Emprunt

De Arbres

Un emprunt, en linguistique, n'a pas à être rendu. Un élément linguistique peut être importé d'une langue d'origine à une langue, dite d'accueil, où cet élément est alors adopté. Il devient alors, dans cette nouvelle langue d'accueil, pleinement intégré au système linguistique préexistant.

Il est possible d'emprunter à une langue des choses très différentes, d'ordre prosodique, accentuel, lexical ou syntaxique. L'exemple en (1) est un emprunt d'ordre lexical. La dimension de son accueil dans le système du breton est, elle, tout à la fois d'ordre phonologique, prosodique, accentuel, lexical et/ou syntaxique en ce qu'elle impacte l'écologie du système linguistique, par exemple en introduisant un adverbe qui va faire une concurrence sémantique aux autres (e-pad, a-hed 'pendant, durant').


(1) Traoù kriz en deus gwelet durant ar brezel.
choses atroce R.3SGM a v.u pendant le guerre
'Il a vu des choses atroces durant la guerre.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:13)


Langues qui échangent du matériel lexical avec le breton

sources d'emprunt en breton

Les dialectes du breton moderne, breton standard y compris, empruntent à leur principale langue en contact, le français contemporain (Favereau 1992). Dans une moindre mesure, ils empruntent aussi au gallo, présent sur sa frontière Est (Chauveau 1985a, 1985b, Delanoy 2010). Pour la plus grande partie, les emprunts qui ne sont pas d'origine romane arrivent en breton à travers ce domaine roman. Cela a été le cas par exemple de kazh 'chat', nom d'origine nord-africaine traçable au nubien kadīs 'chat' qui a probablement transité par un descendant de langue d'oïl du latin cattus. C'est aussi le cas de butun 'tabac', nom d'origine amérindienne, le tupi petyma, petyn 'tabac', ou le guarani pety 'tabac', qui a transité par le vieux français petun ou le gallo bétun (CNTRL, Delanoy 2010).

Il existe des sources d'emprunt directes aux langues celtiques et germaniques. Elles sont plus modestes mais établies de longue date. Les langues celtiques fournissent au breton un petit ensemble lexical. Le gallois est, avec le cornique, la langue celtique linguistiquement la plus proche du breton, et Hemon (1930b) trouve une cinquantaine de mots gallois dans son propre dictionnaire de 1928, ainsi qu'une trentaine de mots de dérivés avec des éléments morphologiques bretons, mais sur un modèle gallois. L'emprunt au gallois est une marque de la langue littéraire et des néologismes depuis le XVIII°, et cette tendance s'est accentuée depuis Hemon (Le Menn 1983:249). Au XXIe, l'Office Public de la Langue Bretonne, lorsqu'il doit fournir un mot nouveau, s'informe systématiquement des usages gallois. Il existe aussi dans le lexique breton une source irlandaise (cf. l'étude des mots irlandais dans le dictionnaire de Le Pelletier 1752 par Dottin 1902 et Ó Ciosáin 1992). Enfin, il existe une longue tradition d'emprunts au domaine germanique par le vieil anglais, le moyen anglais et l'anglais (pour les emprunts au vieil anglais et au moyen anglais, voir Loth 1893b, Schlutter 1901, Förster 1937, Hemon 1942b). Au XXIe, les plus jeunes locuteurs du breton empruntent aussi beaucoup plus aisément à l'anglais moderne que leurs ainés au XXe.

Quand on inspecte les formes de breton actuelles, on y relève bien plus que des emprunts contemporains. On peut déceler des emprunts lexicaux dès le proto-celtique, avant la séparation des langues celtiques entre elles. Matasović (2009:443) estime à 6-10% le lexique proto-celtique emprunté à des langues non-indo-européennes. Certains de ces emprunts en proto-celtique sont continués jusqu'en breton moderne. Le nom * brokko- attesté en gaulois a donné broc'h 'blaireau', * brano- attesté en gaulois a donné bran 'corbeau', * druko- a donné drouk 'mauvais', * esok- attesté en gaulois a donné eog 'saumon', * gWeno- 'sourire' a donné genou 'bouche', * krok(ke)no- a donné kroc'hen et le préfixe -gen, -ken 'peau', etc.

Puis les variétés de breton, tout au long de leur histoire, du vieux breton au moyen breton (Gourvil 1956, Piette 1973) jusqu'au breton pré-moderne, ont emprunté massivement aux langues romanes, au latin et au latin vulgaire (Loth 1892, Haarman 1973), à l'ancien français, au moyen français, et au français classique, ainsi qu'au moyen gallo (Piette 1973) et au gallo. Méthodologiquement, il est important de rappeler que le terme "moyen français" est un terme qui inclut tous les dialectes romans du domaine d'Oïl, comme le moyen gallo, le moyen poitevin, le moyen normand. On peut parfois les distinguer. Lambert (2011d) pointe par exemple les emprunts au "français de l'Ouest" dans les nomenclator de 1633:

 Lambert (2011d):
 "C'est visible dans le traitement des suffixes latins : vieux-français -eüre (deux syll[abes]), de -atura, est conservé systématiquement, rouingueür 'rognure' (27) à lire rouingneür, présente la même diphtongue que le mot français ro(n)gneure, 34, 118 ou laueure, 34. De même presseür 65, à côté de pressuraig 64b. Une autre diphtongue issue des dialectes français apparaît dans cuellat 'collée, iouée, buffe', qui serait 'un coup au col'. Le fenil est traduit en breton par foüennery 133, où l'on reconnaît immédiatement un mot du français de l'Ouest, avec ce suffixe  -erie si fréquent dans la toponymie de l'Ouest."


On peut quantifier lexicalement les périodes historiques où le domaine breton a emprunté le plus de mots romans. Ainsi, des 500 à 800 mots empruntés au latin à l'étape du vieux breton (Haarman 1973), on passe à 2500 mots à l'étape du moyen breton (Gourvil 1956). Cela n'est pas en soi révélateur de pratiques langagières dans leur ensemble (tout le monde n'écrit pas, ce qui est écrit n'est pas forcément oralisé, la pratique des traductions influe sur le vocabulaire des écrits, etc.). Cela révèle cependant précisément des pratiques langagières qui se transforment en ce qui concerne l'écrit et les pratiques de traduction, avec une absence d'attitude puriste dans les constitutions des textes en moyen breton, ce qui fera contraste avec les ouvrages prescriptivistes du breton pré-moderne. L'examen du champ sémantique des termes empruntés (termes abstraits, de métiers, de commerce, etc.) sont révélateurs de la sociolinguistique attachée à ces changements.

Pour le breton moderne, Le Menn (1983:250) rapporte "une courte étude de deux séries d'interviews en breton" qui estime, en tenant compte de la fréquence d'utilisation lexicale, que "le pourcentage des mots d'origine française en breton est de moins de 12 % (11,3 % : 198 mots sur 1 740, dont 128 mots non « acceptés » dans la langue littéraire, et 11,6 %)". Ce chiffre y est comparé avec le pourcentage de mots français en anglais, estimé à 12 % ('Ha ken polluet-se eo ar brezhoneg ?', Dihun 55 — Breiz 210, mars 1976, p. 11).

mots empruntés au breton

La langue bretonne a fourni relativement peu de matériel d'emprunt aux autres langues. Pour se représenter un ordre de grandeur, on peut voir que Troude (1886:5-7) fournit une liste de seulement 61 mots bretons qu'il considère, de manière discutable, empruntés par divers dialectes romans. Il y inclut de plus les emprunts par le français de Basse-Bretagne, dont la lexicalisation hors de Bretagne n'est pas très productive. Méthodologiquement, la prudence s'impose car certains des mots proposés ont en fait une histoire latine d'emprunt inverse, comme picher 'pichet' (CNRTL), ou encore une étymologie celtique par le gaulois, comme le provençal truant 'mendiant' qu'il compare avec l'adjectif breton truant 'digne de pitié', sur la racine de truez 'pitié', ou bien par l'irlandais comme le bas-latin clocca qui a donné le français cloche (CNRTL), et n'est pas à proprement parler un emprunt au breton kloc'h.


On trouve évidemment de nombreux emprunts au breton sur son domaine parlant bilingue, en français de Basse-Bretagne. Ces emprunts de contact sont encore au XXIe siècle alimentés des pratiques de changement de code (code-switching) d'individus bilingues (Tu as pris mes tachoù-meud <punaises> ? ). L'étendue de leur usage par des locuteurs non-brittophones est peu documentée. Certains mots sont très courants et connus comme bretonnismes (ribin, gwenojenn, faire du reuz, botoù-koad, faire son faro, etc.). D'autres sont plus spécialisés, ou ont depuis disparu. Troude (1886:5-7) considérait que le français de Basse-Bretagne avait emprunté tost 'banc de rameurs' en le francisant en teste de même sens. Les écrits légaux du moyen-âge utilisaient sporadiquement des mots compris des brittophones soumis à leurs lois.

 Bazin (1971):
 "Le mémoire de 1479 spécifiait que tout morhotz (marsouin, en breton mor-houc'h ou moroc'h, littéralement 'cochon de mer') capturé dans l'Elorn devait être apporté au château. Dans sa Notice Historique sur la Ville de Landerneau, Pol de Courcy cite à ce sujet un ancien texte où il est dit que "s'il était pris dans la rivière aucun morhoc'h les preneurs étaient tenus de l'apporter à La Roche ou à Gouelet - Forest ou les capitaines les pouvaient obtenir à juste prix pour le vicomte". Or ce mor-hoc'h était un poisson à lard classé parmi les poissons royaux."

À ces emprunts de contact s'ajoutent des emprunts résultant du même processus mais de façon plus ancienne, là où le breton a effectivement irrigué le français des bilingues mais où le breton a depuis massivement disparu, sur la bande de recul géographique de la frontière linguistique. Dans la région maritime du pays vannetais où le breton n'est plus parlé, Buleon (1927:320) signalait que l'endroit de pêche était dénoté par le nom la tâche, emprunté au breton en dachen.

En dehors du français de Basse-Bretagne, dans le domaine roman, on repère quelques emprunts en gallo (Ernault 1881-1883, Le Menn 1983, Châtelier 2012), et exceptionnellement jusqu'en poitevin (pri, Vendryes 1926). Lepelley (1989) relève margate 'seiche' (cf. le breton morgad 'calamar, seiche') en français de Basse-Normandie, que Walter (1995) confirme auprès de locuteurs de Haute-Bretagne.

Troude (1886:5-7) trouvait quelques correspondances entre des mots bretons et provençaux (sans citer sa source), qu'il faudrait confirmer en provençal, et prouver ne pas descendre du gaulois ou du latin :

 Hanaf 'coupe, vase'. En Provence, Anof.
 Dourn, dorn 'main'. En Provence, Dorn.
 Fall 'mauvais'. En Provence, Fell.


Il existe aussi quelques plus rares emprunts adoptés par l'argot français (Lecocq 1993), comme marmule 'gars costaud' qui vient de marc'h-mul 'mulet'.

Le français moderne standard ne doit au breton qu'une trentaine d'items lexicaux. Les plus facilement repérables réfèrent à une spécialité bretonne ou associée à la Bretagne :

  • les costumes :
kabig, les noms spécialisés de costumes bretons ou de coiffes et leurs dérivés en noms de pays, comme le Pays Glazik.
  • les références culturelles spécifiques :
dolmen, menhir, fest-noz, biniou, korrigan, poulpican, poulpiquet, Ankou, minic'hi et son dérivé troménie (tro minic'hi), etc.
  • un petit ensemble de noms de plats typiques ou de matériel de cuisine associé:
krampouezh/krampouz, rozel, billig, kig-ha-farz, ribot, caotériade, kouign...
Le nom breton kouign 'gâteau' vient historiquement de l'ancien français (CNRTL), mais il a été récemment réemprunté par le français standard, surtout dans le composé kouign-amann (avec une prononciation francisée dénasalisée sur la dernière voyelle /aman/ contrairement au breton amann, /amãn/ 'beurre').


 Buleon (1927:320)
 "Tout le monde connaît le mot caotériad, qui littéralement devrait se traduire marmitée. Mais il a passé tel quel du breton en français. La cautériad consiste à accumuler et à cuire dans une marmite (cautér) des poissons de toutes sortes avec des légumes : régal des matelots."


  • quelques termes de marine et de pêche
Troude (1886:5-7) considère que le français de Basse-Bretagne a emprunté boed 'nourriture' avec boette 'appât pour prendre les poissons'. Ce nom se trouve jusqu'en français québécois.
Henry (1900:89) considère aussi que le français darne (de saumon) est un emprunt au breton. Cet emprunt serait ancien car on en trouve une occurrence en moyen français dès le début du XIII° (cf. CNRTL).


D'Arbois de Jubainville (1897) donne comme empruntés au breton : baderne, baille, balai, baragouin, bijou, biniou, bouette, cagou, cromlech, darne, a-derne, dolmen, goéland, goémon, menhir.

Le nom baille 'baquet' se retrouve en français de Basse-Bretagne et jusqu'en l'Anjou avec baille, de même sens (Troude 1886:5-7), mais c'est en fait un emprunt à l'ancien français baille 'baquet', du latin bajula 'chose qui porte, récipient renfermant une substance' (CNRTL).


Even (1953) liste, lui, balai, baragouin, bernique/bernicle, bijou, boette, cautriade/cotriade, eres, dolmen, drailler, engoulevent, goéland, goémon, menhir. Il signale que les mots andain, chômer, cohue, coutelas ne sont pas d'origine bretonne et l'article se termine par l'examen des emprunts faits, par l'intermédiaire de l'anglais, au gallois (catogan, cromlech, gringalet, pingouin) et aux langues gaéliques (bernache, carraghaen/carragaheenn, clan, slogan)."


L'étude de ces emprunts est tributaire de nos connaissances sur le gaulois, car dès qu'on repère un emprunt celtique ancien dans une langue romane, on peut se demander s'il ne provient pas, plus anciennement encore, du gaulois. Troude (1886:5-7) donnait le breton rusk 'écorce' comme emprunté par le provençal ruska. Effectivement, c'est un mot d'origine celtique, et on trouve bien la série rusco 'écorce', ruscous 'rugueux, revêtu d'écorce', desrusca 'écorcer, enlever l'écorce' en provençal (De la Tour d'Auvergne 2020), mais ce sont des descendants du gaulois rusca passé en latin médiéval qui a donné le français ruche (Matasović 2009). De même, le nom français mouton n'est pas un descendant du latin ovis qui a donné ovin. Il est d'origine celtique. Matasović (2009) propose une racine protoceltique en * molto- qui donne le vieil irlandais molt, le moyen gallois mollt, ou le breton maout 'mouton mâle coupé'. Mais c'est le nom propre gaulois Moltus et le gallo-roman multo qui sont à l'origine du français mouton (voir aussi la discussion de balai dans Dauzat 1939).

Certains mots font des aller-retours entre les langues, ce qui modifie leur sens d'une manière repérable. Certains mots passent d'une variété ancienne de français au breton, pour être ensuite réempruntés en français de Basse-Bretagne, mais avec un sens différent du sens français initial. En moyen français, le nom mignon signifiait 'amant'. Emprunté par le moyen breton depuis au moins 1530, il a obtenu le nom breton mignon, ma mignon 'ami, mon ami'. En français de Basse-Bretagne au XXIe, mignon, mon mignon n'a pas de connotation sexuelle ou amoureuse, contrairement au français standard qui a hérité directement du mot moyen français. Signe d'un emprunt qui n'est encore que partiellement adapté, ce nom mignon est défectif : il n'est utilisé qu'au vocatif (pour appeler quelqu'un, mais pas dans une phrase à l'indicatif */?J'ai deux mignons dans le Cap).

Les autres langues celtiques ont aussi très peu emprunté au breton et les études en sont à peine ébauchées (Le Menn 1983:249). Ar Menn (1968:54-55) propose que le breton arc'hme 'saxifrage, perce-pierre' aurait donné le gallois archmain. Le cornique est susceptible d'avoir emprunté au breton, mais cela n'a pas été étudié.

L'adaptation d'un mot emprunté

Un mot emprunté d'une langue A s'adapte au système nouveau B dans lequel il est inséré. Il devient pleinement un mot de cette langue B, ce que l'on peut voir dès que ce mot subit les règles grammaticales de la langue d'accueil B. C'est cette intégration au système linguistique nouveau qui distingue un emprunt d'un changement de code (code-switching), lorsque deux langues distinctes sont utilisées alternativement.


adaptation à la phonologie de la langue cible

Un emprunt peut importer un élément grammatical d'une autre langue, tel quel, en l'utilisant pour la même fonction globalement dans la langue d'origine que dans la langue d'accueil. Sa phonologie peut cependant être impactée.

Les voyelles nasales françaises en /ɛ̃/ comme dans /ynsɛ̃plfɛ̃/ une simple fin ont des équivalents bretons où les traits de voyelle et de nasalisation sont séparés : la voyelle n'est pas nasalisée et précède une consonne nasale en coda; /ørfinsimpl/ ur fin simpl.

En (2), surtout est prononcé /syrtu/ en français, sans consonne muette (cf. surtou(*t) en kayak, /syrtu(*t)ãkajak/). Dans l'emprunt breton, on entend cependant un /t/ final, même en isolation, dans /syrtut/.


(2) Hir eo an eternite, surtout ba'n achumant !
long est le éternité surtout dans le finiss.ement
'L'éternité est longue surtout vers la fin !'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:47)


En (3), l'emprunt au français grave, /grav/ est dévoisé en /f/ sur la consonne finale pour respecter les règles phonologiques bretonnes de dévoisement en fin de mot si une voisée ne suit pas en contexte.


(3) Ne ket graf !
ne.est pas grave
'C'est pas grave !'
Cornouaillais (bigouden), Stéphan (1986:5)


En (4), le français cuisine /kwizin/ perd sa glide /w/ en passant en breton. L'élément labial de la glide /w/ est encore visible dans la modification de la voyelle /i/ en /u/. Le nom devenu breton est réalisé /kuzin/. Il ne pourrait plus être rendu au français à cause de la concurrence de cousine.


(4) on tamm espes kuzin
un morceau espèce cuisine
'un peu de cuisine'
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:'kuzin')


diachronie

Mordiern (1939:12,13) donne des exemples d'emprunts au français marqués par des changements phonologiques réguliers, qu'il fait remonter au moyen-âge:

une finale en -e muet (schwa) obtient -a dans son équivalent breton (la ville de Fougère > Foujera ; promesse > promesa).
un final obtient -ez (communauté > kommunotez, pavé > pavez, privé > prevez)
les finales en -eau, -eaux obtiennent -el, (Bordeaux > Bourdel) ou -ell (mangonneau > bañgounell, guideau > kidell, drapeau > drapell).
une finale en -ier obtient -er (pelletier > peleter, denier > diner, destrier > drester)
une finale en -ois, -ais obtient une finale en -ez (François, Français > Fransez) ou -iz (bourgeois > bourc'hiz).

Favereau (1984:363) ajoute, en citant A. Even:

un verbe français en -ir obtient un verbe en -issañ (reussissañ 'réussir').

adaptation au système morphologique

Un emprunt est accueilli dans la langue d'une manière qui marque un point de non-retour, ce qui le distingue du changement de code. On peut toujours importer un élément lexical d'une autre langue, dès qu'on veut l'utiliser hors de sa langue d'origine, le changement de contexte linguistique le rend forcément différent, car tout le système langagier va l'interpréter différemment.

En (5), le nom masculin français voisin, qui se prononce /vwazῖ/, a été emprunté pour former un nom breton. Le passage au système morphologique du breton dénasalise la voyelle finale, ce qui donne /vwazin/, avec une interprétation qui reste masculine. C'est un point de non-retour, où l'emprunt ne pourrait plus être rendu, puisque le français a un autre mot lexical féminin, voisine, qui se prononce donc exactement pareil. En breton, c'est une dérivation bretonne en -ez, voizinez qui obtiendrait la variante féminine de ce nouveau mot.


(5) Frank a galon eo ma voazin.
grand de1 cœur est mon2 voisin
'Mon voisin est large de cœur, généreux.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:56)


Les emprunts au lexique du français en -ible sont adaptés en -ubl, -upl (terrible > terrupl, possible > possupl). Comme il s'agit d'un suffixe, le modifier une fois réalise un outil réutilisable au prochain emprunt. Ce processus crée à terme des morphèmes d'intégration.


morphèmes d'intégration

Certain outils morphologiques, comme des affixes, sont spécialisés pour l'accueil d'emprunts au français. Ces affixes existent indépendamment en breton, mais sont largement mobilisés pour bretonniser des emprunts.

On a par exemple le suffixe verbal de l'infinitif -al qui s'est spécialisé sur les verbes d'emprunt (chaseal 'chasser' ou paseal 'passer' Gros 1984:354).

Dans le domaine nominal, -enn est un suffixe d'accueil large (banane > ur vananenn). En (6), un locuteur qui a peur d'être mal compris utilise le mot de racine bretonne avec sa dérivation en -ell, puis fournit un synonyme formé sur un emprunt pour lequel il utilise le suffixe -enn spécialisé dans l'accueil d'emprunts.


(6) ar joent(r)ell pi ar souvantrierenn
le joint.outil ou le souventrière.SG
'la souventrière (attelage)'
Breton central, Favereau (1984:357)


Parfois, des classes sémantiques se dégagent avec une certaines productivité. Le suffixe singulatif -enn apparaît ainsi sur les noms d'emprunt d'animaux (jirafenn). Le suffixe collectif -ez apparaît sur les noms d'emprunt de pluralité de légumes et de fruits (bananez, Vallée 1980:XVI, ce qui crée le singulatif bananezenn, en concurrence avec l'emprunt direct du singulier bananenn).

Les cas les plus visibles sont ceux où un suffixe breton est ajouté sur un mot importé du français, mais l'adaptation morphologique passe aussi par la troncation de morphèmes ou de finales d'un mot français qui rentrait en conflit avec le système d'accueil. Le latin médiéval maiorana a donné le nom moyen français marjolaine (CNRTL). Ce nom français a été emprunté en breton et Deshayes (2003) atteste de margol dès 1632. Cette forme est débarrassée de la finale en /-ɛn/ qui aurait porté à confusion avec un singulatif breton -enn. L'adoption a donc procédé par troncation, le nom breton étant donc le nom collectif marjol, dont un plant individuel sera dénoté par marjolenn, ur varjolenn.

adaptation au système des mutations

Le même système d'intégration à l'écologie de la langue est visible avec les mutations consonantiques. Au nom masculin mur emprunté au français a été assigné en breton un genre féminin associé à la lénition M>V comme en (1). La mutation est le signe de l'adoption de ce nom dans le lexique breton, ici probablement sous l'influence de moger, ar voger 'mur' qui es féminin.


(1) Aet eo a-benn er vur.
all.é est de1-tête en.le 1mur
'Il s'est jeté la tête contre le mur.'
Trégorrois, Gros (2014:'a-benn')


En (2), l'adjectif emprunté au français était modeste. Son accueil en breton le rend éligible aux dérivations bretonne, et il a reçu le préfixe breton privatif di- qui, conformément au système breton, déclenche une lénition (M>V) sur l'adjectif.


(2) Ne zeu ket sonjoù divodest da virout ouzhit da gousket, a-wechoù?
ne1 vient pas pensée.s im1.modeste à1 empêcher à.toi à1 dormir parfois
'Ne te vient-il pas de pensées immodestes qui t'empêchent de dormir, parfois ?'
Standard, Drezen (1990:53)


En (3), les formes empruntées sont interprétées comme ayant muté, et leur forme non-mutée est reconstruite. L'emprunt au français une guitare ur gitar est donc interprété comme un nom féminin prononcé kitar en isolation, et hors contexte de mutation.


(3)a. war ur mell kitar orañjez
sur un grand guitare orange
'sur une grande guitare orange'
Standard, Drezen (1932:7)


Le rétablissement d'une consonne non-mutée crée des doublons dans le cas des noms féminins empruntés commençant par V, car la lénition sur le singulier des noms féminins obtient V des deux consonnes M et B. L'emprunt au français balise s'est intégré dans le lexique breton comme si sa consonne B initiale résultait d'une mutation B>V, ce qui donne balizenn, ur valizenn 'une balise'. Mais le nom valise s'est intégré dans le lexique breton comme si sa consonne V initiale résultait aussi d'une mutation M>V, obtenant malizenn, ur valizenn. Ci-dessous, le mot 'valise' est utilisé dans une construction génitive qui entraine l'absence d'article devant le nom. La forme est donc non-mutée.


(3)b. Pelec'h 'ta eo chomet malizenn an itron Alberto ?
donc R est rest.é valise le madame Alberto
'Mais où est donc passée la valise de madame Alberto ?'
Standard, Arros (2004)


Les noms empruntés sont parfois de genre instable, comme baradoz 'paradis' qui est parfois compris comme résultant d'une mutation féminine (paradoz, ar baradoz, cf. ar Baradoz Vihan Menard 1995), et parfois comprise comme un nom masculin commençant par /b/ (baradoz, ar baradoz).


On peut trouver diachroniquement et dialectalement différentes vagues d'intégration d'un même emprunt dans la langue cible, parfois avec des résultats différents. L'emprunt au français féminin gazette, une gazette a donné le nom breton féminin kazetenn, ar gazetenn, et son pluriel kazetennoù, ar c'hazetennoù. Le suffixe -enn y bretonnisé le nom avant de l'intégrer, tout en forçant le genre féminin, et donc en assurant les locuteurs du genre féminin de ce nouveau nom. Une autre stratégie d'emprunt est réalisée par Herrieu en (4), sans ce singulatif -enn.


(4) Bout a zo a-barzh ul levraoueg ha gazetoù.
être R est dedans un livre.s.lieu et revue.s
'Il y a dedans une bibliothèque et des revues.'
Vannetais, Herrieu (1994:165)

adaptation au système verbal

Le français a beaucoup plus de verbes pronominaux que le breton. Les verbes pronominaux empruntés typiquement perdent leur pronom réfléchi, au profit de la stratégie d'ellipse de l'objet.


(1) O ! Petra mizer klask debarasi doh ar re-ze.
Oh ! quel misère chercher débarasser de le ceux.
'Oh ! Quelle misère pour se défaire de ceux-là !'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)

changements de catégorie

Un emprunt lexical peut changer de catégorie d'une langue à l'autre. En (2), fache est en breton un nom.


(2) Fache vehai guet-ou plæguein é gorv de labourad.
fâcherie serait avec.lui plier son1 corps pour1 travailler
'Il serait fâché de contraindre son corps à travailler.'
Vannetais pré-moderne, IS.:328
cité dans Audic (2013:103)


Les emprunts au français sont très répandus en breton dans la catégorie des adverbes, surtout à partir des adjectifs du français. Le sens en est parfois surprenant (karhed delikat 'marcher vite', Cléguérec, Thibault 1914:432).


(3) Na bout ' oa arru kozh, e kerzhe c'hoazh pasapl.
même si R4 était arriv.é vieux R4 marchait encore pas.mal
'Bien qu'il fût devenu vieux, il marchait encore pas mal.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:19)


(4) Gouzout a reant magnifik, pétra â dlié erruout gant ô bugalé.
savoir R4 faisaient pertinemment quoi R1 devait arriver avec leur2 enfant.s
'Ils savaient pertinemment ce qui devait advenir de leurs enfants.'
Léonard pré-moderne (Lesneven), Burel (2012:38)

manquements d'adaptation au système d'accueil

Les emprunts récents sont parfois repérables aux exceptions qu'ils créent dans le système de la langue d'accueil. Les noms empruntés récemment au français créent par exemple des exceptions au système de mutation.


(5) [ ar 'ɡa:r ] ,
ar gar
le gare
'la gare'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:133)


En (6), le nom emprunté ne mute pas lui-même, mais la mutation B>V qu'il provoque sur l'adjectif est présente.


(6) e bijoutiri vraz,
e bijoutiri vras
son bijouterie 1grand
'sa grande bijouterie'
Plougrescant, Le Dû (2012a:38)

Ce qui est emprunté

du plus lexical au domaine syntaxique

Une propriété remarquable des emprunts massifs dans une langue est la différence entre la facilité des emprunts lexicaux et la rareté relative des emprunts de matériel fonctionnel, comme des prépositions, des complémenteurs ou des règles syntaxiques.

Fleuriot & Fleuriot (1977:16) datent la perte des syllabes finales en brittonique ancien d'une période entre la fin du V° et la fin du VI° siècle, à une époque où le latin était aussi pratiqué dans les centres urbains de l'île de Bretagne. Ils notent qu'au stade du brittonique ancien, l'évolution "était plutôt rapide dans la prononciation et le vocabulaire, mais plus lente en morphologie et syntaxe". Pour le breton moderne, un nombre récurrent d'études des emprunts faits au français notent un stock lexical largement emprunté au français et une syntaxe relativement épargnée (Sommerfelt 1925 cité dans Le Menn 1983, Hemon 1930b).

Avec la même récurrence, les études soulignent une différence dialectale dans la perméabilité syntaxique à l'influence romane. Le dialecte vannetais montre plus d'emprunts et de traits romans (Josig 1949), en particulier en ce qui concerne l'ordre des mots qui est plus souvent SVO dans ce dialecte.


emprunt de morphème

La matière qui est empruntée à une langue peut être du matériel morphologique, comme un morphème lié.

Le breton a par exemple emprunté des préfixes à l'ancien français et au français (mal-, re-, Deshayes 2003:37). Ces préfixes évoluent ensuite comme des préfixes de la langue d'accueil, comme le français entre- emprunté et dénasalisé en breton en etre- (Deshayes 2003:37).

L'emprunt d'un morphème peut avoir un impact syntaxique sur le mot obtenu en entier. Le breton a ainsi emprunté au français nombre de suffixes pour la formation des adjectifs, comme -an et -ard. Les adjectifs dérivés de ces suffixes peuvent se nominaliser par simple ajout d'un article (ur moanard 'un homme mince', Gros 1984:357, un amerikan). L'introduction du suffixe adjectival roman a donc changé le comportement d'une classe d'adjectifs de la langue. Les adjectifs bretons qui n'ont pas cette histoire d'emprunt au français n'ont pas cette possibilité syntaxique (*un plijus, *ur spontus).


emprunt de stratégie de grammaticalisation

En anglais ou en breton, le cardinal 1 (one, unan) a grammaticalisé en une tête nominale qui peut servir à une reprise anaphorique. Cette grammaticalisation du cardinal est illicite en français standard. En français de Basse-Bretagne cependant, très plausiblement par phénomène de contact, cette grammaticalisation est courante.


(1) Celle qui n'en avait pas allait louer une ou bien elle la prêtait avec une amie.

Douarnenez, Martin (1994:79)


emprunt de matériel lexical conjugué

Les gérondifs français comme durant ou suivant sont empruntés en breton pour créer des prépositions.


(2) /sẃivãd-ənãb ə-dyt /
suivant-an namb a dud
suivant-le.nombre de1-gens
'suivant le nombre des gens'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:320)


emprunt de matériel fonctionnel

Le matériel fonctionnel d'une langue peut aussi être emprunté. La finale en -ing est prototypiquement empruntée à l'anglais dans les mots français footing, pressing et casting. On peut voir que l'emprunt a procédé du morphème -ing et non des mots en entier, car le sens obtenu n'est pas original dans la langue anglaise.

footing, 'foot position'/*jogging
pressing, 'act of pressing'/*dry-cleaning store
casting, 'act of casting'/*casting audition, casting session

Le matériel fonctionnel d'une langue peut être emprunté même lorsqu'il est complexe. Dans le cas de la préposition pasemant 'non seulement, sans compter, en plus de, outre, nonobstant' (Cléguérec, pasemant te me fwoen, 'en plus de ma peine, de mon mal, nonobstant mon mal', Thibault 1914:190,437), c'est tout le groupe adverbial français pas seulement qui a été emprunté en bloc, morphologiquement fondu puis réduit à la négation bretonne pas suivi d'une finale adverbiale commune -emant.

C'est aussi le cas de [Eskø] , particule Q en bas-vannetais, ou de nompas, la négation des infinitives.


(3) [ eskø so ta:w ʁe be:w ]
est-ce-que est toujours ceux vivant
'Est-ce qu'il y en a encore des vivants ?'
Bas-vannetais, Cheveau (2007:213)


(4) evitañ da nompas kouezhañ war e gostez
pour.lui de1 ne.pas tomber sur1 son1 côté
'pour ne pas qu'il tombe sur le côté'
Cornouaillais (bigouden), Bijer (2007:225)

emprunt de structures grammaticales

Les emprunts peuvent procéder par blocs syntaxiques, quitte à les réinterpréter dans une autre catégorie, principalement nominale, dans la langue cible (cf. an depechevit 'la diarhée').

Un cas particulier courant à travers les langues est l'importation d'un groupe /article-nom/ qui estt réinterprété comme une tête nominale seule dans la langue cible. Deshayes (2003) cite ainsi le breton limaj 'image', limajer 'imagier'. Le nom lagout 'eau-de-vie' vient du groupe nominal français la goutte.


(5) Ur meudad lagoud-jistr
un pouce.ée eau-de-vie-cidre
'Un pouce, un doigt d'eau de vie.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:36)


Les emprunts de structures grammaticales qui ne sont pas "sédimentées" dans la langue cible, pas lexicalisées, sont différents. Se reporter à l'article sur les phénomènes de contact et le changement de code.


Impact des emprunts sur la langue

L'emprunt à d'autres systèmes langagiers a un impact sur l'évolution de la langue. Emprunter un élément change de fait le système d'accueil.


ce que l'import fait au système

Prenons l'exemple des emprunts aux mots français qui finissent en -eille /ɛj/, comme bouteille ou merveille. La langue bretonne n'a pas de mots qui finissent en /ɛj/. Elle adopte ces emprunts en les modifiant phonologiquement, en leur donnant une finale en -ailh /aj/, obtenant boutailh, marvailh. Morphologiquement cependant, le breton a un suffixe -ailh qui est masculin et de nuance péjorative. Ces mots empruntés vont soutenir dans la langue la présence de finales en -ailh, mais en introduisant une absence de dimension péjorative (marvailh) et en envoyant des signaux genrés différents (ur voutailh). Cela ne veut pas dire qu'un système langagier est mis en danger par des emprunts qui le voueraient à disparaître. Une langue peut tolérer longtemps des incongruences suffixales: le breton moderne a toujours un suffixe -ailh alors que les termes marvailh et boutailh sont attestés depuis le moyen breton (boutaill, 1499, 'bouteille' et maruaill, 1499, 'merveille, anecdote, conte, prouesse', Deshayes 2003).


Le suffixe nominal -ed /-ɛt/ breton est un suffixe de pluriel (dimezelled 'demoiselles'), qui crée parfois des noms collectifs (gwesped, ur wespedenn 'guêpes, une guêpe'). En français, le suffixe nominal -ette /-ɛt/ est féminin singulier (chaussette, des chaussettes). Ces finales constituent une source d'emprunt pour des noms bretons qui auront une finale en /-ɛt/ et seront féminin singulier, ce qui est novateur dans la langue (kached, ur c'hached est masculin singulier). La finale en -ette empruntée au français et le suffixe pluriel breton se comportent cependant différemment au niveau dérivationnel. Le suffixe nominal -ed /-ɛt/ breton subit un voisement s'il est suivi d'un autre suffixe débutant par une voisée (-edenn, -edoù). La finale nominale -ette des noms empruntés au français ne montrent pas ce voisement.


(1) Memes ma chosetoù a zo glip.
même mon2 chaussette.s R est mouillé
'Même mes chaussettes sont mouillées.'
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (10/2021)

bilinguisme et blocage d'emprunts

Le bilinguisme, au moins partiel, est une condition nécessaire à l'emprunt. Il peut aussi bloquer l'emprunt d'un terme qui a une réalisation identique ou proche à un élément existant déjà dans la langue d'accueil.

Le français cachet /kaʃɛ/ dérive du radical de cacher dans le sens de 'presser' (CNRTL). Ce nom a été emprunté de longue date et a obtenu le nom breton kached /kaʃɛt/ 'cachet' (1633, Nom.), ce qui constitue une barrière durable pour l'emprunt du français cachette /kaʃɛt/, et protège le nom breton kuzhiadenn 'cachette' d'une concurrence lexicale par source d'emprunt.

Pour le locuteur de la phrase en (2), le nom breton sol 'poutre' bloquerait l'emprunt du nom français sol : l'un et l'autre se prononçant pareil, l'emprunt serait confus. Cependant, dans une situation de déstabilisation linguistique où les locuteurs ne sont plus certains des compétences linguistiques de leurs interlocuteurs en breton, l'emprunt gagne en plausibilité. La possibilité de l'emprunt dépend ici directement de la confiance linguistique que le locuteur a en son interlocuteur.


(2) [ˈeɔ᷉ ʁɑ᷉ mp va gwæʁ ɐ zoːl]
a oa ramp war gorre ar sol.
lui R1 était califourchon sur dessus le poutre
'Il était à cheval sur la poutre.'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:324)


Les locuteurs ont tendance à éviter les mots de leur breton qui pourraient être interprétés par d'autres comme découlant d'un emprunt. Ce mouvement d'évitement se nourrit lui-même, car moins le mot breton est utilisé, plus le nom sol sera plausiblement interprété comme un emprunt. Des locuteurs au vocabulaire breton assez large, s'ils sont peu surs du vocabulaire de leurs interlocuteurs, peuvent éradiquer de leur vocabulaire tout élément breton pouvant éventuellement ressembler à des emprunts du français.

les emprunts divergents nourrissent la dialectalisation

Comme toute évolution qui n'est pas partagée par l'ensemble des dialectes, les emprunts peuvent être une source d'approfondissement des différences dialectales.


emprunts aux destins différents

L'emprunt d'un même élément de façon différente dans deux variétés amène des incompréhensions. La bretonnisation des emprunts fait aussi que des mots clairement différents dans la langue source peuvent être confondus dans la langue d'accueil.

L'expression française jeter un sort est reproduite en breton léonard avec le verbe breton teuler 'jeter' prenant pour objet l'emprunt nominal ur sort qui est bretonnisé par la prononciation du /t/ final. Or, un autre nom français correspond à cette prononciation /sɔrt/, c'est sorte (de la sorte, une sorte de souris, etc.). Ce nom français sorte a été indépendamment emprunté en vannetais, où le groupe nominal ur seurt signifie 'de la même sorte, le même', avec un usage maintenant répandu de particule de discours de type 'quand même'. En (3), il s'agit de l'emprunt léonard au français un sort. Plausiblement, un locuteur vannetais y reconnait la particule argumentative ur seurt 'même' et interprète le verbe teuler comme intransitif, ce qui l'amène par ellipse conventionnalisée de l'objet au sens de 'vomir' ('Certains avaient quand même la réputation de vomir. Donc on avait peur d'eux').


(3) Lod o-doa ar brud da deuler eur sort. Setu ma veze aon araozo.
certains 3PL avait le réputation de1 jeter un sort voici que4 était peur devant.eux
'Certains avaient la réputation de jeter des sorts. Donc on avait peur d'eux.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:26)


emprunts fortuitement ressemblants

Le KLT utilise le nom sukr 'sucre', emprunté au français. Le gallo a le nom suc 'sucre', qui a été emprunté par son voisin haut-vannetais et y a donné suñk (Delanoy 2010). Le breton sukr et le breton suñk se ressemblent fortuitement car ils n'ont pas été empruntés aux mêmes langues (même si les deux langues sources sont deux langues romanes proches).

Dater des emprunts

dater des emprunts par la phonologie

On a vu qu'un mot emprunté suit les règles de la langue qui l'adopte. Cela implique deux choses pour les emprunts.

1. Lorsque les sons de la langue d'emprunt A changent, les mots empruntés dans cette langue A par une autre langue B cessent de suivre l'évolution phonologique de A.
2. Lorsque les sons de la langue d'accueil B changent, les mots empruntés de le langue A par cette langue B subiront les changements phonologiques caractéristiques de B à date de leur entrée dans la langue B.

Cela signifie que dès qu'on sait dater les évolutions phonologiques d'une langue donnée, que ce soit dans la langue d'emprunt A ou dans la langue d'accueil B, on peut regarder si un mot emprunté en a été affecté, et ainsi en déduire la date où le mot a été emprunté. Les ouvrages de linguistique historique qui renseignent sur les datations des évolutions dans le domaine roman sont indispensables à cette étude (entre autres, pour une première approche, Alkire & Rosen 2010, CNRTL). Ci-dessous sont détaillés quelques exemples connus.


la chute du /s-/ en dialectes d'oïl

Considérons les noms bretons empruntés au roman qui montrent un /s-/ en coda devant une consonne. Leur équivalent en français moderne n'en a pas, et la présence ancienne du /s-/ n'y est plus signalée que par un accent circonflexe. Ces emprunts datent d'avant la chute du /s-/ en coda devant /k, t, p/, estimée au XI° dans la phonétique historique du roman, et plus précisément dans la phonétique historique des dialectes d'oïl.



Les noms anglais empruntés hospital 'hôpital', hostage 'otage', castle 'château' indiquent qu'à l'époque de la conquête de l'île par Guillaume le Conquérant à la moitié du XI°, le /s-/ se prononçait encore en normand puisqu'il a pu irriguer le dialecte insulaire de l'ancien français qu'est l'anglo-normand, puis, par contact, le moyen anglais. Plus on saura cerner précisément la date de la chute du /s-/ dans l'histoire phonologique des dialectes romans d'oïl, et plus précisément on saura avant quelle date l'emprunt des noms en /s-/ a eu lieu dans la langue bretonne. On peut guetter dans les traces écrites la date de la chute du /s-/.


(1) attestation avec /s-/ attestation sans /s-/
hostellerie, en déclaration royale en 1498
ostelrie, Catholicon en 1499 hôtellerie en français moderne
en ostage, vers 1100 (CNRTL) otage en français moderne
ospital, vers 1170 'établissement charitable' (CNRTL) hôpital en français moderne
ustilz, début du XII°, 'équipement, objets nécessaires en voyage' outil en français moderne
estate n.m., 'manière d'être à un moment donné' en 1213 (CNRTL) état civil en 1756


La méthode est simple, mais est pondérée par de multiples facteurs complexes.

  • Il faut aussi considérer les diversités de l'environnement phonologique du /s-/, qui a pu tomber à des périodes différentes selon la qualité de la voyelle avant lui ou de la consonne après lui.
  • Il faut prendre en compte le conservatisme de la graphie, car l'écriture conserve longtemps des formes qui ne sont plus prononcées. C'est d'autant plus vrai dans les textes à valeur juridique.
  • Il faut se méfier de la dialectisation des langues romanes, et donc de la distance potentielle entre les parlers romans en Bretagne, qui sont précisément la source d'un emprunt en breton, et les sources romanes écrites qui proviennent d'autres dialectes de moyen français. L'argument de la datation des emprunts effectués par les mots empruntés en /s-/ de l'anglais est par exemple relatif à la prononciation normande, puis anglo-normande du XI°.
  • Il faut se méfier des accidents de ressemblance, car les langues germaniques comme l'anglais, les langues celtiques et romanes proviennent de toute façon toutes d'une même source indo-européenne. Le nom anglais wasp 'guêpe' n'est pas un emprunt au roman (latin vespa, ancien français wespes), mais le résultat d'une métathèse sur le descendant du proto-germanique * wapsō, continué dans le vieil anglais wæsp, wæps qui antédate l'anglo-normand et ne nous apprend rien sur la chute du /s-/ en roman.
  • Il faut se méfier des mots en /s-/ tardifs. Le français crée régulièrement de nouvelles formes à partir de racines archaïsantes ou latines.
  • Certains emprunts arrivent dans une langue après une révolution phonologique, et mettent plus de temps à s'adapter au système. Prenons le français moderne guêtres. Il est d'origine germanique. C'est un emprunt à l'ancien bas francique * wrist 'cou-de-pied', qui arrive dans le domaine roman avec sa coda en /st/. Selon nos sources écrites forcément partielles, ce nom apparaît bisyllabique dans le domaine roman avec le nom ancien français guestes en 1426, c'est-à-dire après l'époque de la chute du /s-/. Il est documenté sans son /s-/ graphique dans guietres en 1432, mais encore avec le /s-/ un siècle plus tard dans l'adjectif guestré 'chaussé de guêtres' en 1549, puis sans le /s-/ dans guêtrer 'chausser des guêtres' en 1721 (CNRTL). Le breton et l'anglais ont plausiblement emprunté ce mot au domaine roman, puisque le /s-/ est absent du breton moderne getroù, getreier 'guêtres' (Menard & Bihan 2016-) comme de l'anglais gaiters 'guêtres'. En 1633, le Nomenclator traduit le roman guestre par le breton guiettrou.

quelques autres exemples connus

Les noms germaniques dénotant le 'cuir' (cf. l'anglais leather) sont des emprunts préhistoriques d'origine celtique (Loth 1894:170, Matasović 2009:fletro-). On l'a deviné car les langues indo-européennes ont une racine en /p/ pour ce mot, or le /p/ est une consonne initiale que l'évolution historique des langues celtiques a fait tomber (cf. la diachronie du nom ler 'cuir'), or, les langues germaniques depuis le proto-germanique utilisent une racine sans /p/, révélant donc la trace d'une origine celtique.

Vallérie (1989:130) donne des exemples d'études de datation des emprunts au français dans le breton. Le terme goaranta (gwarantañ 'garantir') a été emprunté au français avant que celui-ci ne transforme /gwa/ en /ga/. Le terme galoupat a été emprunté après cette évolution. Le nom français /fwer/, 'foire', a été emprunté en KLT avec d'abord une assimilation de /we/ en /oe/, puis une évolution de /oe/ en /oa/, donnant les formes actuelles /foar/, /fwar/ du KLT. Le nom mouchoir a été emprunté après l'évolution de /oe/ en /oa/, obtenant la forme actuelle /muʃuer/.

Cette méthode est très utile pour cerner la date d'emprunt des noms de lieux, et comprendre donc les différentes formes qui existent pour un même nom de lieu. Le français a par exemple commencé au XI° siècle à vocaliser le /l/ devant consonne. C'est ce qui a créé entre autres en français les pluriels irréguliers en -aux, car /ʃɘvals/ 'chevals' a donné /ʃɘvo/'chevaux'. Quand on considère la forme française Auray /orɛ/ et la forme bretonne correspondante Alre /alre/, on voit que la langue française avait emprunté la forme Alre avant le XI° siècle, autrement on n'aurait pas maintenant de voyelle /o/.

dater des emprunts par la morphologie

Le nom collectif chalotez 'échalotes' est attesté en breton depuis 1633. C'est un emprunt au moyen français eschalote (Deshayes 2003). Il est facile de dater cet emprunt car on peut par ailleurs dater l'apparition sur le nom français du suffixe en -ote (1514). Le latin cæpa Ascalonia dénotait un '(oignon de) Ascalon', Ashkelon étant une ville en Israël. Il est continué par l'ancien français échalogne fin XI°, escaluigne vers 1140, * eschaloines au XIV° (CNRTL). Le suffixe -ote n'est apparu sur le moyen français eschalote qu'au début du XVI° (1514). L'emprunt breton est postérieur à cette suffixation en -ote, comme l'est l'emprunt anglais shallot 'petit oignon' dès 1660 (Etymonline).


dater des emprunts par la sémantique lexicale

Il est possible de dater un emprunt selon sa sémantique lexicale comparée à la langue source.

En moyen français précoce, le verbe entendre dans le sens de 'comprendre' est attesté depuis la Chanson de Roland (vers 1100). Ce verbe a perdu ce sens en français moderne, où on ne trouve plus que le nom entendement '(faculté de) compréhension'. En breton, une forme adjectivale garde la trace d'un emprunt ancien au français: eur spered dientent (Riou 1941:28) 'un esprit bouché, sans entendement', ce qui suggère un emprunt précoce.

L'hypothèse à succès que le français balai soit un emprunt au breton balan 'genêt, balai' parce que les Bretons d'Armorique étaient des fabricants de balais réputés au Moyen Âge (Dauzat 1939, Lambert 1995:187, Buanic & Buanic 2021:142), doit être rejetée car elle prédirait incorrectement que le domaine roman ne connaitrait balai que dans le sens de l'outil. Or le nom balai 'genêt' dénotant la plante sur pied est attesté en Berry, en Lyonnais, en Auvergne et dans le domaine méridional (ALF:carte 635, Brüch 1922, FEW I: 233).

l'hypothèse des emprunts aux enclaves romanes en Bretagne

En Basse-Bretagne, il existe des enclaves romanes qui n'ont pas connu d'interruption de pratique depuis le latin vulgaire. Ces enclaves ont plausiblement nourri les emprunts romans en breton. Fleuriot (1958:177) étudie les noms de famille et les toponymes et croit deviner pour le IX° des enclaves romanes à Quimper, la Feuillée, et surtout Vannes et sa zone côtière, et Morlaix avec la presqu'île de Taulé-Carantec au Nord-Ouest. Ces enclaves ont surement joué un rôle dans les emprunts français en breton.

Fleuriot (1958:177) essaie d'en trouver des exemples, et il postule des emprunts directs à l'enclave romane de la presqu'île de Taulé-Carantec au Nord-Ouest de Morlaix. Cette enclave est géographiquement prise en sandwich entre les dialectes bretons léonards et trégorrois. Les emprunts romans en léonards, en particulier, seraient dûs selon lui à cette source plutôt qu'à une contagion venue du bloc roman de Haute-Bretagne. Son hypothèse prédit la présence en léonard d'emprunts romans absents plus à l'Est et au Sud-Est. Il cite "labous, lapous alors que evn, eon 'oiseau' subsiste plus à l'est, — mintin alors que beure subsiste en Tréguier, — giz, mod, alors que boas subsiste en Cornouaille, — rivier remplaçant ster rejeté vers la Cornouaille et la région de Plouescat". Cependant, quand on consulte les cartes de l'ALBB, aucun des emprunts romans labous, lapous, mintin, giz, mod, ou rivier, n'a la distribution prédite. Les formes labous, lapous sont relevées dans tous les points des dialectes de l'Ouest (carte 191), ce qui expliquerait la présence de labous, lapous 'oiseau' en Léon et son absence en vannetais, mais pas sa présence en Cornouaille ou son absence en Trégor. Si le nom beure 'matin' apparaît effectivement en Trégor et Goëlo, la forme mintin apparaît partout ailleurs jusqu'à Guérande (carte 30). L'ALBB ne donne pas la répartition de giz, mod ou boaz, mais le composé pegiz 'comment' est restreint au cornouaillais de l'Est (carte 519). Le nom rivier apparaît certes en Léon, mais aussi sur toutes les zones côtières et le long de la frontière linguistique, et c'est son concurrent celtique stêr qui apparaît cantonné dans la zone centrale. L'hypothèse des enclaves romanes comme source de vocabulaire roman en breton n'est (pour l'instant) pas appuyée par des données empiriques.

Terminologie

Pennaod ou Vallérie (1989) utilisent pour 'emprunt' le terme breton amprest.

On trouve en gallois les mots benthyciad et benthycair et en anglais loanword et borrowing.

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