Pour 'tel', Le Clerc (1986:§154) donne tud 'zo... suivi d'une relative

Tud 'zo [ a zo iac'h hirie ] hag a vo klanv arc'hoaz.,
'Tel est aujourd'hui bien portant qui sera malade demain.'


syntagmes nominaux

Les indéfinis de choix libre qui sont forgés en morphologie présentent en syntaxe des têtes nominales opaques, qui ne nécessitent pas de contexte syntaco-sémantique autorisateur particulier quand elles sont précédées d'un déterminant (article ou déterminant interrogatif). Elles apparaissent dans des contextes épisodiques, comme des indéfinis indépendants.

La distribution prototypique des indéfinis de choix libre réapparaît quand ces têtes sont employées comme noms nus dans le cas des têtes redupliquées (deiz-mañ-deiz, 'tel ou tel jour, un jour ou l'autre'). On peut aussi comparer les distributions de un n'ouzon piv 'un je-ne-sais-qui' et (n'eus) forzh piv 'n'importe qui'.


reduplications

Pour la traduction de 'tel(le)', Favereau (1993) donne les reduplications (an) dez-mañ-dez, an dra-mañ 'n dra, hen-mañ-hen (m.), hon-mañ-hon (f.), an heni-mañ-heni, hen-ha-hen (m.), hon-ha-hon (f.). Pour 'telle ou telle chose', Ménard (2012:'tel') donne aussi une reduplication: an dra-mañ-tra, Le Clerc (1986:§154) donne an dra-ma-dra. Pour 'tel ou tel', Le Clerc (1986:§154) donne an den-ma-den, Merser (2009) donne hen-mañ-hen, hemañ-hen, et 'telle ou telle', homañ-hen.


(1) an deiz-mañ-deiz El leh-mañ-leh
le jour-ci-jour dans.le lieu-ci-lieu
'tel jour', 'à tel endroit', Merser (2009:'tel')


Les reduplications précédées d'un article ne semblent pas être restreintes syntaxiquement dans leur distribution. La phrase en (2) est nettement épisodique.


CONTEXTE: Med prestig e krogas keleier fall da zond d'ar barrez:
Mais bientôt de mauvaises nouvelles parvinrent à la paroisse:
(1) an hén-mañ-hén a zo lazet, an hén-mañ-hén a zo bleset.
le DEM-ci-DEM R est tué le DEM-ci-DEM R est blessé
'qui est tué, qui est blessé.' Léon, Seite (1985:36)


Les constructions redupliquées ne semblent pas restreintes en syntaxe tant que l'article qui les précède est présent. Il existe une structure sans article, l'emploi de nom nu de la structure redupliquée (den-mañ-den 'tel(le)', Favereau 1993). Cette structure est strictement restreinte dans sa distribution (Jouitteau 2010).


Nep-X

(1) Ma mamm a c'hoarzhe gant un netra.
mon2 mère R1 riait avec un rien
'Ma mère riait pour un rien.' Trégorrois, Berthou (1985:77)


En usage de nom nu, nep change de lecture et obtient un sens négatif.


pe-nom

Le breton a les mêmes types de nominalisations que le français un quidam, grammaticalisation autour d'un interrogatif. Pour la traduction de 'un quidam', on trouve un nom formé de l'interrogatif pe- suivi du nom anv 'nom': pehano (Vallée 1980), pe-ano (Merser 2009), ur peanw (Favereau 1993). Ce composé morphologique est un nom opaque en syntaxe. Il peut être lui-même précédé d'un déterminant interrogatif.


(2) Peseurt pe-anv eo hennez?
quel.sorte quel-nom est celui.ci
'Qui-est-ce?', Merser (2009:'quidam')


Il existe toute sorte de composés comparables. Leur distribution en syntaxe n'est pas documentée.

Vallée (1980:'quidam') donne pedén, n'oun peseurt den. Ménard (2012:'quelconque') donne 'un jour quelconque' ur pedeiz et 'une paroisse quelconque' ur beparrez .

La forme la plus répandue est sans doute peadra '(avoir) de quoi, assez', mais on y aperçoit un composé plus complexe, avec la préposition a provoquant une lénition sur le nom tra 'chose'.


composés avec un interrogatif en pe-

Merser (2009) donne eun neb piou bennag. Favereau (1993) donne piw din-me (/qui àmoi-moi/), an n'onn-piw (/le ne'sais qui/). Ils ont la distribution normale des syntagmes nominaux.

Vallée (1980:'quidam') signale aussi, pour les choses dont on cherche le nom, la forme petrefe, petrefi, petrifi (petra vefe). On ne sait pas si sa distribution est restreinte, ni si une lecture péjorative est obligatoire. Vallée donne:

(3) eur petrifi dénig distolok

'un certain petit quidam paisible'


La tête nominale morphologiquement complexe n'eus forzh piv est restreinte à la distribution des indéfinis de choix libre, ainsi que sa variante plus rare forzh da biv.


(4) Forzh da biv en dije kavet a vije bet nec'het. Trégorrois (Perros-Guirrec), Konan (2017)
forzh de1 qui R.3SG aurait trouvé R1 serait été ennuyé
'N'importe qui (qui) aurait trouvé aurait été ennuyé.'


Sémantique

contextes autorisants

Intuitivement, les indéfinis de choix libre apparaissent lorsqu'il y a une multiplicité des mondes envisagés, et au moins une alternative où l'assertion est fausse ou non-vérifiable. Cependant, on trouve aussi des indéfinis de choix libre dans des contextes épisodiques, comme lorsqu'ils peuvent être modifiés, ou dans les comparatives (sous certaines conditions, voir Jayez & Tovena 2005:23-4 pour le français).

Il n'est donc pas évident qu'il existe une source sémantique unique d'autorisation des indéfinis de choix libre.


changements de lecture

Certains éléments restent grammaticaux en dehors de leur environnement syntaxique d'indéfini de choix libre, mais prennent alors un autre sens.


lecture péjorative

La structure du français n'importe qui est représentée littéralement en breton (n'eus forzh piv, ne vern piv, Ménard 2012:'qui').

En dehors des contextes d'indéfinis de choix libre, ces formes sont bloquées à une lecture nettement péjorative (Arabat dit pediñ 'forzh piv!, 'N'invite pas n'importe qui!'). Sous un impératif par exemple, qui autorise une lecture d'indéfini de choix libre, on ne trouvera pas cette lecture péjorative caractériqtique.


(1) Trapit n’eus forzh peseurt kartenn.
prenez n'importe quelle carte
'Prenez n’importe quelle carte.' Douarnenez, [HD 08/2010]


approximation

De même, bennak 'quelque X, un X quelconque' peut avoir un sens d'approximation qui n'est pas son sens d'indéfini de choix libre ('environ une trentaine' un tregont bennak, Ménard 2012:'environ').


négation

Nep, en dehors des contextes qui autorisent les indéfinis de choix libre, est un item de polarité négative, et il a une lecture négative obligatoire dans ces contextes (nep targazh 'aucun matou', Trépos 2001:§315).

A l'intérieur d'un composé nominal (nep-X), nep a cette même lecture négative (netra 'rien'; e neblec'h 'nulle part'). Ces composés peuvent être suivis de ebet 'aucun', ce qui est une propriété des noms nus.

La lecture positive réémerge lorsque le nom est précédé d'un article ('un netra 'un rien').


A ne pas confondre

Les indéfinis de choix libre, comme les items de polarité négative, sont bannis des contextes épisodiques positifs. Cependant, ils ont une distribution différente: les items de polarité négative sont prototypiquement autorisés dans les phrases négatives et les questions.


De nombreuses constructions servent aux approximations. Ce ne sont pas toutes des indéfinis de choix libre. Vallée (1980:'quelque') signale l'usage d'un article indéfini devant un nom pluriel en finale (i)-ennoù (avec un singulatif suivi d'un pluriel). Il donne 'en quelques occasions', troiennoù, 'quelques lieux', lec'hiennou. Le 'quelque' de la traduction signifie 'de nombre indéfini' (bloavezhiennoù 'zo 'Il y a quelques années', ou ur geriennoù bennak 'quelques mots', Ménard (2012:'quelque'). Dans bloavezhiennoù 'zo, le nombre d'années entre le temps du discours et le temps de la phrase est approximatif, mais ce n'est pas le cas que n'importe quelle année peut être choisie sur le continuum temporel. Elles doivent être décomptées à partir du temps du discours, les unes après les autres et leur identité individuelle importe (comparer avec n'eus forzh pegeit 'zo).


kement, /autant/, ou a gement ont une lecture différente des indéfinis de choix libre, car ils imposent de référer à tous les membres de l'ensemble indifféremment de leur identité particulière, et non à une seule entité au hasard dans cet ensemble. En (7), a gement équivaut à 'toute personne'.

(7) a gement [ a garo ober eveldon ]

'quiconque voudra faire comme moi', Ménard (2012:'quiconque')


Kement et a gement partagent avec les indéfinis de choix libre la propriété de devoir être modifiés par une relative (* Lennet em eus kement levr., mais Lennet em eus kement levr [ a zo / ac'h eus laret din ]., 'J'ai lu tout livre (qu'il y a / que tu m'as dit de lire).'). Le quantifieur kement 'tout, chaque', quantifie sur une relative sans tête (kement [ pesk a dapin ], 'tout poisson que prendrai...', Trépos 2001:§315 > kement [ _[ø]_ a dapin ], 'quoi que je prenne').


Horizons comparatifs

En (1) sont illustrés quelques exemples d'indéfinis de choix libre existentiels dans différentes langues romanes ou germaniques.


(1) Du muss irgendein Buch aus der Leseliste lesen. Allemand
You must read a book from the reading list, any book. Anglais
Devi leggere un libro qualsiasi dalla lista di letture. Italien
Tu dois lire un livre quelconque de la liste de lecture. Français, Chierchia (2013:247)
'Tu dois lire n'importe quel livre de la liste de lecture.'


morphologie interrogative et modale

Les indéfinis de choix libre sont souvent construits, à travers les langues, avec le même matériel morphologique: un élément interrogatif (marqué en gras dans le tableau en 1) et un marqueur de modalité (marqué en italiques dans le tableau en 1). C'est le cas dans la grande majorité des langues (Haspelmath 1997), comme en anglais, français et grec ci-dessous.

En (1a.) en grec, opjos est un déterminant wh- utilisé dans les relatives libres, dhi est une particule invariable emphatique (traduit par l'anglais 'indeed'), et pote signifie 'jamais', ou en anglais 'ever' (Giannakidou 2001:3). Dans le français quiconque, on reconnait dans la partie modale l'ancien français oncques, 'jamais, la moindre fois', mais le complexe date au moins du latin quicumque, 'quel... que, n'importe quel'.


(1) français grec anglais
a. quiconque opjosdhipote whoever
b. quoi que ce soit otidhipote whatever
c. à quelque moment que ce soit opotedhipote whenever
d. que ce soit opudhipote wherever Grec, anglais, Giannakidou (2001)


En breton, seul bennak répond à ce patron morphologique: bennak est le composé ancien de py, la forme inaccentuée du pronom interrogatif (pe-) avec le négatif na(g) (Willis 2013:279).


Bibliographie

breton

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