Différences entre les versions de « Le passif »

De Arbres
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Version du 13 juin 2017 à 10:11

Le passif est un mode verbal où, pour un verbe transitif, l'agent apparaît optionnellement, comme un argument indirect du verbe introduit par la préposition gant. L'argument interne, ici le patient, est sujet.


(1) Skoeit on genoc'h.
frappé suis avec.vous
'Je suis frappé par toi, tu me plais.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:40)


Le passif a une distribution très large en breton, comparativement au français ou à l'anglais, notament avec une utilisation plus large des passifs impersonnels.


Morphologie

variation dialectale

Il y a une variation d'ordre dialectal dans la préposition qui amène le complément d'agent d'un passif (gant, dre, da...).


(1) Un oanic debret gant ur penmoc'h Léon 1709, IN.
un oén bihan daibret d' un hoh Vannetais 1838, IVD.
un oén bihan dèbret get ur penmoh Vannetais 1917, ENVD.
un agneau petit mangé par un pourceau
'un petit agneau mangé par un pourceau' Français, IVD. relevés dans Châtelier (2016:267)


en vannetais

dre, dar et da

Avec la même distribution que gant en KLT, la préposition dre peut, en vannetais, introduire le complément d'agent (Trépos 2001:§593). La préposition da est reportée dans Ternes (1970:315) comme étant en alternance avec la forme moins répandue dar (dre).


da et gant

Dans la vallée du Scorff, on trouve la préposition da comme la préposition gant.

(2) An hani wellañ gwraet dezhoñ biskoazh.
le celle meilleure fait à.lui jamais
'La meilleure qu'il ait jamais faite.' Job Jaffré, Le Scorff, cité par Ar Borgn (2011:53)


(3) Achapomp 'raok ma vimp tapet dezhe!
échappons avant que serons attrapé à.eux
'Echappons-nous avant qu'ils ne nous rattrapent!'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:38)


(4) Nag a wez pilet d'an avel foll!
que de1 arbres abattu à'le vent fou
'Que d'arbres abattus par le vent déchainé!'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:7)


On trouve aussi des compléments d'agent introduits par gant dans la vallée du Scorff.


(5) Lod traoù 'vez difennet g'an Iliz.
certain choses est défendu avec le Eglise
'Certaines choses sont interdites par l'Eglise.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:67)


Crahe (2013) propose que de insiste qur l'agent, et get plus sur le résultat de l'action.

da uniquement?

Presque tous les compléments d'agent des passifs dans le vannetais de Herrieu (1974) sont introduits par da.


(5) Ur skudell ruz a zo geti en he dorn rouzet d 'ar seizh amzer ha kuilhet d 'ar gozhoni.
un écuelle rouge R est avec.elle dans.son main roussie P le sept temps et ridé P le viel.lesse
'Elle tient une écuelle rouge à la main, une main brunie par le vent et le soleil, et ridée par la vieillesse.
Vannetais, Ar Meliner (2009:107)


  • ... hag e kane d'he fepe karet ur ganenn bennak klevet dezhi en iliz...
'... et elle chantait à son pépé un de ces cantiques qu'elle avait entendus à l'église.', Vannetais, Ar Meliner (2009:33)


Sporadiquement, on trouve aussi gant dans Herrieu.


(1) Livet eo an dachenn gete.
peint est le sol avec.eux
'Le sol en change de couleur.' Vannetais, Herrieu (1994:32)

Syntaxe

La distribution large du passif en breton est due à différents facteurs convergents, qui font que le passif est syntaxiquement plus répandu en breton qu'en français.


fonctionnement syntaxique général du passif

Le passif est traditionnellement analysé comme un cas d'absorption dans la grille thématique du verbe: un verbe transitif passe de deux arguments obligatoires (le sujet argument externe et l'objet argument interne) à un seul (le sujet argument interne). En (2), l'argument externe agent de l'action de manger est absent de la phrase. Le sujet grammatical réfère à l'entité affectée par l'action, l'argument interne qui porte le rôle thématique de patient.


(2) A-benn neuze e vint debret toud.
d'ici alors R seront mangé tous
'D'ici là ils seront tous mangés.' Trégorrois, Gros, (1984:312)


auxiliaire bezañ, 'être'

Seul l'auxiliaire bezañ, 'être' est licite à la voix passive (Kervella 1947:§178), en opposition à ober, 'faire' et à kaout, 'avoir'.


le passif en ez eus: sujet indéfini

Dans le cas de verbes transitifs avec un patient indéfini, la forme attendue de l'auxiliaire est ez eus, qui marque les sujets indéfinis.

(1) Nag a voeson ez eus evet!
que de1 boisson R est bu
'On a bu beaucoup!' Plougerneau, M-L. B. (04/2016)


(2) Devet ez eus koad 'barzh an ti-mañ. / Amañ ez eus devet koad.
brûlé R est bois dans le maison-ci / ici R est brûlé bois
'On a brûlé du bois ici.' Plougerneau, M-L. B. (04/2016)


(3) Amañ ez eus drebet traoù eus ar mor.
ici R est mangé choses de le mer
'On a mangé des fruits de mer ici.' Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016)


En (3), on voit que la forme ez eus de l'auxiliaire est déclenchée par la définitude du patient, car la forme eo apparaît dès que le patient ar priz, défini, lui est substitué.


(3) Diou wech ez eus bet roet eur priz d'eul levr savet gantañ.
Diou wech eo bet roet ar priz d'eul levr savet gantañ
deux1 fois R est été donné le prix à un livre monté par.lui
'Deux de ses livres ont reçu un prix.' Léon, Fave (1998:142)


Les tournures passives du français sont prototypiquement limitées de la même façon (* Il a été arrêté le voisin par la police, mais Il a été arrêté un voisin (par la police).).

verbes transitifs sans agent

expérienceur

En breton, contrairement au français, le complément optionnel du passif peut être un expérienceur.

Le verbe koll, 'perdre', en (1), est à la voix active et son sujet 3SGM est un expérienceur.


(1) Dall, ne wele ket mat, kollet en deus e wel.
aveugle ne1 voyait pas bien perdu R.3SGM a son1 vue
'Aveugle, il ne voyait pas bien, il a perdu la vue.' Combrit, Dastum fichier SAY2913610.


La structure en (2) montre le même verbe au passif. Son équivalent actif est Kollet en deus eñvor. Le prédicat est kollet, prédiqué sur le sujet e eñvor par la copule eo (forme de la copule qui confirme que son sujet la suit). La préposition gant amène l'expérienceur.


(2) Kollet eo e eñvor gantañ.
perdu est son mémoire avec.lui
'Il a perdu la mémoire.' Uderzo & Goscinny (1977:13)
(*'sa/la mémoire est perdue avec/par lui.')
(*'his/the memory is lost by him.')


En français ou en anglais, la passivisation d'un verbe transitif dont le sujet est un expérienceur est impossible. Un verbe transitif dont l'argument externe est un expérienceur, et non un agent, n'a pas de forme passive dans ces langues. Cette différence typologique concourt à faire qu'en breton, les formes passives soient plus répandues.


agent/expérienceur humain indéfini

Lorsqu'une action est effectuée par un humain non-précisé, qu'il soit agent ou expérienceur, la forme choisie peut être une forme passive, ou alternativement un pronom impersonnel indéfini (en -er, unan, an den, etc.) avec une voix active.


Le verbe gallout est par exemple passivisable avec un sujet indéfini coréférent avec un impersonnel. Cette possibilité dessine un contraste net avec le français 'pouvoir' (* faire du mieux qu'il est pu).


(2) A-wichoù ner gaver ket goude ober gwellañ ma vez gellet.
parfois ne.?1 trouve.IMP pas malgré (PRO) faire mieux que est pu
'Des fois, on n'y arrive pas, bien qu'on fasse de notre mieux.' Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016b)


(3) Graet 'vez alies gant kig-yar, met gall ' vez bout graet ivez gant pesk. (gallet)
fait est souvent avec viande poulet mais pu (R) est être fait aussi avec poissons
'On le fait souvent avec du poulet, mais on peut aussi le faire avec du poisson.'
Scaër/Bannalec, H. Gaudart (04/2016b)


le passif breton s'étend aux verbes intransitifs

dans la construction du faux sujet

Kervella (1947:§211) note que le mode passif s'étend aux verbes intransitifs, au moins dans le cadre de la construction du faux sujet.


 Trépos (2001:§419):
 "En principe, les verbes intransitifs, qui n'ont pas de complément d'objet, ne peuvent pas se mettre à la voix passive. Cette tournure est cependant possible pour beaucoup d'entre eux: la préposition qui précède le complément déterminatif devient préposition conjuguée; ainsi:
 
 voix active 
 Ar vugale a zent ouzh ar mestr-se.
 'Les enfants obéissent à ce maître.'
 
 voix passive
 Ar mestr-se a vez sentet out gant ar vugale.
 'Ce maître est obéi des enfants.'


(1) Ar prajoù 'veze 'n em okupet mat deus oute.
le prés R est se1 occupé bien de à.eux
'On s'occupait bien des prés.' Favereau (1997:§471)


Même mis à part la construction du faux sujet propre au breton, l'équivalent en français est agrammatical (* Il est obéi à ce maître par les enfants), ou le sujet ne peut pas être interprété comme un impersonnel ou l'agent d'un passif * Il s'était bien occupé des prés).


avec un explétif vide indéfini

On trouve aussi des formes passives de verbes intransitifs en dehors de la construction du faux sujet. Le sujet du verbe passif est alors un sujet vide. Le verbe est inergatif et apparaît aux traits 3SG.


(2) Danset e vo.
dansé R sera Kervella (1947:§216,a)
# 'Il sera dansé.' > 'On dansera'


Lorsque le verbe auxiliaire est le verbe 'être' au présent, la forme particulière ez eus du verbe bezañ signale dans ces constructions passives un sujet indéfini. En (1), il semblerait que ce sujet indéfini soit un explétif vide (c.a.d. présent syntaxiquement mais non réalisé).


(3) Soulet ez eus.
sonné est
'On a sonné.' Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016)


(2) Kanet ez eus e-kichen.
chanté est à-côté
'On chante à côté.' Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016)


restriction aux inergatifs

L'explétif vide indéfini est compatible avec les verbes inergatifs passivisés: le seul argument du verbe, l'agent, a été supprimé par l'opération de passivisation. Le verbe n'a pas d'argument interne. L'explétif sert juste de sujet grammatical.

Dans le cas des verbes intransitifs inaccusatifs, le mode passif promeut l'argument interne comme son sujet grammatical. Aucun explétif ne sera donc appelé en dernier ressort pour servir de sujet grammatical, ce qui prédit correctement que l'explétif vide soit incompatible avec les verbes inaccusatifs.

Avec l'inaccusatif dont, 'venir', l'explétif sujet est agrammatical. Le sujet indéfini unan bennak, 'quelqu'un', doit être réalisé.


(2) Deuet ez eus (unan bennak)* en va c'hear. (retour de vacances)
venu R est un quelconque dans mon2 foyer
'On est entré chez moi.' Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016b)


L'équivalent en français est encore une fois en contraste (Il est venu quelqu'un chez moi). Un explétif réalisé (il) est associé au sujet postverbal. Notons que bien que grammaticale, cette tournure du français reste inappropriée au contexte "out of the blue" du cambriolage ou du retour de vacances.

tournures impersonnelles aussi avec les transitifs

En (2), le verbe transitif klevout, 'entendre', a un agent non-exprimé impersonnel. Son sujet est l'ensemble formé par lavaret et son complément.


(2) Klevet a zo lavaret e voe pedet gant ar brinsez nevez eur c'halz a dud eus a Vreiz.
entendu R1 est dire R4 fut invité avec le princesse nouveau un5 tas de1 gens de de1 Bretagne
'On entendit dire que la nouvelle princesse avait invité plein de gens de Bretagne.'
Léon (Saint Pol de Léon), Milin (1922:402)


(3) Laeret ez eus va velo.
volé R est mon vélo
'On m'a piqué (volé) mon vélo.' Léon (Lesneven/Kerlouan), Y. M. (04/2016)


Parfois l'auxiliaire est sous la forme ez eus, parfois zo.


(4) Laret ez eus deom ober nebeutoh ma zo gellet a zegat.
dit est à.nous faire peu.plus que4 est pu de1 dégât
'Il nous a été dit de faire le moins possible de dégâts.' Ouessant, Gouedig (1982)


(5) bet eus bet lazet euz ar vro amañ er brezel quatorze ez.
été est été tué de le 1pays ici dans.le guerre quatorze aussi
'Il y a eu des morts d'ici pendant la guerre de quatorze aussi.' Ouessant, Gouedig (1982)


Les équivalents français des tournures impersonnelles avec un explétif sont agrammaticaux, que les verbes soient transitifs ou intransitifs (* Il est sonné., * Il est chanté à côté, * Il est volé mon vélo, * Il est entendu dire...).

sujet propositionnel du passif

Les tournures impersonnelles sont indépendamment présentes en breton. On le voit lorsque le patient est une proposition enchâssée.

En (1), le sujet syntaxique du verbe passif est soit la proposition enchâssée, soit un explétif du passif impersonnel, co-référent avec cette proposition enchâssée (tensée ou infinitive comme en (2)).


(1) Diskouezet ez eus bet gant x [CP e vez muioc'h...
montré R est été par x R est plus
'Il a été montré par X qu'il y a plus de...' Léon, Fave (1998:142)


(2) N'eus ket bet laret dit morse [ souchañ da filip? ].
ne est pas été dit à.toi jamais cacher ton1 zizi
'On ne t'a jamais dit de cacher ton zizi?' Favereau (1997:§443)
'Il ne t'a jamais été dit de...'


explétif vide

Les seuls auxiliaires possibles dans les constructions où le sujet est un domaine propositionnel, à travers les dialectes, sont les formes zo et ez eus dans les variétés où ces formes sont associées à un sujet indéfini. L'hypothèse de l'existence d'un explétif vide indéfini semble plausible.


(3) Lavaret 'z eus/' zo / *eo bet din [ e oa klañv ].
dit est été à.moi R était malade
'Il m'a été dit qu'il était malade.' Favereau (1997:§443)


(4) Lavaret ez eus [ ez edo e Pariz digwener da noz ].
dit R est R+C était dans Paris vendredi à nuit
'On sait qu’il était encore à Paris le vendredi soir.'
(la locutrice insiste que c'est la bonne tradution), Léon (Lesneven/Kerlouan), Y. M. (04/2016)


On obtient donc une analyse des tournures impersonnelles passives où il existerait en breton au moins deux pronoms explétifs vides, l'un défini, associé à certaines constructions, et visibilisé par la forme eo de la copule, et l'autre indéfini, associé, suivant les dialectes, aux copules zo et ez eus.


(3) Difennet eo tapout kokouz sujet défini
défendu est prendre coques
'Il est défendu de ramasser des coques.' Gros (1970:124), cité dans Favereau (1997:§443)


(4) Difennet zo tapout kokouz sujet indéfini
défendu est prendre coques
'On a défendu de ramasser des coques.' Gros (1970:124), cité dans Favereau (1997:§443)

l'agent du passif

site du complément d'agent

Seule la license poétique permet des ordres de mots comme en (1), où le complément d'agent précède le participe.


(1) Mar deus ul loen ganin karet me lavar eo sur va c'hazeg
si y.a un animal avec.moi aimé moi dis est surement mon2 cheval
'S'il y a un animal que j'aime, c'est surement mon cheval'
Trégorrois, Duval (1982:51), cité dans Press (1986:258)


Structure informationnelle

contraste avec l'impersonnel

Le passif ne permet pas la focalisation du verbe lexical. Favereau semble considérer que la forme en -er de l'impersonnel, en contraste avec le passif, permet l'imposition d'un focus contrastif sur le verbe.


 Favereau (1997:§471):
 "Le passif tend à se généraliser bien souvent aux dépens de la non-personne [forme en -r'] (pour exprimer on, l'on), même s'il faut bien noter qu'une nuance subsiste entre les deux formes: 
 Amañ 'vez graet bara (e-leizh, atav, peur(a)liesañ etc.)
 'Ici on fait du pain (en règle générale).'
 Amañ 'raer bara (hag e raer, oberiñ a raer - W -, ha ne brener ket)
 'Ici on fait, on fabrique du pain (on ne l'achète pas).'


sujet du passif

Le sujet du passif n'est pas heureux dans tous les contextes. Le premier contexte ne convient pas pour la phrase en (1), alors que le contexte (2) ne pose pas de problème.


(1) # CONTEXTE1: Dans une pâtisserie, les gâteaux ont l'air faits par un enfant de cinq ans. Le pâtissier s'excuse.
CONTEXTE2: Dans le restaurant, un serveur doit servir les desserts et demande si chaque gâteau a été décoré.
Ya, pep skotenn zo bet dekoret gant un apprenti bennak.
oui chaque gâteau est été décoré avec un apprenti quelconque
'Chaque gâteau a été décoré par un apprenti.' Léon (Lesneven/Kerlouan), A. M. (05/2016)


Stylistique et pragmatique

La stylistique et la pragmatique peuvent aussi concourir à une utilisation plus répandue des passifs en breton qu'en anglais ou en français.


désambiguïsation syntaxique

Utiliser un passif permet de différencier syntaxiquement le sujet de l'objet dans les ordres VSO (verbe-sujet-objet). Les ordres OVS et SVO, ou VSO et VOS pourraient parfois être confondus avec les verbes transitifs à deux arguments lexicaux.

La phrase en (1), avec son sujet et son objet réalisés par des syntagmes lexicaux, est jugée grammaticale mais "maladroite" par Kerrain (2001), qui préconise ici l'emploi d'un passif (Gounezet ez eus bet kalz arc’hant gant Soaz, ou Kalz arc’hant zo bet gounezet gant Soaz).


(1) Gounezet he deus Soaz kalz arc’hant. Kerrain (2001)
gagné 3SGF a Soaz beaucoup argent
'Soaz a gagné beaucoup d'argent.'


Cet argument doit cependant être pesé, car l'interprétation que l'on postule chercher à écarter ('Beaucoup d'argent a gagné Soaz') est écartable indépendamment (effet d'inanimé). De plus, les ordres VOS ne sont pas si répandus.

Ces effets de désambiguïsation sont de toute façon rares dans l'usage. L'usage des pronoms désambiguïse la structure d'une part, et les contextes voire la sémantique du verbe peuvent indépendamment désambiguïser la structure en discours.


pragmatique et stylistique

Les verbes transitifs sont plus souvent au passif en breton qu'ils ne le sont en français ou en anglais pour des raisons de pragmatique (préservation de la face par impersonnalisation).

 Gros (1970:32), breton trégorrois:
 Le passif breton se traduit dans de nombreux cas par l'actif [en français]
 
 Debret eo ho koan ganeoh?, 'Votre dîner est-il mangé par vous? (avez-vous dîné?)
 Souezet braz on ganit, 'Je suis fort étonné par toi (tu m'étonnes beaucoup).'
 Gant piv eo bet gwerzet?, 'Par qui fut-il trahi? (: qui le trahit?)'
 E peleh e vez prenet an traou-ze?, 'Où sont achetées (où achète-t-on) ces choses-là.'
 Piou a vez greet diouzit (ahanout)?, 'Qui est fait de toi? (qui, comment t'appelle-t-on?)'
 Hennez a zo bet greet evitañ, 'Il a été fait pour lui (on l'a aidé).'
 Hag e veze lavaret evel-henn gand an dud., 
 'et il était dit comme ceci par les gens (et les gens disaient ceci...)'
 Madeg (2013:8), breton du Léon:
 
 Ganez eo bet graet ? ; 'C'est toi qui a fait ça ?'
 Petra 'vo lavaret dezhañ ?; 'Qu'est-ce qu'on lui dira ?'
 Bet skrivet gant va zad !; 'C'est mon père qui l'a écrit !'


license poétique et ordre des mots

On note, en vers chantés en breton du XIX°, des cas d'antéposition d'un syntagme prépositionnel de manière au dessus du verbe passivisé. Ces ordres de mots sont pour le moins rares à l'oral en prose du breton moderne.


  • Paroasianis Tonkedek allas! na wient ket ’vije ho c’habitenn dre trahison lac’het _ .
'Les paroissiens de Tonquédec hélas ! ne savaient pas que leur capitaine serait tué par trahison.', XIX°, Luzel (1868:110-111)


A ne pas confondre

faux passifs

Il peut se trouver en breton des phrases avec l'auxiliaire bezañ, 'être' et un argument amené par le préposition gant qui ne sont cependant pas des passifs.

En (1), le verbe est à la voie active: le sujet du verbe intransitif est Lili, qui porte le rôle d'agent.


(1) Lili zo komañset get e eost.
Lili est commencé avec son moisson
'Lili a commencé sa moisson.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:15)


La structure en (2) donne l'impression fausse qu'un verbe inaccusatif comme c'hoarvezout, 'arriver, survenir' a une forme passive. Cette forme n'a cependant pas d'équivalent actif.


(2) C'hoarvezet eo gantañ.
arrivé est avec.lui
'Ça lui est arrivé.'
(* 'C'est arrivé avec/par lui.') français
(* 'It is happened by him.') English, Jouitteau [03/2012]


Il existe aussi des cas troublants de faux passifs où la préposition gant introduit un complément causal.

La préposition gant peut aussi exprimer la cause d'un inaccusatif. En (3), on sait qu'il ne s'agit pas d'une tournure passive juste car il n'existe pas de version de cette phrase à la voix active.


(3) Steuziet eo gant ar vrumenn a oa.
disparu est avec le brume R y.avait
'Elle a disparu à cause de la brume.'
(*'Elle a disparu avec/par la brume qu'il y avait.') français
(*'She disappeared by the fog there was.') English, Jouitteau [03/2012]


fausses voix actives

Kervella (1947:§216,a) note qu'une phrase passive ne peut pas commencer par le participe passif si son sujet est indéfini, réalisé après l'auxiliaire. Selon lui, les phrases en (1) seraient agrammaticales en commençant par le participe (il recommande l'usage de la voix active, et de l'impersonnel verbal -er).


(1) Tud a zo anavezet. Dek a zo kaset. Un niz dezhañ a zo pedet.
gens R est connu dix R est envoyé un neveu à.lui R est invité Kervella (1947:§216,a)
'Des gens sont connus. Dix ont été envoyés. Un neveu à lui a été invité.'


Ces ordres de mots sont cependant faciles à documenter. Kervella les donne lui-même en note. Il les confond cependant avec des phrases actives, car il considère que ez eus est la forme impersonnelle du verbe en devout, 'avoir'.


(2) Kaset ez eus dek. Pedet ez eus un niz dezhañ .
envoyé R est dix invité R est un neveu à.lui Kervella (1947:§216,a)
'Dix ont été envoyés. Un neveu à lui a été invité.'


(3) Skrivet 'z eus/' zo / * eo bet ul levr.
écrit est été un livre
'Il a été écrit un livre.' Favereau (1997:§443)
'Un livre a été écrit.'


antipassif

Le mode passif doit être distingué de l'antipassif, qui n'atteint pas l'agent mais le patient d'un verbe transitif.


Horizons comparatifs

La polyvalence sémantique de la préposition 'avec', traduction mot-à-mot de gant, est un trait saillant du français de Basse-Bretagne. Dans cette variété de français, la préposition avec apparaît au passif.

(1) Vous devriez être étouffé avec la honte! > = 'Vous devriez avoir honte!' (Gallen 2006:7)


Terminologie

Le terme breton pour 'voix passive' est tu gouzañv, opposé à la 'voix active', an tu gra (Kervella 1995:§208-211). Chalm (2008) traduit passif impersonnel (de type Il a été tiré sur ce bateau) par l'expression stumm gouzañv dic'hour.

Press (1986:247) traduit stumm-gouzañv par l'anglais passive form, et stumm-gouzañv-dic'hour par impersonal passive form.

Ce que Sommerfelt (1921) ou Guillevic & Le Goff (1902:47) considèrent comme la marque du mode passif (les formes en -r des paradigmes verbaux), sont traitées ici dans l'article sur les impersonnels.


Bibliographie

breton

théorie

  • Abraham, W., Leisiö. L. 2006. Passivization and typology: form and function, Amsterdam: John Benjamins.
  • Alexiadou, A., Schäfer. F. 2013. Non-canonical passives, Amsterdam: John Benjamins.
  • Hopper, P. J., Thompson S. A. 1980. 'Transitivity in grammar and discourse', Language 56 (2), 251–299.
  • Keenan, E. L., Dryer, M. S. 2007. 'Passive in the world’s languages', Schopen T. (éd.), Language typology and syntactic description. Vol. I: Clause structure, Cambridge: Cambridge University Press, 325–361.
  • Lyngfelt, B., Solstad. T. 2006. Demoting the agent: passive, middle and other voice phenomena, Amsterdam: John Benjamins.
  • Shibatani, M. 1988. Passive and voice, Amsterdam: John Benjamins.
  • Siewierska, A. 1984. The passive: a comparative linguistic analysis, London: Croom Helm.
  • Taranto, G. C. 2004. An event structure analysis of causative and passive get, Manuscript. University of California, San Diego.