Différences entre les versions de « Doubles pluriels »

De Arbres
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Le suffixe -où analysé comme un double pluriel par Stump et Anderson pourrait-il être analysé de façon différente?  
Le suffixe -où analysé comme un double pluriel par Stump et Anderson pourrait-il être analysé de façon différente?  


Une hypothèse à explorer est que le -où qui redouble morphologiquement le -où pluriel serait une marque hypocoristique ([http://en.wikipedia.org/wiki/Hypocoristic angl], [http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypocoristique fr].). Intuitivement, celà prédirait assez bien sont apparition avec le diminutif ''-ig''.
Une hypothèse à explorer est que le -où qui redouble morphologiquement le -où pluriel serait une marque hypocoristique ([http://en.wikipedia.org/wiki/Hypocoristic angl], [http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypocoristique fr].).


Trepos (1982:39): "le suffixe ''-ou'' semble être, dans certaines régions, un suffixe diminutif ou hypocoristique; dans le Léon, par exemple, les prénoms en ''-ou'' correspondent aux prénoms cornouaillais en ''-ig'': Fanchou, ou Saïtou, comme Fanchig, le petit François; Charlou comme Charlig, etc.; il est remarquable également que les noms de femmes que l'on relève dans les chartes et les actes du moyen âge sont très souvent en ''-ou''. (Cf. St-Yves, Hadou p.251; Adhou 263; Pleysou, mater Margilliae, 181 etc.). Peut-être faut-il voir, dans ce suffixe hypocoristique, ou féminin, et non dans le suffixe pluriel -ou, l'origine de nombreux anthroponymes bretons dérivés tels que: Jaffrezou de Jaffrès (Cf. Jaffrezig); Duigou, de Du, Duig; Guévelou, de Guével; Cozigou de Coz, Cozig, etc. Et c'est le même suffixe hypocoristique que contient le singulier ''blaizou'' "escargot". (ordinairement, dans la région où ce mot est utilisé, s.o. Corn ''blezenn'', coll. ''blez'') dans la formulette d'Audierne: ''blaizou, blaizou, tenn da gorn emezou'', etc. (R.C. V p.175)"
Trepos (1982:39)différencie nettement un suffixe -ou hypocoristique du suffixe -ou pluriel:  
"le suffixe ''-ou'' semble être, dans certaines régions, un suffixe diminutif ou hypocoristique; dans le Léon, par exemple, les prénoms en ''-ou'' correspondent aux prénoms cornouaillais en ''-ig'': Fanchou, ou Saïtou, comme Fanchig, le petit François; Charlou comme Charlig, etc.; il est remarquable également que les noms de femmes que l'on relève dans les chartes et les actes du moyen âge sont très souvent en ''-ou''. (Cf. St-Yves, Hadou p.251; Adhou 263; Pleysou, mater Margilliae, 181 etc.). Peut-être faut-il voir, dans ce suffixe hypocoristique, ou féminin, et non dans le suffixe pluriel -ou, l'origine de nombreux anthroponymes bretons dérivés tels que: Jaffrezou de Jaffrès (Cf. Jaffrezig); Duigou, de Du, Duig; Guévelou, de Guével; Cozigou de Coz, Cozig, etc. Et c'est le même suffixe hypocoristique que contient le singulier ''blaizou'' "escargot". (ordinairement, dans la région où ce mot est utilisé, s.o. Corn ''blezenn'', coll. ''blez'') dans la formulette d'Audierne: ''blaizou, blaizou, tenn da gorn emezou'', etc. (R.C. V p.175)"
 
Intuitivement, cela prédirait assez bien sont apparition avec le diminutif ''-ig''.


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==

Version du 16 juillet 2008 à 16:11

Doublage des marques de pluriel sur les noms

Présentation

Le doublage de la marque du pluriel peut être morphologiquement reduplicative (1), c'est à dire doubler exactement la même marque morphologique du pluriel. Le doublage peut aussi être morphologiquement hétérogène (2), (3). Le doublage peut être continu (3) ou discontinu (1) et (2).

pluriel discontinu reduplicatif brisé par un diminutif

sens racine au singulier pluriel simple pluriel double pluriel double discontinu
(1) a. ‘morceau’ tamm tamm-où * tamm-où-ig-où
b. ‘bateau’ bag bag-où * bag-où-ig-où
c. 'vin' gwin gwin-où * gwin-où-ig-où

Pluriel double continu (pluriel interne + -PL), Stump (1989 : 262):

sens racine au singulier pluriel simple interne pluriel double discontinu
(2) a. 'renard' louarn lern lerned
b. ‘chèvre’ gavr gevr gevred
c. 'fer' houarn hern hernioù
d. ‘pied’ troad treid treidoù

Pluriel double continu et discontinu,Stump (1989 : 265-6):

sens racine au singulier pluriel simple pluriel double pluriel double discontinu
(3) a. ‘fille’ merc’h merc’h-ed merc’h-ed-où merc’h-ed-ig-où
b. ‘animal’ loen loen-ed loen-ed-où loen-ed-ig-où
c. ‘ver’ preñv preñv-ed preñv-ed-où preñv-ed-ig-où
d. ‘cheval’ roñse roñs-ed roñs-ed-où roñs-ed-ig-où

Le doublage du pluriel peut aussi être uniquement syntaxique, sans que cela apparaisse dans la morphologie, comme en (4). Les noms collectifs sont ‘sémantiquement pluriels’ (Kervella 1947 :§337) mais ne portent pas de morphologie plurielle (Anderson 1986). Cependant, ils sont syntaxiquement pluriels et déclenchent l’accord verbal pluriel (Stump 1989 :264). C'est un autre cas de doublage d'une marque de pluriel sur une entité déjà plurielle.

Pluriel sur racine collective

sens collectif (PL) diminutif pluriel syntaxique double sens
(4) a. 'gens' tud tud-ig tud-ig- ‘petites gens’
b. 'bétail' chatal chatal-ig chatal-ig- ‘petits bovins’
c. 'abeille' gwenan gwenan-ig gwenan-ig- ‘petites abeilles’
d. ‘habit’ dilhad dilhad-ig dilhad-ig- ‘petits habits’

Intérêt théorique

Le paradigme de doublage des marques de pluriel sur les noms en breton est certainement le trait de la langue le plus connu par les linguistes non-brittophones. Les doubles pluriels en breton sont d’un intérêt théorique certain à la fois pour les champs de la morphologie, de la syntaxe, de la syntaxe comparative et de la sémantique.

Stump (1989, 1989-90) pose qu’ils sont non seulement un contre-exemple à la ‘elsewhere condition’ de Anderson (1986), mais encore qu’ils remettent en cause la séparation théorique entre dérivation et flexion morphologique.

Une approche fonctionnelle suppose que les marquage morphosyntaxique suit les besoins de l’interprétabilité. Cette hypothèse ne peut cependant pas prédire un doublage morphologique des marques de type [pluriel + X + pluriel] où les deux pluriels sont identiques. Les exemples en (2) et (3) montrent que la morphologie du pluriel s’adjoint à une base déjà spécifiée pour le pluriel (contra le ‘Elsewhere Principle’ de Anderson 1986) sans que ces marques du pluriel soient irrégulières, donc susceptibles d’être générées dans le lexique (contra l’hypothèse de la morphologie divisée de Perlmutter 1988).

Comme Stump (1989) le souligne, la motivation pour le double pluriel pourrait être élucidée s’il était attesté que les pluriels simples et doubles renvoient, dialectes après dialectes, structure après structure, à des différences sémantiques consistantes. Ces différences, ne sont actuellement pas documentées.

Une hypothèse à explorer: -où comme marque hypocoristique

Le suffixe -où analysé comme un double pluriel par Stump et Anderson pourrait-il être analysé de façon différente?

Une hypothèse à explorer est que le -où qui redouble morphologiquement le -où pluriel serait une marque hypocoristique (angl, fr.).

Trepos (1982:39)différencie nettement un suffixe -ou hypocoristique du suffixe -ou pluriel:

"le suffixe -ou semble être, dans certaines régions, un suffixe diminutif ou hypocoristique; dans le Léon, par exemple, les  prénoms en -ou correspondent aux prénoms cornouaillais en -ig: Fanchou, ou Saïtou, comme Fanchig, le petit François; Charlou comme Charlig, etc.; il est remarquable également que les noms de femmes que l'on relève dans les chartes et les actes du moyen âge sont très souvent en -ou. (Cf. St-Yves, Hadou p.251; Adhou 263; Pleysou, mater Margilliae, 181 etc.). Peut-être faut-il voir, dans ce suffixe hypocoristique, ou féminin, et non dans le suffixe pluriel -ou, l'origine de nombreux anthroponymes bretons dérivés tels que: Jaffrezou de Jaffrès (Cf. Jaffrezig); Duigou, de Du, Duig; Guévelou, de Guével; Cozigou de Coz, Cozig, etc. Et c'est le même suffixe hypocoristique que contient le singulier blaizou "escargot". (ordinairement, dans la région où ce mot est utilisé, s.o. Corn blezenn, coll. blez) dans la formulette d'Audierne: blaizou, blaizou, tenn da gorn emezou, etc. (R.C. V p.175)"

Intuitivement, cela prédirait assez bien sont apparition avec le diminutif -ig.

Bibliographie

Description générale du phénomène

Kervella 1947 :§337 Kervella, F. 1995 [1947].Yezhadur bras ar brezhoneg, 1947 edition Skridoù Breizh, La Baule ; 1995 edition Al Liamm.

Stephens, Janig, 1993. Breton, pp. 365-368, Ball & Fife, The Celtic Languages.

Ternes, E. 1992. The Breton language, pp. 371-452, MacAulay, The Celtic Languages, Donald Ed., Cambridge Engand, Cambridge University Press, 371-452.

Etudes théoriques

Acquaviva, P. 2008. Lexical plurals, A morphosemantic Approach, Oxford University Press. [summary]

Anderson, S. R. 1986. ‘Disjunctive Ordering in Disjunctive Morphology’, Natural Language and Linguistic Theory 4 :1-31.

Perlmutter, D. 1988. The Split Morphology Hypothesis: Evidence from Yiddish. dans Theoretical Morphology, eds. Michael Hammond and Michael Noonan, 79-99. San Diego: Academic Press, Inc.

Stump, G. 1989. ‘A Note on Breton Pluralization and the Elsewhere Principle’, Natural Language and Linguistic Theory 7 :261-273.

Stump G. 1989-90. ‘La morphologie bretonne et la frontière entre la flexion et la dérivation’, La Bretagne Linguistique 6 :185-237. CRBC UBO, Brest.

Descriptions de la variation dialectale

Pour le parler de Plougastell, Stump (1989-90 :215) signale des nuances de sens entre différentes étapes de la dérivation - sans les expliciter cependant.

Pour le dialecte trégorrois, il existe quelques notes dans Trépos (1957 :223, §261).

Favereau (1997 :46) signale une connotation péjorative attachée aux doubles pluriels en –ed-où.

Humphreys, H.L. 1995. Phonologie et morphosyntaxe du parler breton de Bothoa, Brest, Emglev Breizh.

Wmffre, I. 1998. Central Breton. [= Languages of the World Materials 152] Unterschleißheim: Lincom Europa.

Spécialistes référents pour cette fiche thématique de collectage

Paolo Acquaviva

Jenny Doetjes, U. Leiden (LUCL)

Camelia Constantinescu, U. Leiden (LUCL)

Kateřina Součková, U. Leiden (LUCL)

P. Cabredo-Hofherr UMR 7023