Eo
La forme verbale eo est la troisième personne du singulier du verbe bezañ, 'être'.
(1) | Gros | eo | ar mor. | ( Gro(u)z | è | ër mor) | |
gros | est | le mer | |||||
'La mer est agitée (Il y a une grosse mer).' | Goëlo, Koadig (2010:104) |
Cette forme eo précède toujours son sujet. Elle alterne avec les formes zo, emañ, ez eus, et vez du même verbe bezañ, 'être'.
Sémantiquement, la copule eo est prédicative comme en (1), où les propriétés du prédicat gros sont appliquées sur le sujet ar mor. La copule eo peut aussi être équative lorsqu'elle signifie que deux entités n'en forment qu'une (Mestrez an ti eo Mona). La forme eo n'est pas licite comme copule existentielle (lecture il y a).
Morphologie
rannig associé
C'est un des rares verbes devant lequel, au présent, n'apparaît pas de rannig (Le Bayon 1878:26§IV).
Aux autres temps que le présent, on voit parfois le rannig apparaître. En breton standard, on peut voir alors que c'est le rannig e4 qui lui est associé, jamais le rannig a1. En vannetais cependant, on peut voir que c'est le rannig opposé, associé à la lénition, qui y est associé (Le Bayon 1878:26§IV, Guillevic & Le Goff 1986:160, Cheveau 2007:210).
variations dialectales
(3) | Er Chin, | ar bloazh nevez | a ioa | er sizhun diwezha. | ||
dans.le Chine | [[art|le]) an nouveau | R était | dans.le semaine dernier | |||
'En Chine, ils ont fêté le Nouvel An la semaine dernière.' | Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016) |
Syntaxe
sujet défini
Le sujet de la copule eo, qui le suit, est obligatoirement défini. La forme du verbe bezañ, 'être', dédiée aux sujets indéfinis est la forme ez eus.
(1) | N’eus | netra vat | en ti-mañ. | (* Netra n’eo mat) | Kerrain (2001) | ||
ne1'est | rien 1bien | dans.le maison-ci | |||||
'Il n'y a rien de bien dans cette maison.' |
(2) | N’ (eus / * eo) | deuet | den ebet | Kerrain (2001) | |
ne1'est | venu | homme aucun | |||
'Personne n'est venu.' |
place du sujet
La copule eo est toujours associée à un sujet qui la suit. Avec un sujet initial, la forme de la copule en standard ne peut pas être eo, et c'est la forme (a) zo qui apparaît.
Vallée donne des contre-exemples apparents en (1), tout en soulignant que mall et bloaz sont ici des adjectifs. Vallée suggère donc l'analyse qu'en (1), le sujet est bien après eo. Puisque ce n'est pas non plus la forme ez eus de la copule qui apparaît, il s'agit d'un sujet explétif phonologiquement nul qui est aussi un pronom défini.
(1) | Mall | eo | gantañ. | / | Bloaz eo. | ||
hâte | est | avec.lui | / | an est | |||
'Il a hâte.' / 'Il y a un an.' | Vallée (1980:XXIV) |
ellipse de eo
La copule eo peut, au temps présent, ne pas être réalisée phonologiquement. Elle est alors élidée, avec son rannig.
En (1), la copule prédicative eo est élidée.
(1) | [PredP | erru ] | _ | [sujet | poent | serriñ | dor | an iliz ]! | eme egile. | |
arrivé | est | moment | fermer | porte | le église | dit l'autre | ||||
'L'autre dit: Il est temps de fermer la porte de l'église! | Standard, Drezen (1990:9) |
Pour mettre en évidence une structure copulative, il suffit de mettre la proposition au temps passé. La copule est alors forcée d'apparaître et porte les traits morphologiques du passé (oa).
(2) | [PredP | erru ] | e oa | [sujet | poent | serri | dor | an iliz ]! | eme egile. | |
arrivé | R était | moment | fermer | porte | le église | dit l'autre | ||||
'L'autre dit: Il était temps de fermer la porte de l'église! | Standard, [MJ] |
en temps composé
L'ordre après la copule en temps composé est prédicat-sujet.
(1) | Sell, c'hoaz | eo boset ma zal | abaoe an ougnad | am-oa bet aze. | |||||
regarde encore | est cabossé mon front | depuis le coup | R.1SG-avait reçu là | ||||||
'Regarde, j'ai encore une bosse au front depuis le coup que j'avais reçu là' | Trégorrois, Gros (1970:133) |
clivées
C'est la forme eo du verbe être qui apparaît dans les structures clivées.
(1) | [ Zé | o | -ê ] | Goëlo | |||
Se | an hini | eo. | Standard | ||||
ça | le celui | est | |||||
'C'est ça.' | Koadig (2010:101) |
Sémantique
L'usage de eo dans les prédications équatives positives est répandu.
(1) | Ya, méd, [ eun dén ] | eo | hennez | ha n'eo bét morse | re fall e yehed. | |
oui, mais un homme | est | celui.là | et ne est été jamais | trop mauvais son santé | ||
'Oui, mais c'est un homme dont la santé n'a jamais été trop mauvaise.' | ||||||
Léon (Cléder), Seite (1975:97) |
Cependant, les mêmes prédicatives équatives avec eo à l'interrogatif (type petra eo da anv?, /quoi est ton nom/, prototypique des premières leçons de manuels pédagogiques) sont parfois considérées comme un phénomène nouveau, marquant le néo-breton. La réalité précise de ce décalage demanderait être documentée solidement.
(2) | [ Petra ] | e vije | e vuhez | panevet an dresadenn gozh? | |||
quoi | R4 serait | son1 vie | si.ce.n.était le 1dessin 1ancien | ||||
'Que serait sa vie sans le dessin ancien?' | Standard Dupuy (2007:25) |
Bibliographie
- Fave, V. 1988. 'Ar verb beza', Brud Nevez 111 : 18-31. (& 166 :63-69).
- Fave, V. 1963. 'Le verbe beza'. Annales de Bretagne 70bis, 484-496, pdf.
- Glandour, M. 1981. 'Furmioù ar verb bezañ', Al Liamm 207:254-68.
- Hewitt, Steve, 1988b. 'Being in Breton: the auxiliary of beza/bout', Poitiers: Cerlico.
- Hewitt, Steve, 1988a. 'Ur framm ewid diskriva syntax ar verb brezoneg / Un cadre pour la description de la syntaxe verbale du breton', La Bretagne Linguistique, 4:203-11.
- Kervella, F. 1970. 'Ur gudenn gasaus : implij A ZO hag EZ EUS, A ZO hag EO, EO hag EUS', Hor Yezh 63 :53-60.
- Merser (ar), A. 1993. 'EO-ZO', Brud Nevez 170 :57-59.
- Plourin, J.-Y. 1998. 'La phrase bretonne comprenant le verbe ETRE au présent de l’indicatif. Conflits de topicalisation', La Bretagne Linguistique 11:281-300.
- Urien, J.-Y. 2005. 'Cohabitation et conflit syntaxique autour du verbe « être » en breton', La syntaxe au cœur de la grammaire, (éds. Frédéric Lambert & Henning Nølke), 323-330, PUR.
- Urien, J.Y. 1989. 'Le syntagme existentiel en breton. Définition syntaxique et sémantique {X + zo / n’eus ket + X, « Il y a X / il n’y a pas X »}', La Bretagne Linguistique 5: 179-195.
- Urien, J.Y. 1989. 'Le verbe bezañ et la relation médiate', Roazhon 2 : Klask 1 :101-128.