Différences entre les versions de « Ebet »

De Arbres
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Dans une variété A (probablement la plus archaïque), ''ebet'' n'est pas à proprement parler un [[Mots négatifs|mot négatif]]. Il était initialement utilisé uniquement pour un effet d'emphase.  
Dans une variété A (probablement la plus archaïque), ''ebet'' n'est pas à proprement parler un [[Mots négatifs|mot négatif]]. Il était initialement utilisé uniquement pour un effet d'emphase.  


Jules Gros orthographie parfois cet élément d'emphase ''ar béd'', parfois ''ebet'':
La carte [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-424.jpg 424] de l'[[ALBB]] documente la variation dialectale des traductions de ''nulle part''. On trouve ''lec'h er bed'' à Belle-Île-en-mer. Jules Gros orthographie parfois cet élément d'emphase ''ar béd'', parfois ''ebet''.





Version du 5 décembre 2019 à 18:46

Ebet 'aucun, du tout' est associé à la négation. C'est un item de polarité négative en passe de devenir dans la langue un quantifieur négatif capable d'apporter seul un sens négatif comme en (1).


(1) … hag ano ebed da ober eur housk da greisteiz evel ar wazed. Léon (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:45)
et nom aucun de1 faire un 1sommeil à1 midi comme le 1hommes
'… et pas question de faire un somme à midi comme les hommes.'


Morphologie

accentuation

Ebet est accentué sur la dernière syllabe (Kervella 1947:48.I,II). Dans certains dialectes, seule cette syllabe reste:

  • vêl dén bét
evel den ebet, 'comme personne', Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:40)


intensification

Dans la forme netra ebet kaer, kaer intensifie ebet.


(2) bégur reent ket nintra e-bet kaer da zibi nè. Cornouaille (Saint-Yvi), German (2007:177)
puisque 3PL (ne1) faisaient pas rien aucun beau à1 manger P.eux
'Puisqu'ils n'avaient absolument rien fait à manger.'


variation dialectale

'bet, erbet

Les différentes prononciations de ebet sont toujours accentuées sur sa seconde syllabe (cf. carte 322 de l'ALBB).


(2) N'es bliavenn bi mi var e benn.
ne1'est cheveux.1 aucun plus sur1 son1 tête
'Il n'y a plus un cheveu sur sa tête.' Sein, Fagon & Riou (2015:'bliavenn')


(3) Bugel 'bet neus gwelet ar vaouez.
enfant aucun a vu le 1femme
'Aucun enfant n'a vu la femme.' Léon (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


(4) Hini 'bet deus ar vugale neus gwelet ar vaouez.
N aucun de le 1enfants a vu le 1femme
'Aucun des enfants n’a vu la femme.' Léon (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


On trouve en vannetais la forme erbet, plus proche de l'étymologie er bed 'au monde'.


(5) Bremañ ne glever trouz erbet...
maintenant ne1 entend.IMP bruit aucun
'Maintenant on n'entend aucun bruit...' Vannetais, Herrieu (1994:90)


(6) Holl an dud a labour ha ne weler den paour erbet er vourc'h.
tout le 1gens R1 travaille et ne1 voit.IMP personne pauvre aucun dans.le 1bourg
'Tout le monde travaille et on ne voit aucun pauvre dans le bourg.'
Vannetais, Herrieu (1994:111)

répartition dialectale

La carte 322 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction du français 'Je n'en ai vu aucun de mes amis'. On y voit ebet apparaître sur une vaste aire centrale, délaissant le bas-Léon, La basse-Cornouaille et le haut-Vannetais. Les stratégies alternatives utilisent les noms nus sans ebet, ou le mot négatif nikun.


Distribution

à l'intérieur du groupe nominal

Ebet a une distribution fixe à l'intérieur du syntagme nominal: il apparaît après le nom nu qu'il modifie: [ N ebet ].


nom comptable singulier

Ebet ne peut modifier qu'un nom comptable singulier (den ebet, mais pas * tud ebet, Kerrain 2001).

Frouezh 'fruits', n'est pas un nom comptable mais un nom collectif et donc pluriel. Ce mot ne peut être modifié par ebet que si une opération lexicale ou morphologique le transforme en nom comptable, avec un nom comme tamm, 'morceau', ou un suffixe singulatif comme -enn.


(1) N'eus (tamm)* frouezh ebet ken.
ne y.a morceau fruits aucun plus
'Il n'y a plus de fruits.' Standard, Kervella (1947:48.I,II)


(2) hep dibri frouezen ebet ken ar rest eus e vue.
sans manger fruit.SG aucun plus le reste de son1 vie
'... sans manger de fruits (pour) le reste de sa vie.' Léon, Perrot (1912:845)


modification du nom nu

Le nom nu peut être modifié.


(3) heb lavared [ ger gaou ebet]
sans dire mot mensonge
'sans mentir' Trégorrois, Gros (1984:14)


(4) N'eus [ tra all ebet ] da ober.
ne' y.a chose autre à1 faire
'Il n'y a rien d'autre à faire.' Sud Cornouaille, An Orignal, p.30.


(5) N'eus [DP kanenn e gwenedeg moulet war follenn-distag ebet ] e listenn Ollivier.
ne1'y.a chanson en vannetais imprimé sur feuille-détachée aucune sur liste Ollivier
'Il n'y a aucune chanson en vannetais imprimée sur feuille volante dans la liste d'Ollivier.'
Vannetais standardisé, Guillevic (1998)


ensemble de quantification

L'ensemble sur lequel quantifie N ebet apparaît après la préposition diouzh ou sa variante dialectale la préposition générique deus.


(6) Teir blac'h e oant, merc'hed ar Boujant, oa hini ebet dimeet deusonte...
trois1 fille R étaient filles le Bougeant était N aucun marié de.eux
'Elles étaient trois filles, les filles Bougeant, aucune n'était mariée...'
...et elles vivaient là et faisaient des sabots pendant la journée. Jules Gros, Giraudon (2014:15)


ebet all - all ebet

(1) Ha den ebet all ne wele ket anezhi.
et homme aucun autre ne1 voyait pas P.elle
'Et personne d'autre ne la voyait.'
Coray, transcription de l'enregistrement de Pêr Bras en 1977 par Mona Bouzeg


(2) e nep maner all ebet !...
dans quelque manoir autre 'ebet'
'dans tout autre manoir' Léon, Milin (1924)


dans la phrase

Ebet apparaît communément dans des syntagmes nominaux à fonction objet.


dans les sujets

Hendrick (1990:155) considère que les syntagmes avec ebet sont agrammaticaux dans des syntagmes à fonction sujet.


(3) * Ne gar den ebet Mona.
ne1 aime personne aucun Mona
'Personne n'aime Mona.' Standard, Hendrick (1990:155)


Cependant, on trouve de tels exemples avec des sujets préverbaux comme postverbaux.


(4) Ha den ebet all ne wele ket anezhi.
et homme aucun autre ne1 voyait pas P.elle
'Et personne d'autre ne la voyait.'
Coray, transcription de l'enregistrement de Pêr Bras en 1977 par Mona Bouzeg


(5) Amañ n'eus ket kap den ebet da gaoud mann.
ici ne’est pas capable personne aucun de1 avoir zéro
'Ici personne ne peut rien avoir.' Trégorrois, Gros (1989:'abil')


dans les adjoints

Ebet apparaît aussi communément dans des adjoints.


(6) Ne fellas ket gantan, evit priz ebet, kemer ar garg-ze.
ne plut pas à.lui pour prix 'ebet' prendre le 1charge-ci
'Il ne voulut à aucun prix prendre cette charge.' Léon, Perrot (1912:659)


un indéfini

Lorsque le groupe nominal en ebet est en position sujet, il force la forme eus du verbe beza, 'être', ce qui est la marque d'un indéfini.


(7) Amañ n’eus ket kap den ebet da gaoud mann.
ici ne’est pas capable personne aucun de1 avoir zéro
'Ici personne ne peut rien avoir.' Trégorrois, Gros (1989:'abil')


(8) N’eus buhez ebet er paludoù-holen.
ne'y.a vie 'ebet' dans.le marais-sel
'Il n'y a pas de vie dans les marais salants.' Standard, Bremañ (223:14), 'ar paludou-holen'


présupposition et ordre des mots

Schapansky (1996:179,180) remarque que les sujets en ebet sont distribués différemment suivant qu'ils sont présupposés ou non. Les sujets présupposés sont préverbaux (3) alors que les sujets non présupposés apparaissent dans le champ postverbal, sous la portée de la négation.

Sémantique

concordance négative

Le breton est une langue à concordance négative. La marque de négation qui accompagne ebet ne crée donc pas de lecture sémantique de double négation.


(1) Pab ebet, abaoue amzer an Ebestel, ne c'houzanvas ar pez a c'houzanvas.
pape aucun, depuis temps le apôtres ne endura le ce.que R1 endura
'Aucun pape depuis les apôtres n'a enduré ce qu'il a enduré.'
('Il n'y a pas de pape tel qu'il a enduré...', vs. * 'Il n'y a pas de pape tel qu'il n'a pas enduré...') Perrot (1912:388)


ebet avec ou sans ket ?

Selon Chalm (2008:86), familier de Cap-Sizun mais prescriptif en standard, il ne faut pas utiliser ket, 'pas' avec ebet.

(2) Ar merc'hed n' o doa lodenn ebet en aod evit ar bezhin troc'h.
le femmes ne 3PL avait lot en.le grève pour le goémon coupe
'Les femmes n'avaient pas de lot pour le goémon de coupe.'
Léon, Mellouet & Pennec (2004:87)


Cependant, on trouve facilement ket avec ebet dans d'autres variétés. Kervella (1947:§234) note que lorsqu'un mot négatif (dont ebet) est utilisé, on se passe "la plupart du temps" de mettre ket.


(3) Ha den ebet all ne wele ket anezhi.
et homme aucun autre ne1 voyait pas P.elle
'Et personne d'autre ne la voyait.'
Coray, transcription de l'enregistrement de Pêr Bras en 1977 par Mona Bouzeg
(4) alians ebet ne gavé ket.
alliance aucun ne1 trouvait pas
'Il ne trouvait aucune alliance.' Vannetais, An Diberder (2000:95)

Item de polarité négative

lecture positive

Ebet n'est pas restreint aux contextes négatifs direct (contra Hendrick 2011:99–101, cité dans Willis 2013:277). Ebet est un item de polarité négative faible, ce qui implique qu'il existe des contextes positifs où ebet est autorisé. La lecture de ebet est alors positive, de type 'quiconque, la moindre personne, quelqu'un', 'nimporte qui'.


araok, 'avant'

En (5), comme il est usuel des items de polarité négative à travers les langues, l'adverbe a-raok, 'avant' autorise la présence de den ebet.


(5) Met a-raok tamall den ebet da laerezh ho tañvez-amann....
mais avant accuser homme aucun de1 voler votre3 matière-beurre
'Mais avant d'accuser quiconque de voler votre crème...' Cornouaille (Pleyben), Ar Gow (1999:19)


question

(6) M[e] na zoursian ket petra vo den ebed.
moi ne1 soucie pas quoi sera homme aucun
'Je ne m'occupe pas de ce que deviendra qui que ce soit.' Trégorrois, Gros (1984:198)


comparatives

(7) Me, pa zavan diouzh ar beure, a vez ken êzet ha den ebed.
moi quand1 lève de le matin R1 est tant ais.é que homme aucun
'Moi, quand je me lève le matin, je suis aussi dispos que quiconque.' Trégorrois, Gros (1984:198)


ebet pré-négation et reconstruction A-barre

Contrairement à ce qui est parfois noté, ebet ne doit pas absolument être c-commandé par la négation et peut apparaître en zone focale au-dessus d'elle (Jouitteau 2005:88).

Cela est vrai avec un sujet antéposé.


(8) Ha den ebet n’en doa bet gouiet eus pelec’h ‘oa hi debarket.
et personne ebet ne R.3SGM avait eu su de R était elle débarquée
'Et personne ne sut (n'a eu su) d'où elle était venue.'
Coray, transcription de l'enregistrement de Pêr Bras en 1977 par Mona Bouzeg


(9) Dén erbet ne helle ket kleuet er hlehier.
homme aucun ne pouvait pas entendre le 5cloches
'No one could hear the bells.' Vannetais, Schapansky (1996:178)
'Personne ne pouvait entendre les cloches.'


Cela est vrai aussi avec un objet antéposé à la négation.


(1) Hini ebet na gemerin _ .
N aucun ne1 prendrai objet
'Je n'en prendrai (absolument) aucun.' Trégorrois, Gros (1984:197)


La présence de la négation est un signe que le mouvement d'antéposition est un mouvement de type A-barre, dont la propsriété est de montrer des effets de reconstruction. Le syntagme en ebet est autorisé dans la structure dans sa position d'origine, avant mouvement.


Marqueur d'emphase ou quantifieur négatif

Les propriétés syntaxiques de ebet sont partagées par deux items ebet bien distincts.

Le premier (variété A) est un item de polarité négative marqueur d'emphase par extension de domaine (type 'au monde').
Le second (variété B) est un quantifieur négatif (type 'aucun' en français).


ebet variété A, er bed marqueur d'emphase

Dans une variété A (probablement la plus archaïque), ebet n'est pas à proprement parler un mot négatif. Il était initialement utilisé uniquement pour un effet d'emphase.

La carte 424 de l'ALBB documente la variation dialectale des traductions de nulle part. On trouve lec'h er bed à Belle-Île-en-mer. Jules Gros orthographie parfois cet élément d'emphase ar béd, parfois ebet.


(1) Peleh ar béd e-neus klenket ma binviou?
le monde R.3SGM-a rangé mon outils
'Où diable a-t-il rangé mes outils?' Trégorrois, Gros (1984:49)


(2) araog eisteiz ebed amañ.
avant huitène au.monde ici
'bien avant huit jours d'ici' Trégorrois, Gros (1984:198)


Ebet n'est ici pas intrinsèquement négatif. Sa signification littérale est 'dans le monde' (er bed, Hemon 2000:§102, Schapansky 1996). Il est similaire en cela au breton em buhez (3), au français 'du tout' dans rien du tout, ou à l'anglais at all dans nothing at all (netra ebet).


(3) Tanfoeltr glesker em buhez n'am boa tanvaet evel just!
feu.foudre grenouille dans.mon2 vie ne1'R.1SG avait goûté comme juste
'Je n'avais bien sur jamais mangé la moindre grenouille!' Trégorrois, Priel (1959)


sémantique

Dans cette variété A, la structure N'eus den amañ, (/ne y.a personne ici/ 'Il n'y personne ici') utilise une négation préverbale et un nom nu, den, et obtient le calcul sémantique de l'absence d'entité correspondant au prédicat. Sémantiquement, cette phrase est vraie si, dans le domaine défini par le contexte du locuteur (amañ, 'ici'), il n'existe aucune entité répondant aux caractéristiques d'une 'personne'. Ebet est alors utilisé pour produire un effet d'emphase sur cette phrase: en effet, comme l'absence d'une entité ne connait pas de gradation, la seule façon de construire une emphase est d'étendre le contexte de cette absence. C'est sémantiquement ce que fait le postnominal ebet, 'au monde'.

C'est ce ebet qui est utilisé dans (3) et est signalé clairement par Gros (1984:94) comme portant un effet d'emphase. On le retrouve en léonard en (4) dans un conte collecté par Gabriel Milin.


(3) O! n'eus ket pemp bloaz ebet c'hoaz.
exclamatif ne y.a pas 5 an ebet déjà
'Il n'y a pas du tout cinq ans depuis', > 'Ça ne fait pas cinq ans' Trégorrois, Gros (1984:94)


(4) Ra vezo ama e-lec'h hon ti taouarc'h-ni eur maner eus ar re gaera, ha loened ha traou ennan...

...ha, war e dro, kement hag a zo e nep maner all ebet !...
et sur son1 tour autant C R y.a dans quelque manoir autre 'ebet'
'Que soit ici, à la place de notre maison de tourbe à nous, un manoir des plus beaux,
avec bêtes et choses, et autour, autant de choses qu'il y en a dans tout autre manoir.'
Léon, Milin (1924)


distribution

Dans cette variété A de breton, on voit que ebet n'est pas restreint à la modification des noms nus (cf. pemp bloaz ebet, nep maner all ebet).

Son emploi négatif est restreint à la présence d'un autre élément négatif. C'est un item de polarité négative), mais il ne contribue pas lui-même activement à la construction de la négation.

diachronie et horizons comparatifs

Il existe d'autres langues qui emploient des éléments qui signifient 'au monde', 'en éternité', 'dans ma vie' (comme l'espagnol en mi vida) pour un effet emphatique dans des contextes négatifs, surtout par rapport à une notion de temps.

Néanmoins, il semble qu'il soit typologiquement extrêmement rare que des expressions qui dénotent des unités maximales sur une échelle deviennent des déterminants. Le seul cas recensé dans la littérature est ar bith en irlandais qui signifie 'au monde' et qui s'est stabilisé en item de polarité négative :


(a) Nior labhair focal ar bith.
ne dit il mot au monde
'Il n'a dit aucun mot.' Irlandais Haspelmath (1997:229)


Selon Willis (2013:287), toutes les langues celtiques ont un usage du nom pour 'monde' qui renforce ainsi les pronoms indéfinis et des quantifieurs négatifs. Leur grammaticalisation semble cependant s'être opérée indépendamment d'une langue à l'autre, comme si le matériel commun en vieux celtique avait une tendance induite à grammaticaliser ainsi.

intérêt théorique en diachronie

Le PP 'er-bet' a évolué en modificateur postnominal et (du moins dans une certaine variété) fonctionne actuellement comme un déterminant négatif. Ce type d'évolution est rarement attesté à travers les langues.

A travers les langues, les mots négatifs tendent à provenir d'éléments qui dénotent des unités minimales sur une échelle, ou bien une seule entité. C'est notamment le cas en français avec pas ou personne.

La grammaticalisation d'un déterminant négatif à partir d'un syntagme prépositionnel offre une configuration rare en synchronie.

ebet variété B

Dans une variété B de breton, (la plus récente), ebet est traduisible par 'aucun' en français. Trépos (2001:248) témoigne de cette évolution: il traduit ebet par 'du tout', 'au monde', mais signale qu'il "a pris le sens de aucun". Ce ebet contraste clairement avec celui du breton A (cf. Ça ne fait pas (*aucun) cinq ans). Il n'est pas restreint à un effet d'emphase particulier.

Dans cette variété, ebet n'a pas le double sens er bed, 'dans le monde', et il peut d'ailleurs apparaître à côté de cet intensifieur qui lui est indépendant.


(1) N'eus kazetenn ebet er bed a n'he-dije ket kôzeet diwar he fenn...
ne'y.a journal aucun au.le monde que ne'aurait pas parlé de son2 tête
'Il n'y a aucun journal au monde qui n'en ait pas parlé.' Léon, Miossec (1980:66)


Il est possible que les variétés A et B soient en concurrence à l'intérieur du système d'une seule langue en évolution (rapide), mais il est aussi possible que les variétés A et B soient des marqueurs de dialectes/idiolectes différents (breton A et breton B). Dans ce dernier cas, on doit envisager la possibilité que des locuteurs donnés puissent être bilingues dans ces deux variétés de breton...

La variété B est très logiquement favorisée par les francophones pour qui le breton est une langue seconde, et qui importent directement les paradigmes de 'aucun' en français. On relève même des formes émergentes chez les apprenant.e.s, formes par ailleurs agrammaticales, où le syntagme ebet est traité comme un mot négatif, apportant seul la négation.


(2) * Den ebet zo deuet (> N’eus deuet den ebet) faute d'apprenant.e.s, Kerrain (2001)
homme aucun est venu
'Personne n'est venu.'


Terminologie

Selon Trépos (2001:§315), ebet est un 'adjectif indéfini'. Seite & Stéphan (1957:85) le désignent sous le terme de 'indéfini de négation'.