Différences entre les versions de « Le passé simple »

De Arbres
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[[Ernault (1902)]] note une alternance passé simple/[[passé composé]] entre Sarzeau et Batz.  
[[Ernault (1902)]] note une alternance passé simple/[[passé composé]] entre Sarzeau et Batz.  


   "les traducteurs s’y servent naturellement des formes préférées dans  
   "les traducteurs s’y servent naturellement des formes préférées dans leur village, mais cela ne veut pas dire qu’à l’ombre de leur clocher d'autres expressions plus communes ne soient pas comprises aussi, et même employées à l’occasion. Tel est le cas de ''en tad a laras'', 'le père dit', à Sarzeau; ''en tad a boue lareit'' (pour ''en doe 'laret'') dans le sous-dialecte de Batz, etc."
  leur village, mais cela ne veut pas dire qu’à l’ombre de leur clocher  
  d'autres expressions plus communes ne soient pas comprises aussi, et
  même employées l’occasion. Tel est le cas de ''en tad a laras'', 'le
  père dit', à Sarzeau; ''en tad a boue lareit'' (pour ''en doe 'laret'') dans
  le sous-dialecte de Batz, etc."


== Horizons comparatifs ==
== Horizons comparatifs ==

Version du 3 août 2014 à 22:02

Le passé simple breton est un temps synthétique qui exprime un temps passé perfectif (Heinecke 2001:79).


(1) Kement a vall a oa warnañ da vont kuit ma lezas e holl zanvez war e lerc'h.
autant P hâte R était sur.lui de1 aller parti C laissa son1 tout1 affaire sur.son.suite
'Il était tellement pressé de partir qu'il a laissé toutes ses affaires.'
Cornouaille (Pleyben), ar Gow (1999:31)


Sémantique et emploi

Le passé simple exprime toujours un temps du passé. Il est perfectif, ce qui l'oppose à l'imparfait (Heinecke 2001:79).


Bottineau (2010:116):

 "Le passé simple, s’utilise dans les textes littéraires écrits 
 dans des contextes narratifs pour des évènements singuliers,
 visualisés perfectivement, enchaînés séquentiellement, 
 et disjoints de la diégèse interlocutive [...]"


Le passé simple en breton supporte qu'une action perfective soit répétée sur un temps long.


(1) Lojañ-dilojañ a reas ar familh, ken na reas.
loger-di.loger R fit le famille autant ne fit
'La famille déménagea tant et tant (sans fin).' Standard, Denez (1993:33)


(4) Heñv a foetas e zanvez o ren ur vuhez diroll.
celui.ci R fouetta son matière à mener un vie dissolu
'Il mangea tout son bien en menant une vie dissolue.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:81)


Les paradigmes du passé simple sont en train de disparaître ou ont disparu de la langue orale. La forme en -as (3SG) résiste le mieux. On la trouve cependant surtout dans les chansons ou proverbes.

stratégies alternatives

Le français peut utiliser, en alternative du passé simple, un imparfait ou un présent de narration comme en (1). Ces choix sont inattestés en breton (Bottineau 2010:117).


(1) E 1986 e (tarzhas / *tarzhe) un dazloc’her e kreizenn nukleel Tchernobyl en Ukrania.
en 1986 R explosa / explosait un réacteur dans centre nucléaire Tchernobyl en Ukraine
'En 1986 explosait un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine.'
Bottineau (2010:117)

Passé simple vs. passé composé

Le passé simple breton est attaché au style écrit, et le passé composé au style oral. Bottineau (2010) analyse cette différence en terme de prise en compte/effacement des marques de subjectivité du locuteur.


 Bottineau (2010:118):
 
 En breton comme en français, le passé simple repère un évènement saillant 
 relativement à son environnement passé pris pour fond, alors que le passé composé
 repère un évènement saillant relativement à l’expérience présente du dialogue : 
 le premier fait abstraction de l’expérience du dire (ce qui s’accommode bien de l’écrit 
 et de l’absence du récepteur ciblé) alors que le second la met en valeur, d’où son 
 affinité avec l’oral dialogal et l’intersubjectivité immédiate.


Une hypothèse alternative à considérer est que la langue bretonne évolue, comme le français parlé, vers une perte massive du passé simple. Cette hypothèse prédit logiquement que le passé simple n'apparaît quasiment plus que dans les contextes de l'écrit, et que, dans les contextes oraux, il est supplanté par un autre temps (le passé composé).

La différence des nuances de subjectivité notées par Bottineau (2010) entre le passé simple et le passé composé découlerait alors de cette évolution: le domaine de la parole objectivée, puisqu'associée à l'écrit, le serait donc au passé simple, et le domaine d'expression assumant une "présence" plus forte du locuteur serait associée au domaine de l'oral, et par association au passé composé.

Variations dialectales

Gros (1970:27) note que le passé simple est de plus en plus abandonné, perd du terrain au profit du plus-que-parfait. Gros trouve encore en 1970 des formes de passé simple à la troisième personne du singulier (-as).

Le Coadic (2010:31,33,38,40) signale de façon répétée que le paradigme du passé simple n'est pas présent en Goëlo.

Selon Le Dû (2012:72), le passé simple "subsiste à l'état de trace" en breton trégorrois de Plougrescant.


Ernault (1902) note une alternance passé simple/passé composé entre Sarzeau et Batz.

 "les traducteurs s’y servent naturellement des formes préférées dans leur village, mais cela ne veut pas dire qu’à l’ombre de leur clocher d'autres expressions plus communes ne soient pas comprises aussi, et même employées à l’occasion. Tel est le cas de en tad a laras, 'le père dit', à Sarzeau; en tad a boue lareit (pour en doe 'laret) dans le sous-dialecte de Batz, etc."

Horizons comparatifs

Terminologie

En breton, le passé simple est appelé amzer-dremenet strizh.

En anglais, le passé simple est appelé simple past.

Bibliographie

Bottineau, D. 2010. 'Les temps du verbe breton : temps, aspect, modalité, interlocution, cognition, Des faits empiriques aux orientations théoriques', Catherine Douay (dir.), Système et chronologie, Presses Universitaires de Rennes, 110-129.