Différences entre les versions de « Eget »

De Arbres
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''Eget'' est parfois pris pour une préposition ([[Ledunois (2002)|Ledunois 2002]]:282). Elle peut effectivement servir de support à l'[[incorporation pronominale]] et former un paradigme, mais sa distribution est cependant restreinte au [[comparaison|comparatif de supériorité]].
== Morphologie ==
=== variation dialectale ===
A Ouessant et Molène au début du XX°, l'[[ALBB]] donne des formes avec la voyelle /i/ (''egidon'', ''igidon-me''). C'est la forme ''neget'' qui est récoltée à la fin du XX°.
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On y trouve aussi la forme ''eus a''.
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=== répartition dialectale ===
La variation dialectale de l'utilisation de ''eget'' pour la traduction de 'plus fort que moi' est documentée dans la carte [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-190.jpg 190] de l'[[ALBB]]. On y voit que la forme ''eget'', bien que valorisée en [[standard]], n'existait au début du XX° que dans la partie extrème-Ouest du Léon (Landeda et les îles de Ouessant et Molène). Partout ailleurs, c'est la préposition ''[[evit]]'' qui est utilisée dans le comparatif de supériorité.
On en trouve cependant des occurrences en corpus un peu partout.
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== Syntaxe ==
=== dans un comparatif d'égalité ===
[[Favereau (1997)|Favereau (1997]]:§200) considère que ''eget'' est réservé au [[comparatif de supériorité]], et ne s'emploie pas avec un [[comparatif d'égalité]]. Il note que que son usage se répand cependant en [[néo-breton]] et dans les médias, avec des formes de type [[*]]''Ken brav '''eget''' ar gêr''.
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Ce fait syntaxique marque un contraste entre les bretons traditionnels contemporains et le [[néo-breton]] ou le [[standard]]. En français comme dans les dialectes bretons traditionnels, le même complémenteur est utilisé dans les comparatifs d'égalité et de supériorité (''bravoc'h evit..., ken brav evit....''; ''plus beau que... aussi beau que...'').
L'usage de ''eget'' dans un comparatif d'égalité est relevé dans des états plus anciens de la langue, au moins en Cornouaille. Les deux exemples ci-dessous sont tirés de ''Stourm ann tregont, [La bataille des trente]''. La chanson relate des faits de 1350.
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Version du 16 novembre 2019 à 17:07

Eget est le complémenteur qui apparaît dans les comparatives de supériorité (en alternance dialectale avec evit).


(1) Kentoc'h e skuizh ar freilh eget al leur.
plutôt R4 fatigue le fléau que le aire
'Le fléau se fatigue plutôt que l'aire.'
Sauvé (1878:10), cité dans Menard (1995:157)


Eget est parfois pris pour une préposition (Ledunois 2002:282). Elle peut effectivement servir de support à l'incorporation pronominale et former un paradigme, mais sa distribution est cependant restreinte au comparatif de supériorité.


Morphologie

variation dialectale

A Ouessant et Molène au début du XX°, l'ALBB donne des formes avec la voyelle /i/ (egidon, igidon-me). C'est la forme neget qui est récoltée à la fin du XX°.


(2) ... an amzer fall a teu war om kein, muioh neged en douar-braz.
le temps mauvais R vient sur notre dos plus que dans.le terre-grand
'... le mauvais temps nous tombe dessus, plus que sur le continent.'
Ouessant, Gouedig (1982)


(3) ... hag a zo abriet muioh negedom-ni...
que R1 est abrité plus que.nous-nous
'... qui est plus abrité que nous...' Ouessant, Gouedig (1982)


On y trouve aussi la forme eus a.


(4) Molenez zo muioh en abri euz a Eusa.
Molène est plus dans abri de de Ouessant
'Molène est plus à l'abri que Ouessant.' Ouessant, Gouedig (1982)


répartition dialectale

La variation dialectale de l'utilisation de eget pour la traduction de 'plus fort que moi' est documentée dans la carte 190 de l'ALBB. On y voit que la forme eget, bien que valorisée en standard, n'existait au début du XX° que dans la partie extrème-Ouest du Léon (Landeda et les îles de Ouessant et Molène). Partout ailleurs, c'est la préposition evit qui est utilisée dans le comparatif de supériorité.

On en trouve cependant des occurrences en corpus un peu partout.


(4) ... gwelloh eged hounnez e kavo, poseve!
bien.plus que celle.là R4 trouvera je.souhaite
'J'espère bien qu'il trouvera mieux qu'elle!' Léon (Plouneour-Traezh?), Lagadeg (2006:49)


(5) Goest omp d'ober muioc'h a vad eget ne zonjomp.
capable sommes de1'faire plus de1 bien que ne1 pensons
'Nous sommes capables de faire plus de bien que nous (ne) le pensons.' Buhez ar Zent, p.236


(6) Respont a ran dezhoñ e karan gwell frankiz eget argant.
répondre R fais à.lui R4 aime mieux liberté que argent
'Je lui réponds que je préfère la liberté à l'argent.' Vannetais, Herrieu (1994:288)


Syntaxe

dans un comparatif d'égalité

Favereau (1997:§200) considère que eget est réservé au comparatif de supériorité, et ne s'emploie pas avec un comparatif d'égalité. Il note que que son usage se répand cependant en néo-breton et dans les médias, avec des formes de type *Ken brav eget ar gêr.


(1) memes priz (gant / hag / *evel/ *eget) ar fuel
même prix que le fuel
'(de) même prix que le fuel.' adapté de Favereau (1997:§200)


Ce fait syntaxique marque un contraste entre les bretons traditionnels contemporains et le néo-breton ou le standard. En français comme dans les dialectes bretons traditionnels, le même complémenteur est utilisé dans les comparatifs d'égalité et de supériorité (bravoc'h evit..., ken brav evit....; plus beau que... aussi beau que...).

L'usage de eget dans un comparatif d'égalité est relevé dans des états plus anciens de la langue, au moins en Cornouaille. Les deux exemples ci-dessous sont tirés de Stourm ann tregont, [La bataille des trente]. La chanson relate des faits de 1350.


(2) ken didammet ann harnez eget pillennou ar paourkez
tant .morceau.é le armure que haillons le pauvre
'aussi délabrées étaient les armures que les haillons du mendiant.' Cornouaillais, La Villemarqué (1839:chant XXVI


(3) ker rust eget mouez ar mor braz.
tant sauvage que voix le mer grand
'aussi sauvages que la voix de la grande mer.' Cornouaillais, La Villemarqué (1839:chant XXVI