Espres

De Arbres

L'adjectif ou l'adverbe espres 'exprès' implique une intentionnalité. En (1), c'est un adjectif qui signifie 'spécial, particulier, dédié'.


(1) Gant ar gontel espres e vez graet.
avec le 1couteau exprès R est fa.it
'On fait ça avec le couteau spécial.'
Trégorrois, Blanchard (2016)


L'adverbe d'intentionnalité espres, ou espec'h, a-espres 'exprès', est sémantiquement orienté vers le sujet de la phrase.


(2) N'em eus ket greet espres-kaer.
ne 1SG a pas fa.it exprès-INT
'Je ne l'ai pas fait exprès.'
Trégorrois, Gros (1989:'kaer')


Morphologie

a-espres

(3) Ranket am eus ober ur sav a-espres en noz-mañ da lakat ar c'hi da devel.
d.û 1SG a faire un lever exprès en.le nuit.ci pour1 mettre le 5chien à1 taire
'J'ai dû me lever exprès cette nuit pour faire taire le chien.'
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (2017:27)


Syntaxe

distribution

zone de focus initiale

(4) Espec'h ' ra ar goarnamant da reiñ nebeutoc'h zikourioù d'anin.
exprès R fait le gouvernement pour1 donner peu.plus de1 aide.s à on
'Le gouvernement fait exprès de réduire les aides.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


Espress peut aussi apparaître, plausiblement en focus, devant un verbe infinitif.


(5) Ar c'hi a goustoum espress staotaat dirak va or.
le 5chien R1 coutume exprès pisser devant mon porte
'Le chien a l'habitude de pisser exprès devant ma porte.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)


champ du milieu

L'adverbe peut apparaître dans le champ du milieu.


(6) Ar goarnamant ' ra espec'h ' da reiñ nebeutoc'h (zikourioù) (d'anin).
le gouvernement R fait exprès pour1 donner peu.plus de1 aide.s à on
'Le gouvernement fait exprès de réduire les aides.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (05/2016)


(7) Dont ' ra espec'h da glask bedoù ganin.
vient R fait exprès pour1 chercher monde.s avec.moi
'Il vient me chercher des crosses exprès.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


Un contexte de cours d'école facilite des prosodies outrées. Les saisures prosodiques sont alors nettes.


(8) Dont 'ra Matao // espec'h // da glask bedoù ganin.

Dont 'ra // espec'h // Matao da glask bedoù ganin.
'Mateo vient EXPRÈS me chercher des crosses.'


Cet adverbe peut apparaître avant ou après un syntagme prépositionnel de but, avant ou après l'adverbe aspectuel bemdez 'chaque jour'.


(9) Dont a ra ki va amezogez (espress) bemus (espress) da gac'hat war va fleur !
vient R fait chien mon2 voisin.e exprès chaque.jour exprès pour1 merd.er sur mon2 fleurs
'Le chien de ma voisine vient chaque jour faire sur mes fleurs !'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)


(10) Dont a ra ki va amezogez da gac'hat war va fleur (espress) bemus (espress) !
vient R fait chien mon2 voisin.e pour1 merd.er sur mon2 fleurs (exprès) chaque.jour (exprès)
'Le chien de ma voisine vient chaque jour faire sur mes fleurs !'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)

zone préverbale de complétive

En (1), on voit espress apparaître à la droite d'un objet dans le champ du milieu, ou alternativement en zone préverbale de la complétive.


(1) Me jouch ar bla-mañ Simone (espress) a blanto patatez (espress) e-lec'h plantañ pour.
moi R1 pense le an.ci Simone exprès R1 plantera patates exprès au.lieu planter poireaux
'Je crois que cette année, Simone plantera (exprès) des patates au lieu de planter des poireaux.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b)


Lorsque le sujet reste postverbal cependant, les faits semblent varier selon que ce sujet est un nom propre ou une autre expression référentielle définie. Reste à définir si ces faits sont liés à l'antéposition de l'adverbe orienté vers le sujet ou non.


(2) Me jouch ar bla-mañ espress e planto { ar sodenn-se / * Simone } patatez e-lec'h plantañ pour.
moi R1 pense le an.ci exprès R4 plantera le sott.e. Simone patates au.lieu planter poireaux
'Je crois que cette année, { Simone / cette sotte } plantera exprès des patates au lieu de planter des poireaux.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b)

Sémantique

Selon Malgorn (1909), à Ouessant, espres mad, ou espres kaer signifie 'à dessein', mais aussi 'de parti pris'.


Diachronie

Ernault (1932) traduit dans le Mystère de Saint Gwénolé, (début XVI°, Gw.), Ma bro expres pa ez lezaf, ne deou am grat e quymyadaf par 'Mon pays, certes quand je te quitte, ce n'est pas de bon gré que je dis adieu'. Ce pourrait être 'Mon pays, bien que je te quitte de mon plein gré, cela me peine', ou avec l'adjectif 'Mon pays spécial… '.