Différences entre les versions de « Le conditionnel »

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== Variation dialectale ''-f'' vs. ''-j''==
== Variation dialectale ''-f'' vs. ''-j''==
[[Falc'hun & Fleuriot (1978-79)|Falc'hun & Fleuriot (1978-79]]:7B) notent que "dans l'usage, la distiction entre ''vefe'' et ''vije'' n'est pas toujours bien nette".


   [[Hewitt (2010b)|Hewitt (2010b]]:303)
   [[Hewitt (2010b)|Hewitt (2010b]]:303)
   [[Sommerfelt (1921)]] for Kastell-Paol (St.-Pol-de-Léon, EL) and [[Ploneis (1983)]] for Berrien (NK) show widespread confusion of the ''‑ffe-'' and ''‑je-'' (''‑che-'') sets, as does the voluminous corpus of Jules Gros’s Trésor du breton parlé ([[TBP.]], 1970–76) from Tredraezh (Trédrez, WCT). It is furthermore clear in [[TBP.III]] that the tendency to use the compound perfect construction with a conditional auxiliary and a past participle for hypotheticals/counterfactuals is very strong; in this case, the auxiliary is almost invariably of the hypothetical ''‑je-'' (''‑che-'') set rather than the potential ''‑ffe-'' set. On the edges of the SE area, [[Humphreys (1985)]] for Bothoa (EK) only has ‑ffe- forms for the conditional, and uses the compound perfect with the conditional of ‘be’ or ‘have’ plus past participle for counterfactuals; the ''‑ije'' set for ‘be’ and ‘have’ appears to be reserved for the imperfect habitual. This is reminiscent of the adjacent G (SE) area, where the only conditional is in ''‑ehe-'', and the ''‑ese-''/''‑ise-'' forms are reserved for imperfect habitual or secondary future.
   "[[Sommerfelt (1921)]] for Kastell-Paol (St.-Pol-de-Léon, EL) and [[Ploneis (1983)]] for Berrien (NK) show widespread confusion of the ''‑ffe-'' and ''‑je-'' (''‑che-'') sets, as does the voluminous corpus of Jules Gros’s Trésor du breton parlé ([[TBP.]], 1970–76) from Tredraezh (Trédrez, WCT). It is furthermore clear in [[TBP.III]] that the tendency to use the compound perfect construction with a conditional auxiliary and a past participle for hypotheticals/counterfactuals is very strong; in this case, the auxiliary is almost invariably of the hypothetical ''‑je-'' (''‑che-'') set rather than the potential ''‑ffe-'' set. On the edges of the SE area, [[Humphreys (1985)]] for Bothoa (EK) only has ‑ffe- forms for the conditional, and uses the compound perfect with the conditional of ‘be’ or ‘have’ plus past participle for counterfactuals; the ''‑ije'' set for ‘be’ and ‘have’ appears to be reserved for the imperfect habitual. This is reminiscent of the adjacent G (SE) area, where the only conditional is in ''‑ehe-'', and the ''‑ese-''/''‑ise-'' forms are reserved for imperfect habitual or secondary future."
 


== Diachronie ==
== Diachronie ==

Version du 31 mai 2015 à 14:54

En breton, le conditionnel a deux paradigmes morphologiques distincts:

le conditionnel réalis présent, dans lequel les alternatives possibles sont ouvertes.
le conditionnel irréalis passé, dans lequel les alternatives ont été possibles mais ne le sont plus.


En (1), le locuteur prend position contre une alternative qu'il reconnait cependant possible.


(1) Ne gredan ket [CP e kouskfe ma breur ]. conditionnel réalis
ne1 crois pas R dormirait mon2 frère
'Je ne crois pas que mon frère dorme.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


Le conditionnel réalis

morphologie

La morphologie du conditionnel réalis en breton moderne est caractérisée par le morphème -fe, ou -he.


(1) Derc'hel a rin d'am gêr nemet mervel a rafen.
tenir R1 ferai à mon2 mot sauf mourir R1 ferais
'Je tiendrai parole sauf si je meurs.' An Here (1995:'nemet')


diachronie -f vs. -h

Les formes en -h sont historiquement les formes du potentiel. Elles ont convergé avec les formes de l'imparfait en -f.


 Falc'hun & Fleuriot (1978-79:7B):
 "Depuis le XVIIème, une nouvelle désinence en -fen, 'fes, fe... s'est répandue dans les autres dialectes [que le vannetais]. Elle vient de verbes usuels comme 'mourir', 'vivre', moyen-breton marwhe 'il mourrait', bewhen, 'je vivrais'. Le groupe -wh- a abouti a -vh-, puis à -f- et s'est répandu, d'où les formes dites régulières karfen, karfes, karfe.


 Le Gléau (1973:12,13):
 "Vers 1710, les trois cinquièmes des formes potentielles des verbes réguliers s'entendent et s'écrivent comme des imparfaits. Par exemple, la caractéristique H s'est toujours amuïe en position intervocalique, sauf pour quelques formes de dont.
 
 [...] Le besoin de clarté a imposé progressivement une caractéristique F. Ce passage de H à F existe dans des mots comme dihuniñ: 
 Josef a zifunas BSA. (1877:50) 
 [...] Entre 1610 et 1830 la caractéristique FE s'impose en Haut-Léon dans les verbes réguliers. Bris semble encore ignorer FE, Milin ignore déjà HE.
 [...] Endevout dans le dernier tiers du 19° siècle et bezan dans le premier tiers du 20° alignent leurs formes potentielles sur celles des verbes réguliers."


On trouve encore en breton moderne des formes en -he en vannetais et dans le bord vannetais.


(2) Pa vehec'h lakaet paravis din, 'vehe gwelet piv eo an hani brasañ.
quand seriez mis vis-à-vis de.moi R serait vu qui est le celui grand.le.plus
'Si on nous mettait en vis-à-vis (si on nous comparait), on verrait qui est le plus grand.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:26)

syntaxe

matrices et subordonnées

Le mode conditionnel peut apparaître en matrices comme en subordonnées.


(3) Nemet karout a rafen e virfes ez kerz un dra bennak e koun eus hon daremped ...
seulement aimer R ferais R garderais en.ta.possession un chose quelconque en souvenir de notre rencontre
'Seulement, j'aimerais que tu gardes quelque chose en souvenir de notre rencontre.'
Standard, Drezen (1990:43)


Une conditionnelle peut être introduite par le complémenteur prototypiquement temporel pa.


(3) Pa vehec'h lakaet paravis din, 'vehe gwelet piv eo an hani brasañ.
quand seriez mis vis-à-vis de.moi R serait vu qui est le celui grand.le.plus
'Si on nous mettait en vis-à-vis (si on nous comparait), on verrait qui est le plus grand.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:26)


sémantique

négation et alternatives

Les verbes qui introduisent une complétive, lorsqu'ils sont au négatif, peuvent pointer une alternative possible au monde (Je doute que... Je ne crois pas que...). Ils imposent alors un conditionnel dans l'enchâssée (Leclerc 1986:203).


(4) Nket laret [CP e teufe ar medisin arc'hoaz ].
ne1 est pas dit R4 viendrait le médecin demain
'Il n'est pas dit que le médecin vienne demain.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


Si aucune alternative n'est ajoutée, le conditionnel n'est pas employé.


(5) Ne oar ket [CP ec'h on klanv ].
ne1 sais pas R4, +V suis malade
'Il ne sait pas que je suis malade.' Tréguier, Leclerc (1986:203)


le potentiel sans le doute

Le conditionnel n'implique pas le doute du locuteur. Le locuteur peut dire ne pas croire à une éventualité. Tant que cette éventualité existe, par exemple du fait de l'interlocuteur, le conditionnel peut être utilisé.


(1) Ne gredan két e yafe beteg disul.
ne1 crois pas R4 irait jusque dimanche
'Je ne crois pas qu'elle tienne jusqu'à dimanche.' Léon, Seite (1975:65)


Parfois, la morphologie du conditionnel marque la postériorité par rapport à un temps de la phrase ancré dans le passé. En (2), le temps où Matriona se lève est un temps du passé. Elle sait à ce moment précis à quoi sera (*serait) occupé le futur de sa journée.


(2) Gout' ouie en ur sevel, da betra e vefe kinniget an devezh.
savoir R1 savait en lever à1 quoi R serait employé le journée
'Elle savait (bien), en se levant, à quoi serait employée la journée.'
Standard, Ar Barzhig (1976:29)

potentiel sans morphologie du conditionnel

Quand la valeur du conditionnel est introduite ailleurs dans la phrase, la morphologie du conditionnel peut être remplacée par celle de l'indicatif.


(2) Ma kouezfe eun den amañ a zo (/ez eus) fin dezañ.
si tomberait un homme ici est fin de.lui
'Si quelqu'un tombait ici, c'en serait fait de lui.' Trégorrois, Gros (1970:26)


(3) Penemet ma'z oc'h-c'hwi kañveriez, me am boa graet deoc'h ur garlantez.
sinon que êtes-vous endeuillée moi R.1SG avais fait à.vous un guirlande
'Sinon que vous êtes en deuil, Je vous aurais fait une guirlande.'
(la guirlande se moque d'un râteau reçu, d'un délaissement amoureux)
Luzel (1868:258), cité dans Menard (1995:172)


Hewitt (2010b:303) note que le verbe de la matrice peut optionnellement, dans l'aire Nord-Est incluant le trégorrois, apparaître à l'indicatif.


(3) Ma viches lamped ase e veffes marw.
Ma viches lamped ase e oas marw
si serait sauté R4 serait/étais mort
'Si tu sautais là, tu te tuerais.' Hewitt (2010b:303)


morphologie du conditionnel sans potentiel

La morphologie du conditionnel peut obtenir une lecture d'habitude.


(z) /ˌnuzõ ke 'plɛ:h møfe ˌlakɛ ma ly'ni:du/
N’ouzon ket peleh mefe laket ma lunedou.
ne1'sais pas 'aurais mis mon2 lunettes
'Je ne sais jamais où je mets mes lunettes.' Plozévet, Goyat (2012:301)


ou un futur.


(z) /bɛn a ˌhwa dãn ˌør ma ˌvifiɲ i la'bu:ra da 'va:d/
A-benn arhoaz d’an eur-mañ e vint o labourad da vad.
d'ici demain à'le heure-ci R seront à1 travailler pour1 bon
'Demain à cette heure-ci, ils seront en plein travail.' Plozévet, Goyat (2012:303)

Le conditionnel irréalis

Le conditionnel irréalis en breton moderne est caractérisé par le morphème -je.


(2) Petra am-bije-me greet ma vije arruet netra nemed peb mad ganit-te?
quoi R.1SG-aurais.COND.PASSE-1SG fait si serait.COND.PASSE arrivé rien seulement chaque bien avec.toi-toi
'Qu'aurais-je fait s'il t'était arrivé rien que tout bien?'
...('le moindre mal.') Trégorrois, (Gros 1984:226).


Le conditionnel irréalis peut être utilisé pour exprimer l'aspect habituel d'une action.

 Gros (1970:31):
 "Le trégorrois parlé exprime encore l'idée d'habitude, quel que soit le verbe, en employant le futur au lieu du présent, et le conditionnel au lieu de l'imparfait."
 
 Hennez pa vo mezo na dostäo ket amañ .
 'Celui-la, quand il est saoul ne s'approche pas d'ici (et cela, de façon habituelle, chaque fois qu'il est saoul).'
 
 Diou lonkadenn a evje...
 'Il buvait habituellement deux gorgées'...


sémantique

l'irréel sans conditionnel

L'irréel du passé peut être exprimé sans recourir au paradigme du conditionnel.


infinitive passé
(1) Kar dezhi boût bet deuet!
aime à.elle être été venu
'Si elle était venue hier!' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:36)


(2) /ma kar ˌheãw be 'tomɛd ãn ˌdu:r/
Ma kar eñ beza tommet an dour…
si aime lui être chauffé le eau
'S’il avait voulu faire chauffer l’eau…' Plozévet, Goyat (2012:276)
imparfait

La forme de l'imparfait, en enchâssées, peut aussi avoir une lecture de conditionnel.


(1) Ma mije gouiet lar a oah é tond ma laket (a)han(o)h ba ma gwetur (me)mestra!
si avais su que R étiez à venir avais mis P.vous dans mon voiture quand.même
'Si j'avais su que tu venais je t'aurais pris dans ma voiture quand-même!' Haut-cornouaillais (Berrien), Lozac'h (2014:'la/lar')


C'est l'imparfait qui apparaît dans les tournures modales.


(2) 'Oa ket dav mont du-se.
était pas fallu aller côté-là
'Il n'aurait pas fallu aller là-bas.' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:36)


(3) Ret 'oa deoc'h boût bet tañvaet 'nezhañ!
obligé était à.vous être été goûté P.lui
'Si vous l'aviez goûté!' Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:36)


Variation dialectale -f vs. -j

Falc'hun & Fleuriot (1978-79:7B) notent que "dans l'usage, la distiction entre vefe et vije n'est pas toujours bien nette".


 Hewitt (2010b:303)
 "Sommerfelt (1921) for Kastell-Paol (St.-Pol-de-Léon, EL) and Ploneis (1983) for Berrien (NK) show widespread confusion of the ‑ffe- and ‑je- (‑che-) sets, as does the voluminous corpus of Jules Gros’s Trésor du breton parlé (TBP., 1970–76) from Tredraezh (Trédrez, WCT). It is furthermore clear in TBP.III that the tendency to use the compound perfect construction with a conditional auxiliary and a past participle for hypotheticals/counterfactuals is very strong; in this case, the auxiliary is almost invariably of the hypothetical ‑je- (‑che-) set rather than the potential ‑ffe- set. On the edges of the SE area, Humphreys (1985) for Bothoa (EK) only has ‑ffe- forms for the conditional, and uses the compound perfect with the conditional of ‘be’ or ‘have’ plus past participle for counterfactuals; the ‑ije set for ‘be’ and ‘have’ appears to be reserved for the imperfect habitual. This is reminiscent of the adjacent G (SE) area, where the only conditional is in ‑ehe-, and the ‑ese-/‑ise- forms are reserved for imperfect habitual or secondary future."

Diachronie

Hewitt (2010b:301) considère que le paradigme du potentiel [‑ffe- (G‑ehe-)] dérive historiquement d'un subjonctif imparfait. Le paradigme de l'hypothétique [‑je- (‑che-, G ‑ese-)] dérive historiquement du plus-que-parfait du vieux breton.


Le Brigant (1779:A4) signale l'usage de an diaoul, 'diable' (ayoul ne vifés, an diaoul ne vefes, 'diable que tu fusses').

Terminologie

Leclerc (1986:203) parle de subjonctif potentiel pour les formes en -fe et d' imparfait du subjonctif pour les forme en -je. Cette terminologie vient de l'analyse des phrases équivalentes en français.

La forme conditionnelle réalis est appelée forme potentielle dans Le Gléau (1973:12).

Bibliographie

  • Desseigne, Adrien et Pierre-Yves Kersulec. 2014. 'Remarques sur l'emploi du conditionnel passé dans des récits au passé dans un dialecte vannetais contemporain', Catherine Moreau, Jean Albrespit et Frédéric Lambert (dir.), Du Réel à l'Irréel, PUR, 125-129.

théorie

  • Pancheva, Roumyana & Rajesh Bhatt. 2005. 'Conditionals', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol I, chap.16.