Gour

De Arbres

Le nom gour dénote un 'homme', une 'personne'. En usage de nom nu, sans article, gour 'homme, personne' signifie 'personne, aucun humain'. Dans certains dialectes, gour peut aussi référer à un inanimé.


(1) Me n'ouzon ket petra eo ar paotr, lavaran deoc'h me frekantan gour deuzouto.
moi ne1 sais pas quoi est le gars dis à.vous moi ne1 fréquente homme de.de.eux
'Moi, ce gars, je ne sais pas ce qu'il est, je vous dis que je ne fréquente aucun d'eux.'
Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:73)


Sur ce site, le sens grammatical de 'personne' dans un paradigme (1SG, 3PL, etc.) est traité séparément (cf. article personne).


Morphologie

répartition dialectale

Le nom gour apparaît dans les réponses de la carte 322 de l'ALBB à Plomodiern et Pont-l'abbé, dans la traduction de 'Je n'en ai vu aucun de mes amis' mais on n'en a pas l'environnement syntaxique précis. On retrouve la forme gour en corpus à Douarnenez. La forme gour (ebet) est signalée par Favereau (1997:§302) en Basse-Cornouaille.

La forme gour est en concurrence avec nikun en Cornouaille, et avec hini ebet ailleurs. Il n'y a pas d'entrée pour gour dans le dictionnaire trégorrois Gros (1970b).


(2) N'eo ket gour ahanom-ni oa.
ne1 est pas homme de.nous était
'Ce n'était aucun d'entre nous.'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


Malgorn (1909) relève pour Ouessant un emploi affirmatif Gwella gour a zo, pour Gwella hini a zo.


Syntaxe

gour, 'aucun, personne'

Gour, en usage de nom nu, est un mot négatif indéfini: il porte seul le sens négatif de 'aucun'. En (3), gour n'est pas associé avec une autre négation. La phrase ne signifie pas *Une personne parmi eux/elles l'aura.


(3) [/'ɡu:r doˌhutu no a'nɛ]
Gour dohouto 'no anezañ.
homme de.eux aura P.lui
'Aucun d'entre eux/elles ne l'aura.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:233)


  • O me lar deoc'h, me m'eus ket morse gwelet gour ebet giz hennezh.
'Oh je vous dis, je n'ai jamais vu quiconque comme lui.'
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:13)


Sémantique

Goyat (2012:233) note qu'à Plozévet, gour a un usage plus large que den, car il s'emploie "tant au masculin qu'au féminin, tant pour les personnes que pour les choses".


(1) [nøz 'ɡu:r bed ˌãma]
N'eus gour ebed amañ.
ne1 est homme aucun ici
'Il n'y a personne ici.', ou 'Il n'y en a aucun ici'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:233)


(2) /rez 'ɡu:r bed da ma 'brø:r/
Na rez gour ebed da ma breur !
ne1 donne X aucun à mon2 frère
'N'en donne aucun à mon frère !'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:295)


Cela se vérifie à Locronan, ou à Ouessant.


(3) Ne chom gour, neuhe. Ne chom ket ken.
ne1 reste homme alors ne1 reste pas plus
'Il n'en reste aucun, alors. Il n'en reste plus.' (des vers de terre)
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (09/2015b)


Malgorn (1909) note pour Ouessant que N'eus gour ne signifie pas 'Il n'y a personne', mais 'Il n'y en a aucun'.


(4) Douh an noz e konted ar maillou, ma vanke gour, ma veze manket unan...
de le nuit R4 comptait.on le maillet.s si4 manquait un si4 était manqu.é un...
'Le soir on comptait les marteaux, s'il en manquait un… '
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


Gour semble à Plozevet avoir la distribution de la tête nominale standard hini (/'ɡu:rˌbed/, gour ebed, 'aucun(e)', /ɡur 'va:d ˌbed/, gour vad ebed, 'aucun(e) de bonn(e)', Goyat 2012:240). Ce dialecte a cependant la forme hini en concurrence, au moins après un possessif (Goyat 2012:252).

Grammaticalisation

Le Brigant (1779:29) rapproche le nom gour 'homme' du suffixe de nom d'agent -our.


Diachronie

Le nom breton gour dérive de la même racine que l'adjectif français viril.

 Matasović (2009):
 Proto-Celtique:   * wiro- 'man' [Noun]
 GOID: Olr. fer [o m]
 W: OW gur, MW gwr [m] (GPC gŵr); gwŷr [f]
 BRET: OBret. -gur, MBret. gour
 CO: OCo. gur gl. uir, MCo. gour
 GAUL: Uiro-cantus [PN], Viro-mandui [Toponym]
 CELTIB: UIROS 'man'
 PIE: * wiHro- 'man' (IEW: 1177)
 COGN: Sanskrit vīrá-, Latin uir, Lithuanian rýras, Go. wair
 ETYM: Derivatives from this root include MW gwron 'hero' and Celtib. PN Vironus (* wiro-no-) and, probably, MW gwrdd 'strong' (* wiro-yo-). Germanic, Celtic, and Italic point to a short *i, with loss of the laryngeal, which is reconstructed on the basis of Lithuanian and Sanskrit forms.
 REF: GPC II:1693f., DGVB 201, EIEC 355,548, LHEB 337, de Bernardo Stempel 1999: 44, 230, Delamarre 32lf., Falileyev 76, Campanile 1974:59, Sims-Williams 2006: 124f., MLH V.1: 452f.


À ne pas confondre

Il existe deux préfixes gour- qui sont de sens contraires.

Le préfixe augmentatif gour-, gor-, gou- correspond au préfixe français 'sur-, super-' comme dans gourmarc'had 'supermarché'.

Le préfixe diminutif gou- ('sous-, sub-') provoque la lénition (goubenner 'oreiller') et a effectivement un allomorphe en gour- (gourzen, 'avorton, petit homme', Trépos 2001:§121). Ce préfixe n'est plus productif dans la langue (Kervella 1947:§883).