Différences entre les versions de « Les adverbes déictiques spatiaux »
Ligne 132 : | Ligne 132 : | ||
| ||colspan="4" |'Mais là, le travail ne ressemble à rien.', |||||| ''Trégorrois (Kaouenneg)/Standard'', [[Ar Barzhig (1976)|Ar Barzhig (1976]]:32) | | ||colspan="4" |'Mais là, le travail ne ressemble à rien.', |||||| ''Trégorrois (Kaouenneg)/Standard'', [[Ar Barzhig (1976)|Ar Barzhig (1976]]:32) | ||
|} | |} | ||
[[Jouitteau (2015b)]] a montré que le morphème ''-mañ'' dans ''den-mañ-den'', 'telle ou telle personne', n'est pas l'adverbe déictique spatial ''-mañ''. | |||
== Terminologie == | == Terminologie == |
Version du 14 octobre 2015 à 14:30
Les adverbes déictiques spatiaux sont les clitiques ou suffixes -mañ, -se et -hont, qui marquent différents degrés d'éloignement par rapport au locuteur ('ici', 'là', là-bas').
(1) | locuteur | proximité immédiate | proximité relative | éloignement |
☺ | -mañ | -se | -hont | |
'ici' | 'là' | 'là-bas' |
On retrouve ces clitiques adverbes déictiques spatiaux dans :
- les démonstratifs analytiques
- les formes figées du-mañ (chez-moi/nous') et du-se ('chez toi/vous', 'là-bas').
- les adverbes déictiques spatiaux statiques avec la préposition support a.
- amañ, aze et ahont
- les adverbes déictiques spatiaux dynamiques avec la préposition support ale-.
Accentuation
Les adverbes déictiques spatiaux sont inaccentués.
Les particules -mañ, -se et -hont dérogent à donc à la règle qui stipule que dans les mots composés mettant côte-à-côte deux mots portant l'accent, c'est celui du premier qui s'efface ou s'amuise. C'est en effet leur accent qui disparaît en cas d'adjacence (Hemon 1995:§274-275). Ce sont des clitiques. Ils comptent pour l'accentuation comme la dernière syllabe.
(1) an dra-mañ ('cette chose'), ou mintin-mañ ('ce matin')...
à ne pas confondre:
Le groupe prépositionnel evel-se, 'comme ça', est différent dans son accentuation, et c'est tout à fait logique car sa syntaxe est différente: se y est un nom qui n'est pas clitique sur la préposition.
Morphologie
-mañ
(1) | Ne vin | ket me | mui amañ | é kennig dour deoc'h. | |||
ne1 serai | pas moi | plus ici | à4 proposer eau à.vous | ||||
'Moi, je ne serai plus là à vous offrir de l'eau.' | |||||||
Vannetais, Ar Meliner (2009:107) |
- Dre-mañ, a pa lazher un hoc’h, e lamer ar c’hig druz a-zoc’htoñ.,
- 'Par ici, quand on tue un cochon, on lui enlève la viande grasse.', Vannetais, Herrieu (1994:41)
-se
La particule -se se voise (en -ze) après les mots terminés par une voyelle ou une des quatre consonnes l, m, n, r (Hingant 1868:§59).
(3) | Ema | o turlutad | aze | gand eur goz souflez. | ||||||
prt.est | à4 bricoler | là | avec le 1vieux soufflet | |||||||
'Il est là en train de bricoler (perdre son temps, s'amuser) avec un vieux soufflet.' | Trégorrois, Gros (1984:484) |
Le clitique -se ne peut pas être accentué, contrairement au pronom fort indépendant inanimé se, 'ça', avec lequel il ne doit pas être confondu.
Ternes (1970:228) relève à Groix la forme /əzaj/.
(2) | /niče | gol brop | pex əred | əzaj / | ||
ne'est.pas | très-1 propre | ce.que R faites | ici | |||
'Ce n'est pas bien décent ce que vous faites là.' | Groix, Ternes (1970:228) |
Syntaxe
Les adverbes déictiques sont toujours en position clitique. Des trois clitiques, seul -mañ apparaît à l'intérieur d'un composé morphologique:
- hemañ, 'celui-ci' mais pas *hese, ni *hehont.
- houmañ, 'celle-ci' mais pas *house, ni *houhont.
- ar paotr-mañ-paotr, 'tel ou tel garçon'; mais pas *ar paotr-se-paotr, ni *ar paotr-hont-paotr.
La dimension déictique des adverbes déictiques spatiaux est utilisée par extension dans le système des démonstratifs. Ces adverbes clitiques sont utilisés pour former des démonstratifs. Ils apparaissent aussi après kement (Hemon 1995:36).
(4) bœrmɑ̃, nõzmɑ̃
- matin-ci nuit-ci
- 'ce matin, cette nuit', Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:46)
Le morphème -mañ apparaît aussi à l'intérieur des pronoms démonstratifs et des indéfinis de choix libre par reduplication.
Sémantique
Une tournure particulière, e-giz-mañ, permet d'obtenir l'anaphorique /comme ici/. L'adverbe déictique spatial acquiert ici des propriétés anaphoriques (= 'comme ça' en français).
(5) | O sacha | e-giz-mañ | war nask va buoc'h, | a rankan | da stleja ... | ||
à tirer | comme.là/ça | sur chaine mon vache | R dois | de trainer | |||
'En tirant ainsi sur la chaine de ma vache, que je dois trainer.' | |||||||
Cornouaille (Pleyben), Ar Floc’h (1950:57) |
A ne pas confondre
Tous les adverbes spatiaux ne sont pas déictiques. Eno, par exemple, est un adverbe spatial anaphorique. Son référent n'est pas à chercher dans le contexte d'énonciation, mais dans le co-texte, c'est-à-dire ce qui précède. L'adverbe spatial anaphorique eno a besoin d'un antécédent. Ce n'est pas le cas des adverbes déictiques.
(6) | Met al labour | n'eo | eno | heñvel ouzh | netra. | ||
mais le travail | ne est | là | pareil à | rien | |||
'Mais là, le travail ne ressemble à rien.', | Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, Ar Barzhig (1976:32) |
Jouitteau (2015b) a montré que le morphème -mañ dans den-mañ-den, 'telle ou telle personne', n'est pas l'adverbe déictique spatial -mañ.
Terminologie
Hingant (1868:§59) appelle adverbes déictiques spatiaux des 'adjectifs démonstratifs'.
Bibliographie
- Jouitteau, M. 2015, 'Free choice and reduplication, a study of Breton dependent indefinites', Tomasz Czerniak, Maciej Czerniakowski and Krzysztof Jaskuła (éds.), Representations and Interpretations in Celtic Studies, Lublin, 201-230, pdf.