He-

De Arbres

Le morphème he- dénote la facilité, la possibilité, l'aisance. Il est partiellement comparable sémantiquement au suffixe -able du français, et en compétition avec l'emprunt -abl, -apl. Son sens est cependant plus large.


(1) Hen a vije helavar.
lui R serait pfx.parle
'Il serait éloquent.'
Léonard, Constantius (1900:107)


Ce préfixe est productif. Kervella (1947:§883) donne : hedro, hevag, helavar, hegarat, hedorr, hewel, heverz, hewerzh, hegredik, heson, hevoud, habask, heglev.

Vallée (1980:XXII) donne: hewerz 'facile à vendre, vendable', hewel 'facile à voir, visible' et heverz 'facile à percevoir, perceptible'.

Trépos (2001:§121) ajoute hesonenn 'harmonie'.

Ab-Sulio (XX°) à Sizun donne hedorr 'fragile', hedorrus 'fragilité'

Gros (1984:369) donne heglaou 'éveillé, vif'.

Helias (1986:15) donne heverk 'remarquable'.

Chalm (2008:w-217) donne: hebleg 'flexible', helavar 'éloquent', helenn 'facile à lire' et heverk 'remarquable'


Morphologie

mutation

Ce préfixe provoque une lénition sur sa racine (Helias 1986:15).


(2) hedro evel an holl verc'hed yaouank !
pfx1.tour comme le toutes1 femme.s jeune
'Volage comme toutes les jeunes femmes !'
Standard, Drezen (1932:26)


La forme non-mutée heklev proviendrait d'une influence du français écho /eko/ (Kervella 1947:§883).


exocentricité

Le morphème he- préfixe des verbes et les transforme en adjectifs ('qui se V facilement', comme hegarat 'aimable' sur karout 'aimer'). C'est donc un préfixe exocentrique.


(1) Hegarat tre eo-int !
aimable tout-à-fait est-eux
'Ils sont très aimables !'
Haut-cornouaillais du Nord, Keit Vimp Bev (1984:22)


Ce changement de catégorie de verbe en adjectif explique l'effet noté par Kervella (1947:§883) que les adjectifs préfixés par he- perdent leur suffixe adjectival, car he- les a déjà recatégorisés en adjectifs.

accentuation

L'accentuation en KLT tombe sur l'avant-dernière syllabe (Kervella 1947:§887) et montre avec les dissyllabiques que le préfixe he- peut prendre l'accentuation de mot (HEdro).


variation et répartition dialectale

Ernault (1879-1880:156) orthographie le préfixe he-, e- ou é-, ce qui montre un /h/ initial flottant. Il associe ce suffixe "à Landerneau et aux environs", en donnant hedorr 'facile à rompre, fragile' et hegoll 'facile à perdre'.

Syntaxe

Sur la grille thématique d'une racine verbale transitive, le préfixe he- opère une suppression de l'agent. L'argument qui reste est le patient (comme dans le passif).


Sémantique

lecture impersonnelle

Le préfixe he- a sur une racine verbale l'effet d'un impersonnel de forme se des langues romanes (vendable/qui se vend). On a ainsi helevez dans le sens de 'self-conduite' ('bonne conduite, morale, modestie, pudeur', Fleuriot (1984a:233).

En cela, le préfixe he- est comparable au préfixe em- (emsav, emwerzh, 'facile à enlever/vendre', Kervella 1947:§882). Le préfixe em- ressemble encore plus au se des langues romanes en ce qu'il peut aussi prendre la lecture d'un réfléchi.


-abl, -apl vs. he-

Le préfixe he- perd en productivité en breton moderne au profit du suffixe -abl, -apl, ce qui ouvre le débat du choix des dérivations pour les néologismes.


 Le Roux (1915:69):
 "Pour 'divisible', M. Jaffrennou donne rannabl, diforc'habl, mots hybrides formés un radical celtique et d'un suffixe français. Il aurait été plus breton d'employer le préfixe he- 'bien' et de former ainsi herann, d'où l'on aurait pu tirer, à l'exemple du gallois, le substantif dérivé herannder, 'divisibilité'."


La question ne se pose pas pour les dérivations où le préfixe excède la sémantique du suffixe français. Le nom hevoud 'bien-être, porte-bonheur' ne pourrait par exemple pas être dérivé avec -abl, -apl.


Diachronie et horizons comparatifs

Le préfixe brittonique su- a donné le préfixe vieux breton ho-, he- 'bon, bien' puis le préfixe de breton moderne he- (Fleuriot 1984a:233, Deshayes 2003:37).

Fleuriot (1984a:233) propose pour helevez 'bonne conduite, morale, modestie, pudeur' une source en brittonique * su-leṷi̯o, ou -i̯ā, puis le vieux breton * holewiđ (sur le même radical * leṷi̯o, le breton a formé le verbe leviañ 'diriger' et le nom levier 'pilote', cf. Fleuriot 1964b:'leu'). Il signale le même préfixe et le même radical dans le dérivé nominal gallois hylyw 'bonne direction'.

Dans les autres langues celtiques, les descendants du préfixe brittonique su- sont le gaulois su-, l'irlandais so- ou le gallois hy-. C'est le descendant du même préfixe que l'on retrouve dans le français euphonie 'son agréable ou facile à prononcer' (Deshayes 2003:37).

Gros (1984:369) identifie ce préfixe comme remontant au vieux breton, mais ayant perdu sa productivité en breton trégorrois.

Cornillet (2020) traduit he- par eu-, bien, bon, et illustre par le même exemple hesoniezh 'euphonie' que Deshayes (2003), auquel il ajoute helavar 'éloquent'.

À ne pas confondre

Le préfixe fe- que l'on trouve dans fenoz 'cette nuit' ou feteiz 'ce jour à venir' a aussi un allomorphe en he-.