Différences entre les versions de « Le sandhi »

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Le '''sandhi''' est un phénomène qui touche la prononciation de deux consonnes en bordures adjacentes de mots.  
Le '''sandhi''' est un phénomène qui touche la prononciation de deux consonnes en bordures adjacentes de mots.  


Dans le sandhi par dévoisement, si la consonne finale d'un mot ne fait pas vibrer les cordes vocales, et que cette consonne est suivie d'une autre consonne, alors le [[dévoisement]] de l'une contamine la seconde malgré le fait qu'il sont dans des domaines de mots différents.
Dans le sandhi par [[dévoisement]], si la consonne finale d'un mot ne fait pas vibrer les cordes vocales, et que cette consonne est suivie d'une autre consonne, alors le [[dévoisement]] de l'une contamine la seconde malgré le fait qu'il sont dans des domaines de mots différents.


En (1), la consonne finale /t/ de ''[[pet]]'' n'est pas [[voisée]]. La consonne écrite /gw/ qui la suit est [[voisée|dévoisée]] par la seule présence de cette consonne [t] [[antécédent|antécédente]] ([petkwech]). Dans la réponse, c'est la consonne dévoisée /k/ à la fin de ''dek'', 'dix', qui est le déclencheur.
En (1), la consonne finale /t/ de ''[[pet]]'' n'est pas [[voisée]]. La consonne écrite /gw/ qui la suit est [[voisée|dévoisée]] par la seule présence de cette consonne [t] [[antécédent|antécédente]] ([petkwech]). Dans la réponse, c'est la consonne dévoisée /k/ à la fin de ''dek'', 'dix', qui est le déclencheur.
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* le verbe ''[[kaout]]'' 'avoir' quand il finit par un <font color=green> [ s ] </font color=green>
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| (2) || Lareit || e huè'''s''' || '''t'''oheign || er guellañ || a mem buhé.
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Version du 11 février 2019 à 10:40

Le sandhi est un phénomène qui touche la prononciation de deux consonnes en bordures adjacentes de mots.

Dans le sandhi par dévoisement, si la consonne finale d'un mot ne fait pas vibrer les cordes vocales, et que cette consonne est suivie d'une autre consonne, alors le dévoisement de l'une contamine la seconde malgré le fait qu'il sont dans des domaines de mots différents.

En (1), la consonne finale /t/ de pet n'est pas voisée. La consonne écrite /gw/ qui la suit est dévoisée par la seule présence de cette consonne [t] antécédente ([petkwech]). Dans la réponse, c'est la consonne dévoisée /k/ à la fin de dek, 'dix', qui est le déclencheur.


(1) [petkweʒutbet] [dekweʃ]
Pet gwech out bet? Dek gwech.
combien fois es été dix fois
'Tu (y) es allé.e combien de fois? Dix fois.'


Sandhi par dévoisement

Le sandhi par dévoisement est un phénomène qui peut être déclenché par n'importe quel élément qui finit par une consonne non-voisée (c.a.d une consonne que l'on peut prononcer sans que vibrent les cordes vocales).


  • le mot miz, 'mois'
miz kenver, 'le mois de janvier'
daou viz 'zo, 'il y a deux mois'
Cornouaillais de l'Est (Riec), Bouzeg (1986:38)


  • le mot deiz, 'jour'
eizhteiz 'so, 'Il y a huit jours'
Cornouaillais de l'Est (Riec), Bouzeg (1986:38)


  • le mot tud, 'gens'


(1) E bèrn labour-zé zó ém tut t'ober nê.
le tas travail- est besoin gens pour faire P.eux
'Ce tas de travail, il y a besoin de personnel pour le (litt. les) faire.' Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:41)


en dut-sé, 'ces gens là',
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:40)



  • la préposition gant ('avec')
gant e vab : 'avec son fils (à lui)'
vs. gant he mhap: 'avec son fils (à elle)'



  • un adjectif comme glep, 'mouillé' ou glas, 'bleu/vert'
glep tour teil, 'tout mouillé' (/mouillé eau fumier/)
glas tour teil, 'tout vert' (/vert eau fumier/)
Cornouaillais de l'Est (Riec), Bouzeg (1986:38)


  • le quantifieur pep 'chaque'
cf. carte 37 de l'ALBB.



  • le verbe lavar 'dire' qui finit par un /t/ sous la forme lavaret, lâret


(1) [ wèh h,ón tǝ l'a:r tén ]
'oac'h o vont da lâret din
étiez à4 aller à1 dire à.moi
'Vous alliez me (le) dire.'
Breton central, Humphreys (1995:393)


  • le verbe kaout 'avoir' quand il finit par un [ s ] .


(2) Lareit e huès toheign er guellañ a mem buhé.
volé avez à.moi le meilleur de mon2 vie
'Vous m'avez dérobé le meilleur de ma vie.' Vannetais, Le Bayon (1878:69)


(3) Laa nœs tĩ penõz wa Jobéĝ võnn te dimĩ.
dit a.3SG à.moi que était Joseph à4 aller pour marier
'Il m'a dit que Joseph allait se marier.' Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:97)


  • une terminaison verbale qui finit par un [ x ]


(4) /pe xaŋ əlakex təxoŋ /
quel nom R4 mettre à.lui
'Comment l'appelerez-vous?' Groix, Ternes (1970:267)


  • le suffixe -ig:


(3) neve'ig 'so pellig 'so un tammig 'so.
nouveau.DIM y.a long.DIM y.a un morceau.DIM y.a
'dernièrement, il y a pas mal de temps, quelque temps.' Cornouaillais de l'Est (Riec), Bouzeg (1986:35)



(4) (Ker) klous t 'emb monnet kuit.
(tant) autant à'nous aller parti
'Autant vaut que nous nous en allions.'
Vannetais, Le Bayon (1878:59)


A l'écrit

Parfois, la prononciation du sandhi apparaît dans la graphie.


(1) Amañ, war gern Menez-Hom e vez eur gouél braz, bep ploaz, neketa!
ici sur hauteur Menez-Hom R est un fête grand chaque année, n'est.ce.pas
'Chaque année, ici, sur les hauteurs du Menez-Hom, a lieu une grande fête, n'est-ce pas!'
Léon, Seite (1998:22)


(2) krampouezh gwiniz-tu.
crêpes blé-noir
'des crêpes de blé noir.' Riec, Bouzeg (1986:I)


(3) A-raok e poa pennoù a oa melenoc'h, setu a choke, evel-just kwir er c'hajot.
avant R avait têtes R était jaune.plus voila R choquait, comme-vrai dans.le 5cageot
'Dans le temps, il y avait des têtes plus jaunes qui choquaient bien sur dans le cageot.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:152)


(4) Chte oeid er siren kuit te greisnouz.
voici allé le sirène parti à1 milieu.nuit
'Voila la sirène partie à minuit.' Vannetais, An Diberder (2000:102)


En (5), la préposition trezak (standard etrezek, 'vers') sélectionne la préposition da comme son objet. Sa consonne finale /k/ est dévoisée. En conséquence, la consonne initiale de la préposition da se dévoise ( d>t ).


(5) 1SG treuzak t 1PL treuzak tim
2SG treuzak tit 2PL treuzak tac'h
3SGM treuzak t 3PL treuzak tè
3SGF treuzak tèy Goëlo, Koadig (2010:47)


  • Emaint pepred é krouiziñ fozelloù nevez.,
'Ils sont toujours à creuser de nouvelles tranchées.', Vannetais, Herrieu (1994:41)


Sandhi par voisement

Parfois, c'est une initiale voisée qui partage son trait de voisement avec la finale qui la précède, par un phénomène d'anticipation.


(1) [ˈʁo mo me ˈʁasɛl dɪɲ, ˈneːb dɪɲ].
Roet em boa ma rastell din, enep din.
donné R.1SG avait mon2 rateau à.moi contre à.moi
'J’avais donné mon râteau à moi, malgré moi.'
Laz, Cheveau & Kersulec (2012-évolutif:Laz,'enep din')


Parfois, deux non-voisées obtiennent indirectement une voisée. Pour le trégorrois, Konan (2017:'de') note que les pronoms écho de deuxième personne du singulier te qui suivent les prépositions pour ce trait, le résultat est un voisement: ganit-te /ga'nide/ 'avec toi', dit-te /'dide/ 'à toi', ouzhit-te /u'zide/.


Horizons comparatifs

Le dévoisement en bordure de mot par contamination existe en français familier. La pronociation [ɛ̃t] du verbe 'être' dévoise par contamination une consonne autrement voisée qui la suit.

  • Tu vas voir les conneries qu'ils vont mett' ça va êt' grattiné. [etkratine]
Patrick Dewaere, La meilleure façon de marcher de Claude Miller, [15:00]


Le voisement existe aussi. C'est ce qui se passe dans le français banque de données. Ce groupe de mots, en tempo rapide, n'est en effet pas prononcé [bɑ̃kdədone] ni [bɑ̃k tədone], mais [bɑ̃gdədone]. L'environnement pour le sandhi est créé par le contact en bordure de mots de la consonne [k] (non voisée) et de la consonne [d](voisée). En français, ça peut être la consonne voisée [d] qui contamine la non-voisée [k] vers la gauche.

  • une banque de données, [bɑ̃gdədone]
  • un bloc-notes, [ɛ̃blɔgnɔt]
  • cette nana, [sɛdnana]
  • une grosse machine, [yngrozmaʃin]

Un sandhi à la bretonne comme décrit ci-dessus aurait vraisemblablement donné [bɑ̃ktədone]!


Terminologie

Jules Gros parle d'"euphonie".

 Gros (1970:35)
 EUPHONIE
 "Le trégorrois parlé exige qu'une consonne forte [dévoisée] soit suivie d'une consonne forte et qu'une consonne douce [voisée] ou une voyelle soit suivie d'une consonne douce. 
 Il refuse de prononcer: evit-ze ou: an dra-se. 
 Il prononce toujours evit-se et an dra-ze.
 
 Ce principe agit sur les mutations. Il s'oppose à la mutation adoucissante K, P ou T après un nom féminin terminé par une consonne dure, c'est-à-dire en fait n'importe quelle consonne excepté l, m, n, r. Ainsi le trégorrois parlé dit:
 
 eur plah koant
 ar verh-kaer
 ma mamm-gozh kêz
 eur votez koad
 eur gazeg tort, etc.
 
 Ce besoin d'euphonie fait aussi que les consonnes initiales douces [voisées] sont renforcées, quel que soit le genre du nom, quand elles suivent une consonne dure [dévoisée].
 
 eur goz tor
 bep ploaz
 ped kwech
 eiz kwenneg
 ar pemp kouli
 an hent praz
 ma breh teou


Bibliographie

  • Gros, Jules 1970. TBP.I Le trésor du breton parlé I. Le langage figuré, chapitre II.
  • Le Dû, J. 1986. 'A sandhi survey of the Breton language', H. Anderson (ed.), Sandhi Phenomena in the Languages of Europe, Mouton de Gruyter, Berlin.
  • Le Ruyet, Jean-Claude. 2009. Komz, liamm ha norm : kelenn ar brezhoneg : prezantet e stern peder reolenn-sanañ ewid brezhoneg ar skolioù, thèse, université Rennes II. texte

horizons comparatifs

  • Henning Andersen (éd.). 1986. Sandhi phenomena in the languages of Europe, Berlin, New York & Amsterdam: Mouton de Gruyter.