Différences entre les versions de « Le sandhi »

De Arbres
(c'est à dire → c'est-à-dire)
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   Ce principe agit sur les mutations.  
   Ce principe agit sur les mutations.  
   Il s'oppose à la mutation adoucissante K, P ou T après un nom féminin terminé par une  
   Il s'oppose à la mutation adoucissante K, P ou T après un nom féminin terminé par une  
   consonne dure, c'est à dire en fait n'importe quelle consonne excepté l, m, n, r.  
   consonne dure, c'est-à-dire en fait n'importe quelle consonne excepté l, m, n, r.  
   Ainsi le trégorrois parlé dit:
   Ainsi le trégorrois parlé dit:
    
    

Version du 20 mars 2012 à 23:14

Le sandhi est un phénomène qui touche la prononciation de deux consonnes en bordures adjacentes de mots.

Si la consonne finale d'un mot ne fait pas vibrer les cordes vocales, et que cette consonne est suivie d'une autre consonne, son dévoisement contamine la seconde.


En (1), la consonne finale /t/ de pet n'est pas voisée. La consonne écrite /gw/ qui la suit est dévoisée par la seule présence de cette consonne [t] antécédente ([petkwech]). Dans la réponse, c'est la consonne dévoisée /k/ à la fin de dek, 'dix', qui est le déclencheur.


(1) [petkweʒutbet] [dekweʃ]

Pet gwech out bet ? Dek gwech
combien fois es été 10 fois
'Tu (y) es allé.e combien de fois? Dix fois.'


Déclencheurs

Le sandhi est un phénomène qui peut être déclenché par n'importe quel élément qui finit par une consonne non-voisée (c.a.d une consonne que l'on peut prononcer sans que vibrent les cordes vocales).


  • la préposition gant ('avec')
gant e vab : 'avec son fils (à lui)'
vs. gant he mhap: 'avec son fils (à elle)'


  • le quantifieur pep, ('chaque')
cf. carte 37 de l'ALBB.


  • le verbe lavar, 'dire', qui finit par un /r/


(1) [ wèh h,ón tǝ l'a:r tén ]
'oac'h o vont da lavar din
étiez à1 aller à dire à.moi
'Vous alliez me (le) dire.'
breton central, Humphreys (1995:393)


  • le verbe kaout, 'avoir', quand il finit par un /s/
(2) Lareit e huès toheign er guellañ a mem buhé.

volé avez à.1SG le meilleur de mon vie

'Vous m'avez dérobé le meilleur de ma vie.'




vannetais, Le Bayon (1878:69)

A l'écrit

Parfois, la prononciation du sandhi apparait dans la graphie.


(1) Amañ, war gern Menez-Hom e vez eur gouél braz, bep ploaz, neketa!
ici sur hauteurs Menez-Hom R est un fête grand chaque année, n'est.ce.pas
'Chaque année, ici, sur les hauteurs du Menez-Hom, a lieu une grande fête, n'est-ce pas!'
Leon, Seite (1998:22)


(2) krampouezh gwiniz-tu.
crêpes blé-noir
'des crêpes de blé noir.' Rieg, Bouzeg (1986:I)


(3) A-raok e poa pennoù a oa melenoc'h, setu a choke, evel-just kwir er c'hajot.
avant R avait têtes R était jaune.plus voila R choquait, comme-juste vrai dans.le cageot
'Dans le temps, il y avait des têtes plus jaunes qui choquaient bien sur dans le cageot.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:152)


En (4), la préposition trezak (standard etrezek, 'vers') sélectionne la préposition da comme son objet. Sa consonne finale /k/ est dévoisée. En conséquence, la consonne initiale de la préposition da se dévoise (D>T).


(4) 1SG treuzak t 1PL treuzak tim
2SG treuzak tit 2PL treuzak tac'h
3SGM treuzak t 3PL treuzak tè
3SGF treuzak tèy goelo, Koadig (2010:47)

Horizons comparatifs

Le dévoisement en bordure de mot par contamination est exactement l'inverse de ce qui se passe dans le français banque de données. Ce groupe de mots n'est en effet pas prononcé [bɑ̃kdədone] ni [bɑ̃k tədone], mais [bɑ̃gdədone]. L'environnement pour le sandhi est créé par le contact en bordure de mots de la consonne K (nonvoisée) et de la consonne D (voisée). En français, c'est la consonne voisée D qui contamine la non-voisée K vers la gauche.

Un sandhi à la bretonne comme décrit ci-dessus aurait vraisemblablement donné [bɑ̃ktədone]!

Terminologie

Jules Gros parle d'"euphonie".

 Gros (1970:35)
 EUPHONIE
 "Le trégorrois parlé exige qu'une consonne forte [dévoisée] soit suivie d'une consonne 
 forte et qu'une consonne douce [voisée] ou une voyelle soit suivie d'une consonne douce. 
 Il refuse de prononcer: evit-ze ou: an dra-se. 
 Il prononce toujours evit-se et an dra-ze.
 
 Ce principe agit sur les mutations. 
 Il s'oppose à la mutation adoucissante K, P ou T après un nom féminin terminé par une 
 consonne dure, c'est-à-dire en fait n'importe quelle consonne excepté l, m, n, r. 
 Ainsi le trégorrois parlé dit:
 
 eur plah koant
 ar verh-kaer
 ma mamm-gozh kêz
 eur votez koad
 eur gazeg tort, etc.
 
 Ce besoin d'euphonie fait aussi que les consonnes initiales douces [voisées] sont 
 renforcées, quel que soit le genre du nom, quand elles suivent une consonne dure [dévoisée].
 
 eur goz tor
 bep ploaz
 ped kwech
 eiz kwenneg
 ar pemp kouli
 an hent praz
 ma breh teou

Bibliographie

  • Gros, Jules 1970. TBP.I Le trésor du breton parlé I. Le langage figuré, chapitre II.

Bibliographie

  • Le Dû, J. 1986. 'A sandhi survey of the Breton language', H. Anderson (ed.), Sandhi Phenomena in the Languages of Europe, Mouton de Gruyter, Berlin.